7e ANNÉE. N° 641.
DIMANCHE, 27 JUIN' 1817.
LIS IMiPElTl.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
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VIRES ACQUIR1T EDNDO.
ÏPBES, le 26 Juin.
Aucune parole ne peut exprimer jusqu'à quel
point les habitants des campagnes et de quel
ques petites villes poussent la crédulité la plus
niaise. La crise des céréales que nous subissons
encore en ce momentmalgré les belles appa
rences de la récolle et un approvisionnement
suffisant de grains pour la consommation, a
permis de faire une étude «approfondie de l'ex
quise simplicité, qui fait le for;d du caractère
campagnard. Les bruits les plus absurdes ont
été semés dans les communes pour expliquer la
cherté des subsistances. l'ar suite de leur igno
rance profonde, les idées les plus excentriques
étaient celles auxquelles nos paysans ajoutaient
foi de préférence. Parmi ces bonnes gens qui
n'avaient que le tort de croire trop légèrement,
s'en trouvaient d'autres qui inventaient les
contes les plus incroyables, non par bêtise,
mais par méchanceté pure.
C'est ainsi que les libéraux et les francs-
maçons sont la cause de la cherté des vivres. Ce
sont eux qui ont accaparé les grains pour les
laisser pourrir dans les caves, afin de faire mou
rir le peuple de faim. Ce thème a été commenté
dans les campagnes de toutes les façons, avant,
pendant et après les élections, pour échauffer
les esprits contre le libéralisme. Il est difficile
de croire que des hommes qui manient du fro
ment tous les jours qui savent quel prix il
se vend, aient pu croire un accaparement
exécuté sur une échelle assez large pour pou
voir affamer le pays. Puis combien de millions
ne faudrait-il pas pour une opération sembla
ble qui entraînerait la perle du capital, puisque
le froment germé dans les caves, est perdu pour
la consommation? Et cependant ce sont des
contes aussi absurdes qui ont été gravement
discutés et acceptés pour vrais dans nos villages
et par les fidèles croyants surtout, ils étaient
admis l'égal d'un article de la foi catholique.
Anjourd hui que les marchés ne sont plus
fournis, que le fermier ne vend plus son grain,
dans l'espoir de voir encore augmenter les prix,
on a dû modifier l'accusation portée contre les
Libéraux pour expliquer les cohvois de céréales
qui arrivent Ypres, par les soins de l'autorité
communale. Ce sont actuellement les clubisles
et les francs-maçons qui mettent en vente le
grain qu'ils ont conservé, parce qu'ils ont rem-
Fcuillcton.
porté la victoire aux dernières élections. La
calomnie va tsûjours son train et Bazile ne
dort jamais. Cependant il est connu de tous,
que les achats de grains qui aujourd hui sont
fournis la consommation de la ville, ont été
opérés Anvers et se composent uniquement
de froment étranger facile distinguer du fro
ment de notre pays. Mais pourquoi vouloir
éclairer les gens? Il est impossible de faire com
prendre raison des paysans ombrageux et
méfiants, du moment que la sainte calom*ie
leur a inspiré des idées malveillantes contre les
adversaires de la sainte'cause que vous savez
Il parait d'après des renseignements que nous
avons reçus et auxquels nous devons ajouter
foi, que M. Van Renynghe, l'élu de l'arrondis
sement d'Ypres, a fait, dans un lieu public, une
profession de foi qui étonnera ses plus chauds
partisans. Entre autres faits qu'on nous a cités,
il aurait déclaré qu'il n'avait contracté aucun
engagement, ni vis-à-vis des libéraux, ce que
nous croyons sans peine, ni l'égard du parti
dit catholique, ce dont nous doutons fort. 11 a
ajouté que si un ministère Rogier venait au
pouvoir, il est tout disposé le soutenir de
son vole.
Nous donnons les détails de celle conversa
tion pour authentiques, et nous y voyons un
effet de la victoire, remportée par le libéra
lisme aux dernières élections. Si M. Van
Renynghe persiste dans ces sentiments, quoique
battue ici, l'opinion libérale comptera une voix
de plus la chambre, celle d'un député qui
certes n'a pas été nommé pour y jouer un pareil
rôle.
- n
REPRÉSENTATION
DONNÉE AU BÉNÉFICE DES PAUVRES DE LA VILLE,
par les sous-officiers
d'artillerie et du 5e régiment de ligne.
Jeudi dernier, une jolie fête scénique a été
donnée Ypres, et disons-le de suite, elle avait
attiré beaucoup de monde. La représentation
au bénéfice des pauvres a été une bonne œuvre
et en même temps une soirée agréable offerte
la bourgeoisie de la ville par MM. les sous-offi
ciers d'artillerie et du 5a régiment de ligne. Le
corps des Sapeurs-Pompiers y est intervenu
pour sa part, en ajoutant un cfoncerlàla repré
sentation. La musique de ce corps a exécuté
quelques ouvertures qui sont indispensables
pour ainsi dire, des soirées de ce genre. Quel
ques chansonnettes ont été chantées avec beau
coup de verve et d'entrain par MM. Félix
Manheimer et Lambertqui s'est en outre ac
quitté de ses rôles avec beaucoup d'aplomb et
d'aisance. Les trois pièces ont été données avec
beaucoup d'ensemble et de vérité scénique.
Presque tous les acteurs ont fait preuve d'une
grande facilité »t de beaucoup d'aplomb.
En somme, personne, pensons-nous, n'a re
gretté sa soirée et les indigents n'auront pas
se plaindre, car pour une carte de première,
cotée 2 francs, on recevait quatre cartes de
pains de 30centimes chacun. Restait donc sim
plement <50 centimes par personne, poftr les
frais, et l'on a été obligé de faire une quête
dans la salle pour faire en sorte que ceux qui
ODt bien voulu consacrer leurs talents et leurs
soins monter celte représentation ne fussent
constitués^» perte et obligés de supporter une
partie des frais.
On nous écrit de Poperinghe, le 23 juin
La mort de M. Emmanuel Danneel a laissé
la société de S'-Sébastien sans chef-homme.
Par égard pour la mémoire de ce citoyen gé
néralement regretté, on avait différé de procé
der une nomination nouvelle.On y est revenu,
il y a quelques jours, et M. Liévin Danneel,
neveu du défunt, lui a été donné pour suc
cesseur.
Jusque là, il faut en convenir, ce titulaire
n'avait pas de chances d'être nommé, parce que
les membres étaient d avis de ne choisir qu'un
des leurs, qui, par sa présence aux exercicesdu
tir et une administration active, pût contribuer
au bien être de la société. Cependant l'opinion
indépendante que l'honorable M. Liévin Dan
neel a manifestée hautement aux élections du
15 juin, a fait revenir tous les membres de leur
pensée première. Ils ont cru qu'ils ne pouvaient
mieux récompenser leur concitoyen qu'en lui
déférant l'unanimité, le titre de chef-homme
d'une'société qui compte parmi ses membres,
tout ce que la ville a de plus distingué.
Ce choix d ailleurs a été d'autant m.eux ac
cueilli que le nouveau chef-homme a mis sou
acceptation les conditions les plus satisfaisan
tes. II a déclaré qu'il désirait que la société
supprimât de concert avec lui, les amendes in
troduites par de modernes règlements, dispo
sitions qui n'étant pas approuvées par une
fraction des membres occasionnaient un fà-
{Suite.)
X. UN SIMPLE HASARD.
L'avant-veille du jour fixé pour son mariage, Raoul se rendit un
moment plus tôt que de coutume l'hôtel «le Nauleuil, où il devait
dîuer ainsi que la comtesse et Philippe. Il n'y avait encore personne
au salon, et quand le valet de chambre qui l'avait introduit se fut
retiré, Raoul, perdant subitement la contenance qu'il s'était fait en
entrant, se mit marcher de long en large, la téte baissée, l'air
morne et accablé.
Un demi-jour régnait dans le salon, et le soleil couchant dardait
travers les rideaux de lampas un rayon pourpre, qui glissant obli
quement sur le portrait de M,,e «le Nanteuil, suspendu en face de
la norie, donnait cette peinture des tons frais et vivanfe. Margue
rite le front calme, souriant et retmrnl d'une main lechape
de dentelle qui flottait autour de sa taille aérienne, «semblait se
pencher hors du cadre, avec un mouvement timide. Raoul considéra
un moment cette gracieuse figure avec une expression amère, dou
loureuse puis, comme pour se distraire d'uue pensée pénible,
importune, il alla vers la fenêtre, ouvrit vivement le rideau et
ri'gatda dehors. Mais, par un souvenir involontaire, ses yeux, au
lieu de s'arrêter sur les fleurs et les gais ombrages du jardin,
cherchèrent au loiu sur les toits grisâtres une étroite lucarne percée
dans les combles un lambeau de rideau vert flottait encore devant
le châssis entrouvert et voltigeait, poussé par le veut sur l'ardoise
luisante, A cette vue Raoul se retira vivement de la fenêtre et
demeura immobile devant la table ronde qui était au milieu du
salou. En même temps ses yeux se portèrent machinalement sur
une pile de papiers imprimés, posés sur la table; c'étaient des lettres
de faire part, dressées selon la formule ordiuaire M. de Nanteui!,
etc., a 1 honneur de vous faire part du mariage de sa fille, Mlle
Marguerite de Nanteuil, avec M. d'Agleville, etc., etc.
Raoul pâlit, et par un mouvement machinal, saisissant une de
ces lettres, il la froissa violemment avec un geste de douloureuse
rage. Au iméme instant, il entendit un bruit léger derrière lui et,
se retournant, il vit Marguerite debout la porte du salou d'étude,
le regard fixe, le front pâle et les lèvres tremblantes. Raoul comprit
que tandis qu'il se croyait seul, elle était là, et quelle avait tout vu.
Un sentiment inexprimable de regret et de confusion le retint une
minute immobile puis comprenant qu un mensonge serait odieux;
inutile, et qu'il «levait M11" de Nauteuil de lui avouer loyalement
la vérité, il lui dit d'une voix entrecoupée
Vous venez de comprendre mademoiselle, ce que j'aurais
toujours voulu cacher!... llélas! ne m'accusez ni de mensonge, ni de
fausseté; plaignez moi plutôt...Une explication est devenue néces
saire; je sois prêt vous la donner, si vo«is daignez m entendre...
Avant tout, monsieur, répondit Maiguerite d'une voix brève
et étouffée, je dois vous expliquer comment j'ai involontairement
surpris vos secrets. A votre arrivée, seule dans le salon d etude, je
j'ai pus osé entrer ici, je suis restée là pour attendre u»a mère, et
travers celte glace, je vous ai vu«" ka Providence veillait sur nous
eu ce moment
A ce mot, qui lui faisait pressentir uue rupture, Raoul sentit son
cœur soulagé d'un poids énorme, et il leva sut Marguerite un regard
où se peignait la plus cruelle reconnaissance.
Monsieur, reprit la jeune fille aveo une fermeté mêlée de dou
ceur, on va veuir dans un instant, nous ne serons pas seuls ici je
sens cependant que sans délai, sans témoins, il faut entre vous et
moi une explication.. ïîi vous le voulez, passons un moment dans ce
salou, où l'on nous verra sans pouvoir nous entendre la position où
vous êtes encore, pour tout le monde, vis-à-vis de moi, me permet
je crois, de vous accorder cet entretien secret.
A ces mots, elle passa la première dans le salon d'étude, où Raoul
la suivit.
Ml,e de Nanteuil s'assit de manière être vue de tous ceux qui
entraient dans le grand salon, et faisant signe Raoul de prendre
un siège, elle lui dit, eu inclinant la tête et en croisant les mains
sur ses geuoux avec un geste de calme attention
Je vous écoule, mousieur.
Il se recueillit un moment; puis il lui avoua l'entière vérité, ses
douleurs, ses combats, ses résolutions, sou amour insensé. Cuoiiiiq
tous ceux que doiniue une passion violeule, exclusive, il analyse
avec une sorte de complaisance ses impressions, il s'abandouua a la.
satisfaction «l'épancher pour ainsi dire le trop plein de son âme, et il
mit dans l'expression de ses seuliments une impitoyable honue foi,
une atroce franchise. Marguerite l'écouta jusqu'au bout saus l'in
terrompre, et ce lut peut-être parce qu'il la voyait si caluie qu'il
acheva si complètement ses aveux; il ne devinait pas travers cette
contenance impassible, les tressaillements intérieurs, les douleurs
étouffées qui brisaient le cœur de la pauvre enfant. Quand elle eut
fini elle lui dit avec uue dignité pleine de douceur Le ciel