INTÉRIEUR.
JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
DIMANCHE, 4 JUILLET 1847
Feuilleton*
LUS ©HUSJ
7' ANNÉE. - N° 643.
On s'abonne Ypres Marché
au Beurre, 1, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
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le Progrès
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tion doit être adressé, jrancot
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che et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
YPRES, le 3 Juillet.
EFFET DES ÉLECTIONS SUR LA BONNE PRESSE.
Quelle opinion peut-on avoir de la Belgique
en pays étrangers, là où ne pénètrent que les
journaux catholiques et les feuilles ministé
rielles? En vérilé.en lisant les diatribes catho
liques, tout homme de bonne foi doit prendre
les habitants de la Belgique pour des indigènes
pour ainsi dire ingouvernables. Avant le 8
Juin, tout était couleur de rose dans la presse
des honnêtes gens, la catholique Belgique avait
les meilleures dispositions se laisser bénévole
ment exploiter par la caste cléricale; moines,
chanoines, abbés de toute couleur et de toute
espèce allaient retrouver leur ancienne pros
périté, les couvents et abbayes espéraient recon
quérir ces immenses possessions territoriales
des anciens temps, bref, tout allait au mieux
dans le meilleur des pays possible. Les ouailles
étaient dociles aux avis du curé, concernant
les choix faire, et les chefs mitrés du parti, sans
oser sonner la trompette victorieuse deGédéon,
comptaient cependant battre plate coulure
celle libéralerie, ces libérâlres qui prenaient la
liberté grande de ne pas être satisfaits du gou
vernement des six-Malouet osaient pré
tendre que le ministère belge ne devait pas
être aux ordres des évêques ni se soumettre
aveuglément leurs moindres injonctions. Sauf
ces malencontreux criards, ces mécontents du
béat régimela lutte ne pouvait se présenter
sous de meilleurs auspices. La Belgique venait
rie subir une crise. Mais aucun ministère
n'avait autant fait pour les Flandresc'est
M. Malou-Vandcn Peereboom, le père du mi
nistre des finances, qui l'a dit, et on doit le
croire, car on ne peut ignorer, qu'il ne se laisse
pas égarer par les sentiments de famille. Une
prospérité croissante était annoncée par le
cabinet des six-Malou et elle faisait sentir ses
effets par un nombre de décès doubles de celui
de l'année antérieure. Enfin tout était au mieux
et sauf la libéralerie qui n'était rien leurs
yeux, qu'un fantôme que le souffle puissant des
doctrines jésuitiques devait faire évanouir, les
publicisles tonsurés et laies de la presse béate
croyaient pouvoir dormir sur les deux oreilles,
quant au résultat de la journée du 8 juin.
Eh! quel reveil, quand, les élections faites,
on a compté les victimes de ce parti si chéri
des populations Belges, de ce parti catholique
si orgueilleux, si bravache, si pourfendeur et,
hélas! aujourd'hui si abattu. Avant les élections
on ne parlait que de destituer, poursuivre,
briser, ruiner les électeurs qui ne juraient
sous serment de voler en faveur des honnêtes
gens. Aujourd'hui, il n'appartient plus au parti
clérical de destituer et s'il l'osait, on en tirerait
une vengeance éclatante. C'est au libéralisme
maintenant voir ce qui lui reste faire, et
jusqu'à quel point, il est tenu dans l'intérêt de
la moralité politique, de conserver ces fonction
naires serviles qui ont abandonné ses rangs
pour servir ses adversaires, au prix de l'infamie.
Eh bien! celle victoire si éclatante, si déci
sive. c'est aux yeux du parti catholique un
accident. C'est par surprise que l'opinion libé
rale est devenue majorité, non pas dans le pays
légal, elle l'était là depuis longtemps, mais au
parlement. D'après le Journal historique de
Liège, la journée du 8 juin est le triomphe du
désordre sur l'ordre, de l'anarchie sur les
principes gouvernementaux lisez cléricaux. Ce
sont les clubisles qui l'ont emporté, dit l'Organe
des Flandres c'est la queue de Robespierre et
de Marat, d'après le Journal de Bruxellesqui
a triomphé des rejetons d'Ignace de Loyola et
des Touquemada, ajouterons-nous. Enfin, tout
est sans dessus dessous, et la Belgique, si calme
si religieuse, avant le 8 juin, est devenue un
antre d'hérésie, lin repaire d'anarchistesde
Jansénistes, de septembriseurs, qui ne laisse
ront rien debout pas plus que les iconoclastes
de triste mémoire.
Quel enseignement peut-on tirer de cette
tactique de la presse des' honnêtes gens Que
le dépit d'avoir perdu leur prépondérance a
tourné la cervelle aux chefs du parti clérical et
que les écrivains soi-disant catholiques patau
gent dans la boue, faute de vouloir ouvrir les
yeux. Mais l'infamie de cette conduite consiste
dans les calomnies débitées dans les feuilles
soi-disant morales et ministérielles, l'endroit
de la nation belge. Dans telles circonstances
données, les imputations calomnieuses et inté
ressées du parti catholique l'égard de la
Belgique, peuvent nous faire perdre notre na
tionalité dont cependant celte même opinion
cléricale se dit le plus ferme appui.
Quelle opinion doit-on avoir en pays étran
ger de la nation belge, après avoir lu les feuilles
soudoyées par le clergé pour jeter l'insulte
la majorité du corps électoralqui ne veut pas
de la suprématie cléricale? De la manière dont
ces journaux sont rédigés, on doit croire que
tout est en combustion en Belgique et que la
guerre civile est la veille d'éclater. Voyez
cependant jusqu'où peut aller l'effrontée du
plicité et l'audacieuse hypocrisie du parti des
honnêtes gens? Ce peuple qu'on calomnie, qu'on
tend faire passer pour anarchiste vient de
traverser une crisecomme de longtemps il
n'en avait subi. Manque de travail, stagnation
du commerce, cherté des aliments, l'industrie
aux abois, tout s'est réuni pour rendre la posi
tion critique. Eh bien ce peuple Belge qu'on
veut faire passer pour brouillon, s'est résigné
son sort et un ministère impitoyable n'a
trouvé d'autre remède ses maux que de lui
jeter quelques aumônes pas de révolte, pour
ainsi dire pas de troubles, et cependant depuis
trente ans, nos populations n'avaient dû man
ger du pain aussi cher, sans avoir aussi peu
l'occasion de gagner un salaire capable de suf
fire leur subsistance.
Maintenant encore que la crise alimentaire
n'est pas finie et qu'elle est compliquée par
une crise ministérielle, voit-on quelques symp
tômes de ce mauvais esprit dont les journaux
catholiques font tant de bruit? Où est celle
révolution cette anarchie que les feuilles clé
ricales se plaisent dépeindre, parce que leurs
patrons ne seront plus en Belgique plus sou
verains que le Roi, qui a jugé le pays assez
calme, animé d'un assez boa esprit, pour se
permettre un voyage Londres avec la famille
royale, il a fixé son retour seulement le com
mencement des négociations ministérielles pour
le remplacement du cabinet des six-Malou
auquel s'attachera pendant longtemps le sou
venir de la désolation et de la misère que la
Belgique a supportée sous celte administration
autant par suite de son incurie, que par l'effet
des circonstauces calamiteuses qui sont venues
nous éprouver.
L'Indépendance publie tout au long une cir
culaire soi-disant confidentielle du commissaire
de l'arrondissement d'Ypres, M.De Neckere-De
Coninck. Les journaux catholiques qui ne font
que crier la diffamation pourront maintenant
apprécier de quelle manière un fonctionnaire
de leur bord s'énonçait sur le compte des libé
raux. Ces honnêtes feuilles daigneront avouer,
nous l'espérons, après examen de cette pièce
curieuse, que jamais style officiel plus inconve
nant n'a été employé dans les relations admi
nistratives. Nous parlerons plus lard des hérésies
constitutionnelles dont ce faclum, digne d'un
X.-ON SIMPLE HASSBD. (Si,,-,,.)
Le même soir la famille de Nanleuil était établie dans une ehar-
rnaote ma.son de campagne située mi-oôte de» hauteurs de Meu-
dou. La comtesse et Philippe avaient fait acte de dévoûment et la
partie de vshist était déjà commencée dans le salon de la 'villa
Aussitôt que les joueurs avaient été aux prises, M»=de Nanteuil et
_j jeune tille,appuyant i
lui dit avec nn accent profond de mélancolie Ce matin, je brû
lais d'être ici... il me semblait que j'y serais mieux que dans les
lieux où tout me rappelle une personne que je ne dois plus revoir...
Mais j'ai emporté mon ohagrin avec moi, et la même image me
poursuit toujours... Oh! quel tourment, mon Dieu!... sans cesse je
pense une jeune fille vêtue de haillons, habitant une pauvre man
sarde, gagnant grand'peine son pain au jour le jour... et j'envie
son sort!Il y a des moments où je me figure que celui que je ne
verrai plus est auprès d'elle, qu'il lui parle de son amour... jamais
il ne m'en a parlé moi Mais je comprends, je sais ce qu'il doit
lui dire... et cette pensée me déchire le coeur,,. elle me fera mou»
rir Oh! mon Dieu, c'est donc là ce qu'on appelle aimer
Il est un pire tourment, Marguerite, dit sourdement M®e de
Nanteuil c'est celui que tu éprouverais si tu connaissais, si tu aimais
ta rivale.
Je voudrais la voir, reprit Marguerite aveo exhallation je
voudrais savoir si elle est réellement digne de l'amour qu il a pour
elle... Hélas! dans l'orgueil et l'imprudence démon cœur, je ne
m'étais jamais doutée que près de moi, il était préoccupé de celte
image, incessamment poursuivi parce souvenir... Je le croyais heu
reux... Hélas! hélas! son bonheur a commencé quand le mien a
fini!... Ah 1 je ne savais pas ce qu'on pouvait souffrir sans mourir de
douleur!... Mais je serais morte si vous ne m'eussiez amenée ici, ma
mère!... si j'étais restée dans cette maison où je devais me marier
demain!...
Ma fille, îl faut éloigner ces pensées, dit Mmp de Nanteuil il
faut réprimer ces élans douloureux de ton cœur et lutter en toi-
même contre le souvenir de cet homme... il faut combattre et
vaincre ton amour, Marguerite
Combattre, oui, je le veux dit-elle d'une Yoix plaintive j mais
Vaincre!... le pourrai-jc
Oui, dit M"8 de Nanteuil, avec énergie et la serrant dans ses
bras, va! celui qui t'a méconnue, celui dont le cœur aveugle s'est
laissé entraîner par un autre amour u'élait pas digne de sou bonheur!
En ce moment, il se fit un certain mouvement dans le salon dont
les fenêtres s'ouvraient sur le parterre, et Philippe sortit vivement
pour chercher Mmt de Nanteuil.
Venez lui dit-il demi-voix, M. de Nanteuil a tout coup
laissé tomberses cartes; son visage s'est contracté et il s'ejt évanoui..,
Mmp de Nanteuil jeta nn cri étouffé et courut au salon Margue
rite la suivit tout éperdue.
On avait couché M. de Nanteuil sur un divan et il commençait
reprendre ses sens, mais il était horriblement pâle et balbutiait d^un
air hébété des paroles sans suite.
C'est une attaque d'apoplexie, dit la comtesse en emmenant
Philippe l'écart il faut envoyer Paris chercher un médecin, il
faut qu'on l'amène sur le champ; un retard de quelques heures
pourrait coûter la vie M. de Nanteuil...
J'irai moi-même, répondit l'excellent jeune homme l'adresse
du médecin ordinaire de M. de Nanteuil, et je pars l'instant...
On avait transporté M- de Nanteuil dans sa chambre; la jeune
femme debout au chevet du lit, l'environnait de soi us attentifs
Marguerite, agenouillée près d'elle, arrêtait sur son père un regard
plein de douleur et d inquiétude-, elle ne comprenait pas les symptô
mes funestes qui se déclaraient chez lui; mais elle présentait
vaguement un nouveau malheur. La comtesse, assise un peu plus
loin, considérait ce morne tableau, et murmurait, frappée d'un
singulier rapprochement
—•On préparait un mariage dans cette maison,et c'est la mort
qui y entre... Demain nous devions assister une noce, et nous
aurons peut-être un enterrement!... Quel monde!...
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