Cependant il y a eu deux années, au 13 avril
dernier, que pour la première fois il a été ques
tion de faire participer l'arrondissement 8 pi es
aux bénéfices, dont jouit le reste de la Bel
gique, d'avoir un chemin de fer; et celle nou
velle, mentionnée par tous les journaux, a été
annoncée par le carillon du beffroi de cette illc.
Mais depuis la dite époque de J84oles
projets en faveur de l'arrondissement d'Yprcs,
sont restés au même point, bien que nous
ayons atteint le milieu de la belle saison de
1847 de sorte que l'exécution de ces projets
est encore enveloppée de nuages. Il parait
néanmoins qu'on se nourrit de nouveau de
l'espoir d'obtenir (une société d'entrepreneurs
spéculateurs aidant) un embranchement de la
voie ferrée: et qu'on s'est déjà occupé non-seu
lement du tracé de celte voie mais aussi de la
fixation du terrain où, le cas échéant, serait le
lieu delà station pour la ville d Ypres. On aurait
choisi pour cet emplacement, un terrain situé
hors de la porte de Dixmude, yers la route de
S' Jean.
Si ce projet concernant la station devient
jamais définitifce sera un malheur, je ne dis
pas pour l'arrondissementmais bien pour la
ville d'Ypres T qui ne pourra s'expliquer qu'en
l'attribuant l'aveugle fatalité qui se plaît
s'appesantir depuis si longtemps sur notre mal
heureuse cité.
La Plaine d'Amour, emplacement unique en
son genre, située entre la ville et ses remparts,
offre un terrain qui semble disposé par une main
providentielle pour servir de station aux con
vois de la route ferrée.
Qu'on regarde les nouveaux plans de la ville
qui figurent si bien la plaine d Amour dans
toute son étendue et l'on sera étonné qu'il ait
pu se trouver un seul habitant qui n'ait pas fait
des vœux pour avoir dans celte plaine le lieu de
la station.
La ville d'Ypres offre, dans sa partie nor.dr
aujourdhui rempli par ce qu'on est convenu de
nommer la Plaine d'Amour; cette partie nord-
ouest est le quartier le plus désert et le plus
mort de la ville.
Si vous établissez la station la Plaine d'A
mour, vous y aurez en peu de temps bon
nombre de maisons et par conséquent un
tout nouveau quartier lequel nouveau quartier
en contact immédiat avec la partie la plus morte
de la ville y donnera de l'animation et augmen
tera nécessairement la valeur des maisons de ce
quartier si inanimé présent, et notamment
les maisons de la rue d'EIverdinghe, du marché
au Bétail et même des maisons voisines de ces
rues: de sorte que les sacrifices auxquels la
ville pourrait se résoudre en faveur de la sta
tion la Plaine d Amour n'égalerait jamais
l'inappréciable augmentation de valeur de la
partie nord-ouest île la ville.
t La plaine du Zaelbof a été garnie de plus de vingt maisons
en moins de quatre ans.
j'ai été ainsi pendant deux ans avant depauser M. Pavonnet.
- Ah l vous pensez que cela passera de même Maguette dit le
médecin.
- Oui, répondit la Pavonnet avec intention, en la mariant.
Le lendemain deoet entretien, une circonstance singulière éveilla
pour la premièro fois dans l'esprit de Raoul certains soupçons et
dans son âme une vague jalousie. Étant allé rue des Marais dans
l'après-midi, contre son habitude, il sonna doucement la porte de
l'espèce de couloir obscur qui précédait la pièce qu'on appel lit le
magasin; M"" Pavonnet vint ouvrir aussitôt, etparut si déconcertée,
si effrayee en l'apercevantqu'il la regarda surpriset ditfrappé
d'un vague soupçon
V ous ne m attendiez pas... je vous dérange...
1 oint du toutmonsieur d'AglcvilIe répondit-elle en élevant
la voix donnez-vous la peine d'entrer... En parlant ainsi elle le
précédait lentement dans l'étroit couloir. Raoul la coudoya et entra
vivement Maguette était seule; mais évidemment quelqu'un venait
de sortir par la porle qui donnait dans la chambre voisine, laquelle
avait une issue sur l'escalier, l'autre czlrémité du couloir. Un siège
vide était quelques pas de Maguette et probablementquelque»
secondes auparavant cette place était ocoupée mais une autre re
marque donna aussitôt une nouvelle direction ses idées et fit taire
la jalousie éveillée dans son cœur sur un tabouretcôté de la
«baise il y avait des ciseaux un dé coudre et un ouvrage de
D'un autre côté, en examinant la carte
d'Ypres, il saute aux yeux combien la situation
de la Plaine d'Amour accessible par trois issues
différentes est favorable aux autres quartiers de
la ville, respectivement la station projetée
extra muros\ combien les dislances sont plus
grandes pour arriver cette dernière, même
pour tous les quartiers indistinctement, et cela
est si vrai que les habitants de la maison de M.
Liebaert, attenante la porle de Dixmude, au
raient deux cents pas de plus faire pour ar
river en face du moulin du sieur Breyne que
pour arriver dans l'enceinte de la Plaine
d'Amour; ajoutez cela que les voyageurs avant
d'atteindre les véhicules de la voie ferrée au
raient parcourir les deux longs ponts du fossé
capital de la place et une partie de ses fortifica
tions inconvénient des plus graves, surtout
pendant l'hiver, que n'auraient pas redouter
les voyageurs en partant d une station iutra
mur os.
Toutes les villes closes, tant en Belgique
qu'en France, ont fait d'immenses efforts des
dépenses énormes pour avoir leurs stations
l'intérieur: Courlrai, Alh, Mons Charleroy
sont de ce nombre. La ville de Lille dépense
quinze cent mille francs pour avoir la station
iutra mu ros.
La fixation de la station l'extérieur serait
pour la ville (je ne parle pas de l'arrondissement)
son dernier coup de grâce Le jour de la mise
en activité des convois sera celui de la cessation
des messageries et diligences; la cessation de la
principale animation de notre ville.
A la vérité le transport par diligences ces
serait également en établissant la station intra
mur osmais quelle différence En ce dernier
cas, la ville obtiendrait une ample compensation
par une nouvelle animation intérieure d'une
autre espèce. La station intérieure deviendrait,
comme nous 1 avons déjà démontré un nou-
yej u_ quartier Aui^Qfl&ergU lajrteà celui avec
la maison de M. D'Hondtet d'autres encore du
Marché au Bétail, ainsi que la plupart de celles
de la rued'Elverdinghe doubleraientde valeur,
tandis qu'avec la station extra muros le prix
de toutes les propriétés urbaines continuerait
tomber en décroissance.
Pour bien apprécier combien est peu favo
rable unestalion placée l'extérieur d'une ville
fortifiée, il suffira de fixer l'attention sur celle
de Termonde. Celle forteresse qui a eu le mal
heur de se trouver dans l'impossibilité physique
d'obtenir sa station l'intérieur de ses remparts,
voit aujourd hui ses nombreux bureaux de di
ligences établis jadis dans son enceinte rem
placés par une station l'extérieur de ses murs.
Les bâtiments de cette station se composent de
deux maisons construites en planches B) sans
ornementations architecturales, les vigilantes
pour les voyageurs habitants de Terotonde se
(1 Les bâtiment» sons le canon d'une place étant de pure tolé-
rauoe.sont éphémères et ne peuvent être construits en maçonnerie.
couture commencé tout cela semblait avoir été jeté la hâte et
Raoul sourit intérieurement en se demandant quelle pouvait être
cette sauvage visiteuse qui venait de s'enfuir en laissant là son
travail. Cette espèce de mystère inquiéta peu Raoul, et par un senti
ment de discrétion qui, duresle.nelui coûtait guère, il n'en demanda
pas l'explication. Il était si heureux de s'être trompé qu'il dit
Maguette aveo une sorte de transport
J étais impatient de vous voir, chère eufant..Vous ne m'at
tendiez pas sitôt et ma présence vous a troublée...
Elle était fort émue en effet le doux incarnat de ses joues s'était
subitement effacé et Ion voyait, pour ainsi dire les battements
violents de son coeur travers le fichu noir modestement croisé sur
sa poitrine. Mrae Pavonnet avait repris sa place accoutumée derrière
la table qu'elle appelait son comptoir; l'excellente femme était toute
rouge et elle observait du coin de l'œil la physionomie de Raoul.
Quand elles aperçut qu'il était dans sa situation d'esprit ordinaire,
elle lui dit en posant son ouvrage sur ses genoux ce qui ne lui
arrivait que pour proférer des paroles solennelles
Il est temps, monsieur, de vous faire part de bien des ohoscs et
de vous dire le» idées de Maguette. La chère enfant a profité éton
namment de ce que je lui ai montré...
Vous avez été plus habile que moi, machère madame Pavonnet,
obseiya Raoul en regardant la jeune fille avec une tendre indul
gence ces jolis doigts sont plus ayanoés que cctle jolie pelite tête.
limitent au nombre de deux mais le plus sou
vent une seule suffit au chemin de fer.
On peut juger d'après ces faits quel serait
pour Ypres l'étendue du préjudice de voir éta
blir la future station qui peut lui être destinée,
une distance de plus de 700 pas l'extérieur
de la porte de Dixmude.
Cependant, comme il ne paraît pas encore y
avoir de décision irrévocable sur ce point, le
plus malencontreux, dont Ypres serait victime,
nourrissons-nous encore de l'espoir que nos
judicieux magistrats employeront toute leur
perspicacité, tous leurs efforts, toute leur solli
citude, pour détourner l'exécution d'un aussi
malheureux projet pour la ville, de laquelle ils
sont les tuteurs et les pères, qu'avant de se ré
signer un résultat aussi funeste, ils s'abou
cheront avec des hommes d'un talent spécial
sur la matière et d'un désintéressement absolu
sous tous les rapports; si alors il devient dé
montré que la station l'intérieur est chose
impossible, ils sï seront mis leur conscience
l'abri de regrets l'avenir et n'en auront pas
moins obtenu une bien vive reconnaissance de
la part de leurs concitoyens. Communiqué
Le grand nombre de vagabondsmendiants
et autres produits de la prospérité croissante,
qui circulaient librement sur le territoire exlra-
muros de la villea fait sentir la nécessité
d'organiser une garde de sûreté, pour faire res
pecter les personnes et les propriétés des habi
tants de cette partie de la commune. 11 y a peu
de temps que des patrouilles de nuit etde jour,
escortées et guidées chacune par un sapeur-
pompier, sont de service, et déjà l'on remarque
une diminution notable dans le nombre des
mendiants qui extorquaient souvent par me
naces des aumônes aux fermiers.
Les habitants extra-muros ont tellement bien
senti la nécessité de prendre des mesures pour
exercer une vigoureuse répression l'égard des
J "(j1* u H u lui auluirt lt.3 ollil m j )5»
en tous sens, qu ils se sont prêtés spontanément
coopérer de leurs personnes ou par leurs do
mestiques, cette surveillance. L'organisation
en a été décidée l'hôtel de ville, et M. Louis
Verschaeve a été chargé des fonctions de chef
du service.
Nous espérons que ces dispositions prises
continueront avoir le meilleur effet.
Dans notre dernier numéro, en annonçant le
suicide d'un sergent du 10e, nous ajoutions
qu'on attribuait cet acte de désespoir une
fracture du bras dont la guérison n'avait pas
été parfaite et qui l'empêchait de contracter un
nouvel engagement. Depuis, nous tenons de
bonne source, que cet accident n'était qu'un
prétexte allégué par le sergent pour ne pas
devoir faire son service, et après la mort, il a
été constaté par des preuves indubitables que
la fracture avait été parfaitement bien réduite
et que la guérison était complète.
Maguette est bonne ouvrière continua M™« Pavonnet elle
Peut se vanter de gagner hardiment ses quatre francs par jour et
même davantage. Elle est donc en état de pourvoir ses petites
dépenses, et elle ne veut plus vous être charge...
C'est cela qu'aboutissait ce préambule interrompit Raoul
n'en parlons plus. Bientôt Maguette saura ce que je compte faire
pour elle j en attendant, qu elle n'ait point de ces scrupules, qu'elle
vive heureuse et confiante en l'avenir... Je lui réponds de son bon
heur s'il dépend de moi seul.
Oh ouimonsieur, il dépend de vous, murmura Maguette en
saisissant la main de Raoul et en la portant ses lèvres.
Maguette, s'écria-t-il en pâlissant sous le coup d'une si violente
émotion et succombant l'excès de son bonheur, chère enfant Il
effleura de ses lèvres le chaste front incliné devant lui et ajouta
d'une voix plus calme Maguette fiez-vous ma promesse, tous
ne serez pas trompée dans vos csp.érances de bonheur.
La présence de Mine Pavonnet arrêta ces manifestations. Maguette
repritsiIencieusemcntsontravail,et Raotfl,savourant intérieurement
son bonheur la contempla longtemps dans une muette extase. Ce
jour-là cependant il sVu alla encore avec son secret mais avant do
sortir il prit la main de Maguette, et la pressant sur ses lèvres, il dit
aveo une émotion contenue, et préoccupé de la plus douce pensée
A demain...
La suite au prochain