INTÉRIEUR.
JEUDI, 22 JUILLET 1847.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
LUS HM^ygisTi.
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TPR£8,le 21 Juillet.
LA SITUATION.
La journée du 8 juin a été fatale au parti
clérical. Après une lutte ardente de dix-sept
ans, I opinion libérale vient d éclaircir les rangs
catholiques au parlement, de manière ba
lancer les forces des deux partis qui divisent la
Belgique. Si le libéralisme n'a pas obtenu la
majorité la chambreau moins, on peut dire
qu'il y a égalité dans le nombre des députés
qui marchentsous les deux bannières déployées
en Belgique. Le triomphe éclatant du parti libé
ral n'a cependant pas encore produit ses effets.
Le ministère et le parti sur lesquels il a été
remporté, sont toujours aux affaires, et bien
que leurs démissions soient déposées entre les
mains du roiles ministres agissent comme si
la fortune électorale avait pleinement justifié
le système qu'ils représentent au pouvoir.
Un moment abasourdi par le résultat de la
lutte électorale, le cabinet après avoir donné sa
démission, a repris courage. Devant la patience
des vainqueurs, il a retrouvé celte audace
aveugle qui le distingue et toutes les mesureâ
in extremis, qu'il propose la sanction du roi,
ne tendent qu'à créer des difficultés au minis
tère qui doit le remplacer. La presse cléricale
ne cache plus les projets des ministres déchus.
Presque aussi abattue que ses patrons, elle a
retrouvé la voix et sa polémique d'ordinaire
si calomniatrice. La couronne elle-même se con
duit comme si elle voulait se mettre au service
des rancunes cléricales et jouer pour la seconde
fois l'opinion libérale. Il y a plus d'un mois que
le ministère n'existe plus et aucune tentative
sérieuse n'a été faite pour reconstituer l'admi
nistration du pays. Que signifie cette singulière
insouciance en haut lieu, pendant que le pays se
trouve dans une situation anormale et qu'une
modification aussi radicale s'est produite dans
les opinions du corps électoral? Voilà ce que
chacun se demande et c'est une question
laquelle il n'est pas facile de répondre.
Quoiqu'il en soitl'opinion publique ne
semble plus aussi résignée qu'elle l'était après
la victoire du 8 Juin. Elle n'attend plus avec
la même confiance la décision de la royauté. Une
anxiété visible se fait jour et l'on se demande
avec inquiétude, combien de temps ce mi
nistère, fléau du pays, restera encore en
fonction. Il est temps qu'une solution défi
nitive intervienne, car rien n'empêche les minis
tres démissionnaires de poser des actes qui ne
peuvent se comprendre, qu'en songeant que le
favoritisme le plus scandaleux a été un de leurs
moyens de gouvernement. La délicatesse les
convenances constitutionnelles sont méprisées
par ces hommes d'affairesdont toute la con
duite prouve qu'ils veulent maintenir leur parti
flot tout prix. L'on se demande avec élon-
nement comment la couronne s'associe des
nominations qu'un ministère libéral ne pourra
sanctionner, tandis qu'elle ne peut ignorer,
qu'il est de principe, qu'un cabinet démission
naire Continue administrer les affaires du
pays, mais ne gouverne plus.
En attendant, les affaires du pays vont
l'abandon. Un relâchement sensible se fait
remarquer dans toutes les branches de l'admi
nistration et ce provisoire qui une époque
ordinaire est déjà déplorable, devient calami-
leux par le temps de Crise que nous traversons.
Si l'on conteste nos paroles qu'on explique la
parfaite insignifiance des travaux des conseils
provinciaux elle n'a pas d'autre origine.
Nous ne pouvons nous imaginer que le
parti clérical exige que l'opinion libérale saisisse
les rênes du pouvoir en conservant les fonction
naires politiques qui tiennent leur mandat d'un
ministère rétrogade et qui tous ont dû jurer
obéissance non-seulement aux lois du peuple
belge, mais ce pouvoir occulte qui était
plus fort que l'autorité civile elle-même. Ce
ne sont point en de pareils auxiliaires que
des ministres libéraux peuvent avoir-confiance,
et cependant, en quittant le pouvoir, M. De
Theux ose nommer M. Lekeu, commissaire
d'arrondissement Liège, et M. Deschamps
envoie M. Vanderstraeten-Ponthoz Rome.
Un» troisième nomination de ce genre est an
noncée c'est celle de M. Huyllens, secrétaire
intime de M. DeTheux, en remplacement de
M. Lardinois, commissaire de district Verviers.
En présence de ces énormilés, ne doit-on pas se
dire qu'une trame est ourdie contre l'avènement
de l'opinion libérale au pouvoir et que ce ne
sera que par l'impossibilité de toute autre
combinaison que, de désespoir, on appellera les
libéraux aux affaires, avec barrière-pensée de
les contrecarrer dans tout ce qu'ils pourront
faire dans l'intérêt du pays.
Du reste, avant que les hommes de notre
opinion acceptent ce fardeau, qu'ils prennent
leurs précautions. Ils ne pourront gouverner
avec les agents politiques de M. De Theux, tout
le monde doit le comprendre, et quelque répu
gnance qu'on rencontre, un remaniement com
plet dans la haute administration doit s'opérer
leur entrée au ministère. Aucun libéral digne
de ce nom, ne voudra accepter un portefeuille,
s'il ne peut obtenir la révocation des nomi
nations indûment faites par M. De Theux et
ses collègues. Elles sont hostiles notre opinion
et comme telles ne peuvent être sanctionnées
par une administration libérale.
Sa Majesté le Roi ne revient que pour la fin
du mois de juillet en Belgique, et l'on peut es
pérer qu'alors on s'occupera de la formation
d'un nouveau ministère. L'enfantement minis
tériel ne sera ni facile, car la camarilla est là
pour empêcher qu'on donne satisfaction au vœu
du pays, ni vite fini, car on essayera avec de»
combinaisons mixtes ou peut-être avec des re
plâtrages. Qu'importe au libéralisme! Si au
jourd'hui on le dédaigne et qu'on le repousse,
si on impose au pays une nouvelle mixture
dans deux ans, aux prochaines élections, il ne
restera plus trente députés cléricaux la
chambre.
Le ministre des finances, M. J. Malou, veut se
dédommager des nominations politiques con
tresignées par ses collègues au dépens de tou
tes les règles constitutionnelles, en faisant de
son côté, des passe-droits et des promotions qui
sont marqués au coin de la plus insigne injus
tice. Le receveur de Vlamerlinghe, M. Roels,
le neveu de M. Rodenbach, vient d'être envoyé
Iseghem. Il est dans la partie depuis cinq ans
tout au plus, et déjà il vient d'obtenir une des
plus belles recettes de la province. En 1840, il
était employé la distillerie des Rodenbach
Roulers, aux appointements de 300 francs. 11 fit
la connaissance de la nièce du député et l'épousa
Immédiatement après il fut nommé sous-bri
gadier des douanes et appelé Bruxelles pour
travailler au ministère des finances. En 1841
ou 42, il fut nommé receveur Vlamerlinghe, et
grâces Rodenbach, l'ami du peuple que vous
savez, il n'est plus mal loti. El d'un.
Feuilfictoii.
(Suite.)
XIII. le cachet noir.
C'était le matin de honne heure. Philippe de Blanzac noncha
lamment assis près d une fenêtre dans l'appartement coquet où
quelques mois auparavant s'était passée la première scèHe de cette
véridique histoirefeuilletait un roman nouveau et de temps en
temps s'avançait »u balcon pour observer l'état de l'atmosphère.
Bien que le ciel fût chargé de nuages, encore gros de pluie, un doux
soleil d'uulomme brillait par moments et formait sur le boulevard
de grandes zones d'une pâle lumière qui s'évanouissait promptement
dans la brume dont les Ilots ternes et impalpables baignent éternel
lement le joyeux Paiis. Aux signes d'impatience et d'inquiétude
que donnait Philippe chaque fois qu'une nuée grise et menaçante
Yoilait la face radieuse du soleil il était aisé de voir que le mauvais
tempseontrarierait quelqueprojet formé pour cette journée. Le valet
de chambre qui allait et venait pour préparer la toilette de son
maître avait déjà reçu plusieurs ordres contradictoires, et le groom
ne savait pas encore si monsieur demanderait sa voiture ou sortirait
cheval. Sur ces entrefaites, Raoul entra.
Salut au revenant! s'écria Philippe d'un ton de joyeuse surprise:
jesuppose, mon cher Raoul, que vous avez quitté votre domicile du
11* arrondissement, puisqu'on a le plaisir de vous voir de si bonne
heure dans notre hémisphère
En effet, répondit M. d'Aglevillc me voici de retour dans
notre Chaussée-d'Anlin c'est le docteur Valérion qui m'a ooxiseillé
ce voyage.
Le digue homme a pensé que cet hiver vous risquiez de périr
d'ennui au fond de sou faubourg comme il l'appelle et il vous a
prudemment renvoyé dans le nôtre. Je l'en remercierai la première
fois que je le rencontrerai chez Mrae deNanteuil.
Comment vous le voyez dans cette maison dit Raoul avec
quelque surprise.
Il a été une fois appelé en consultation pour Marguerite et
dépuis oetle époque il est son médecin, répondit Philippe.
Ah 2... et il me l'avait caché murmura Raoul de plus en plus
étonné.
Il crut entrevoir alors dans quel but le docteur lui avait conseillé
de revoir Philippe mais il ne concevait pas quoi pouvait aboutir
cette espèce de rapprochement eutre lui et la famille de Nanteuil
il sentait trop bieD les torts qu'il avait ens il était trop persuadé de
l'indifférence de Marguerite pour entrevoir la possibilité de revenir
sur une rupture qui lui avait causé tant de joie et dont la pensée
lui causait maintenaut une aaière confusion, un mortel regret.
Eh bien mon cher Philippe, dit-il tristement jétes-vous tou
jours amoureux et henreux
Toujours, répondit gaîment Philippe plût au ciel que le temps
qu'il fait aujourd'hui fût comme mon bonheur, sans nuages, ajouta-
t-il en se penchant la fenêtre.
Vous avez des projets demanda Raoul.
Une invitation de Mmc deNanteuil, répondit Philippe en
prenant sur lachemiuée une petite lettre parfumée et cachetée de
noir j voyez!
Raoul regarda avec intérêt ce papier qui lui rappelaitune personne
pour laquelle il avait beaucoup de sympathie il examina l'écriture
fine et correcte de l'adresse et s'approcha de la fenêtre pour mieux
voir le cachet mais peine y avait-il jeté les yeux qu'il s'écria avec
un vif mouvement de surprise
Oh oh J les trois merlettcs
En effet l'écusson armorié représentait au premier quartier le*
trois mcrleltes d'or eu champ d azur qui se trouvaient sur le oachet
du père de Maguette.
Vous connaissez ces armoiries dit-il avec agitation.
Certainement; ce sont celles de Mrae de IN aut tu ilrépondit
Philippe elle les a expliquées devant moi ce cachet porte au pre
mier quartier les armes de Tolendino, au second celles de Manfredu
Et M1®* de Nanteuil a parlé un jour devant moi de la ville
Tolendino, interrompit Raoul en se frappant le front voilà donc ce
nom que je cherchais!... et je le trouve maintenant... Il est bien
temps sur mon âme N'importe, je dois achever de connaître la
vérité. Mon ami il faut qu'aujourd'huisur le champ, je voie Mm*
de Nanteuil.
Eli bien vous viendrez Meudon avec nous répondit Phi
lippe tout étourdi elle m'écrit que nous partirons une heure.
Vous allez Meudon
Oui Marguerite y est installée avec sa belle-mère mais elle
n'a point quitté la camp «gne, c est le docteur qui l'a voulu Madame
de Nanteuil est venue seule ce matiu Paris et elle ni'ainvité 4 la
ramener.
Il est midi; je vais me présenter 1 hôtel de Nanteuil; peut-être
serai je reçu, dit Raoul en prenant son chapeau et en sort&ut vive
ment tandis que Philippe murmurait tout stupéfait
Mais, qu'arrive-t-il donc? qu'est-ce qu'il peut y avoir de
commun entre un nom qu'il eherche et les trois merlette* de#
Tolendino? Voilà des mystères Et moi qui me figurais que j'étai#
son conGtlenl...
Ce ne fut pas sans un battement de cœur que Raoul seretrouva
dans le salon de l'hôtel de Nanteuil; ce lieu lui rappels tout-à-coup
des relations qui, par moments, lui furent dooees, et auxquelles se#
souvenirs prêtaient maintenant un nouveau charme. Tandis que le
yalet de chambre allait prévenir M01* de Naulcuil de sa visite, «t