INTÉRIEUR.
LÂ CHATELAINE DE WAGRAffl.
7' ANNÉE. - N9 657.
DIMANCHE, 22 AOUT 1847.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
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Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQUIRIT EUNDO.
Y PRESle 21 Août.
DISTRIBUTION SOLENNELLE
DES PRIX AUX ÉLÈVES DU COLLEGE COMMUNAL.
Nous n'avons pu, dans notre n° de Jeudi,
rendre compte de la solennité qui vient de
s'accomplir, et qui a couronné, pour cette
année, les travaux de notre jeunesse studieuse.
Le journal ayant paru le jour même de la dis
tribution, c'est peinesi nous avons pu disposer
d'assez de tempspour publier les noms des
lauréats. Nous réparerons aujourd'hui cette
omission et dirons quelques mots d'une céré
monie qui laissera de lonfjs souvenirs, tant dans
l'esprit de ceux qui en étaient l'objet, que dans
celui des nombreux assistants qui sont venus
témoigner encore une fois, par leur présence,
de l'intérêt qu'ils portent notre premier éta
blissement d instruction publique.
Dès sept heures du matin le son des cloches
du beffroi annonçait la solennité du jour et,
longtemps avant deux heures de relevée on
voyait se diriger vers l'antique édifice des Halles
une affluence considérable de personnes. Le
vaste local de l'Hôtel de ville fut ouvert au pu
blie, aussitôt envahi, et présenta bientôt aux
regards le coup d'oeil brillant de l'élite de notre
population réunie dans un rendez-vous com
mun. Vers trois heures noire digne bourgmestre
accompagné de ses deux échevins entra dans la
salle où se trouvaient déjà les autorités civiles
et militaires.
Les jeunes élèves ont représenlé avec beau
coup d'aplomb et de verve une pièce dont le
sujet est un épisode de la vie de Henri IV. Nous
ne donnerons d'éloges spéciaux aucun d'en-
tr'euxtous se sont acquittés de leur rôle d,e
manière mériter les applaudissements du pu
blic, qui ne leur ont point failli du reste.
Après la représentation, le professeur de
rhétorique M. Gorrissen, et M. le directeur des
éludes Ern. Merghelynck, après lui, ont pro
noncé des discours qui ont été couverts d'applau
dissements unanimes et mérités. En les répro
duisant textuellement, nous nous dispensons
d'entrer dans des détails ultérieurs; nos lecteurs
pourront apprécier ces deux morceaux que
nous ne tenons pas comme étant des moins re
marquables que nous ayons entendus en pareille
occurrence.
Aux discours a succédé la proclamation des
prix qui a présenté un incident que nous ne pou
vons pas passer sous silence. Un jeune élève de
quatrième, M. Jules Kilsdonck, ayant obtenu au
dernier concours, qui a eu lieu entre les collèges
et les athénées de la Belgique, le 12e accessit
sur 235 concurrentsest venu recevoir des
mains de M. le bourgmestre, un prix spécial
que lui ont décerné nos magistrats, comme gage
de la satisfaction qu'ils ont éprouvée en voyant
ce jeune élève faire honneur l'institution qui
l'a formé.
Tel est le compte-rendu succinct de la fêle
de famille laquelle nous avons assisté. Nous
le répétons, la réunion nombreuse qui se pres
sait dans la salle, si coquettement décorée par
nos concitoyens unis MM. les membres de la
Société desChœurs, pour honorer la philantropie
et l'administration éclairée de nos magistrats
communaux, cette réunion, disons-nous, a
fourni une nouvelle preuve que les sympathies
des meilleurs citoyens sont acquises notre bel
établissement. Ce doit être une bien douce sa
tisfaction pour MM. les professeurs, que celle
de voir, après l'abnégation qu'ils ont su faire
d'eux-mêmes, dans des jnoments difficiles, leurs
efforts couronnés d'un aussi beau succès.
Après la distribution, les autorités, plusieurs
pères de famille, le corps professoral et les élèves
se sont formés en cortège, et, musique en tête,
se sont dirigés vers le collège, sous l'escorte des
Sapeurs-Pompiers, et là noire premier magistral
a adressé aux élèves un#courleallocution, pour
les féliciter des succès qu'ils venaient d'obtenir,
et les stimuler mériter de nouvelles palmes
l'année prochaine. Le soir la ville était brillam
ment illuminée.
Le lendemain a eu lieu la distribution des prix
aux élèves du collège épiscopal de S'-Vincent.
DISCOURS DE H. GORRISSEN.
Messieurs,
La cérémonie qui nous rassemble, si intéressante
tant d'égards,offre encore au professeur l'avantage
de pou voir rend, e compteaux pères de famille des
succès obtenus, des espérances conçues; elle lui
permet même de leur adresser des conseils sur la
direction et la conduite de leurs enfans. Il semble
en effet naturel que celui qui se trouve investi de la
direction intellectuelle de la jeunesse, qui consacre
ses veilles au développement et l'amélioration in
cessante de l'enseignementque celui-là dis-je
soumette franchement aux magistrats dont il tient
une mission délicate et sacrée, aux parents qui lui
ont confié ce^qu'ils ont de plus cher, tous les
hommes éclairés qui suivent avec sollicitude les
progrès des générations nouvelles, ses idées et ses
réflexions sur la marche des études. II peut ainsi
signaler des lacunes, indiquer des améliorations,
attaquer certains préjugés fruits de l'insouciance
de la légèreté ou de l'ignorance.
Fort de ces prémices, examinons, Messieurs,
quelle est la valeur de ce sophisme, malheureuse
ment encore trop accrédité de nos jours l'élude
des langues anciennes est un acheminement indis
pensable au droit, la médecine, la prêtrise; qui
conque ne se propose pas de parcourir une de ces
carrières n'a que faire de l'élude de ces langues. Ce
préjugé est la suite d'une erreur plus commune
encore: dans un siècle qui se distingue surtout par
son esprit positif, où on ne vise guère qn'à l'utile et
au sérieuxon considère trop généralement les
études moyennes comme devant conduire un but
positif et pratique. Trop souvent on perd de vue que
leur but est la formation de l'homme intelligent et
moral, du bon citoyen. Trop souventdans leur
aveugle sollicitude des parents peu sages ne crai
gnent pas de faire entendre des enfans, peine
assis sur les bancs de l'école que telle ou telle
branche des études ne leur sera que peu ou point
utile. De ces conseils imprudens, il résulte toujours
qu'une ou plusieurs branches sont sacrifiées au
profit, plus apparent que réel, de certaines autres
que l'élève devenu homme reste dans une infériorité
marquée l'égard de ceux qui mieux conseillés, ont
fait un cours complet d'études. A peine ces parens,
peu éclairés, disons-le, et coup sûr très-imprudens,
peuvent-ils s'excuser en se plaçant au point de vue
d'un régime qui est déjà loin de nous, et qui avait le
tort grave de considérer l'enseignement moyeu
comme uniquement destiné préparer les jeunes
gens aux cours universitaires. C'était là une erreur,
car les trois degrés d'enseignement out chacun une
mission spéciale doivent chacun former un tout
complet et ne peuvent être considérés comme dé
pendants l'un de l'autre qu'en ce sens qu'ils donnent
le degré inférieur, l'intelligence et 1-es connaissances
nécessaires pour suivre le degré moyen, et ce derniec
tout ce qui est nécessaire pour comprendre et suivra
avec fruit le degré supérieur.
Pour nous résumer, et apposer notre pensée au
préjugé que nous avons signalé et que nous nous
proposons de combattre, nous dirons que l'enseigne
ment moyen formant un cadre completest loin
d'être exclusivement destiné former des sujets
pour l'université, et encore moins des savans dans
telle ou telle partie. Nous ajoutons qu'il ne conduit,
par sa nature même l'exercice d'aucune profes
sion spéciale mais qu'il rend plus propre, plus apte
exercer telle profession cultiver telle science
donnée.
Si nous ne nous trompons, la définilion est celle-ci
L'enseignement moyen, tout en donnant l'homme
les connaissances générales que tout citoyen, appelé
jouer un certain rôledansson pays, doit posséder,
a pour but définitif, et c'est là croyons-nous ,1a
définition la plus élevée et la plus libérale, d'éveiller
et de guider la raison de développer l'intelligence,
de former le jugementen un mot de donner la
patrie des citoyens capables de comprendre les im
portantes lois du devoir et du droit.
Vues de ce point élevé les études moyennes
(Suite.)
III.une nuit chez béatrix.
Il y avait un moment de silence après le départ du baron. Mme
Sliller paraissait douloureusement préoccupée; Guillaume se perdait
dans un dédale de suppositions. Tout-à-coup, comme on se réveille
en sursaut d'un mauvais rêve ou bien comme après le premier
accablement que cause uu danger imprévu, l'on s'avance résolument
au-devant de lui, Béatrix sortit de cette morne stupeur, et sa physio
nomie reprit l'air enjoué qui semblait en être l'expression ordinaire.
Il faut que je vous fasse les honneurs de mon parc monsieur
de Gardeville dit-elle. Cela nous fera prendre patience jusqu'au
dîner.
Oh de tout cœur répondit Guillaume.
Béatrix alors ayant accepté son bras,ils descendirent ensemble par
le perron dans un beau jardin, qu'ils traversèrent pour se diriger
Vers le paro.
Maintenant, dit Mm« Sliller, parlez-moi de la France; parlez-
moi de moH aïeule; parlez-moi de votre excellent père. Votre séjour
en Autriche sera-t-il long? a-t-il anbul? ou ne faites-vous qu'an
voyage de plaisir et d'instruction
Guillaume se mit sourire.
Voilà bien des questions, répliqua—t-il; et chacune mérite qu'on
s'y arrête. Causons aujourd'hui de votre aïeule; vous me permettrez
de revenir bientôt pour satisfaire votre curiosité sur mon père et
vous ne me refuserez pas de revenir un autre jour pour finir par ce
qui ine touche.
Ah Monsieur Guillaume, si vous ne plaisantiez pas, je vous en
voudrais de penser ainside diviser les choses du cœur comme le
ferait un professeur d'une période d histoire, sur laquelle il aurait
faire plusieurs leçons. Je suis sure au contraire que vous êtes de
mon avis. Je crois moique nos àtf'ections cous sont d'autant plus
chères, qu'elles s'uuissent d'autres par des liens mystérieux. Gar
dons-nous donede rompre ces liens et mêlons-les dans notre causerie,
comme elles sont mêlées dans notre cœur. Que de détails d'ailleurs
nous oublierons involontairement aujourd'hui Et lors même que
nous épuiserions ce que nous avons nous apprendre l'un et l'autre,
se lasse-t-on de répéter ce qu'on a déjà dit, quand on parle de ceux
qu'on aime.
Une fois montée sur ce ton d'entrain et de douce familiarité, la
conversation s'égara dans les sentiers charmants du passé. C'est un
si doux voyage que ce retour eu arrière dans U vie lorsqu'on n'y
rencoutre que de saintes affections et des jours oalaies écoulés au
milieu d'une belle nature Il est si doux surtout, lorsque l'on a pour
compaguon dans ce pieux pèlerinage un ami qu on aimait depuis
longues années, sans connaître tout ce qu'il avait d inspiration dans
L'esprit et de (lamottc dans le cœur. On marche les yeux fixés sur ce
passé si cher on ne s'aperçoit pas encore quelle nouvelle lumière
l'éclairé, quel soleil s'est levé sur lui! On croit ne faire qu'un rêve
dont on craint de s'éveiller et l'on marche pourtant non plus au-
devant du passé mais vers les enchantements les plus imprévus de
l'avenir; ainsi qu'un homme entraîné par le couraut peu sensible
d'un fleuve, dont les bords sont semés de riants paysages s'imagine
que sa barque en remonte le cours parce que son regard est tourné
du côté de la source
Ainsi fut-il de Béatrix et de Guillaume.
Mme Sliller, souriant de ce sourire un peu triste, qui trahit l'émo
tion intérieure écoutait avec ravissement le compagnon de son
enfance et remarquait peine combien il avait de grâce et de
culture dans l'esprit, tant elle était heureuse de découvrir en lui
cette chaleur expansive et cette mâle simplicité de cœur
Ils avaient épuisé toutes leurs confidences et depuis quelques
instants ils marchaient silencieux sur une pelouse diaprée de fleurs.
Elle garnissait les bords d'uu assez vaste étang dont 1 eau pure et
profonde réfléchissait de magnifiques cygnes qui s'y livraient
leurs évolutions capricieuses. Un petit pavillon chinois leur servait
de retraite et marquait le milieu de l'étang. A la rive était amarrée