INTÉRIEUR.
LA CHATELAINE DE WAGRAM.
DIMANCHE, 19 SEPTEMBRE 1847.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
7* ANNÉE. N' 685.
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l'PRES, le 18 Septembre.
LA GARNISON".
L'on se rappelle la sensation profonde pro
duite l'an passé parmi nos concitoyens, l'an
nonce officielle par le Moniteurde la perte de
notre garnison de cavalerie. Depuis 1815 tou
jours la ville d'Ypres avait possédé deux dépôts,
un d'infanterie et un d'artillerie, et depuis 1830
jamais nous n'avons été sans artillerie ou cava
lerie. Après le départ des escadrons et du
dépôt du 1er lanciers, des démarches officieuses
avaient été faites pour avoir au moins l'équi
valent en hommes et chevaux, en remplace
ment de ce que nous perdions une promesse
formelle avait été donnée, quand tout-à-coup,
le journal officiel fit connaître qu'une simple
batterie montée d'artillerie et une batterie de
siège venaient tenir garnison Ypres, pour
nous dédommager du départ des escadrons de
lanciers et du dépôt de ce régiment.
Nous n'avons pas besoin de revenir sur tous
les motifs qui firent considérer cette mesure du
ministre de la guerre d'alors, comme une ini
quité, suite d'une rancune politique, le journal
de la localité a pris soin de le publier par
dessus les toits et nos adversaires encore au
jourd'hui avouent impudemment que la perle
de la garnison de cavalerie doit être envisagée
comme un châtiment infligé par le ministère
des six-Malou, la ville d Ypres, pour la punir
des idées trop libérales professées par la grande
majorité de ses habitants. Le conseil communal
ne put croire cette extrême petitesse de la
part du cabinet et l'on envoya une députation,
pour exposer l'injustice de cet acteaprès
qu'une ville eut épuisé toutes ses ressources,
pour bâtir des casernes et dépensé trois cent
mille francs qu'elle eut pu employer plus utile
ment qu'à construire des bâtiments, qui ne
produisent rien, du moment qu'une garnison
de cavalerie ou d'artillerie lui est refusée. Rien
n'y fit, c'était un parti pris ce qu'il parut;
bien qu'au ministère, on ne voulut pas convenir
que la détermination de nous refuser une garni
son de cavalerie fut un acte de vengeance, on
ne sembla cependant pas fâché de faire d'une
pierre deux coups; le Journal des Baziles con
tinua de plus belle propager l'idée, que c'était
une persécution ministérielle et la ville d'Ypres
dût se résigner son grand regret voir des
casernes construites grands frais, inoccupées.
A l'avènement d'un nouveau ministère et
surtout d'un ministère libéralon crut pou
voir se flatter de l'espoirque parla nouvelle répar
tition des corps de l'armée dans les diverses gar
nisons du pays, l'injustice commise l'égard de
la ville d'Ypres serait réparée. Il était d'autant
plus juste d'y compter, qu'il semblait que l'ini
quité dont nous étions victimes paraissait avoir
une portée politique, que le nouveau ministère
devait prendre cœur d'effacer. Une députa-
lion du conseil communal partit pour Bruxelles
pour exposer au ministre de la guerre actuel,
les faits concernant la perte ruineuse pour la
ville et déplorable pour les intérêts des habi
tants, de notre garnison de cavalerie Malgré le
désir qui eut dû animer le ministère de faire
droit aux justes réclamations de la ville d'Ypres,
jusqu'ici aucune augmentation de garnison n'a
été accordée notre cité. Le tableau de l'em
placement qu'occuperont les corps de l'armée
au 1er octobre 1847 a déjà paru dans le Moni
teur, et l'on s'est contenté de maintenir le stalu-
quo pour la ville d'YpresfMais cela ne suffit pas
et nous avons lieu d'être très-peu satisfaits de
la conduite du ministère notre égard.
Nous sommes loin de vouloir faire de l'op
position aux hommes qui sont au limon des
affaires, mais jamais notre bienveillance pour
eux, n'ira jusqu'à leur sacrifier les intérêts de la
ville. Nous le répétons, c'est un oubli dont nous
avons lieu d'être très-mécontents, parce qu'il
blesse l'équité et la justice distribulive et qu'au
moins, il était raisonnable, d'espérer qu'après
avoir soufferts de l'antipathie des gouvernants
qui ont quitté le pouvoir, les hommes qui
professent nos opinions, arrivant aux affaires,
eussent dû prendre celte situation en plus sé
rieuse considération.
Nous ne pouvons assez le dire le ministère
a perpétué une iniquité qu'il aurait dû réparer
et quoique l'on dise, cela lui était facile. Con-.
sultez le tableau que le Moniteur a publié et il
ne sera pas difficile de découvrir, qu'il y a des
villes qui sont favorisées d'une manière scan
daleuse. Tout ce que l'on peut invoquer
l'appui de cet injuste favoritisme, est la posses
sion de longue date, de ces faveurs octroyées
au détriment de villes moins influentes, mais
qu'on n'oublie cependant nullement, quand il
s'agit de payer leur part contributive au trésor
de l'état.
Si le ministère eut voulu, il eut été facile de
nous donner une garnison convenable d'arlii-
lerie. Pour y parvenir il aurait fallu nous don
ner l'état-major, les 10e, 11* et 12e batteries mon
tées, la 16e de siège et le dépôt du 3e régiment
d'artillerie. Tournay n'aurait point eu lieu de
se plaindre puisqu'il lui resterait encore deux
dépôts, environ 2,000 hommes de troupes et
500 chevaux. .Mais non, celle ville regorge de
soldats et dans des localités où la garnison est
pour ainsi dire une question d'existence pour
grand nombre d'habitants, on la diminue et on
enlève les dépôlsqui donnent del ouvrage un
grand nombre d'ouvriers de tous les métiers.
Hélas! faut-il que nous ajoutions que la co
terie cléricale est rayonnante et jubilante, de
voir que la ville d'Ypres n'a pu obtenir du nou
veau ministère, la réparation du mal que lui
a fait l'ancien. Nous devons constater avec re
gret que des jnauvais citoyens sont heureux de
ce que l'autorité communale n'a pu faire re
dresser le tort qu'on a fait la généralité des
habitants d'Ypres, comme s'ils n'en souffraient
pas. El devons-nous le dire, la rancune jésui
tique chez eux l'emporte sur les intérêts froissés.
Ils sont heureux d'avoir pu faire du mal leurs
concitoyens, bien qu'ils n'en soient pas l'abri,
pour satisfair e leur sauvage fanatisme politique.
Qu'ilssoient doncdoublemenl heureux, ils peu
vent se vanter, en premier lieu, d'avoir enlevé
la ville d'Ypres sa garnison de cavalerie, seul
moyen de rendre productive une somme consi
dérable enfouie dans des constructions qui
pourront désormais tomber en ruine et en se
cond lieu, ils peuvent se glorifier d'être cause que
nous n'en aurons peut-être plus, car une fois
la garnison enlevée et placée ailleurs, il est fort
difficile de la ravoir, car la villeoùellese trouve,
fait son possible pour la conserver.
V. une diversion. [Suite.)
En voyant M. de Winler qu'elle avait craint de trouver somhre
et menaçant approcher d'elle avec un charmant sourire Béatrix
respira plus librement, comme l'écolier dont la faute vient d'échapper
son inquisiteur. Guillaume avait déjà pris un air froid et ferme.
Oh! quelle bonne surprise vous me faites, Madame de Laverney,
dit Béatrix en prenant la main de la nouvelle venue. Vous me restez
toute la journée, n'est-ce pas
Je me reproche trop la rareté de mes visites pour ne pas les
compenser par leur longueur. Mais aussi, c'est un voyage de Vienne
Wagram, chère Madame Stiller je mérite donc un peu d indul
gence.
Vous ne prenez pas le plus court chemin pour l'obtenir, dit
Béatrix en souriant.
Comment cela
C'est que plus on vous connaît plus on vous désire et vous
regrette.
Voilà qui est parfait, dit 11. de YYinter. Vous êtes presque déjà
•omme deux sœurs.
Le baron avait appuyé sur les mots d'une façon significative en se
tournant yers Guillaume, (Jelui-ei pâlit, mais il soutint le regard41
baron aveo le sang-froid hautain qui ne l'avait pas quitté depuis le
commencement de cette scène.
Béatrix s'aperçut de ce que souffrait Guillaume. Que ce fut l'effet
de la générosité ou d'un sentiment plus tendre, elle trouva pour
répondre au baron une force inespérée.
Vous avez raison, Monsieur, dit-elle. Il n'est pas besoin des
liens du sang, pour que deux femmes s'aiment comme deux sœurs,
lorsqu'elles ont dans leur destiuée la même analogie que Madame la
comtesse et moi.
Le baron se mordit ses lèvres. Un sourire ironique se dessina sur
les lèvres de Mmi de Laverney, tandis que le regard de Guillaume
était devenu radieux.
Adieu, madame, dit-il alors en s'inclinant devant Béatrix.
Quelqu'un, je pense, attend mon retour avec impatience. Je vous
laisse vos amis.
Ah! Monsieur, lui dit la comtesse de Laverneytandis qu'il la
saluait son tour, serait-ce moi qui vous mettrais en fuite? je vous
en voudrais beaucoup, je vous en préviens.
Franchement, Madame, votre arrivée a plutôt retardé mon
départ.
Eh bien Monsieur, pour m'ôter tout scrupule failes-nous le
sacrifice en entier.
Si toutefois vous n'êtes pas trop effrayé d'un dincr de cam
pagne, ajouta Béatrix.
Mou excuse sera trop légitime, répondit Guillaume, pour que
je ne sois pas heureux et fier de me rendre votre invitation.
Voilà donc qui est couvcnu, dit Béatrix. Madame la comtesse
de Laverney, je vous présente un de mes compatriotes, Monsieur le
vicomte Guillaume de Gardevillc.
Mais je connais déjà Monsieur le vicomte j'ai dansé avec lui
dans quelques-uns de nos salons, et je n'en ai pas perdu le souvenir*
Ces mots encourageants furent accompagnés d'un regard plus
siguificatif encore.
Guillaume s'inclina avec une politesse un peu froide.
Si vous daignez lui faire l'honneur de lui donoer le bras, reprit
Mme Stiller, je m'empare de celui de votre frère, et nous allons faire
une promenade dans le pare.
Forcé de régler son pas sur celui de la comtesse, Gardcville se
trouva bientôt assez éloigné de Béatrix et du baron, pour que les
deux couples pussent causer en liberté.
Mme de Laverney feignit de ne pas s'apercevoir de l'impatience
qu'il ne pouvait réussir dissimuler. Tour tour gaie et triste
railleuse et enthousiaste, elle déploya toutes les ressources de la
coquetterie, tous les trésors de l'esprit, le plus habile simulacre des
qualités du cœur, toutes les séductions du regard et le plus gracieux
abandon.
Nous avons déjà dit qu'elle était grande et élanoée. Fille d'une
mère italienne, tout eD plie annonçait son origine. Ses cheveux plus
fonoés que le jais et tout chatoyants de reflets bleuâtres; seî yeux
noirs, tantôt noyés dans une molle langueur, tantôt étincelants d'un