7e ANNÉE. - N° 667.
INTERIEUR.
LÀ CHATELAINE DE WAGRAM.
DIMANCHE, 26 SEPTEMBRE 1847.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
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VIRES ACQDIR1T ÏUNDO.
YPRESle 25 Septembre.
Nous assistons un singulier spectacle, la
presse des honnêtes gens ne se possède plus, ce
ne sont que cris de détresse, imprécations,
sorties furibondes l'endroit des clubs du
libéralisme, et du ministère. Le pauvre Journal
des Baziles a suivi le torrent, depuis qu'il est
de l'opposition il s'en donne cœur joie, il
ment, il calomnie extravague, comme si un
concours était ouvert entre les feuilles ver
tueuses qui réussirait le mieux dans cet hon
nête métier.
Quoiqu'il en soit, dans son dernier numéro, il
a enfourché son vieux dada. C'est l'intérêt de la
religion qui le guidec'est le triomphe de la
religion qu'il veut sauvegarder. Il affecte des
craintes sur le maintien de l'ordre social et la
propriété, et, par leurs inconvenantes préten
tions, ses patrons sont partout des brandons de
discorde, et s'il éclate quelques parts des trou
bles on peut hardiment les accuser de les
avoir milonnés. Enfin, le béat confrère déclame
perle de vue sur le malheur d'avoir vu arri
ver le libéralisme aux affaires. Rien ne le rend
soucieux comme de voir les mêmes hommes
expulsés en 11141 par une rouerie des gentils
hommes du sénat, revenus au limon des
affaires.
Malheureusement toutes les diatribes du con
frère sont de vagues déclamations, et ce qui le
prouvec'est qu'en changeant quelques mots,
nous pourrions les servir nos lecteurs qui
les croiraient extraites d'une feuille libérale. Cela
ne doit pas étonner, car tous les reproches, qu'à
juste titre nous adressons au parti cléricalil
nous les renvoie avec une effronterie qui est
aussi stupéfiante qu'admirable. Nous allons
modifier le sens de ce faclum, et l'on verra
qu'il faut changer peu de chose, pour en faire
un article qu'on aurait pu insérer avant le
Août, sans inconvénient dans un journal libéral.
LA SITUATION.
On ne doit pas se le dissimuler une lutte
vive, incessante, implacable, est engagée en
divers pays contre les principes sur lesquels
reposent l'ordre socialles libertés publiques
la propriété. Chez quelques peuples, elle a déjà
produit ses effets, chez d'autres elle est en
pleine effervescence, ailleurs elle commence
plus inoffensive en apparence et plus timide. En
Espagne et en Portugal, déjà au nom de l'abso
lutisme les églises retrouvent leurs immenses
richessesles moines reconstruisent leurs ab
bayes, les évêques ont reconquis leur influence
temporellele commerce ruiné, la guerre civile
alluméeles familles déchiréesle pouvoir
humilié, la force publique tour tour livrée
comme instrument de vengeance la fureur
des divers partis. Nous sommes contemporains
de ces malheursnous y avons assisté en les
lisant dans les feuilles publiques, les journaux de
toutes les couleurs en foi. La Suisse, bien que
peu avancée dans ses épreuves, n'en est pas
moins travaillée dans tous les sens par les fac
tions. Après les déclamations des gazettes cléri
cales sont venues les épurations intolérantes
dans les conseils cantonnaux puis le système
d'exclusion systématique des libérauxpuis les
congrégations jésuitiques et les troupes fana
tisées qui en sont sortis. Aux harangues rétro
grades et aux trames des sociétés secrètes a
succédé l'appel la force ouverte de la part des
cantons qui ne voulaient plus reconnaître les
décisions de la diète. De là des proscriptions,
des batailles et un qui vive perpétuel. Encore
la guerre est-elle moins craindre que le fana
tisme qui la dirige et l'inspire
La faiblesse de l'opinion publique, l'entraî
nement des idées dominantes empêchent la
Belgique d'observer et de reconnaître les utiles
avertissements qu'il y a pour elle dans ces com
motions étrangères. Si la violence n'existait
que dans le langage des organes de la presse
cléricale continuellement occupés fausser les
libertés constitutionnelles et empiéter sur
l'indépendance du pouvoir civil, au nom de la
liberté religieuse, ce serait déjà un symptôme
bien grave, mais nous n'en sommes plus là:
nous sommes lancés bien plus loin dans les uto
pies et sous les griffes dévorantes d'une théocra
tie égoisle. Des associations secrètes ont pour
ainsi dire aboli la liberté électorale, chaque
élection des émissaires afiidés, dupes eux-mê
mes (les curés de village) de ceux qui les com
mandent, reçoivent le mot d'ordre et s'abattent
sur chaque localité. Plus la moindre liberté, un
candidat clérical est imposé et ce candidat est
immuable. Il n'est admis comme tel que sous
promesse d'obéir l'évèqued'être le suppôt
servile des curésde combattre les libéraux et
d'appuyer toute mesure d'oppression de son
vote approbateur; ces conditions, toute la
fédération cléricale se met en branle pour le
seconder. L'humble cultivateur est recherché
dans sa ferme et menacé d'expulsion s'il écoute
sa conscience plutôt que l'injonction de son
curé. Le fonctionnaire est placé entre une pro
messe que sa probité reprouve et une destitution
l'industriel et le négociant se voient exposés au
désachalandage le simple particulier aux mé
disances ordurières d'une presse habituée ne
rien tenir pour respectable ou sacré. Le secret
des votes est violé par des mentions spéciales
sur le billet, par le choix du papier, par l'œil
impudent du congréganiste mouchard suivant
la main tremblante de l'électeur jusqu'au bord
du scrutin.
Tout homme qui ose avouer ses sympathies
libérales est un impieet comme tel sûremeut
mis l'écart. Tout homme qui respecte les mi
nistres du cultemais qui veut les tenir dans
des justes limites, est un libéral,et cette impu
tation suffit pour effacer d'un trait le mérite
d'une vie entière de dévouement, d'intégrité et
débridants services. Nous le demandons, quand
ces préventions lyranniqties ont débordé le mi
nistère, quand on voit les conseils de la couronne
plier sous un système aussi mauvais, aussi
fatal, et lui rendre hommage par une série
aussi indéfinie de destitutions déplorables (MM.
Cools, Dele Haye, Tremouroux, etc..), n'y a-l-il
rien de grave Et n'est-il pas temps que chaque
citoyen rentre en lui-même, se demande compte
des droits dont la loi électorale l'a investi, de
l'usage qu'il en a fait et de celui qu'il en fera
dans la suite
Nous n'accusons pas les intentions person
nelles du cabinet, la cause immédiate du danger
est dans les synodes, mélange incestueux d'ab
solutisme et de cretinisme et la cause plus
éloignée, mais véritable dans l'absence de vo
lonté, propre individuelle et ferme dans le corps
électoral dans l'absence d'examen et de réflexion
de la part des citoyens bien intentionnés et ca
pables d'exercer une légitime influence.
Si le mal était monté undégré qui le rendit
incurable, nous garderions le silence, mais c'est
parce qu'il est encore temps de le conjurer et
que l'occasion devra être saisie, dès qu'elle se
présentera, que nous élevons la voix.
Nous l'élevons avec d'autant plus de force
que le danger ne se borne nullement aux inté
rêls libéraux, mais que la tranquillité publique,
les transactions commerciales, la valeur des
propriétés et toutes les ressources de la richesse
nationale seront compromises, si les chambres
déjà douteuses et les collèges tous les dégrés,
ne mettent un terme leur nonchalance, en
abattant, par leurs votes le règne brutal du
(Suite.)
VI. rivalité.
Le lendemain Guillaume se rendit Schœnbriinn l'heure qui
lui avait été indiquée de la part du prince.
Monseigneurje me suis conformé aux ordres de V. A. la
dernière fois que j'ai eu l'honneur d'etre reçu par elle, lui dit-il.
J'étais le même soir au château de Wagram où j'ai d'abord ren
contré M. de Winter, qui s'est, ce qu'il parait, décidément con
stitué le chambellan de Sliller, pour ne pas dire le cerbère. Il
m'a quelque peu montré les dents, mais j'ai passé outre et rejoint la
châtelaine dans son parc. Elle a reçu avec la plus vive reconnaissance
le camée dont j'étais porteur de la part de votre Altesse.
Lui avez-vous dit au moins, Monsieur le vicomte, combien
j'étais touché moi-même de sa gracieuse hospitalité
Les paroles de V. A. étaient gravées dans ma mémoire; je n'ai
•u qu'à les répéter.
Alors je crains bien de ne pas vous en avoir dit assez. Je ne
voudrais cependant pas partir pour ce long voyage, d'où on ne re
vient pas, sans qu'elle sût ce que ma pauvre vie lui aura dù de charme
ses derniers jours. Que n'ai-je osé vous le demander, Monsieur
de Gardeville
Monseigneur, tous les pressentiments ne sont pas toujours
justes, et quelque ohoseme dit que ceux de V. A. ne sont pas fondés.
C'est parce que vous le désirez, mon ami, et vous me permettez^
n'est-ce pas, de vous donner ce titre
Je donnerais tout mon sang pour l'avoir méiilé.
Je vous crois; car voyez-vous, ajouta-t-il avec un sourire déchi
rant, l'approche de la mort doit avoir quelque compensation. Oui,
le ciel me devait de tn'envoyer un ami pour mes dertiiers jours,
quelqu'un qui put me parler de ma patrie dans la langue de mon
père, quelqu'un qui put deviner le secret que sans lui j'aurais em
porté dans la tombe.
Le prince s'arrêta quelques instants comme pour reprendre haieiue.
Guillaume profondément ému, le regardait en silence.
Il faut se défier des mourants, voyez-vous, reprit le duc ils ont
facilement le don de seconde vue. Si j'ai le courage de vous dire ce
que j'aurais désiré cacher tous les yeux c'est que sans le vouloir
j'ai lu dans votre cœur c'est que nous aimons tous deux la même
femme.
Guillaume était loin de s'attendre aux derniers mots du duc, et
son embarras était trop visible pour échapper son interlocuteur.
Ouij'aime M"* Sliller comme vous l'aimez vous-même et si
jamais amour fut assez pur assez puissant pour rendre un homme
capable des plus grandes choses, c'est le mien, et j'en suis sur, c'est
aussi le vôtre. Si j'avais dû vivre, quel germe de maladie eût pu
résister cette flamme intérieure Je dois mourir puisque mou
amour ne m'a pas guéri. Je puis donc vou3 parler cœur ouvert,
moi dont la rivalité serait si peu de ohose, si j'avais la folie de vous
regarder comme un rival.
Monseigneur, tant de bonté me teuche. Il y a quelques instants
encore, j'étais comme vous, j'aimais et jene m'étais pas rendu compte
moi-même de ce que je cachais dans le fond de mon coeur. Oui f
de ce jour deux sentiments profonds dominent toute ma vie, mon
amour pour elle, mon dévoûmeut pour vou3.
Oh merci, dit le prince, vous me donnez la meilleure consola
tion que j'aie connue depuis longtemps. Aimons-la protégeons-la