INTÉRIEUR.
LA CHATELAINE DE WAGRAM.
7a ANNÉE. - N° 672.
JEUDI;M OCTOBRE 1847.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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vires ACQUIR1T eundo.
YPRES, le 13 Octobre.
Les scribes du Journal des Bazilesoutre
qu'ils sont d'une impudence pyramidale, ont
le tort grave de ne plus se rappeler dans l'inter
valle qui sépare l'impression d'un numéro au
suivant, ce qu'ils ont écrit. Ils se contredisent
de la manière la plus ridicule, sans aucun souci
et avec un laisser-aller, qui doit faire croire
qu'ils se moquent de leurs lecteurs. Nous en
trouvons la preuve dans le dernier numéro de
la feuille cléricale. Souvent il était arrivé au
Progrès de soutenir que la religion n'était pour
rien dans les débals politiques entre catholi
ques et libéraux; que le culte aurait été honoré
et respecté sous le règne du libéralisme, au
moins aulant que sous la domination ihéocra-
tique que le clergé aurait joui des libertés que
la Constitution lui garantit plus Iranquille-
menlet endonnant moins de prise la critique,
sous un ministère libéral que sous un cabinet
composé d'hommes sa dévotion. Eh bien
celte prédiction commence se vérifier. Un
ministère libéral est aux affaires, les mécréants
qui devaient abattre les trônes et détruire la
religion dirigent les destinées du pays, et il faut
bien en convenir, jusqu'ici on ne se prépare
nullement accomplir d'aussi grands méfaits.
Les églises ne sont point fermées les prêtres
ne sont point persécutés et l'on paraît tellement
convaincu que cela n'arrivera point, que le
Journal des Bazilesun des plus fanatiques de
la bande, imprimait dans son numéro du 2
Octobre 1847, n° 3131 ces mots que la force
de la vérité lui arrachait
Tout le monde en convientla religion est
en dehors et au-dessus de nos débatspour-
quoi dès lors affecter aux partis des qualifi-
cations équivoques et de nature jeter la
perturbation dans les esprits
Combien de fois n'avons-nous pas dit la
même choseen nous élevant contre la quali
fication de catholique, qu'on donnait nos ad
versaires comme si eux seuls méritaient ce
nom? Mais alors il n'y avait pas moyen de faire
entendre raison. Les catholiques ou soi-disant
tels, dans l'enivrement du triomphe, crovaient
que rien ne pouvait leur enlever le pouvoir et
que leur domination durerait jusqu'à la fin des
siècles. Hélas! quel fâcheux mécompte de voir
leur règne arrivé son terme et peut-être pour
toujours
Cependant en citant ces paroles dans un de
nos derniers numéros, nous voulions rendre
justice celle lueur de bon sens qui s'était fait
jour dans les colonnes de la feuille cléricale
tout en étant convaincu, que cela n'aurait pas
de suite et que les mauvaises habitudes revien
draient au galop.
Effectivement, nous avions deviné juste. Un
seul n° de la feuille cléricale a paru depuis cet
aveu significatif qui entachait au moins de
fausseté ses hypocrites terreurs pour le salut de
la religion et ses feintes inquiétudes pour la
position du clergé et le suivant s'est empressé
d'expliquer la phrase citée plus haut de ma
nière faire honneur Escobar en personne.
Voyez comme ces béats scribes se tirent d'un
mauvais pas car ils ne sont jamais plus mal
adroits que quand on les accuse d avoir eu trop
de véracité. Réellement la chose en vaut la
peine et n'eut-on la joie que de voir grimacer
unjésuile dans l'embarras, on serait récompensé
deson altenlion. Voyez donccommenlla feuille
jésuitique dit noir après avoir dit blanc:
Nous n'avons allégué nulle part Qu'll fut
convenu que la religion était en dehors de la
polémique ceci est une assertion que notre
contradicteur n'a pu nous adresser que sous
l'inspiration de sa méchanceté habituelle (vous
donnez sottement vos qualités aux autres).
La convention existe seulement lorsqu'il y a
concours de plusieurs volontés hum cela
sent l'avocat de mauvaises causes) jusqu'ici
Le Progrès n'a point pris l'engagement de ne
plus attaquer la religion, (nous avons dit
avant vous qu'elle était en dehors de nos dé
jà bals ni ses ministres nous ne les avons
jamais attaqué en tant que prêtres et aussi
longtemps que nous les verrons attaquer si
vous ne lanciez des facturas que dans ces oc-
casions-là vous jouirez d'un repos éternel)
nous envisagerions comme un devoir impé-
rieux de les défendre. (Hum! lecteur, allen-
lion voici la conclusion c'est plus beau que
l'exorde) Donc il est impossible qu'il soit
convenu entre nous que nos dissentiments
restent étrangers la religion!)!!
Eh bien que dire de ce morceau n'est-il
pas digne du jésuite le plus friand de syllogis
mes inbarocco que jamaisjésuitière ait couvert
d'un abri. Nous lisons cependant ces lignes
dans le n" 3133, 31me année, la date du 9
Octobre 1847, du Journal des Baziles. Nous
sommes heureux de constater du reste que le
Progrès n'est nullement engagé vis-à-vis de la
feuille qui s'amuse combattre des moulins
ventet défendre ce qui n'est pas attaqué. Nous
serions au regret de convenir de quelque chose
avec des gens qui ont toute honte bue et qui
soutiennent le blanc et le noir avec celle effron
terie de bas étage, qu'on ne rencontre que chez
l'espèce la plus méprisable du genre humain.
Nous avons le plaisir d'informer le Journal
des Baziles, que parce que M. Van Reninghe-
Vercaemerbourgmestre de Poperinghe, a
trouvé bon de ne pas envoyer du houblon, en
temps utile, l'exposition agricole, l'autorité com-
munalede la ville d'Ypresn'est pas tenue, comme
la feuille cléricale l'insinue, de faire obtenir des
prix aux habitants de la ville et de la banlieue
qui ont envoyé des produits agricoles l'expo
sition. Tout ce qu'elle pouvait faire était d en
gager ses administrés prendre part au con
cours et ce soin n'a pas été négligé. Si M. Van
Renynghe-Vercaemer avait rempli l'obligation
qu'il avait assumée, probablement que le hou
blon de la ville de Poperinghet'enommée par
ce produit deson terroir, aurait obtenu le prix,
et aujourd'hui l'on peut se demander, si le
houblon de cette cité ne verra paspar suite
d'une négligence impardonnable, sa réputation
amoindrie et peut-être ce commerce sera-t-il lésé
par suite de la distinction accordée au houblon
récollé sur une autre commune.
Du reste la ville d'Ypres a un caractère
moins agricole que Poperinghe et sou terri
toire ne produit pas une plante d'une culture
aussi spéciale que celte dernière ville. Cepen
dant des échantillons de ce qu'on cultive dans
nos environs ont figuré l'exposition par les
soins de M. Louis Verschaeve. Un membre de
l'administration communale a également pris
part au concours. M. le président du tribunal
et représentant Biebuvek a envoyé l'exposition
une racine vulgairement nommée carotte rouge.
Le Journal des Baziles a souvent envie de trou
ver l'administration communale d'Ypres en dé
faut et jusqu'ici cela ne lui a pas encore été
possible, nous pouvons le dire hautement,
dût-il en crever de dépit.
M. Édouard Maertens, élève du collège com
munal d Ypres, vient de subir avec distinction,
l'examen de candidat en philosophie et lettres.
Feuilleton.
Suite
VU.-* LE DUC DE REICHSTADT.
Élrange destinée que celle dn duc de Reichstadt! Né pour les
plus hautes fins de la grandeur humaine, il était tombé dans l'ob
scurité d'une cour étrangère. Issu du sang le plus généreux et le
plus ardent de la terre il se mourait de tristesse et de consomp
tion. Son père avait rempli le rôle le plu» merveilleux des Ages
anciens et modernes et lui prudemment écarté du théâtre des
grandes ambitions, était simple acteur dans un drame intime, in
connu, vulgairemais où la générosité de son Aine brillait d'un
pur et doux éclat. Bizarre compensation des choses d'ici-bas!
Napoléon avait étonné sou siècle par sa force et son empire; le duc
de Reichstadt le touchait par sa faiblesse et sou impuissance. Il
continuait non la gloire mais le martyre du héros qui mourait une
seconde fois dans son enfant.
Le duc entrevoyait toutes ces pensées tandis qu'il gagnait le
château de Wagram Son front s'était penché soucieusement et il
gardait le silence, A Rentrée de la plaine de Wagram Guillaume
s'arrêta.
Je resterai ici vous attendre Monseigneur, dit-il, moins
que vous ne désiriez que je vous accompagne plus loin.
Le duc, brusquement enlevé sa méditation, arrêta son cheval et
considéra Garde ville avec étonnement. Garde ville répéta ce qu'il
venait de dire.
C'est juste, lui répondit le prince, votre interruption m'a sur
pris au milieu des préoccupations les plus singulières et j'avais
presque oublié que vous étiez là près de moi. Veuillez m'excuser.
Je vous retrouverai icin'est-ce pas
Guillaume s'inclina le duc piqua des deux.
Bon jeune homme! murmura Guillaume en le voyant s'éloi
gner. Pauvre prince! Il pensait sans doute la Fiance son père,
son destin qui l'a fait naître roi de Rome et le fera mourir colonel
au service de l'Autriche.
A peine le prince fut-il engagé dans l'avenue du château que les
nuages de son front se dissipèrent et qu'il ne ressentit plus que l'é
motion causée par la penscc qu il allait voir Béalrix.
On l'introduisit au salon, M,ne Stiller était au piauoexécutant
une des plus tristes mélodies de Beethoven. Elle s'arrêta court en en
tendant annoncer le duc de Reichstadt. Le duc se tint sur le seuil
et dit avec une douce vivacité
Je n'entre pas, Madame, si vous ne continuez. J'aime tant
Beethoven et vous paraissez si bien le comprendre l
Mais je le rends médiocrement, Monscigueur, et vous per
mettrez...
Que j'insiste, Madame.
Cette pensée de Beethoven est bien peu gaie, Monseigneur.
Elle est alors en harmonie avec mes sentimens, Madame, et
sans doute aussi avec les vôtres. La gaîlé fatigue ceux que le bon
heur ne visite plus.
Mais je ne suis pas malheureuse Monseigneur, répartit
Béatrix en s'efTorçant de sourire, et j'ose espérer que vous ne l'étea
pas plus que moi.
Nous avons chacun notre croix porter en ce monde dit le
duc avec un soupir, la mienne n'est pas la moins lourde, et la vôtre..
Puis se reprenant aussitôt.
Mais vous ne voulea doue pas que j'entre, Madame dili! en
lui montrant le piano.
Je vous obéis Monseigneur.
Et Béalrix, pour sortir de l'embarras où commençait la jeter ce
début de conversation, alla s'asseoir au piano. Le duc de Reichstadt,
aux premières no'es de l'instrument, s'avança dans le salon et s'ar
rêta bientôt derrière la jeune femme. Là, sa taille élancée et frêle
s'inclina légèrementil s'appuya de la main sur le tabouret et il
écouta la mélodie de Beethoven dans un recueillement profond.
Béatrix l'exécutait avec un seutiment angélique1 inspiration la
gagnait rapidement et lui arrachait des larmes. Le duc aussi ne tard*
pas être vivement impressionné, autant par le chai me magoétiqué
de Béalrix dont il respirait l'odorante chevelure que par la beaute
du chant qu'elle rendait avec une si divine expressiua.