INTÉRIEUR. T ANNÉE. - N° 694. JEUDI, 30 DÉCEMBRE 1847. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. A cause du Nouvel an, le Journal ne paraîtra pas Samedi soir. Pour la première fois depuis sept ans que le journal existe, nous saluons le commencement d'une nouvelle année, sous les auspices d'une ad ministration libérale. Depuis sept ans que Le Progrès,dans son humblesphère, alutlépour ob- lenir ce résultat, si ardemment désiré par tous les amis de la Belgique et de ses institutions consti tutionnelles, c'est la première fois que nous pouvons célébrer le nouvel an sous le règne d'un ministère libéral, non plus dans le genre de ces cabinets hypocrites qui au fond ne dif féraient que de nom avec les ministères cléri caux pur-sang, mais une administration libérale comme l'entendent tous ceux qui repoussent avec dégoût les arguties jésuitiques et ne veu lent pas de la théocratie et de ses hideuses con séquences par personnes interposées. Oui, nous ne pouvons assez le répéter, il y a un an pareille époque, l'année qui allait jamais s'évanouir dans l'abîme du passé, finissait tristement et l'horison s'apercevait déjà des tristes présages qui n'ont été, hélas! que trop bien réalisés. Sous le règne du jésuitisme, la Belgique courbait la tête, et De Theux, Malou, Dechamps, d'Anethan, noms malheureux, se trouvaient chargés de faire les affaires d'un haut-clergé insatiable, pendant que la misère, disons mieux, la disette, décimait nos popula tions. Une crise alimentaire effroyable s'étendit comme un fléau sur notre pays. Pendant long temps l'année 11117 fut citée pour la cherté de la vie animale, mais dans les souvenirs, elle sera remplacée par l'année 1847, qui a été plus cala- miteuse encore. Si la Belgique a souffert celte année plus que d'ordinaire, il y a cependant eu compensation. Les élections nous ont débarrassés d'un minis tère odieux, et décimé la majorité de la législa ture qui était dévouée lepiscopat beaucoup plus qu'aux intérêts du pays. Ce résultat a pu nous consoler d'autres maux qu'il a fallu subir, sans qu'aucun pouvoir hu main eut pu nous y soustraire. Aussi avec l'abondance de la récolle passée, quelques souf frances occasionnées par la disette, ont disparu et avec elles l'administration De Theux-Malou, que nous considérions comme un autre fléau. Aussi la Belgique commence-t-elle revivre. Les expositions agricoles et industrielles ont rendu le courage notre classe ouvrière et la situation des Flandres est étudiée sous toutes les faces, afin de pouvoir attaquer le paupérisme sur tous les points et de retremper le caractère des populations flamandes abaissées par les priva tions et la misère. On dirait vraiment depuis l'avènement du mi nistère libéral que l'on .prenne plus d'intérêtàla direction imprimée au gouvernement et cela se conçoit. Les hommes qui sont au pouvoir diri gent les intérêts du pays au plus grand profit de la généralité Sous tous les ministères qui se sont succédé, la question résoudre était de con tenter l'épiscopal et tout était parfait, quand les évêques n'avaient pas envie de bouder. Aujour- d'hui on consulte les besoins du peuple et de la moyenne bourgeoisie, quand tl s'agit de poser des actes, qui louchent la situation matérielle du pays. Avant le 12 août, s'inquiétait-on des classes inférieures de la société, sinon quand leurs maux étaient devenus intolérables et alors on leur donnait l'aumône! L'économie politique du cléricalisme ne counait rien au-delà de ce moyen suprême. Si pour l'année dans laquelle nous allons en trer, nous avions faire quelque souhait, celui dont nous désirerions surtout la réalisation serait le vœu de voir le ministère libéral jouir d'une certaine stabilité. Non que nous doulions de la majorité de la Chambre, nique nous croyions que le cabiuet se rait au.dessous de «a lâche, loin de là, nous ne voyons aucun danger ni prochain ni futur, qui menace l'existence du ministère libéral. Mais pendant si longtemps l'opinion libérale a été ac cusée de ne pouvoir que démolir etd'êlre impuis sante édifier; aujourd'hui elle pourrait, si une existence d'une certaine durée était accordée au ministère libéral, faire voir qu'elle est plus fé conde que le parti clérical et que ce qu'elle i- fonde, est l'abri des attaques sourdes et pa tentes des faux amis de la liberté. Si les élections du 8 Juin ont beaucoup amé lioré la situation du parti libéral, tout n'est pas fini, et le libéralisme ne peut pas encore se re poser sur ses lauriers. Ses adversaires ne sont pas sans force et bien que battus, ils ne sont pas encore tombés dans l'impuissance. Nous devons encore lutter jusqu'à ce que nous n'avons plus rien craindre de ce parti faux et perfide qui aurait mis la Belgique en coupe régléeau profit d'une caste, si l'on n'y avait mis ordre. Aussi longtemps que les adhérents du parti clérical sont aussi nombreux qu'actuelle ment la Chambre, et qu'ils ont la majorité au Sénat, nous pouvons encore subir des revers. N'oublions pas que la haute adminis tration et même l'entourage de la royauté sont encore dévoués au parti qui a succombé au 8 Juin. Restons donc unis, n'éparpillons pas nos forces, soyons prudents dans le choix des améliorations qu'il s'agit d'introduire dans le gouvernement, que l'individualité s'efface pour donner plus de force au parti, et quand l'heure d'une victoire pleine et entière aura sonné pour le libéralisme, une ère nouvelle s'ouvrira pour la Be Igique. Depuis que M. Lehon, dans l'intérêt de la vé rité du gouvernement constitutionnel, a osé di vulguer les preu ves de la servilité de M. Nothomb, l'égard du clergé, bien d'autres faits ontété mis aujour. Il est prouvé maintenant que M. Wille- quet, un homme sage, estimé, dans l'enseigne ment depuis trente ans a été sacrifié un protégé de l'évêque de Gand. U est avéré maintenant que la note que M. Nothomb a fait insérer dans le Moniteurétait fausse de tout point. La lettre du fils de M. Willeiquet, adres sée M Lehon et insérée dans les journaux, le prouve surabondamment. Aussi la presse clé ricale, dans l'impuissance de nier, trouve sim plement que M. Nothomb a très-bien agi et qu'il n'avait rien refuser aux évêques la loi sur l'instruction primaire devait être appliquée de cette façon et l'enseignement du peuple devrait être, d'après les feuilles cléricales, remis entre les mains du clergé d'une manière détournée Où s'abonne Ypres, Marché au Beurre, 1, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PK1X DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Y prèsfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro0-25 l.c fr. Toute, qui concerne!, rédac tion doit être adressé, jranco, l'éditeur du journal, Ypres. Le Proches parait le Diman che et le Jeudi de chaque semaine. prix des insertions. Quinze centimes par ligne. tires acquirit eundo. AVIS. YPRES, le 29 Décembre. revce de l'année 1847. Feuilleton. LA QUIQUENGROGNE. bretons et français. I a journée du 28 mai 1519 s'annonçait Saint-Malo sous les plus favorables auspices. C'était un dimanche. L'azur du ciel était splendidement éclairé par un soleil maguifique, et quelques nuages blancs et roses qui apparaissaient de loin en loin, semblaient avoir •lé jetés dans l'espace afin de reposer la vue trop faible pour suppor ter l'éclat de ce divin spectaclo La température eût été chaude si elle n'eut été rafraîchie par une brise venant du nord-est; une brise légère, qu'en effleurant la sur face de l'Océan, elle n'y produisait que ces chatoyantes irradiations durant lesquelles la mer ressemble un miroir mille facettes. De temps immémorial, le dimanche est pour les habitants de Saint-Malo un jour d'émigration générale: retenus pendant la se maine, cause de leurs affaires, dans l'intérieur d'une ville entourée de tous côtés par la mer, dont les rues sont étroites, les maisons fort élevées, où ils sont pour ainsi dire privés de la vue du ciel, ils n'ont pas de plus grande jouissance que d'aller passer leurs moments de loisir hors de leur sombre prison, de se répandre dans la campa gne, de respirer un air pur, d'admirer les richessés de végétation que la nature a toujours déployées dans leur voisinage, comme si elle eût voulu les dédommager de la stérilité du rocher sur lequel ils ont bâti leur ville. II était neuf heures du matin. Les cloches de la cathédrale son naient grandes volées pour appeler les fidèles la messe, et tous, hommeset femmes, vêtus de leurs plus beaux habits, s'empressaient de se diriger vers la maison du Seigneur, tout «u songeant au plai sir qu'ils se promettaient d'une si belle journée passée la campagne. Cependant parmi ces honuêtes citadins, il s'en trouvait quelques- uns dont la ûgure était loin d'exprimer la satisfaction, et il était facile de les reconnaître, noa-seulement leur air sombre et médi tatif, mais encore leur coalume moitié civil, moitié militaire. C'étaient les gens de la milice bourgeoise qui étaient désignés par tour de rôle pour faire, oe jour-là, la police de la ville, dont la garde leur était exclusivement confiée. Il s'en fallait de beaucoup que la tenue de ces militaires fût rigoureusement uniforme: les uus portaient la jaquette courte; d'autres la longue robe;ceux-oi avaient la tête couverte d'un cas que; ceux-là d'une toque, et quelques-uns même d'un simple bon net de laine grise. Quant la partie inférieure du vêtement, elle offrait les mêmes disparates les riches bourgeois étaient recon- naissables leurs culottes de peau de daim; d'autres les avaient en drap ou en tricot de diverses couleurs. Comme on le voit, il n'y avait rien dans cet accoutrement qui dut les disliuguer du reste de leurs concitoyens -, mais la ceinture de buffle qu'ils portaient tous sans exception, et laquelle était suspendue une rapière, et surtout leur longue hallebarde soigneusement fourbie, constituaient le caractère martial des miliciens. Us devaient se réunir au nombre de cinquante, neuf heures précises, sur la place de la Beurrerie, et telle était l'exactitude de celte garde nationale primitive,qut personne ne fit défaut l'appel. U faut croire que la privation d'une partie de plaisir hors de LA CORRESPONDANCE AVEC L'ÉPISCOPAT. III. leurs murs n'était pas la raison qui donnait au visage de ces bravée Malouins une expression inquiète et sombre. Un motif aussi frivole aurait bien pu agir sur quelques-uns d'entre eux mais il n'est pas possible d'admettre que cinquante hommes eussent cédé cette même influence Or, il n'y eu avait pas uu seul qui ne parût plongé dans de tristes et profondes réflexions. S'était-il passé dans la ville quelque grave événement? Noua le saurons bientôt Messire Jehan de Bizien était cette époque prévôt de Saint-Malo. Sa maison était située sur cette même place de la Beurrerie où ve nait de se réunir le détachement de la milice. Lorsque ce magistrat parut sur le seuil de sa porte, ayant sa droite sa fille qu'il tenait par la main, et sa gauehe un de ses serviteurs portant la banuièro de Bretagne parsemée d'heruiiues, l'officier qui commandait lec militaires leur donna l'ordre de se mettre en marche, et d'ouvrir leurs rangs au prévôt qu'ils devaient solennellement escorter jus qu'à la cathédrale, et reconduire chez lui la sortie de la messe. Messiie de Bizien était uu vieillard de soixante ans; autrefois ▼aillant homme de guerre, il avait été tenu en grande estime et affection par la reine Aune, cause du setvice qu'il lui avait rendu en faisant entrer les Malouins, ses compatriotes, daus le parti do celle qu'on ne désignait en Brelague que sous le «oui de U bonns duchesse, bien qu'elle fût eu c e même temps reine de France. Les habitants de Saint-Malo ont eu longtemps la prétention d« vivre en état de république indépendante la situation exception nelle de leur cité, qui ue tient au contineut que d une manière arti ficielle, et surtout l'importance et l'étendue de leurs relations com merciales qui leur eussent permis, 1a rigueur, do se passer de lojt

HISTORISCHE KRANTEN

Le Progrès (1841-1914) | 1847 | | pagina 1