doctrine chrétienne Toulouse; pour ce motif
nous reproduirons les extraits de l'acte d'accu
sation qui ont été insérés dans les journaux.
AFFAIRE CÉCILE COMBETTES,
Au moment où le drame terrible du procès
Rosseel et Vandenplas se déroule devant les assises
du firabant, une autre affaire appelée avoir un
grand retentissement se juge au Midi de la France,
Toulouse C'est l'affaire de viol et assassinat
commis sur la personne d'une jeune fille de moins
de i Fi ans, Cécile Combettes, par un frère de la doc
trine chrétienne Louis Bonafous, en religion frère
Léotade.
La Gazette des tribunaux publie aujourd'hui de
longs détails sur cette affaire. Nous en extrayons le
portrait de la malheureuse Cécile Coinbettes et les
parties principales de l'acte d'accusation.
Voici le portrait de la victime:
La pauvre enfant n'avait pas encore atteint sa
nubilité; elle était fort petite pour son âge, 1 mètre
33 centimètres (environ 4 pieds au plus). Toutefois,
elle était bien faite et avait une tournure fort gen
tille. Sont teint était d'une blancheur suave et d'une
remarquable délicatesse; sa figure était ronde, ses
cheveux châtains et aboudans; ses yeux bruns
avaient quelque chose de voilé dans l'expression,
qui leur imprimait un caractère charmant de dou
ceur et de mélancolie; son nez, bien que légèrement
épâlé, n'avait rien de désagréable ses lèvres, d'an
rose vif, et ses dents, bien rangées et très-blanches,
lui donnaient un sourire plein de grâce. Un signe,
«le la grosseur d'une lentille, placé sur chaque joue,
relevait la délicatesse de son teint elle avait, même
pour sa taille, de très-petites mains et de très-petits
pieds. Sa démarche était distinguée. Elle mettait du
goût dans l'arrangement de son humble toilette des
jours de fête. Enfin, Cécile, la pauvre fille du peu
ple, avait toul-à-fait l'air d'une demoiselle
Nous avons dit ses qualités physiques ses qua
lités morales étaient encore bien plus dignes d'at
tention; douée d'un bon sens au-dessus de son
âge, elle avait un cœur excellent, un caractère doux
et facile; elle était vive, même espiègle, mais jamais
on n'eut lui reprocher une méchanceté elle était
laborieuse, exacte ses devoirs; dans toutes ses ac
tions, une sainte pudeur l'environnait sans cesse
ses penchants l'auraient portée vers des habitudes
pieuses, mais son travail l'empêchait de trop s'aban -
donner ses goûts favoris; cependant elle faisait
partie de la société des jeunes filles de la Daurade et
decelle du Rosaire. Le respectable M. Buffet, vicaire
de la paroisse, par les soins duquel elle fit sa pre
mière communion, le 6 Juillet 1845, pourrait dire
combien de vertu et de pureté il y avait dans celte
jeune âme. Elle remplissait ses devoirs religieux
chaque grande fête; le 4 avril 1847, quinze jours
avant le crime dont elle fut souillée, Cécile avait
fait ses pâques
Interprète des illusions touchantes, des regrets
poétiques du peuple, le narrateur dit ensuite
l'amour filial de Cécile Combeltes, sa raison pré
coce, son esprit d'ordre et d'abnégation, sa pudique
chasteté. 11 raconte qu'à l'école des sœurs de charité,
fréquentée par Cécile, ou célébrait chaque année la
fête de Sainte-Calhérine. Un repas avait lieu, et,
pour en faire les frais, chaque élève fournissait une
petite somme. Cécile Combeltes, reconnu par ses
jeunes compagnes comme la plus sage, la plus rai
sonnable, la plus intelligente, était chargée de rece
voir de l'argent et d'en diriger l'emploi comme elle
l'entendait.
S'il faut en croire, enfin, ses révélations intimes
dans une conversation qui avait eu lieu huit jours
avant sa mort, comme on parlait des pressentiments
et du genre de mort préférable Cécile s'écria
Moi, je voudrais mourir martyre.
acte d'accusation.
Le 16 avril dernier, six heures du matin, le
nommé Raspaud entra dans le cimetière Saint-Au
bin il était accompagné du sieur Lévêque, concierge
du cimetière, et du sieur Laroque, menuisier. Us se
dirigèrent tous les trois vers l'oratoiredont la
porte fait face au mur qui sépare le cimetière du
jardin des Frères de la Doctrine chrétienne. Pen
dant que Lévêque et Laroque entrèrent dans l'ora-
içe, Raspaud, demeuré en dehors, s'étant retourné
du coté du jardin des Frères aperçut vers l'angle
de jonction de ce mur avec celui qui sépare le cime
tière de la rue Riquet, le cadavre d'une personne du
sexe, dans une position qui lui fit dire au premier
aspect: «Voilà une femme qui dort ou qui fait ses
.besoins.
Mais s'étant rapproché du point où reposait la
personne qu'il avait aperçue Raspaud reconnut
que c'était le cadavre d'une jeune fille. Ce cadavre
paraissait reposer sur ses genoux et sur l'extrémité
de ses pieds, la semelle obliquant et en l'air sur ses
coudes la face contre terre les pieds étaient diri
gés du côté du jardin des Frères; la tête par som
met dirigée du côté de la chapelle ou oratoire
L'ensemble du corps était placé obliquement par
rapport aux deux murs du jardin des Frères et de
la rue Riquet au pied du mur de la rue Riquet et
dans l'intérieur du cimetière étaient placés trois
piquets: au sommet de l'un d,e ces piquets on re
marquait un mouchoir, fond bleu, pastilles blan
ches, suspendu par son centre les deux extrémités
encore nouées, se dirigeaient du côté de la tête du
cadavre.
Ce cadavre fut bientôt reconnu pour être celui de
Cécile Combettes, née le 6 novembre 18^2, et par
conséquent âgée de moins de quinze ans le 14 avril.
Cécile Conft>elles était fille de deux honnêtes et
modestes artisans de celte ville. Son père, Bernard
Combeltes, était employé comme ouvrier l'usine
de M. Talebot. Sa mère, Marie Terisse, exerçait
l'humble profession d'allumeuse de réverbères. A
l'époque où elle fut si cruellement frappée par la
mort de sa fille, Marie Terisse était au terme d'une
laborieuse grossesse; elle accoucha en effet le 5 mai,
20 jours après l'événement.
Cécile Combettes était employée comme simple
apprentie dans l'atelier du siéur Conte, relieur son
apprentissage commencé au mois d'avril 1846, de
vait finira la même époque de celle année, c'est-
à-dire, peu de jours après la catastrophe qui lui a
ravi la vie.
Le «5 avril dernier Cécile devait, selon habitude,
se rendre dans l'atelier de son maître. Elle fut ré-
Teillée six heures par sa grand'mère, sept heu
res, sa grand'mère revient voir sa petite-fille ha
billée avec son costume de tons les jours Elle
mangeait un petit morceau de pain, ayant son pa
nier, sans doute avec son déjeuner dedans, côté
d'elle. Après avoir été chercher une cruche d'eau
la fontaine de Peyrolière, Cécile partit avec son
panier pour aller chez Conte, où elle arriva vers
sept heures et demie.
Conte était le relieur de la maison des Frères de
la Doctrine chrétienne de Toulouse. Le jeudi, i5
avril, il devait remettre une grande quantité de li
vres qu'il avait reliés. Le frère Liéfroi, directeur du
Noviciat, l'avait engagé de venir avant dix heures
du malin. Coule se dispose partir il avait préparé
deux corbeilles, l'une très-grande, où il avait placé
la majeure partie des livres, l'autre plus petite, où il
dispose la partie des livres qu'il n'a pu placer dans
la plus grande.
La femme Roumagnac dite Marion, prend sur la
tête la corbeille longue; Cécile est chargée de la
plus petite. Accompagné de ces deux ouvrières,
Conte se dirige vers la rue Riquet, où est placée
l'entrée du Noviciat. La porte, fermée clef, s'ouvre
pour le laisser entrer, et se referme ensuite. Les
deux corbeilles sont déposées terre. Conte dit.
Marion Retournez au magasin; et se tournant
vers Cécile, il lui remit la main le parapluie qu'il
avait déposé contre le mur pour aider Marion dé
charger sa corbeille, et lui dit Cécile, garde mon
parapluie; attends-moi là pour porter les corbeilles
vides. Marion ressort aussitôt la porte se referme
sur ses pas elle allirme qu'elle est sortie seule, et
qu'elle a laissé Cécile dans le corridor. Conte, aidé
du portier, monte les deux corbeilles de livres dans
la procure du frère directeur. Le portier redescend
aussitôt: Conte prolonge son entretien avec le frère
directeur. Il avait non-seulement vérifier les livres
qu'il venait lui remettre, mais encore débattre le
prix de deux mille volumes relier pour la distri
bution des prix. Conte demeura avec le frère direc
teur jusqu'à dix heures un quart et quelques minu
tes. Cette heure est fixée par le frère Lorien, qui a
vu descendre Conte, et qui ce moment, les yeux
tournés vers l'horloge, a vu qu'elle marquait au-
delà de dix henres un quart.
Conte portail la main les deux corbeilles vides
il s'informe de ce qu'est devenu Cécile. Le portier
lui répond Elle sera peut-être allée au pension
nat, en indiquant du doigt le tunnel.
Çonte ne trouvant pas Cécile pour emporter les
corbeilles vides, les dépose dans le corridor, et les
envoie chercher dans la journée par un de ses jeunes
apprentis. Quant au parapluie, qu'avant de monter
chez le directeur il avait remis aux mains de Cécile,
il le retrouva contre le mur, la place même qu'oc
cupait Cécile.
Conte, qui était resté plus d'une heure chez le
directeur, ne fut pas surpris de ne plus trouver
Cécile. 11 pensa qu'ennuyée de l'attendre elle était
sortie et s'était rendue au magasin. En sortant du
noviciat, Conte s'arrête chez son oncle, le sieur Mai
tre, ancien charron, rue de l'Étoile; de là, il va
arrêter sa place pour Auch, et enfin, il entre chez
lui vers onze heures. La dame Conte n'ayant pas vu
Cécile, s'informa son mari celui-ci, de son côté
exprima la croyance qu'elle était rentrée.
Vers une heure, Cécile n'ayant pas reparu, sa
famille en est instruite la dame Conte, ainsi que la
femme Baylac, cette dernière, tante de Cécile, vont
la demander successivement, soit au pensionnat
Saint-Joseph, soit au noviciat. Au pensionnat, le
portier déclare qu'il ne l'a pas vue; au noviciat, le
portier l'a vue, mais 11e peut affirmer qu'elle soit
sortie. La femme Baylac insiste pour que des recher
ches soient faites. Le directeur est prévenu; la
seule réponse que la femme Baylac reçoit pour cal
mer ses pressentiments, c'est que les femmes ne
peuvent pas circuler dans l'établissement, et que si
Cécile y eût pénétré le matin, elle aurait été ren
contrée, et qu'on l'aurait obligée en sortir.
D'après les indications de Conte, des recherches
furent faites dans plusieurs maisons, dans l'une
surtout située rue de l'Etoile, qui était désignée
comme suspecte. Toutes recherches furent infruc
tueuses. Conte, que des affaires appelaient Auch,
auprès du frère du directeur de la maison des frères,
établi dans cette ville, partit le i5 au soir. Il revint
Toulouse le 16 au soir, et il y arriva le 17 au
matin....
Les explorations auxquelles la justice s'est livrée
l'occasion de la découverte du cadavre de Cécile
Combettes, ont eu un double but
i* Recherches d'abord du lieu où le crime a été
commis
20 Découvrir ensuite l'auteur ou les auteurs du
crime.
Résumé des faits qui démontrent que le double at
tentatcommis le 1 5 avril dernier sur la personne
de Cécile Combettesa été accompli dans ta maison
des Frères de la doctrine chrétienne.
Nous avons laissé le cadavre de Cécile Combeltes
étendu dans le cimetière Saint-Aubin presqu'à
l'angle de jonction des deux murs, dont l'un est
mitoyen eutie le cimetière et le jardin des Frères.
A huit heures du matin, M. le juge d'instruction
arrive sur les lieux et constate la position du cada
vre telle que Raspaud l'a décrite. M. lejuge d'in
struction, se préoccupant d'abord de l'hypothèse où
le cadavre aurait pu être apporté et déposé dans le
lieu où il a été trouvé, examine avec le plus grand
soin le mur de clôture du cimetière. Aucune lésion,
aucun désordre ne se prêtent cette hypothèse.
Une brèche placée au point où le mur joint l'ora
toire, situé dans le cimetière, fixe son attention.
Mais cette brèche, déjà élargie par les curieux qui
l'ont escaladée ou qui s'y sont appuyés, ne saurait
se prêter la pensée que le corps de Cécile ait pu la
traverser, pour être ensuite transporté et placé au
point où il a été vu. Le terrain placé au pied de ce
mur, recouvert d'herbes, et l'état d'humidité, est
exempt d'empreintes qu'on y aurait certainement
remarquées si le meurtrier eut traversé et foulé
cette partie du sol. Les mêmes explorations avaient
déjà été faites par les soins et sous l'inspection de
M. Lemarle, commissaire de police.
Mais arrivé vers l'angle de jonction du mur de la
rue Riquet et du jardin des Frères, M. le juge d'in
struction constate sur le parement extérieur du
mur du jardin des Frères, et par conséquent du
côté du cimetière une surface de terre fraîchement
tombée; celte terre, qui forme une espèce de moi
sissure que l'humidité a produite sur la paroi de ce
mur, s'est détachée et s'est arrêté en poussière sur
les aspérités du mur. Cette croûte a été enlevée par
le frottement produit par l'extrémité des branches
de cyprès qui ferment le couronnement du mur de
la rue Riquet; ces branches en s'affaissant, rencon
trent la paroi du mur du jardin des Frères du côté
du cimetière, et par les raclures qu'elles y provo
quent, elles ont détaché la croûte dont nous venons
de parler.
Sur le sommet du mur du jardin des Frères, le
magistrat constate quelques plantes froissées.
La justice pouvait recueillir d'utiles renseigne
ments de l'état des plantes qui couvrent les murs,
M. lejuge d'instruction a invité les médecins appe
lés, lui donner leur avis sur les divers accidents
qu'ils pourraient remarquer.
Les médecins, après avoir décrit la pose du cada
vre, constaté que la tête était nue et les cheveux
épars, font remarquer que sur les cheveux étaient
des parcelles de terre de forme et de volume varia
bles.
A travers les cheveux ils ont trouvé
i° Des parcelles de feuilles de cyprès; 2° un
pétale de fleur 3* un faisceau de filasse long de 3