INTÉRIEUR.
7e ANNEE. - N° 715.
DIMANCHE, 12 MARS 1848.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
"VILLE D'YPRES. conseil communal.
On s'abonne Ypres, Marché
an Beurre, 1, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
pir trimestre.
Pour Ypresfr. 5-00
four les autres localités 6-00
Prix d'un numéro0-25
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, Jranco}k
l'éditeur du journal, Ypres.
Le Progrès parait le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
TIRES ACQUIR1T ECNDO.
YPRES, le il mars.
Hier, dans la soirée, la cour d'assises a ter
miné la première partie de la session, par l'af
faire Florentin On se rappelle que le serrurier
de ce nom, habitant de cette ville, était accusé
d'avoir commis plusieurs vols, l'aide de dou
bles clés, en l'église de Sl-Nicolas. Depuis
longtemps on s'était aperçu qu'un détourne
ment des dons provenant de la charilé des
fidèles avait lieu, mais on n'en pouvait décou
vrir l'auteur. A la fin, 011 est parvenu saisir en
flagrant délitle voleur qui n'était autre que
Florentin, le maître serrurier employé par le
curé de l'église.
Celte affaire s'est terminée par la condamna
tion du coupable qui était en aveu, l'exposi
tion publique, huit années de travaux forcés et
huit années de surveillance.
On nous éciit de Messines:
Malgré les événements de France qui ont
assombri l'horison politique, le carnaval n'a pas
été moins brillant dans notre petite ville que les
années précédentes. Si nous voulons rester
dans le vrai, nous devrions dire qu'il a été
plus animé, car, outre les sociélésdéjà existan
tes, une nouvelle s'est formée l'estaminet
de S'-Barbe et toutes ont rivalisé de zèle pour
rendre ces jours de folie aussi gais et aussi ani
més que possible. Du reste, eu fêtes de ce
genre, les habitants de Messines sont renommés
dans l'arrondissement et nous ne connaissons
pas d'endroit où l'on s'amuseavecplusd'entrain.
Séance publique fixée au Lundii3 Mars i848,
trois heures de relevée
ORDRE DU JOUR
l'Communication de pièces.
a0 Délibérer sur les observations présentées par
M. le ministre de l'intérieur sur quelques disposi
tions du nouveau règlement pour le corps des
Sapeurs-Pompiers.
3" Émettre un avis sur la demande en autorisa
tion de vendre une partie de terre pour l'agrandis
sement du cimetière.
4* Arrêter définitivement la comptabilité des
opérations de la boulangerie communale.
Un arrêté royal du 0 mars 1848, accorde
l'administration communale de Zillebeke, un
subside de 500 francs pour couvrir les dépen
ses résultant de l'épidémie qui s'est déclarée
dans celle localité.
Un arrêté royal de même date, autorise le
conseil communal de Passchendaele contrac
ter, sous la garantie de biens immobiliers de la
commune, un emprunt de 2,400 francs, l'in
térêt maximum de 5 p. remboursable par
annuités, dans un terme de six ans, pour en
employer le montant au payement du subside
voté pour la construction de la route de Moor-
slede Passchendaele.
- ~p q
Marché d'Yfres, du 11 Mars 1840.
A son début, le marché aux grains avait un aspect très-animé et
un moment on a pu croire une fuite hausse; il n'en a pas été
ainsi, les prix sont restés fermes, mais ont peu différé avec ceux du
marché précédent.
Quatre cent trente quatre hectolitres de froment se sont vendus
de fr. 10 80 18 80; eu moyenne, fr. 17 80 l'heotolitre; hausse
60 centimes.
Lue légère hausse s'est fait remarquer sur les prix du seigle qui
s'est vendu de fr. 11 60 12 60; prix moyen fr. 12 10 dillé-
rence en plus sur le prix moyen du marché précédent 30 centimes
l'hectolitre. 21 hectolitres seulement ont été présentés eu vente.
Les prix de l'avoine n'ont pas varié. 16 hectolitres ont été acquis
aux prix defr. 8 25 8 73 en moyenne fr. 8 50 l'hectolitre;
augmentation 13 centimes.
Le prix des fèves a également subi une hausse peu importante.
68 heotolitres ont été vendus fr. 13 20, c'est-à-dire 40 centimes en
plus qu'au marché précédent.
Mille kilogrammes de pommes de terre ont été exposés en vente
et se sont vendus fr. 9 50 les 100 kilogrammes.
Des journaux demanderont peut-être pour
quoi l'on établit avec la France des rapports
officieux et non officiels. La^ponse est simple.
Un gouvernement provisoire est une autorité de
fait qui n'accrédite et ne reçoit pas d'agents
officiels. L'In dépendance en a déjà fait l'obser
vation l'occasion de lord Normamby. C'est
une règle admise en diplomatie. Indépendance
révolution'rë'neuciiatel.
La révolution de Neuchâlel accomplit son
développement. Le gouvernement provisoire a
fait publier une proclamation dans laquelle il
annonce, et la chûte de l'ancien gouvernement
et son avènement. Il rend compte de l'arresta
tion des membres du conseil d'Etat qui seront
détenus jusqu'à nouvel ordre, dans les appar
tements du chàleau. Il se félicite de ce que la
révolution a été opérée sans effusion de sang.
Voici le texte du décret qu'il publie:
Art. 1er. Le gouvernement provisoire pro
nonce la déchéance de l'ancien gouvernement
de la principauté
2. Le régime monarchique est aboli.
3. Le canton est proclamé république: tout
pour le peuple et par le peuple.
4. Toutes les victimes du pouvoir déchu ren
trent dans leurs droits, et toutes poursuites pen
dantes pour prétendu délit politique sont mises
néant, etc.
Le 3 mars, les représentants fédéraux se sont
rendus près du gouvernement provisoire et
l'ont publiquement reconnu, en exprimant le
but de leur démarche dans une allocution pa
triotique laquelle a répondu M. Piaget, pré
sident du gouvernement.
Le ministre de Prusse, M. de Sydow, qui
résidait Neucbâtel, après avoir fait deux visi
tes infructueuses aux commissaires fédéraux,
pour les engager faire remettre en liberté
l'ancien conseil d Etat, et avoir déposé une pro
testation contre le grand acte qui vient d'éman
ciper Neuchàtel de la Prusse, est parti aujour
d'hui pour Bâle.
Quant M. Bois-le-Comle, il est retourné
Berne, en demandant au directoire sa protec
tion pour pouvoir faire procéder la vente de
son mobilier. Le premier secrétaire de l'am
bassade française, M. le comte Reinhard, a
écrit au directoire qu'il avait reconnu la nou
velle forme de gouvernement que son pays s'est
donné, et qu'il retournait fixer sa résidence
Berne.
La Presse publie ce matin la lettre suivante
Mon cher Girardin,
«Hier, je traversai la cour du Louvre, et je vis
avec étonneinent que la statue du duc n'était plus
sur son piédestal.
Je demandai si c'était le peuple qui l'avait ren
versée. On me répondit que c'était le gouverneur
du Louvre qui l'avait fait enlever.
Pourquoi cela? D'où vient celte proscription
qui fouille les tombeaux.
Quand M. le duc d'Orléans vivait, tout ce qui
formait, en France, la partie avancée de la nation,
avait mis son espoir en lui.
Et c'était justice; car, on le sait, M. le duc
d'Orléans était en lutte continuelle avec le roi, et ce
fut une véritable disgrâce, que celle qui suivit ce
mot prononcé par lui en plein conseil
Sire, j'aime mieux être tué sur les bords du
Rhin que dans un ruisseau de la rue Saint-Denis.
Le peuple, ce peuple toujours juste et intelli
gent savait cela comme vous,et comme nous le com-
p.ienait. Allez aux Tuileries, et voyez les seuls
appartements respectés par le peuple, ce sont ceux
de M. le duc d'Orléans.
Pourquoi doue avoir été plus sévère que ne l'a
été le peuple envers ce pauvre prince, qui a le bon
heur de ne plus appartenir qu'à l'histoire?
L'avenir, c'est le bloc de marbre que les
gouvernemenls peuvent tailler leur guise; le
passé c'est la statue de bronze jetée au moule de
l'éternité.
Vous ne pouvez pas faire que ce qui a été ne soit
plus.
Feuilleton.
LA QUIQUENGROGNE,
VI. découverte. [Suite.)
11 ne restait pas sur le visage d'Alix la moindre trace de l'orage
qui s'y était amoncelé lorsque le jeune homme lui avait fait sa pre
mière question on eût dit qu'elle venait d'être débarrassée tout-à-
coup d un poids qui l'oppressait, tandis qu'Yorik, au contraire, pa
raissait être tombé dans l'état de prostration dont elle avait triom
phé comme par enchantement. Il y eut un moment de silence
pendant lequel Yorik cherchait se rendre compte du revirement
qui s'était opéré dans leurs positions respectives, et croyant avoir
Irouvé l'explication de ce phénomène moral
Je viens de vous deviner, madame, lui dit-il; chez vous l'or
gueil esl beaucoup plus fort que le sentiment de la fraternité; vous
me sacrifiez votre égoïsme, car je suis sûr que vous êtes ma mère.
Ne croyez pas cela, monsieur de Frapesles, répondit Alix,
vivement offensée de cette accusation si j'avais commis une faute,
si vous éliez l'enfant de mes entrailles, aussi bien que vous êtes
l'enfant de mon cœur, je n'aurais pas de plus grand bonheur que de
vous appeler mon fils, et je serais fier d'un tel fils../ Vous me mépri
seriez peut-être, mais que m'importerait, si votre affection pour moi
l'emportait sur le mépris Mais que dis-je Un fils ne peut pas
mépriser sa mère. Et pourquoi, graud Dieu vous renierais je si
vous étiez mon fils Est-ce qu'aux yeux du monde je ne passe Pas
pour être votre mère Mais je ne veux pas profaner par un mensonoe
ce uoble sentiment de la maternité j'atteste le ciel, Yorik, que vous
n'êtes pas mou fils.
Je vous crois, Alix, reprit le jeune homme; il m'est impossi
ble de révoquer en doute votre sincérité; et cependant, quoi
dois-je attribuer le trouble où je vous ai vue lorsque je vous ai fait
part des révélations de Berthe? Oh tenez, je vous en supplie ge
noux et mains jointes, dites-moi le secret de ma naissance.
Demandez-moi ma vie, Yorik, et je suis prête en faire avec
joie le sacrifice; mais ce secret que vous voudriez pénétrer ne m'ap
partient pas j'ai fait serment de ne jamais le dévoiler, et il m'en
coûte d'autant moins de vous le taire, qu'il ferait le malheur de
votre vie.
Ainsi donc, je ne dois plus avoir la moindre confiance dans les
paroles de Berthe... cette femme a voulu me tromper... Au moius
a.t-elle dit vrai en m'assurant que vous êtes sa fille
Oui, Berthe est ma mère. Cette pauvre femme dont la raison
s'est égarée n'est autre que la baronne do Kerloguen.
Pourquoi ne me l'avez-vous pas dit plus tôt Je crains de
n'avoir pas toujours eu pour cette infortunée le respect que méi ireut
son nom et les liens qui vous unissent.
J'avais de puissantes raisons pour ne pas vous éclairer ce su
jet; d'abord Berthe ne me reconnaissait plus pour sa fille, et elle ne
m'a autorisé que bien rarement la voir; ensuite, je suis la cause
involontaire du malheur qui l'a frappée, et daus l'impossibilité où
je serai toujours de yqus dire par suite de quelles circonstances elle
m'a accablée de sa malédiction, je me félicitais de vous voir ignorer
des événements dont la connaissance vous était inutile.
Fou! fou que jetais! s'écria le vicomte de Frapesles, de me
croire le fils d'un roi
S'il eut jeté les yeux sur Alix de Kerloguen, tandis qu'il laissait
échapper oette exclamation, il y aurait vu se reproduire sur son
visage les mêmes symptômes d'effroi qu'il y avait remarqués aupa
ravant mais il était eu proie lui-même une trop grande agita
tion pour étudier l'effet que ses paroles produisaient sur oette femme.
Bientôt il reprit
Et pourtant... moi aussi je puis être roi... et je veux l'être.
—4 Que dites-vous, Yorik demanda Alix, dont la voix étranglée
accusait le même genre de terreur qu'elle avait dû ressentir autre
fois en s'aperce vaut que sa mère était île venue folle.
Oh! rassurez-vous, Alix, répondit Yorik, qui devina la cause
de cette terreur; j'ai toute ma raison. Je renonce connaître le
secret de ma naissance mais ce que vous m'avez dit de Berthe me
fait croire qu'elle seule pourrait bien être la cause de l'enlèvement
de Raoulelte, et qu'elle lui a diclé la réponse que j'ai eutendue.
Plus je songea l'ambiguité des paroles de celte pauvre enfant, son
exaltation pendant notre entrevue, et plus je reconnais la vraisem
blance de votre supposition. Je me suis trop hâté de condamner
Raouletle... Je n'aurais pas dû la laisser la discrétion de votre
mère, et je songe réparer ma faute eu retournant auprès de cette
jeune fille, que je veux interroger de nouveau, et que je ferai soi tir
du château pour la mettre sous votre protection. S il est vrai qu'elle
aime le fils du gouverneur et qu'elle en soit aimée, c'est vous que