7e ANNEE. - N° 725.
DIMANCHE, 16 AVRll 1848.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTERIEUR.
LA QUIQUENGROGNE.
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TIRES ACQUIR1T EUNDO.
Y PUES, le 15 Avril.
La Société de VAlliance affecte, depuis les
événements de France, de singulières allures.
Depuis longtemps elle cachait dans son sein une
minorité républicaine, qui était parvenue don
ner le change sur ses sentiments et le but
qu'elle voulait atteindre la grande majorité
des membres de l'association refusant d'ou
vrir les yeux et se dissimulant les dangers
qu'offraient les menées d'une minorité turbu
lente et active. Dans ces derniers temps, une
assemblée générale a été convoquée et ce n'é
tait plus pour voler une adresse comme on le
faisait autrefois avec plus de modestie, les me
neurs républicains voulaient quelque chose de
plus foudroyant, ils ont présenté un projet de
manifeste I approbation de la société qui, sans
songera mal, la volé d'enlhousiasme.
A peine cette pièce fut-elle lancée, qu'on
remarqua avec étonnement. qu'on parlait d'»7i-
dépendance et de nationalité et cela se concevait,
la Belgique ne serait pas un morceau de trop
difficile digestion pour nos aimables républi
cains, et ils n admettraient personne au parlage
du galeau mais de constitution et de nos institu
tions actuelles, il n'en fut dit mol. D'un autre
côté, on voulait le désarmement, el des citoyens
mal intentionnés doivent vouloir un pays sans
défense, quand ils méditent un changement de
gouvernement. On refusait des fonds au minis
tèreafin de le faire tomber et de pouvoir
profiter de l'interrègne ministériel, pour essayer
si la Belgique ne voudrait pas se laisser imposer
unegentille petite république, au type de celle
des agents proconsulaires de M. Ledru-Rolliu.
J el est d après les faits, le plan qu'avait conçu
une audacieuse minorité au sein de l'Alliance
el tout fait croire que c'est grâce l'altitude de
la Belgique, que nous 11 avons pas vu un com
mencement d'exécution. Forcée d'abandonner
pour le moment ses projets de république et
convaincue que le pays ne veut pas modifier
le régime monarchique, celte minorité es
sayera de provoquer le changement de nos in
stitutions légalement, c'est-à-dire en s'appuyant
sur I article 131 de la constitution, qui indique
la marche suivre pour la réviser.
Aussi, nous voici arrivé au second acte de la
comédie politique qui se joue l'Alliance.
Des membres influents frappés du mauvais effet
feuilleton.
que produisait le fameux manifeste qui devait
écraser le ministère constitutionnel, d'après les
désirs des brouillons de VAlliance, ont prié le
comitéd examiner, s'il n'était pas opportun d'en
trer dans quelques explications l'égard du
silence gardé sur le maintien de la constitution,
surtout en présence des commentaires du Débat
social, recueil républicain et organe de la mino
rité de Y Alliance, qui trouvait qu'il était oiseux
d'admettre quelques platitudes propos de la
constitution. Le comité s'est assemblé, on a
discuté longuement la question et la société
qui. comme corps, comme association politique,
n'a pas fait mention de la constitution dans son
manifeste, et par cela même, se trouve soup
çonnée d'avoir autorisé volontairement celte
omission, ne peut la réparer, bien qu'il soit
dans le vœu de la majorité, de concourir au
maintien de celte constitution parce que les
républicains du comité s'y opposent et que leur
rôle deviendrait trop difficile.
Cependant sous la pression de l'opinion pu
blique. il fallait faire quelque chose et le comité
a décidé que chaque membre s'expliquerait en
assemblée générale, comme il le voudrait, sans
engager la société et en son nom personnel.
C'est ainsi qu'on a voulu tourner la difficulté,
mais l'opinion publique sera-t~elle satisfaite et la
majorité de XAlliance conlinuera-t-elle se
laisser jouer par quelques ambitieux qui tien
nent ne pas se démasquer?
Mardi dernier, la Société deXAlliance s'est as
semblée pour le renouvellement des pouvoirs du
comité, el ainsi que les rôles en ont élédislribués,
la comédie s'est jouée. Le président, M. Defacqz,
a fait une déclaration franchement constitulion-
n'lie, les autres membres constitutionnels du
comité ont suivi cet exemple et tous ont donné
leur adhésion franche et nette la constitution
el aux institutions monarchiques. Mais quel
amphigouri, quand les républicains cachés ont
été invités s'expliquer! Tous se réfugiaient
derrière la souveraineté nationale et s'étendaient
sur l'excellence de la Constitution qui compre
nait un art. 131, indiquant de quelle façon on
peut parvenir la bouleverser, en conservant
un vernis de légalité. Beaucoup de membres de
l'Alliance ont été médiocrement édifiés par le
pathos de ces grands citoyens, car MM. Barlhels,
Delstanche, Deneck, Fuuck, Vangoidsuoven
el Van Meenen ont obtenu environ une centaine
de suffrages de moins que les autres membres
X. J.a délivrance. (Suite.)
Nous «vous dit précédemment que l'entrée de la Quiquengrogne
élait l'extrémité d'une galerie, au rez-de-chaussée,laquelle galerie
s'ouvrait sous le voûte de la poterne, de sorle que rien n'était plus
facile aux Mulouius que d'aller délivrer le vicomte de Frapesles
aussitôt après s'être rendus mailres de cette partie de la citadelle
mais l'ardeur du combat leur avait fait oublier I objet de leur prise
d'armes, et tout en continuant demander grands cris qu'on leur
rendit le prévôt, ils négligeaient précisément de faire ce qu'il fallait
pour lui reudre la liberté. Ils luaieut et se faisaient tuer sans penser
au ire chose.
Heureusement pour eux, heureusement surtout pour Yorik,
qu'une autre personne eut plus <ie présence d'esprit que les miliciens.
La vieille Berlhe était montée de graud matin sur le sommet de
la Quiquengrogne pour voir se lever le soleil, ou pour se livrer aux
rêveries hallucinalrices pendant lesquelles se développait en elle
1 étrange faculté de deviner l'avenir. Elle avait donc assisté au ré
veil extraordinaire de la ville, elle avait vu les groupes se former,
les bourgeois sortir de leurs maisons aimés de toutes pièces, la foule
du comité. Il paraît que celte opposition au
sein de Y Alliance, laquelle ces dignes patrio
tes ne sont pas faits, les aexaspérés. Aussi quand
tous les membres constitutionnels étaient partis,
ont-ils voulu prendre une revanche, et par 80
suffrages contre 51, M. Van Meenen, le prési
dent de chambre la cour de cassation le
vieux Sans-culotte, l'ancien député catholique
de l'arrondissement d Ypres et aujourd hui le
mannequin républicain des radicaux dissimulés
de VAlliance, a été nommé vice-président, en
remplacement de M. Dindal, le libéral consti
tutionnel. Aussi pourquoi les constitutionnels
se fourvoient-ils dans une société dont la direc
tion est dévolue quelques brouillons?
Quoiqu'il en soit, l'influence de la Société de
Y Alliance sur l'opinion publique est considéra
blement amoindrie. Les yeux s ouvrent la lu
mière et ceux qui jusqu ici n'ont pas voulu se
rendre bien compte des allures suspectes de
cette société, sont forcés d'avouer maintenant,
que la séparation qui s'est accomplie il y a deux
ans. est aujourd hui parfaitement justifiée. Les
constitutionnels qui cette époque ont quitté
XAlliance et érigé XAssociation libérale, ont
été plus perspicaces que ceux qui alors ont
voulu soutenir la société-mère tout prix
et cela, pour en faire un levier aux mains des
adversaires de l'opinion constitutionnelle. Heu
reusement, nous le répétons que la perfidie et
l'astuce n'ont qu'un temps et que MM. les répu
blicains de XAlliance finiront, malgré leur ta
lent de dissimulation, par être démasqués et par
perdre tout crédit sur l'opinion publique.
Depuis trois jours nous n'avons plus trouvé
des factums signés Van Meenen dans les jour
naux. En vérité, c'est triste de ne plus rencon
trer les épltres si aimables, si spirituelles du
Graccus de la nuance monarchique. Vraiment
cela égayait les grands journaux, et M Van
Meenen, sans le savoir, a atteint un succès de
haut comique tout fait convenable un grave
magistrat. Nous nous rappelons qu'en 1331
nos campagnards sont venus voler pour cet
olibrius, en disant qu'ils ne le connaissaient
pas. Un plaisant qui on demanda qui étuit ce
candidat, se moqua des électeurs campaguards
et le fit passer en jouant sur les mots pour un
Monsieur de Menin (petite ville trois lieues
d'Ypres). En effet, Menin en flamand, s'ap
pelle Meenenet les électeurs satisfaits de savoir
se grossir, serpenter dans les ues en grondant, en frappant aux
portes, et eufiu se répandre sur la place Saint. Vincent et la remplir.
Elle avait vu commencer l'attaque sans comprendre quoi ten
dait cette hostile démonstration, mais en prêtant plus attentive
ment l'oreille aux rumeurs qui dominaient le bruit des délouations
d'armes feu, elle entendit prononcer le nom du prévôt, et quel
que® autres mots qu'elle parvint encore saisir, ne lui laissèrent
pas le moindre doute sur la cause du soulèvement.
Elle était certaine présent que le vicomte était arrêté et prison
nier dans le château.
Mais elle savait aussi qu'à moins qu'il n'eut été déposé dans l'ap
partement du gouverneur, Yorik devait «tre enfermé dans un des
cachots de la Quiquengrogne, puisque toutes les autres parties de
la citadelle étaient occupées par les soldats.
Or, ainsi qu'elle le disait elle-même la vieille Berlhe était la
confidente de la Quiquengrogue, elle en connaissait les plus secrètes
issues, les réduits les plus ténébreux l'insu de tout le monde,
elle avait reçu des mains de la reine Anne les clés qui ouvraient
toutes les portes de son domaine de granit. Les maîtres du château
étaient les géôliers qui retenaient les captifs dans les chaînes, mais
la vieille Berthe pouvait être la providence qui les sauvait son gré.
Elle faisait ces réflexions tout en descendant l'escalier qui la con
duisait sa demeure.
Elle prit uu trousseau de clés cl descendit encore.
Un inexplicable pressentiment la poussa vers la pièce qui avait
naguère servi de piison Raoulette, et là/ elle trouva en effet celui
qu'elle cherchait.
La folle vit Yorik sans manifester d'étonnemeut, et sans trahir
par le moindre signe extérieur la joie qu'elle éprouvait en rendant
un si grand service l'homme dont elle avait fait son idole.
Suivez-moi, monseigneur, lui dit-elle de sa voix morue, la
Providence veille sur vous!
Qu'avez-vous fait de Raoulette? demanda le vicomte sans
remercier autrement sa libératrice.
Venez, lui répondit-elle, j'ai beaucoup de choses vous dire et
vous demander.
Yorik suivit la vieille Berthe qui referma la porte du caohot, et
tous deux moutèrent l'étage supérieur.
Ils avaient disparu depuis quelques minutes peine, lorsqu'arrira
l'officier, l'épée nue la main, et venant mettre exécution le pro
jet qu'il avait formé de tuer le prévôt, s'il ae pouvait le contraindre
user de son autorité pour mettre uu freiu la furie des assaillants.
Il demeura immobile de stupéfaction, lorsqu'en entrant il s'aper
çut que le prisonnier avait disparu sans laisser aucun indice du
moyen qu'il avait employé pour effectuer son évasion.
Il faut que le diable se soit déclaré oontre nous, peusa-t-il
tout haut.
El il revint au rempart pour prendre U commandement des