INTÉRIEUR. 8e ANNÉE. - N° 734. JEUDI, 18 MAI 1848. JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. feuilleton. LA QUIQUENGROGNE. Ou s'abonne Ypres, Marché an Beurre, 1, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE l'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. *5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro0-25 Tout ce qui concerne la rédac tion doit être adressé, Jranco, l'éditeur du journal, Y près. Le Progrès parait le Diman che et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. TIRES ACQUIR1T EUNDO. ÏPRE8 le 17 liai. Il est de mode aujourd'hui de crier misère et de s'apitoyer en belles phrases sur les souffrances du peuple. On essaye de faire le procès l'ordre social, actuel, sans savoir le moins du monde comment le remplacer. C'est là le point dont on s'inquiète le moins. Enfin on se lance l'a venture dans les rêveries sociales les plus im possibles, sans même se poser la question de savoir, si le régime qu'on veut essayer n'est pas impraticable. Certes, nous sommes les premiers convenir que tout n'est pas parfait en ce monde, qu'il y a des individus qui souffrent et qu'il serait souhaiter qu'on puisse départir tous une même somme de bonheur. Mais si l'on veut approcher de ce but, car l'atteindre il ne faut pas y songer, et arriver l'amélioration des classes souffrantes de la société, ce ne sera ja mais par des révolutions, ni par des mouve ments insurrectionnels. Des maux de ce genre ne peuvent être guéris que par des mesures souvent lentes produire de l'effet; il faut du temps pour changer l'assiette d'une société et des années avant qu'on puisse s'assurersi l'expérience a réussi. Dans celte époque d'agitation politique, on ne veut plus attendre, il faut des mesures ra dicales, au risque d'aggraver le mal. C'est ainsi qu'en f iance on a essayé d'organiser le travail et tout le monde sait comment on y est parve nu. Qu'on l'avoue ou qu'on s'y refuse, il faudra toujours finir par admettre, qu'il y a des situa tions qui ne peuvent être atténuées par nul re mède humain, qu'il y a des circonstances fata les qui brisent les nations comme les individus. Mais, si d'un côté on expose avec complaisance la face affligeante de celle société, on oublie de faire mention du revers plus agréable. L'équité exige cependant qu'on mette en regard la po sition du travailleur d'aujourd hui, avec ce qu'elle était il y a soixante ans. La consommation en denrées de tout genre est fortement augmentée. Le pays produit bien plus en froment et autres céréales et la moyenne de la production pour chaque individu est en viron de deux hectolitres de fi ornent par tête, tandis qu il y a cinquante ans, ce chiffre ne s'élevait guère au-dessus d'un hectolitre. Non-seulement il est mieux nourri, mais il est mieux vêtu, cela frappe tous les yeux. Il suffira de mentionner deux chiffres, pour mon trer lajmesure du progrès qui s'est opérée sous ce rapport. Eu 1789, nous connaissions peine le coton, aujourd'hui il fournit le linge de corps l'ouvrier. La femme du peuple au lieu de la robe bleue ou noire qu'elle gardait dix ans, se pare aujourd'hui de charmantes indiennes que son mari lui achète au prix d'une ou de deux journées de travail. L'usage de la laine est ré pandu parmi les classes laborieuses, le drap a remplacé la grosse toile dans l'habillement de l'homme. Ce ne sont pas là seulement des amé liorations matérielles, c'est un progrès du peu ple dans l'extérieur et les .apparences sur les quels les hommes se jugent entre eux c'est pour ainsi parler, l'égalité visible. La population est également mieux logée; les huttes ont fait place aux maisons, le nombre des habitations s'estaccru depuis vingt-cinq ans, elles sont mieux closes, plus commodes. Au reste, tous ces faits économiques qui ont entre eux une corelation intime, un enchaînement rigoureux et dont il suffit de suivre la filiation pour en constater l'exactitude, viennent se ré sumer en un fait généralcelui de l'augmen tation de la vie moyenne. Elle était de près de 29 ans en 1770, elle est aujourd'hui d'après M. Charles Dupin, de 36. Nous Tenons constater d'ailleurs que tout le monde est d'accord sur l'accroissement de la vie moyenne et si elle est accrue, n'est-il pas évident que cet accroisse ment ne peut résulter que d une plus grande aisance ou, si l'on veut, d'une atténuation de misère. Le champ des améliorations possibles est vaste et d'une inépuisable fécondité, mais si ou ne procède avec une sage lenteur, les modifi cations qu'on voudra introduire, n'amélioreront réellement la position sociale des travailleurs que pour autant qu'on consultera l'expérience et qu'on ne se lancera pas corps perdu dans les innovations préconisées par des hommes remplis de bonnes intentions, mais sans idées pratiques. Depuis longtemps les secrétaires communaux étaient en instance pour solliciter une amélio ration dans leur position excessivement pré caire aujourd'hui, et jusqu'ici rien n'a été fait pour rendre ces fonctions moins pénibles. D'un côté, surcharge de travail, non-seulement pour la commune, mais dans l'intérêt du gouverne ment et de la province, et de l'autre, des émo luments peine suffisants pour pouvoir exister, nous ne disons pas honorablement, mais de manière ne pas devoir envier la position de l'homme qui gagne sa vie par un travail manuel. MM. les secrétaires ont cru que la devise aide-toi, le ciel (aidera, est bonne pour eux comme pour tout le monde, et ils ont décidé de se constituer en association, afin de défendre leurs intérêts et d'arriver par tous les moyens légaux, faire admettre par la province ou l'état, une récompense pour le travail qu'ils sont tenus défaire la demande des administrations pro vinciale et générale. Nous recevons cet égard une communication de l'honorable président et nous nous empressons de l'insérer Monsieur f éditeur Permettez que je réclame une place dans votre journal, pour faire connaître, vos nombreux lec teurs, l'érection d'une société toute nouvelle, et, peut-être, non sans portée, dans un moment de libre, d'actif mouvement de ce mécanisme consti tutionnel que les besoins d'une époque de jouissance positive de la liberté créent et font mouvoir partout où l'union est reconnue comme levier de force, comme aliment de la fraternité. D'abord, disons qu'avant 1794, les écritures des communes rurales, ou, si je puis m'exprimer ainsi, la besogne plumi- tive, peu importante, d'ailleurs, en présence d'un rouage administratif aussi simplifié que d'une exi gence presque négative, était confiée des greffiers peu rétribués, la vérité, maisabsorbant, par contre, en eux, cette partie féconde, fructifiante des attri butions actuellement dévolues MM. les notaires, sans compter que la courtisanerie rustique d'alors pourvoyait abondamment de préseuts les bahuts de ces notables de l'endroit. Par celte disjonction, les secrétaires, successeurs de ces anciens greffiers, n'ont plus joui que d'un traitement et de frais de bureau fixes, supérieurs, d'abord, au chiffre actuel; mais, par un effet tout au moins bizarre, dès que l'administration provinciale fut composée d'élus populaires, l'élévation des quels les secrétaires, ainsi que leurs amis, avaient concouru, ceux-là virent leurs ressources amoin dries, alors même que la plus rigoureuse justice militait en faveur d'une augmentation équivalente au surcroît de travail imposé aux secrétaires Eh bien cette réduction, que je me permets d'accuser d'injustice, est maintenue, depuis lors jusqu'à ce jour, nonobstant de vives et multiples réclamations. Cependant les affaires traiter par les communes ont suivi, depuis 179A, une gradation ascendante telle, que du tiers de son importance de ce temps- là, elles ont été doublées sous le gouvernement précédent, et sont, en ce moment, de moitié plus xiv. - SDR LA REINE JEANNE. (Suite.) Au commencement du mois de mars la Reine-Jeanne fut prête se mettre en marche. L aurore r|ui annonça le jour du départ répandit sa lumière faible et voilee sur I horizon de I Orient avec cette sérénité de l'air cette douce gradation de teinte» roses et dorées qui présagent une belle journée de Gn d hiver. Une légère brise de l'est semblait apporter la lumière sur ses ailes, et les navires, encore enveloppés d'o.nbre s'éveillaient au murmure qui frémissait dans leurs a»rès. Au large' dans l'avant .port de Saiut-Malo, la Heine-Jeanne se berçait molle- ment sur son ancre, impatiente de s'élancer dans l'espace Déjà un grand nombre de personnes s'attroupaient sûr les murs pour voir partir 1a Reine-Jeanne, quand le bruit strident des palmes du guindeau annonça qu'elle allait mettre la voile. Sur le pout réguaieut cette activité, ce lumulle, cette sorte de conlusiou cou- séquences nécessaires d'un départ. Le temps était si favorable 'qu'on s'était un peu hâté pour en profiter. Cependant les manœuvres s'exé mutaient avec ordre et rapidité la voix de Jacques Cartier qui, debout sur l'avant du uavire, surveillait les travaux de l'appa reillage. Bientôt la chaîne prit une position perpendiculaire, et comme le Capitaine n'était pas encore bord, le gracieux navire testa sur son ancre demi soulevée, les ailes entrouvertes, n'atten dant que le sigual pour prendre son essor sur cette mer caressante, et qui faisait scintiller les mille facettes de ses petits flots aux lueurs du matin. Yorik et Renée, revêtus de leurs habits de cérémonie, étaient montés sur la tour de la Générale, la plus haute de la citadelle, et de là leurs regards embrassaient un immense horizon. Le capitaine, eu apercevant son vaisseau si fin, si élancé, avec cette apparence de désordre harmonieux que lui donnaient ses voiles pendantes sur leurs cargues, et ce balancement indolent et uniforme que lui im primait la brise, sentit monter ses lèvres un sourire de bonheur, et se tournant vers Renée toute palpitante d'émotion: Madame la princesse, lui dit-il, vous avez devant les yeux le plus élégant navire qui ait jamais flotté sur la surface de l'Océan. La Reine-Jeanne est une vaillante coureuse d'aventures, et je regrette qu au lieu d un insignifiant voyage le long des côtes, vous n'ayez pas faire, son bord, une glorieuse traversée comme celle dont elle est revenue saine et sauve. Mais l'houneur de recevoir Voire Altesse Royale la dédommagera grandement de ce qui lui manquera du côté des périls surmonter. Mais je vois que l'heure est venue la brise est favorable, le navire n'attend plus que votre présence. Ve nez, madame la princesse. Partons, mou cousin, partons, dit Renée avec enthousiasme. Je suis heureuse de confier mou existence votre habileté. La science nautique était si peu avaucée cette époque, et les sinistres maritimes si fréquents, qu'il fallait en effet que la jeune princesse fut douée du courage le plus éuergique pour s'exposer, sans aucune nécessité, aux dangers d'un pareil voyage. Elle allait monter pour la première lois sur un vaisseau, et aucune appréhen sion ne venait troubler lajoie de son cœur. Eu sortant du château, ils trouvèrent la milice rassemblée en bon ordre sur la place Saint-Vincent, et attendant leur sortie pour les escorter jusqu'à la barque qui devait les conduire au navire. Une demi-heure après ils montaient sur le pont, au milieu des acclama tions de l'équipage, et la Reine-Jeannegracieuse et cambrée sous la brise, glissait vers l'horizon. A bord, tout était encore en activité; les matelots achevaient de mettre en ordre tout ce qui se trouvait sur le pont on assujétissait la chaloupe sur le panneau, les manœuvres étaient roulées sur les chevilles, la chaîne était arrimée dans sa boite, on accrochait les ancres au bossoir. Le contentement brillait sur le visage des matelots. La surface de l'Océan, émaillée de points blancs formés par les ailes des mouettes, souriait de placitude et de joie, et, sous les flancs rapides du navire qui y creusait un léger sillage, faisait entendre un harmonieux cla potement qui jetait dans l'atmosphère comme un murmure de bonheur. La journée s'écoula ainsi. La brise, toujours douce et prospère, emporta la Reine-Jeanne vers le sud-ouest; puis le soir viut, pâle et d'abord voilé dans ces vapeurs diaphanes qui répandent tant de mélancolie sur toute la nature puis encore ces vapeurs s'étant con densées l'air devenu froid, se détachaient en mille flocons où l'or, la pourpre et l'iris luttaient de splendeur. Cependant le soleil, en s'aflaissant de plus ea plus, variait les tein tes et les rendait plus sombres, tantôt bordant d'une frange d'or pur ce loug nuage qui, comme un immense crocodile, semblait ramper sur l'horizon, tantôt teiguant de rose ce petit nuage bouffi, et lui donnant l'apparence d'un chérubin traversant les airs. Assise l'avant du vaisseau, côté d'Yorik, Renée admirait dans une naïve extase ce magnifique spectacle dont rien encore n'avait

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