SOCIÉTÉ DE L'UNION LIBÉRALE
La réunion est nombreuse et plus de quatre-
vingts personnes sont présentes. A quatre heu
res, la séance est déclarée ouverte et M. le
secrétaire est prié de donner lecture du procès-
verbal de la séance précédente, dont la rédac
tion est adoptée sans observation.
M. le président informe les membres de l'as
sociation que depuis la dernière assemblée
générale, quatorze nouveaux membres ont été
admis au sein de la société. Les membres nou
vellement acceptés, présents la séance, vien
nent signer le registre des .statuts de la so
ciété et reçoivent un exemplaire du règlement.
M. le président expose que le but de la réu
nion de l'association est en premier lieu, le choix
d'un candidatpour le Sénat. Le comité, dans sa
dernière réunion, a jeté les yeux sur M Mnlou-
Vergauwen pour occuper le siège du sénat.
Déjà l'a nnée dernière, il avait été son candidat
et s'il a été élu alors par le concours des deux
partis, certes nos adversaires n'auraient pas été
de si bonne composition son égard si l'opi
nion libérale n'avait pas énergiquement soutenu
ce candidat.
Cependant le comité a cru devoir, avant de
passer outre, attendre le retour de M. Malou et
pressentir ses intentions sur la ligne politique
qu'il comptait suivre. M Malou, en se montrant
flatté de la démarche du comité, qui lui a en
voyé une députalion pour lui offrir la candida
ture a répondu catégoriquement, qu'il se ral
liait non-seulement aux statuts de IUnion
libérale et qu'il coopérerait de tous ses efforts au
triomphe des idées libérales et constitutionnel
les, mais qu'il adoptait en outre les principes
énoncés dans le manifeste de Y Association libé
rale de Bruxelles. Enfin M. Malou a franche
ment et loyalement accepté la candidature de
membre du Sénat offerte par l'Association libé
rale de l'arrondissement d Ypres.
Personne ne demandant la parole M. le
président propose l admissionpar assis et levé,
de M. Malou sur la liste des candidats provi
soires. Elle est prononcée. D'après le règlement,
la parole doit être accordée ceux qui la de
mandent, pour appuyer ou combattre celte
candidature. Personne ne réclamant la parole,
M. le président propose de passer au scrutin
secret pour l'admission définitive de M. Malou-
Vergauwen.
Le dépouillement du scrutin donne pour
résultat, que la candidature définitive de M.
Malou est adoptée par une très-grande majo
rité de membres de l'association, et M le pré
sident, en conséquence, proclame M. Malou-
vtbgalwtrr sénateur sortant candidat de
l'Association libérale pour le Sénat.
M. Alphonse Vanden Peereboom demande la
parole pour réfuter des assertions malveil
lantes répandues en villepour faire du tort
l'Association. 11 paraît qu'on insinue, qu'il
est très-difficile d'être admis dans l'Union libé
rale et qu'on ne veut recevoir que certains
individus l'exclusion de certains antres. Il
est important, dit M. Vanden Peereboom. de
détromper les personnes qu'on aurait pu égarer
l'aide de ces mensonges. Nous ne devons pas
faire du prosélytisme, ajoute-t-il, toutes les per
sonnes qui veulent s'abriter sous la bannière de
l'Association doivent le faire librement mais
aussi de tous ceux qui veulent faire partie de
l'Association personne ne doit être refusé. La
seule condition exigéevest celle de professer des
opinions libérales, et ce n'est pas la cotisation
annuelle qui peut faire reculer quelqu'un, puis
qu'elle ne s'élève qu'à deux francs par an.
M. Boedt-Lueien demande la parole et dit
que plusieurs électeurs ont manifesté le désir
qu'il fil une profession de foi et qu'un journal
s'est fait l'interprète de ce vœu. Je me rends
cette demande, dit M. Boedt, mais comme je
méfie de ma mémoire je l ai couchée par écrit.
La lecture de celle profession de foi est ac
cueillie par d'unanimes applaudissements.
M. le président remercie M. Boedt, au nom
de l'Association, des principes justes, explicites
et vraiment libéraux qu'il vient d'énoncer et
croit pouvoir l'assurer qu'ils sont partagés par
toute l'assemblée.
M. le président prend la parole pour exposer
que malgré de nombreuses démarches, il a été
impossible de trouver pour troisième candidat
un homme capable, libéral indépendant de
caractère et influent, qui voulut accepter le
mandat parlementaire. Les efforts tentés par le
comité cet égard n'ont abouti aucun résul
tat. Mais, comme en assemblée générale, cha
que membre a le droit rie présenter des candi
dats, le comité a cru devoir consulter la société
cet égard et lui laisser la plénitude de ses
prérogatives. Il demande donc, si un membre
désire faire des propositions pour le choix d'un
troisième candidat.
Aucune motion n'est faite. M. le président
explique pourquoi il pense que, dans la situa
tion actuelle, il croit préférable d'entamer la
lutte avec deux candidats, plutôt qu'avec une
liste complète Car il y aura lutte, ajoule-t-il,
et lutte très-vive. Le parti clérical qui a fait
semblant de se retirer de l'arène politique, ne
l'a jamais quittéeil est toujours resté sur la
brèche, prêt saisir le moment favorable pour
intervenir activement en faveur de ses candidals
de prédilection. L'abaissement du cens est uu
auxiliaire très-puissant et dont il saura profiter
avec adresse. Il croit donc qu'il est nécessaire
de faire tous les efforts, d employer toute l'in
fluence que possède la société comme associa
tion et celle qui appartient chacun de ses mem-
DE L'ARRONDISSEMENT D'TPRES.
Séance du jeudi, i" Juin i848, tout la présidence
de M. Carton, père.
Messie urt,
Sur la proposition du comité de notre Associa
tion, j'ai été, par vos suffrages, proclamé second
candidat définitif pour la Représentation nationale;
membre de cette association dès sa fondation, j'avais
cru que mes opinions politiques et gouvernemen
tales étaient suffisamment connues de vous tous
Messieurs, pour pouvoir m'abstenir de faire une
profession de foi, mais un journal de la localité,
aux bonnes intentions duquel je me plais rendre
hommage, trouve que n'étant pas assez connu de la
plupart des électeurs, je ferai bien, pour répondre
leur attente, de révéler mes principes dans une pro
fession de foi je m'empresse donc, Messieurs, de
satisfaire ce désir.
Nos statuts, Messieurs, ou pour mieux dire les
statuts de notre Association électorale, sous la déno
mination à'Union libérale, portent que cette asso
ciation a pour but d'assurer en toutes circonstances
le triomphe des idées libérales et constitutionnelles;
ces idées, Messieurs, sont les miennes, je dois donc
faire et je ferai tout ce qui dépendra de moi pour
arriver ce but.
La plupart de vous, Messieurs, connaissent le
contenu de la remarquable adresse de l'Association
libérale de Bruxelles aux électeurs de l'arrondisse
ment, cette adresse qui a été volée et accueillie par
de bruyaules acclamationsdans sa séance du 39 avril
dernier, contient et expose les principes les plus gé
néreux et les plus salutaires pour le bien-être de
notre pays; celte association libérale de Bruxelles
est fondée sur les bases du programme arrêté par le
Congrès libéral dans sa mémorable réunion du 14
Juin 1846, la quelle ont assisté plusieurs membres
de notre association; eh bien! Messieurs, en vous
déclarant ici que j'adhère entièrement et cette
adresse et ce programme et aux statuts de notre
association, je pourrais croire avoir pleinement sa
tisfait au vœu de tous les électeurs libéraux; mais,
Messieurs, je ne me bornerai pas U, j'irai plus loin,
je serai plus explicite, je veux qu'on me connaisse
fond, je ne veux plus laisser subsister le moindre
doute, ni sur mes opinions, ni sur mes intentions.
Si j'ai l'honneur d'être votre mandataire la
Chambre des représentants, j'observerai d'abord
scrupuleusement le premier devoir d'un représen
tant celui d'être exact son poste.
Je contribuerai autant qu'il sera en mon pouvoir
toute mesure tendant l'amélioration matérielle
et financière du pays.
J'approuverai toute proposition qui sera faite,
toute mesure qui sera proposée, et au besoin, j'en
proposerai moi-même, dans le but d'améliorer, de
favoriser l'agriculture, ainsi que lecommerceet l'in
dustrie.
Ce q u'il nous fjut, Messieurs, ce que vous de
mandez tous, ce que tout le monde demande, c'est
un gouvernement bon marché; pour y parvenir, il
faut nécessairement de grandes économies dans les
dépenses de l'état; ces économies je les provoquerai
partout ou elles peuvent s'opérer, sans entraver la
marche régulière des affaires et du gouvernement.
Pour me résumer, Messieurs, il nous faut:
1" Si non l'abolition, du moins le changement de
la loi sur les pénsions des ministres.
3° Au lieu d'ambassadeurs aux traitements exor
bitants de 4°, 60 et 80 mille francs, de simples
consuls ou chargés d'affaires aux appointements
modérés.
3° Suppression de toutes sinécures, plusdecumuls
d'emplois.
4° Réduction des gros traitements des hauts fonc
tionnaires de l'état.
5° Révision des impôts, afin de les établir plus
équitablemerit et de manière soulager les ouvriers
et la petite bourgeoisie.
En agissant ainsi, Messieurs, je crois que la con
duite de votre mandataire méritera votre approba
tion.
silence qu'elle avait gardé jusque-là, Jeanne 5e trouva dans l'im
possibilité morale de faire constater la légitimité de son fils, elle se
consola aisément de cette mauvaise fortune, disant que sou Yorik
serait bieu plus heureux d être élevé dans la médiocrité que dans
les grandeurs; elle ajoutait qu'il était bien difficile, dans un haut
rang, de conserver les belles qualités du cœur, et que le roi Louis XII
en était la preuve, lui qui était si boa naturellement, et qui avait
néanmoins se reprocher de grands orimes envers elle. Enfin elle
disait qu'elle avait tant souffert parce qu'elle était née sur le trône,
qu'elle voulait épargner son enf.iut adoré les douleurs inséparables
du rang suprême. Mais quoi bon vous dire moi-même tout cela
"Voici toutes les lettres que m'a écrites ma sainte maîLressc; lisez,
madame Reuée, lisez, mouseigueur, ces lettres de votre illustre
mère; elles ne vous laisseront pas l'ombre d'un dou'.e, et vous verrez
quels tiésors d'amour,de boulé, de sagesse, renfermait ce cœur dont
le dernier battement a été pour vous; vous vous eu souvenez, mon
seigneur
La princesse et le vicomte partagèrent les lettres qu'Alix leur
donna dans un petit colFret qu'elle portait toujours sur elle. Tandis
qu ils les lisaient, la vieille Bertiie s'approcha de sa fille, lui lendit
les bras, la reçut avec une émotion extraordinaire, veisant des
larmes et ne prononçant pas une parole. Puis elle se relira d'un pas
grave et reulra dans la Quiqueugrogne.
La révélatiou complote du mystère de son origine, produisit sur
Yorik. deux ellcts distincts: d'abord, en songeant ce qu'il aurait
été saus les étranges scrupules qui l'avaient coudaruué l obscurité,
il fut s ir le point de maudire sa mère. N'y avait-il pas eu ellet de
quoi donner le vertige celle ar dente imagination Au moment
où, par la seule force de son génie, simple gentilhomme, artisau de
sa piopre for:une, il entrevoyait la possibilité de mettre sur sa tête
une couronne ducale; au moment où s; n ambition était surexcitée
au plus haut degré, il apprenait qu'étant venu au monde pour oc
cuper le trône de France, sa mère l'avait sacrifié son cgoïsine,
l'avait détourné de ses voies naturelles pour le vouer la sujétion,
l'impuissance, l'oubli, lui qui était né pour régner sur le plus bel
empire de l'uuivers, et qui se sentait assez fort pour diriger gloiieu-
sement les destinées d'un grand peuple Et comme si ce n'était pas
assez de cette éclatante déception, il se voyait Trusté do même coup,
des espérances qu'il avait si laborieusement conquises la souverai
neté de la Bretagne lui échappait'- les prédictions de la vieille Berthe
mentaient C'était eu devenir fou a se maudire soi-même... plus
que cela, c'était en maudire sa mère
L'orage qui grondait dans le cerveau d'Yorik et menaçait d'é
branler sa raison, ne se trahissait l'extérieur que par une attitude
de prostratiou profonde, et par les tressaillements nerveux des mus
cles de son visage. Les titillations aiguës dont ses oreilles étaient
affectées, donnaient encore sa physionomie celte apparence d'hé-
bëiement douloureux que l'on remarquechezla plupart des individus
atteints de surdité.
Apres avoir lu quelques-unes des lettres de la reine Jeanne, une
réaction favorable s'opéra en lui. Cette lecture lui rappela ses années
d'enfance passées Frapesle-«, sous les douces caresses de cette
angélique créature, daus laquelle il s'étonnait de n'avoir pas deviné
une lucre il se voyait encore assis àses pieds, la tète posée sur se
gcuoux écoutant les adorables instructions qu'elle lui donnait
chaque jour pour former son cœur la vertu, lui apprendre les
sublimes renoncements, et l'initier au dogme fécond de l'égalité
ohrélieuue. Et puis il se reporta au jour on la sainte princesse était
morte en le bénissant, eu le nommant sou fils bien-aimé, et cette
tendre appellation qui ne lui avait semblé alors qu'une aHeotueuse
caresse de marraine, résonna en ce moment daus son cœur comme le
cri d'une mère qui vent, avant de mourir, se révéler son enfant.
En présence de pareils souvenirs, le vicomte de Frape&les n'eut
plus ni colère, ni regrets; il n'eut que de la résignation, et se dit la
manière des fatalistes c'était écrit!
Il demanda mentalement pardon la reine Jeanne de l'avoir un
instant méconnue, et prenant les mains d'Alix
Vous avez été ma mère aussi, vous, bonne Alix, et j'aurais été
plu> heureux si j'eusse suivi vos oonseils; mais tout peut se réparer,
peut-être...
Forcée de se rendre 1 évidence, la princesse Reuée frissonna
d'horreur en songeant l'uniou criminelle qu'elle avait été sur le
poiut de contracter, et cherchant étouffer la passion qui débordait
dans son cœur, ou plutôt s'abusaut elle-même sur la nature de l'af
fection qu'elle portait Yorik, elle s'écria avec une véhémence dont
il serait impossible de se faire une idée
Mon frere mon frère
Et se précipitant dans ses bras, elle le serra contre sa poitrine,
tandis qu'il appuyait ses lèvres sur le front de Renée.
C'était la voix du sang qui m'entraîaait vers toi, lui disait-elle.
Mon amour, c'était 1 amour d'une sœur je me trompais, vois-tu,
en croyant t'aimer autremeut. Je ne pouvais pas deviner que lu étais
mon frere... Oh que je suis heureuse de pouvoir te dire comme je
t'aime Que je suis fière d'avoir un frère comme toi
Ali répoudit Yorik, qu'il m'est doux de pouvoir échanger
avec toi ces charmantes paroles de frère sœur Oui, nous nous
trompions tous deux sur le caractère de cette mutuelle teudresse, et
il semble que depuis le uiomeot où je t ai vue pour la première fois,
j'ai eu le sentiment instinctif de notre coniaiiguinité... Je croyais
l'aimer d'amour, et cela ne m'empêchait pas de iegrelter Raoulelte...
C est que Raoulette est mon véritable amour.
[La suite au prochain Ar°.)