INTERIEUR.
BERNAT TRENCAVELLO.
C
8e ANNÉE. - N° 743.
DIMANCHE, 18 JUIN 1848.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
ÉLECTIONS DU 13 JUIN 1848.
Feuilleton.
On l'abonné Yrmg, Marché
au Beurre, 1, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
Pour Y prèsfr. 5-00
Pour les autres looalités 6-00
Prix d'un numéro 0-25
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, jranco,
l'éditeur du journal, Ypres.
Le Progrès paraît le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQBIRIT EDNDO.
YPRES, le 17 Juin.
Les feuilles cléricales chantent la palinodie.
A les en croire, le libéralisme a rompu l'union
et la conciliation, qui étaient dans toutes les
bouches.
Nous devons ce sujet une explication courte
et précise. Le libéralisme n'a fait que se défen
dre plus de quarante places de représentants
étaient vacantes; et partout où le parti clérical
a vu des chances de succèsil a présenté ses
candidats.
Dans quelques localités, il en a même opposé
des candidats libéraux, qui avaient donné des
gages non équivoques de leur modération et
de leur sincère attachement la Constitution.
Ainsi Alost, il a combattu MM. VanCleem-
putte et Bruneau. Incertain sur le résultat de
cette lutte, que devait faire le parti libéral?
Nous n'hésitons pas répondre, que son devoir
était de maintenir sa majorité et de se renforcer
là où il le pouvait, en compensation des voix
qu'on menaçait de lui enlever.
C'est dans cet esprit que la lutte a eu lieu
Ypres et si le parti libéral a réussi, nous nous
en félicitons de tout cœur.
Nous n'avons jamais été unionistes parce
que les mots d'union et de conciliation n'é
taient, dans la bouche de nos adversaires que
des mensonges; pour en fournir la preuve,
nous n'avons qu'à nous reporter vers le passé.
Qui a commencé la lutte?
Au temps que l'évêque imposait notre col
lège électoral des Vuylstekedes DeBobiano,
des Van Meenenetc., etc., n'est-ce point le
parti clérical qui est parvenu éliminer l'ho
norable M. De Langhe?
Au temps où la conscience des électeurs
s'élevait contre ces étrangers n'est-ce point ce
même parti qui combattait la candidature de
M. De Patin, le respectable chef du parquet
d Yp res, et puis en 1841, MM. Donny et Boedt?
Et l'année dernière encore, ne combattait-il
pas, par les moyens les plus honteux, la can
didature de M. Alph. Vanden Peereboomle
même dont aujourd'hui il apprécie les qualités
et qui pourtant n'est point changé?
Que sont après cela, ces appels l'union et
la conciliation si ce n est des non-sens qui ne
peuvent plus tromper personne.
Aussi nous déclarons hautement que le col
lège électoral d Ypres a fait son devoir; il a
compris que sous prétexte de conciliation il
ne fallait pas renvoyer la Chambre un homme
qui, tant qu'il était au pouvoir, répoussait toute
espèce de réforme, et qui depuis a trouvé in
suffisantes, celles que proposait le nouveau mi
nistère, dans l'unique but de le renverser et de
se mettre en son lieu et place.
Le collège électoral a pensé comme nous il a
compris qu'une administration libérale pouvait
seule sauver le pays de la crise actuelle, et il a
frappé l'homme qui lui faisait une opposition
sourde et tracassière.
Voilà les considérations politiques qui ont
guidé le parti libéral.
Mais part ces considérations, la ville et l'ar
rondissement d Ypres avaient des griefs parti
culiers charge de M. Jules Malou et dont ils
ne doivent compte qu'à eux-mêmes.
M. Malou, ministre ou représentant n'a ja
mais rien fait pour l'arrondissement qui l'avait
élu
Représentant, il a laissé concéder notre che
min de fer des conditions qui donnaient la
certitude, qu'il n'aurait jamais été exécuté.
Ministre, il a laissé enlever la garnison
Ypres et son organe dans la presse présentait
ce fait comme une punition infligée au libéra
lisme des Yprois.
Heureusement depuis que M. Malou n'est
plus minisirenous avons obtenu du cabinet
libéral un ample dédommagement dans l'école
de cavalerie qui est établie Ypres; mais notre
chemin de fer n'est point commencé et depuis
une crise financière est survenue, qui rend son
exécution impossible.
Nous devions ces explications et nous les
donnons avec franchise; que le pays juge son
tour; quant nous, nous conservons la convic
tion que le coltége électoral sagement com
pris les intérêts de la ville, de l'arrondissement
et du pays tout entier.
Les journaux de l'opinion cléricale se plai
gnent amèrement de l'élimination de M. Jules
Malou et leur point de vue, ils n'ont point
tort. Mais ces récriminations doivent démontrer
lous les libéraux, qu'ils ont fait acte de pré
voyance et de sagesse, en éliminant M. Malou,
car élu, il était nécessairement le chef désigné
de toutes les coalitions futures contre le libé
ralisme. M. Malou était homme ne pas tra
vailler ouvertement, et certes, s'il était arrivé
la Chambre, il n'aurait pu, dans la situation
actuelle, telle que les élections l'ont faite, lever
l'étendard de l'opposition avec succès. Mais il
aurait semé des embarras sur la route du mi
nistère et s'affublant de tous les masques, il
aurait été très-capable de travailler activement
la reconstitution du parti catholique sous un
autre nom.
D'un autre côté, M. Jules Malou, tout homme
éminent qu'il est, ne nous a jamais été utile.
S'il a beaucoup fait pour l'opinion dont il était
le drapeau, il n'a jamais songé aux intérêts ma
tériels de la ville et de l'arrondissement. C'était
là le moindre de ses soucis et il comptait que 1 ar
rondissement d'Ypres serait resté assez long
temps sous la curatelle du clergé, pour n'avoir
rien craindre pour son élection.
Nous devons nous soucier assez peu des ex
clamations que l'échec de M. J. Malou fait
pousser aux journaux catholiques. Nous croyons
que le collège électoral d'Ypres, loin de s être
déshonoré, en refusant ses voles M. Malou, a
fait preuve d'un grand sens politique, d'autant
plus que ce candidat clérical n'a jamais été le
défenseur de nos intérêts et que par conséquent,
il eût été ridicule pour nous d'attacher le
moindre prix sa nomination.
SENAT.
(L. Libéral. C. Catholique. -« G. Gouvernemental.)
BR A.B AIN T. MM. Van Scboor, L. Van Muyssen, L. Dindal,
L. Wyns de Rauoourt, L. De Marnix, L. De Wauters De Bouohout,
C. D'Udekem, L. Mosselman, L. Coghen, G.
ANVERS, —i MM. le comte de Baillet, C. Cogels, G. Dutrieu
de Terdonck, L. duc d'Ursel, G. baron de Gillès, C.
FLANDRE ORIENTALE. - MM. le comte d'Hane De
Potier, C. Spitaels, L. marquis de Rodes, C. D'Hoop-Lefebvre,
C. Grenier-Lefebvre,L. Van Remoorter-De Naeyer, L. Vergauwen,
L. Cassiers, C. comte Vilain xiiii, C. De Ribeaucourt, C.
FLANDRE OCCIDENTALE. - MM. De Pélichy, C. De
Belhune, C. De Schietere, L. Malou-Vergauwen,L. De Neckere, C.
Isenbrandt, L. De Ridder, G. Van Woumen, L.
HAINAUT. -s MM. De Bocarmé, L. De Haussy, L. Ferd.
Spitaels, L. Royer-De Voldre, L.Siraut, G. Daminet, G. Dumont-
Dumortier, L, Victor Savart, L. Van Leempoei-De Nicuwmun»
ster, L.
NAMUR. MM. le vicomte Desmanetde Biesrae, G. Piéton. L.
D'Omalius-D'Halloy, L.
LIEGE. MM. De Tornaoo, L. De Waha, L. DePotesta, L.
De Cbestret, L. De Renesse-Breidbach, L. Albert Rutten,L.
LIMBOURG. MM. DePitteurs, L. De Renesse-Breidbach, L.
LUXEMBOURG. MM. De Favereau, L. Zoude. G.
Récapitulation pour le Sénat
Sénateurs républicains0
idem Libéraux constitutionnels 64
idem Catholiques-rétrogrades12
idem Gouvernementaux8
Total. 54
CHAMBRE DES REPRESENTANTS.
BllABA.i\T. MM. De Pouhon, L. Lebeau, L. Prévînairc, L.
Orls, 61s, L. Verhaegen, L. Caus, L. Tbiéfry.L. De Brouckeie, L.
Non loin d'Olot, au bas d'une liante colline .était située la cabane
de Sisena Trenieset Sisena la plus jolie 611e dont les doigts aient
jamais tressé le jonc de Catalogne, dont les mains aient façouné les
chaussures de sparterie destinées aux habitants des mcnta«ues.
Enfant de ces vallées profondes qui s'étendent au pied des Pyrénées
elle u avait pas la peau brunie de l'Andalouse, sou teint au contraire
était d'une fraîcheur extrême. Ses graurls yeux bleus brillaieut sous
des paupières humides son pied utignnu semblait toujours au large
dans les plus étroites etpartena» sa démarche était gracieuse et
légère elle avait quelque chose d'aérien. Les lougues tresses de ses
cheveux châtains Ilot tarent encore sur ses blauches épaules car aux
femmes seules appartenait alors de ne pas porter leur» cheveux tom
bants mais elle aussi bientôt allait relever sa cbevelnre.
Elle était 6ancée Namfos Ëeullooh on avait même avancé de
beaucoup l'instaut du mariage pour soustraire Sisena aux attaques
d'un uouveau prétendantpour donner Namfos le droit de la
rotéger hautement et de la défendre contre les tentatives de ce
ardi persécuteur.
Il y avait peu de jours qu'un chasseur égaré était entré dans U
cabane de la jeune fille; frappé de sa beauté, il n'avait pas tardé lui
parler d'amour. Ces campagnes, lui avait-il ditsont indignes de
vous. Venez la ville, la cour; je vous y conduirai. Ces vêtements
grossiers ne froisseront plus vos raembresdélioats. Les bijoux siéront
mieux votre front que ces fleurs agrestes et si vite fanées.
C'est avec indignation que ces offres avaient été repoussées par
Sisena mais l incounu ne s'était pas rebuté. Tous les jours il était
venu renouveler ses instances, et chaque fois elles avaient été faites
avec un ton plus impérieux. Son amour, ses paroles avaient quelque
chose de hautain d'outrageux de menaçant. Aussi la crainte et
1 aversion sont-ils les seuls sentiments qu'il avait inspirés la jolie
Catalane. Namfos s'efforçait chscalrner les appréhensions dont elle
était tourmentée. Qu'il vienne encore, disait-il et je saurai bien
mettre fin ses insolentes poursuites. Fut-il redoutable l égal de
ce Bernât qui, par sa force surnaturelle, a mérité le nom de Trenca
vello ir meke-fer il apprendra ce que pèse entre mes mains une
lige de néflier et en parlant il faisait tourner avec rapidité un
énorme bâton garni de clous de cuivre, il saura qu'on n'insulte pas
impunément la fiancée de Namfos Benlloch.
U achevait peine, lorsque la porte de la cabane, ébranlée par
une main vigoureuse, s'ouvrit tout-a-coup. Un guerrier d'une haute
stature entra, et, sans s'inquiéter de la présence du jeune paysan, il
prit une escabelle, et vint s'asseoir aussi près que possible de Sisena,
pâle de surprise et d'eflroi.
Eh bien! ma sauvage tourterelle, dit-il, répondrez-vous au
jourd'hui mon amour? consentirez-vous aujourd'hui me
suivre
Qui êtes-vous cria Namfos, dont la voix tremblait émue par
la colère, pour vous permettre d'entrer ainsi chez des gens qui ne
Vous attendent ni ne vous appellent
Que t'importe? reprit le guerrier, et duquel droit toi-même
oses-tu m'interrompre et m'interroger?
Je suis ici chez moi. J'y serai demain au moins, car Sisena est
ma fiancée, demain elle sera ma femme.
-■ Tu mens! Sisena est trop belle pour être la femme d'un rus
tre, et lu n'oserais pas la disputer Bernât Trencavello, comte de
Besalu.
Namfos, dont la fureur était au comble, fit entendre une espèce
de beuglement plutôt qu'une réponse. Mais il serrait convulsive
ment son bâton,
Mou enfant, continuait Trencavello, il faut venir vous vien
drez aujourd'hui; je l'ai ainsi résolu, et toute résistance serait vaine;
puis il saisit la jeune fille, qui voulait se cratnponer la table qui se
trouvait près d'elle; il la prit, la plaça sur sou bras gauche, comme
une nourrice enlève un inarmDt qui se mutine. Éperdue, désolée,
elle tendait les bras son fiancé. Celui-ci s'était placé devant la
pmte, disputant le passage au ravisseur; sa massue de néflier sifflait
dans l'air: il frappait coups précipités; mais Trencavello, sans
lâcher sa proie, se bornait les détourner avec la main qui lui res
tait libre.