8e ANNÉE. - X° 747.
DIIIANClïE, 2 JUILLET 1848.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
Le Comité a l'honneur de prévenir les
membres de la société qu'une assemblée
générale est fixée au Mardi, 4 Juillet
1848, 6 heures du soir, l'estaminet
le Grand Aigle d'or, Grand'Place,
Apres.
1841 ET 1848.
Feuilleton.
LE MEDECIN DU VILLAGE.
vires acquirit eundo.
Y PRE 8, lie 1" Juillet.
SOCIÉTÉ DE L'UNION LIBÉRALE
DE L'ARRONDISSEMENT D'ÏPRES.
ORDRE DU JOUR
Choix de candidats pour le Conseil provincial.
Ce oU Juin 1848,
le président,
LB SECRETAIRE, EL™!?» (Q&AIHÎ3
EUN. MERGHELYNCK.
Sept années nous séparent de l'époque qui
fut l'apogée de l'influence catholique, et aujour-
d'hui que resle-l-il de ce parti la chambre,
si non des colonnes mutilées et renversées
terre. Cependantque l'on se reporte celle
époque, le découragement fut bien près de
saisir les hommes qui jusqu'alors avaient lutté
avec constance contre les empiétements du
parti clérical. Bruxelles était avec quelques
villes du Hainaut et du pays de Liège, les seuls
collèges électoraux qui envoyaient des repré
sentants libéraux la chambre, et le nombre
en était très-restreint. Les Flandres ruinées par
l'impéritie des ministères catholiques, ne vou
laient pas sortir de leur torpeur. Elles volaient
aveuglément pour tous les candidats qui étaient
patronnés par ceux qui ont été la cause im
médiate de ses malheurs.
A celte époque, l'influence catholique qui
venait de renverser un ministère libéral, auquel
cependant on ne reprochait aucun grief et
qui avait la majorité la chambre des repré
sentants, semblait toute puissante. Elle parais
sait avoir de si profondes racines dans le pays,
qu l'exception de quelques hommes qui
avaient le pressentiment de ce qui allait arri
ver, on voulait abandonner toute lutte et at
tendre que de l'excès du mal naquit le bien.
L'esprit qui dirigeait le gouvernement était
effectivement déplorable intolérance et inca
pacité, voilà cequi ledistinguail. N'osant affron
ter l'opinion publique en face, le parti clérical
s'ingéniait ne placer au ministère que des
doublures, sous la direction d'un transfuge du
parti libéral. Tous ceux qui n'avaient pas l'agré-
ation du clergé étaient repoussés de toutes les
fonctions même non-politiques, et cette con
duite était d autant plus révoltante, que le mi
nistère affectait de prendre pour devise le mot
de conciliation. Ce régime dura quatre ans et
le chef de ce tripotage tomba devant le résultat
des élections de Bruxelles en 1845. Une nou
velle combinaison de mixture fut arrangée;
mais le chef, cette fois, était un honnête hom
me, et qui n'a pas voulu renier sa foi politique.
M. Vandeweyer, au bout de quelques mois de
ministère, dut quitter, car il compritoù on vou
lait aller et, par sa retraite, le pays fut con
vaincu que la conciliation n'était qu'un masque
et que l'influence cléricale ne voulait pas faire
de concessions l'opinion publique, qui se
prononçait de plus en plus énergiquement. On
essaya contre-cœur de composer un ministère
libéral, mais comme 1841 n'était pas oublié, il
voulait prendre ses précautions. Le parti cléri
cal se sentit perdu et en désespoir, de cause, se
saisit lui-même du pouvoir. On sait comment
les élections du 8 juin 1847 forcèrent le minis
tère des six-Malou donner sa démission.
Les événements les plus inattendus ont éclaté
depuis celte époque et la nation voit plus que
jamais que l'influence cléricale dominante était
en opposition directe avec la soif de libertés
qui dévore les peuples de l'Europe. Aussi les
dernières élections ont-elles donné au minis
tère, une majorité compacte qui lui permettra
de faire les atfaires du pays sans tiraillements.
Jusqu ici nons avions un gouvernement peu
prévoyant et peu économe du produit de l'im
pôt et cela n'avait rien d extraordinaire, car
l influence qui le forçait dépenser, n'apparte
nait pas ceux qui payaient. Aujourd hui que
nous possédons le gouvernement du pays par
le pays, les agents du pouvoir devront être plus
ménager des deniers du peuple, sous peine de
perdre les sympathies de ceux qui les ont
choisis, pour défendre les intérêts généraux de
la nation.
Désormais nous croyons n'avoir plus nous
occuper du parti catholique, il est devenu
minorité car peine corapte-t-il encore
quinze représentants avoués la chambre et
une vingtaine au sénat. Mais qu'on ne craigne
rien les intérêts des adhérents de ce parti ne
seront pas, par suite de la défaite qu ils ont
subie, lésés. Non, le parti libéral veut la liberté
et la tolérance pour tous les Belges, quelque
parti qu'ils aient appartenu. Nous prouverons
nos détracteurs quand ils étaient omnipo
tents, que l'on a calomnié l'opinion libérale et
par notre impartialité l'égard de nos anciens
adversaires, nous démontrerons que nous ne
sommes pas inspirés par celte rancune impla
cable, dont ils honoraient l'opinion libérale,
l'époque de leur toute-puissance.
BIBLIOGR APHIE.
Documents historiques inédits concernant les
troubles des Pays-Bas, 1577-1584, publies
par Diegerick. et Kervyn de Volskaersbeke
2e livraison.
La deuxième livraison de cette importante
publication vient de paraître. Comme son aînée,
elle renferme des pièces d'une valeur histori
que considérable. Nous avons surtout remarque
celles qui ont trait aux négociations avec les
seigneurs de Montigny et de Hezechefs du
parti des Mécontents, un manifeste des Etats-
généraux aux États d'Artois et du Hainaut et
aux villes de Douai, Lille et Orchies, pour les
engager ne pas écouter les promesses perfides
du prince de Parme rester fidèles la Gé
néralité
20 lettres de Guillaume de Nassau
16 de l'archiduc Malhias;
6 des Étals-Généraux
7 de membres de la famille de Lalaing;
5 de Ponthus de Noyelles.
Dans la première livraison nous avions re
marqué un fragment de lettre autographe avec
signature du Taciturne; dans celle que nous
avons sous les yeux, nous voyons les signatures,
avec fragment de lettre autographe, de Pon
thus de Noyelles, de François de la Kétulle, de
Guillaume de Maulde et enfin les signatures
des quatre députés de la ville d'Ypresaux États-
Généraux. Les originaux de ces fac-similé
reposent tous aux archives de notre ville.
Constatons en passant, que sur 177 documents
dont se composent les deux livraisons, 163
proviennent de celle dernière source; 13 seu
lement sont tirés des archives deGand, d'Aude-
narde, et des papiers de la famille de Borluut.
En rendant compte de la première livraison,
nous avions exprimé le vœu de voir s'éclaircir,
par la publication de Messieurs Diegerick et
Kervyn la grande question de la séparation au
xvi8 siècle, des provinces wallonnes d'avec la
Flandre nous croyons que la question a fait
un pas important vers sa solution. Toutefois,
nous nous abstiendrons de formuler un juge
ment, attendant pour le porter, que la publi
cation des Documents inédits soit complète.
Voir aux Annonces.)
Suite,
Je revins et au bout de deux mois j'étais presqu'un ami pour ce
jeune ménagé. M. et Mme Meredith n'avaient point un bouheur
égoïste ils avaient encore le temps de peuser aux antres. Us com
prirent que le pauvre médecin de village, n'ayant d'autre société
que celle des paysans regardait comme une beure bénie celle qu'il
passait entendre parler le langage du monde. Ils m'attirèrent
eux me racontèrent leurs voyages et bientôt avec cette prompte
conGance qui caractérise la jeunesse, ils me dirent leur histoire. Ce
fut la jeune femme qui prit la parole
Docteur, me dit-elle, là bas, par-delà les merâ, j'ai un père,
des sœurs, une famille, des amis, que j'ai aimés longtemps, jusqu'au
jour où j'ai aimé William mais alors j'ai fi-rmé mou cœur ceux
qui repoussaient mou ami. Le pere de William lui défendait de
m'épouser, parce qu'il était trop noble pour la fijle d'un planteur
américain. Mon père me défendait d aimer William, parce qu'il
était trop Ger pour donner sa fille un homme dont la famille ne
Peut pas accueillie avec amour. On voulut nous séparer mais nous
nous aimions. Nous avons longtemps prié, pleuré, demandé grâce
ceux auxquels nous devions obéissance; ils restèrent inflexibles, et
nous nous aimions! Dooteur, avez-vous jamais aimé? Je le vou
drais, pour que vous fussiez indulgent pour nous. Nous nous sommes
mariés secrètement, et nous avons fui vers la France. Oh 1 que la
mer me parut belle pendant ces premiers jours de notre amour Elle
fut hospitalière pour les deux fugitifs. Errant au milieu des flots,
l'ombre des grandes voiles du vaisseau, nous avons eu des jours
heureux, rêvant le pardon de nos familles et ne voyant que joies
dans l'avenir. Hélas! il n'en fut pas ainsi. On voulut nous pour
suivre, et, l'aide de je ne sais quelle irrégularité de forme dans ce
mariage clandestin, l'ambitieuse famille de William eut la cruelle
pensée de nous séparer. Nous nous sommes cachés au milieu de ces
montagnes et de ces bois. Sous un nom qui n'est pas le nôtre, nous
vivons iguorés. Mon père n'a jamais pardonné; il m'a maudite
Voilà pourquoi, docteur, je ne puis pas toujours sourire, même au
près de mon cher William
Mon Dieu, comme ils s'aimaient! Jamais je n'ai vu une âme
s'être plus donnée une autre âme que celle d'Eva Meredith ne
s'était donnée sou mari! Quelle que fût l'occupatiou laquelle
elle se livrait, elle se plaçait de façon pouvoir, en levant les yeux,
regarder et voir William. Elle ne lisait que le livre qu'il lisait. La
tête penchée sur l'épaule de son mari, ses yeux suivaient les lignes
sur lesquelles s'arrêtaient les yeux de William; elle voulait que les
mêmes pensées vinssent les frapper en même temps, et, quand je
traversais le jardin pour arriver leur maison, je souriais eu voyant
toujours sur le sable des allées la trace du petit pied d Eva auprès
de celle des pieds de William. Quelle différence, mesdames, de cette
solitaire et vieille maison que vous voyez là-bas, la jolie demeure
de mes jeunes amis! Que de fleurs couvraient les murs! que de
bouquets sur tous les meubles! que de livres charmants pleins d'his
toires d'amours! qui ressemblaient leurs amours! que de gais
oiseaux'chantant autour d'eux! Comme il était bon de vivre là et
d'être aimé un peu de ceux qui s'aimaient tant Mais voyez, on a
bien raison de dire que les jours heureux ne sont pas longs sur cette
terre, et que Dieu, en fait de bonheur, ne donne jamais qu'un peu.
Un matin, Eva Meredith me parut souffrante. Je la questionnai
avec tout l'intérêt que j'avais pour elle, quand elle me dit brusque
ment
Tenez, docteur, ne cherchez pas si loin la cause de mon mal;
ne me tàtez pas le pouls, c'est mon cœur qui bat trop fort. Dites,
si vous voulez, qu**. je suis enfant, dooteur, mais j'ai un peu de cha
grin ce matin. William va me quitter oui, il va de l'autre côté de
la montagne, la ville voisine, chercher de l'arg. nt qu'on nous
envoie.
Et quand revicndra-t-il lui demandai-je doucement.
Elle sourit, rougit presque, et puis, avec un regard qui semblait
dire: Ne riez pas de moi, elle répondit Ce soir!
Je ne pus m empêcher de sourire malgré le regard qui m'im
plorait.
En ce moment, un domestique amena devant le perron le cheval
que devait monter M. Meredith. Eva se leva, descendit dans le
jardin, s'approcha du cheval, et. caressant sa crinière, inclina sa tête
sur le cou de l'animal, peut-être pour cacher quelques larmes qui