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8e ANNÉE. N° 748.
JEUDI, 6 JUILLET 1848.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
CANDIDATS DÉFINITIFS
DE L'UNION LIBÉRALE
SOCIÉTÉ DE L'UNION LIBÉRALE
Feuilleton.
LE BËDEC1R DD Vlt.milS
LePro
TIRES ACQUIRIT EUHDO.
VPRE8, le 5 Juillet.
DE L'ARRONDISSEMENT D'YPRES,
pour l'élection provinciale dd 12 juillet 1848.
1» M. le Baron VANDERSTICHELE DE MAU-
BUS, Bourgmestre de la ville d'Ypres
2" M. DONNY-VAN DAELE, membre de la
députation permanente
3° M. ERNEST MERGHELYNCK, conseiller
communal et administrateur du Bureau de
bienfaisance
4° M. SERVAIS COMYN, Notaire et échevin
de la commune de Langemarck.
DE L'ARRONDISSEMENT D'YPRES.
Séance du Mardi4 Juillet 1848, sous la
présidence de M. Carton, père.
A sept heures et quart la séance est déclarée
ouverte, l'assemblée est nombreuse, et M. le
secrétaire est prié de donner lecture des procès-
verbaux des séances du 1', 10 et 12 Juin 1848.
La rédaction en est approuvée sans observation.
M. le président fait connaître qu'il y a en
core un procès-verbal qui n'est pas fait, parce
que M. le secrétaire n'assistait pas la séance
dans laquelle il a été décidé qu'au scrutin de
ballottage de l'élection du 13Juin, l'Association
libérale s'abstiendrait de prendre couleur pour
l'un ou l'autre candidat, motivant cette décision
sur les préférences bien connues de ces anciens
représentants soumis au ballottage, pour la ré
gence que nous avons subie pendant dix-sept
ans. M. le président croit qu'il est bon qu'il en
soit tenu acte, et l'on en donnera lecture la
prochaine séance.
M. le président rappelle l'assemblée que les
élections provinciales sont prochaines, et que,
bien que celles-là n'aient jamais excité autant
d'intérêt que les élections générales, elles ne
laissent pas que d'ofFrir une importance qui
pour ne pas être généralement appréciée, n'en
est pas moins réelle. Le comité-directeur del'As-
socialion s'en est occupé avec sollicitude, car
la direction imprimée aux intérêts provinciaux
mérite d'être surveillée si l'on tient ce que
les questions administratives et économiques
soient prises cœur et résolues avec la justice
distribulive qu'on peut désirer.
«Votre comité, continue M. le président, a
pris cœur ces élections comme les autres qui
ont eu lieu le 13 Juin et il a procédé au
choix des candidats. En premier lieu il vous
propose comme ayant mérité par son zèle,
sa persévérance dans le travail et ses capacités
administratives, M. Donny-Van Daele membre
de la députation permanente pour l'arron
dissement d'Ypres. Ce membre très-actif du
gouvernement provincial, s'est vu, par une cir
constance malheureuse, empêché depuis quel
que tempsde prendre autant de part la
direction des affaires qu'auparavant, mais il
est espérer qu'il pourra bientôt se distinguer
de nouveau par ce zèle et cette activité dans les
affaires qui en font un des hommes les plus
éminents en administration.
Le second candidat est M. le baron Vander-
stichele de Maubus, Bourgmestre de la ville
d'Ypres, membre des États provinciaux, depuis
leur création. Cet honorable conseiller connaît
les antécédents et ce qui s'est accompli dans la
province depuis 1815. Des hommes vieillisdans
l'administration sont toujours utiles quoique
l'âge ait pu glacer leur ardeur au travailcar
l'expérience a aussi son mérite et quand on a
des candidats qui en ont acquis dans les fonc
tions publiques, il faut les conserver pour servir
de guide d'autres qui font leur apprentissage.
l'ar suite de la loi sur les incompatibilités, il
nous est défendu dit M. Carton de présenter
vos suffrages un membre éminent de la dépu
tation provinciale. Nous voulons parler de M. De
Patin, I honorable procureur du roi du tribunal
de première instance d'Ypres. Nous perdons ce
membre si zélé, ce défenseur si opiniâtre des
intérêts du canton dans le Conseil provincial.
Nul plus que lui n'a pris plus chaudement
cœur les droits qu'il avait mission de défendre,
et par son influence et ses connaissances admi
nistratives bien connues, M. De Patin était un
des hommes éminents du Conseil. C'est une
perte pour les cantons d'Ypres et qui sera dif
ficilement compensée.
La loi du 8 mai 1848, a réuni aux cantons
d Y prèsle canton d'Elverdinghe qui depuis
longtemps n'avait plus qu'une existence nomi-
uale. Le conseiller qui était la nomination de
ce canton, doit être nommé maintenant par les
cantons réunis d'Ypres auxquels l'ancien can
ton d'Elverdinghe se trouve réuni, de façon que
le collège électoral, convoqué Ypres, aura
nommer quatre députés au lieu de trois. Le
comité a muremeut délibéré sur la question de
savoir si on absorberait l'ex-canton d'Elver
dinghe et l'élément des campagnes réunies la
la ville, ou si on leur accorderait un représen
tant de leur choix, qu'on adjoignerait aux trois
candidats sur la liste de l'Association. Des dé
marches ont été faites près de diverse» per
sonnes qu'on disait se mettre sur les rangs
mais une seule a accepté la candidature, c'est M.
le notaire Servais Cobyn, de Langhemarck. Bien
qu'il n'appartienne pas l'ancien canton d El-
verdinghe, la désignation de M. Comyn paraît
avoir été accueillie avec plaisir. D'un autre côté,
Langhemarck est une commune importante et
qui se trouvera ainsi rattachée Ypres par des
liens étroits. k
Le comité s'est donc décidé présenter com
me candidats, représentant spécialement l'an
cien canton d'Elverdinghe et surtout l'élément
des campagnes, M. Comyn qui a accepté et
adhéré aux principes de l'Association.
Reste un quatrième candidat en remplace
ment de M. De Patin. Depuis longtemps des
démarches ont été faites près de M. Ernest
Merghelynck, le secrétaire de votre Association,
et jusqu'au dernier moment, il s'est refusé se
laisser porter comme candidat. Mais dans la
séance du comité, des instances lui ayant été
faites, il a accepté la candidature. Tels sont,
Messieurs, dit en finissant M- le président, les
quatre candidats que nous présentons votre
sanction définitive.
M. Ernest Merghelynck demande la parole,
il désire s'expliquer sur la position nouvelle qui
lui est faite, par suite de la candidature qui
lui est déférée par le comité. Depuis que la loi
des incompatibilités a été votée, dit-il, des dé
marches ont été faites auprès de moi par beau
coup d'électeurs qui ont manifesté le désir
de me voir accepter le mandat de conseiller
provincial. Pendant longtemps j'ai refusé car
les fonctions publiques élevées ne sont ni dans
mes goûts, ni dans mes désirs. Je n'ambition
nais nullement cette mission si honorable du
reste mais jeudi dernier, il m'a été fait des in
stances pressantes, et vaincu je n'ai pas refusé
plus longtemps, on a fait appel mon dévoue
ment, et je crois en avoir montré dans la lon
gue lutte, que nous avons soutenue. Cependant
je n'ai voulu accepter que pour autant que le
comité m'offrit la candidature. J'ai accepté
alors, Messieurs, plutôt par devoir que par
inclination. Mais je désire, par suite de la situa
tion particulière que j'occupe dans l'Association,
que tous les membres émettent leur suffrage
librement, je ne veux exercer aucune pression
et si vous en trouvez qui soient aussi dignes
Suite,
Nous rentrâmes précipitamment dans le salon, et Eva sonna vive-
ment plusieurs repnse. Tous les habitants de la petite maison
ournrent A la fois les différentes portes de la pièce où nous étions.
Suivez le docteur Barnal»e, s'écria Mmc Mcredith
En cc moment le galop d'un cheval se fit distinctement entendre
sur le sable de 1 allee. hva pou-sa un ori de bonheur qui pénétra
tous les cœurs. Jamais je n'oublierai l'expression de divine joie qui
se peignit l'instant sur son visage encore inondé de larmes.
Elle et moi, nous volâmes vers le perron. La lune, en ce moment
se dégageant des nuages, éclaira en plein un cheval couvert d'écume*
que personne ne montait, dout la bride traînait terre et dout les
étriera vides frappaient les flancs pou dieux. Un second cri. horrible
cette fois, s'échappa de la poitrine d'Eva; puis elle se tourna vers
moi les yeux fixes, la bouche entr'ouverte, les bras pendants.
Mes amis, criai-je aux domestiques consternés, allumez des
torches et suivez-moi! Madame, nous allons revenir bientôt, je
l'esj ère, avec votre mari, qui s'est légèrement blessé un pied foulé
peut-être. Ne perdez pas courage, nous reviendrons bientôt.
Je vous suivrai, murmura Eva Mereditb d'une voix étouffée.
C est impossible, m'écriai-je; il faut aller vite; il faut aller
loin peut-être, et dans votre état... ce serait risquer votre vie et celle
de votre enfant...-
Je vous suivrai, répéta Eva.
Oh ce fut alors que je sentis combien était cruel l'isolement de
cette femme. S'il y avait eu là un père, une mère, on lui eut or
donne de rester, on l'eut retenue de force mais elle était seule sur
la terre, et, toutes mes rapides instances,el!e répondait d'une voix
sourde Je vous suivrai.
Nous partîmes. Les nuages alors voilaient la lune il n'y avait
aucune lumière ni dans le ciel ni sur la terre. A peine pouvions-
nous, la lueur incertaine de nos torohes, distinguer notre chemin.
Un domestique marchait en avant. Il inclinait la torche qu'il tenait
tantôt droite, tantôt gauche, pour éclairer les fossés, les buissons
qui bordaient la route. Derrière lui, M'ne Meredith. le jardinier et
moi, nous suivions du regard le jet de lumière projeté par la flam
me, cherchant avec angoisse si quelque objet ne viendrait pas frap
per nos yeux. De temps autre, nous élevions la voix en appelant
M. Meredith. Après nous, un sanglot étouflé murmurait peine le
nom de William, comme si un cœur eût compté sur l'instinct de
1 amour pour faire mieux entendre ses larmes que nos cris.
Nous arrivâmes dans le bois. La pluie commençait tomber et
les gouttes, en] frappant les feuilles d'arbres taisaient un bruit si
triste, qu il semblait que tout pleurait autour de nous.
Les vêtements légers qui couvraient Eva furent bientôt pénétrés
par cette pluie froide. L'eau ruissselait de toutes parts sur les che
veux, sur le front de la pauvre femme. Elle se heurtait les pieds
contre les rochers du chemin, et souvent fléchissait au point de
tomber sur ses genoux mais elle se releyait avec l'énergie du dé
sespoir et poursuivait sa route. Cela faisait mal voir. La lueur
rouge de nos torches éclairait l'un après l'autre chaque tronc d'arbre,
chaque rocher. Parfois, un coude du chemin, le vent semblait
éteindre cette lueur, et alors nous nous arrêtions, perdus dans Les
ténèbres. Nos voix, en appelant William Meredith, étaient deve
nues si tremblantes, qu'elles nous faisaient peur nous-mêmes. Jû
n'osais regarder Eva; en vérité, je craignais de la voir tomber
morte devant moi.
Enflu un moment vint où, tandis que fatigués, découragés, nous
marchions eu silence, Mme Meredith nous repoussa subitement,
s'élança en avant et se jeta travers les brouissailles. Nous la suivî
mes. Quand nous pûmes soulever une torche pour distinguer les
objets, hélas! nous la vîmes genoux auprès du corps de William
il était étendu par terre, sans mouvement, les yeux terues et le
front couvert du sang qui s'échappait d'uue blessure au côté gauche
de la tête.
Docteur, me dit Eva.
Ce seul mot disait William vit-il encore?
Je me penehai: je tàtai le pouls de William Meredith; je posai
ma main sur mon cœur, et je restai silencieux. Eva me regardait
toujours; mais mesure que mon silence se prolongeait, je la vis
fléchir, s'incliner, puis, sans dire une parole, sans jettr un cri, elle
tomba évanouie sur le corps mort de son mari.
Mais, mesdames, dit le docteur Barnabé en se tournant vers
son auditoire, voilà le soleil qui brille; vous pouvez sortir mainte
nant. Restons-en là de ce triste récit.
Mme de Moncar s'approcha du vieillard Docteur, dit-elle, de
grâce, soyez assez bon pour achever regardez-nous, et vous ne