Ypres, ce 25 Août 1848.
A Monsieur le rédacteur en chef du journal le Progrès,
Monsieur,
Daas le supplément extraordinaire de votre journal portant
n* 761, qui a paru la veille des élections communales, propos des
réunions d'électeurs qui ont eu lieu au Parnasse, vous vous êtes oc
cupé de moi d'une manière peu bienveillante. N'allez pas croire,
que je veuille me plaiudre de ce que vous ayez rappelé au public,
que je suis un ancien élève de Pécole des orphelinsnourri par la
ville, etc., etc., oh non, car il est impossible que vous ayez eu par
là une intention méchante; vous avez trop de bon sens pour ne pas
savoir qu'un tel reproche n'a rien de déshonorant, et ne saurait
me faire rougir, et vous avez été trop bien élevé, pour que je puisse
supposer que vous ayez voulu insulter mon enfance malheureuse.
Mais c'est du reproche d'ingratitude que vous me lancez, que j'ai
cru pouvoir me permettre de venir vous demander compte. Non,
Monsieur, uou, je ne suis pas un ingrat, je n'ai pas dénigré celui
qui m'a placé, je vous porte le défi d'en produire la moindre preuve.
Gomment, parce qu'en matière politique, j'aurais pu, lors des der
nières élections, me trouver d'une opinion contraire celle de mon
honorable protecteur auquel vous faites allusion, vous en déduisez
la conséquence que je l'aurais dénigré, lui, ou d'autres membres de
sa famille Eh bien, Monsieur, il me peine pour vous, et vous sen
tirez un jour ce cruel regret que doit éprouver tout cœur honnête
qui découvre avoir faussement accusé quelqu'un.
Lu plus grand des plaisirs, o:est la reconnaissance. Tous auriez
pu croireMonsieurqu'une existence toute de privations comme
la mienne, soit désireuse d'en jouir. Je regrette qtie vous me forciez
de dire, surtout celte occasion, que j'y ai songé déjà depuis long-
teras. Si j edésire ne pas rendre public le projet que j'ai formé pour
m'acquitter d'un devoir bien doux celui qui a conuu l'infortune,
c'est pour des motifs que vous apprécierez sans doute.
J'espère Monsieur que ces explications vous feront revenir
des sentiments plus généreux. Quoiqu'il en soit, j'ajouterai en ter
minant vous avez voulu me faire de la peine, et vous avez réussi:
Jouissez de votre succès.
Recevez, Monsieur, les assurances de ma parfaite considération.
J. BEGEREM.
Nous en sommes fâchés pour le sieur Begeremmais
au lieu de répondre, nettement ce dont on l'accuseil
fait des phrases sentimentales perte de vue. C'est en
regard des bienfaits qu'il avait obtenus de beaucoup de
personnes, que nous avons voulu blâmer sa conduite
actuelle. Il se défend d'avoir dénigré des hommes qui ne
lui ont voulu que du bien, mais personne n'admettra les
mielleuses paroles de sa lettre comme paroles d'évangile
car on le connait de longue date et s'il est parvenu faire
quelques dupesaujourd'hui cela n'est plus possibleil
s'est démasqué lui-même.
Nous connaissons depuis longtemps cette humilité jé
suitique qui a l'air de se courber humblement sous les
reproches qu'on sait parfaitement, dans son for intérieur,
avoir méritésmais de façon ce que celui qu'on a offensé,
paraît vous avoir accusé tort. Si le sieur Begerem arcs-
senti de la peine de ce qui lui a été reprochénous n'en
sommes pas marris et lui ne devrait pas l'être, car il devait
s'attendre cela avec la conduite qu'il a tenue.
A ces seules réflexions se borneront nos observations
concernant l'épitre du sieur Begerem, qui ressemble,
s'y méprendre, au plaidoyer d'un Tartuffe au petit pied.
La musique des Sapeurs-Pompiers a été donner une
sérénade au bourgmestre M. le baron Vanderstichele
de Maubusmercredi soirpour témoigner la joie que
causait sa réélection comme conseiller communal. Après,
elle a exécuté sur la Grand'Place quelques morceaux
d'harmonie, en guise de sérénade commune tous
Un banquier s'écria madame Galuchct avec un
transport de joie, un banquier!.. Il est impossible que je
n'obtienne pas par lui cette place de garçon de caisse que
me promet depuis si longtemps le père Doucet... d'autant
que j'ai toujours été au mieux avec Fœdora une pauvre
enfant qu'on voulait forcer être dévote et passer tout
son temps l'office... Contraignez donc les jeunes filles
voilà ce qui arrive! mais qui la faute? aux parents, et
je l'ai toujours dit madame Durouseau.
La digne portière continuait encoreavec chaleur et
conviction, sa thèse en faveur de la tolérance domestique
et religieuse, que déjà Maurice l'avait quittée et remontait
chez lui honteux et désespéré. Il y trouva un camarade
de Sainte-Barbe, Alfred G..., fils d'un célèbre et riche
négociant qui venait le chercher pour l'emmener dîner
avec lui. Dans la disposition d'esprit où il était, le pre
mier mouvement de Maurice fut de refuser, mais son
jeune camarade ajouta et j'ai deux stalles pour l'Opéra.
Pour l'Opéra s'écria Maurice avec un accent de
rage qui étonna son ami... j'accepte... j'irai!Et les
deux amis partirent.
III. le banquier.
Les deux amis arrivèrent l'Opéra dans un entr'acte et
se promenèrent un instant au foyer; ils s'arrêtèrent près
d'une des cheminées, où un homme jeune encore, mais
petitrondeletau teint coloré et la voix haute, s'était
posé comme orateur. Un zézayement désagréable nuisait
a son débit, niais donnait son discours uue originalité
et un comique que ne lui auraient peut-être pas procurés
le piquant et la nouveauté de ses pensées. Du restesa
tous les conseillerscar il était impossible d'en donner
une individuelle chaque membre du conseil. Plus tard,
dans la soirée, la Société des Chœurs a voulu participer
la joio que lui causait la nomination de quelques socié
taires et entre autres de son président, et elle a donné
des sérénades cinq conseillers etàM. VandenPcereboom,
en qualité de membre-fondateur de la société.
Mercredi soir, une illumination brillante a eu lieu.
Presque toutes les façades des maisons étaient resplen
dissantes de lumières. Cette manière d'exprimer sa satis
faction n'a pu avoir lieu le même soir de l'élection, car il
était dix heures, quand les noms des membres du conseil
ont été proclamés. Quelques façades de maisons étaient
ornées de guirlandes, d'autres étaient illuminées en ver
res de couleur. Quelques-unes faisaient exception, et l'on
ne doit pas demander, si leurs habitants avaient espéré
un autre résultat. Quoiqu'il en soit, la très-grande majo
rité paraissait satisfaite du résultat du scrutinet c'est
surtout en matière d'élection, qu'il est impossible que
tout le monde soit également content.
Dans notre prochain numéro, nous donnerons le résul
tat des élections communales de toutes les communes de
l'arrondissement d'Ypres.
On nous prie d'insérer le programme de la distribution
solennelle des prix au pensionnat de Langemarcktenu
par M. J. Van Biesbrouck, qui aura lieu le Mardi, 29 Août
1848, deux heures de relevée.
1° Ouverture de la solennité par un morceau de musique
exécuté par les fanfares du pensionnat.
2° Déclamation de monologues comiques.
5° De vier Schildwachten drame flamand.
4° Discours prononcé par Edouard Van Biesbrouck, fils.
5° Le Plancher des Hommes, chœur.
6° Les Chateaux en Espagne, drame français, mêlé de
chant.
7° Myn Vaderland chœur flamand.
8° Distribution des prix.
9° Le Compliment de remercîment.
Les meilleurs ouvrages calligraphiques des élèves, tels
que les écritures, les tableaux de dessin linéaire, les car
tes géographiques, etc., seront exposés dans l'une des
salles de l'établissement.
Toute la cérémonie ne durera que 2 heures.
On parle de nouveau de la retraite prochaine de M. le
ministre de la justice. La perte douloureuse qu'il vient de
faire dans sa famille, paraît lui avoir inspiré quelque
dégoût de la carrière ministérielle.
D'après ce que M. deBavay, procureur général, a
annoncé dans son réquisitoire, la conduite du nommé
Jaspin et d'Ernest Grégoirel'époque de l'échauffourée
de Risquons-Tout, va être l'objet d'un nouvel examen ju
diciaire.
Le témoin Bernardin Loriaux'arrêté l'audience de
jeudi derniera été mis au secret la prison des Petits-
Carmes. Il était arrivé de Paris depuis le 12, pour déposer
en faveur de Spilthoorn. On sait que deux autres indi
vidus ont été récemment encore arrêtés pour leur parti
cipation l'attaque de Risquons-Tout.
mise était des plus recherchées, et dans toute sa personne
respirait l'air satisfait d'un honune qui croit en lui et en
ses moyens de séductionconfiance qu'on n'aurait su
comment expliquer sans les trois gros boutons de diamants
qui brillaient au jabot de sa chemise et qui semblaient
toutes ses phrases ajouter ces trois mots: Je suis riche!
Oui, messieurs, criait-il avec son zézayement ordi
naire je dis avec peine et douleur l'Opéra s'en va
Quel est ce monsieur? demanda Maurice son ami.
Le baron d'Avrecourt, répondit Alfred, un banquier
opulent.
11 a un air bien triste.
C'est un abonné de l'Opéra...
Puis s'approchant de l'orateurqu'il salua, calmez vos
regrets, monsieur le baron, lui dit-il en riant, le mal n'est
pas si grand que vous le faites nous avons encore dans
la danse, et surtout dans le chant, des talents admirables.
Qu'est-ce que ça me fait. Je ne viens pas pour cela...
Je viens pour les dames de ma connaissance que j'allais
saluer dans leurs loges et que je n'y trouve plus. Je viens
au foyer pour les nouvelles politiques, diplomatiques
ou excentriques qu'on y apprend car députésgrands
seigneurs, ambassadeurstout le monde s'y donnait ren
dez-vous autrefois, et maintenant, qui est-ce qui y vient?
Vous d'abordmonsieur le baronrépondit Alfred
en s'inclinant, et puis nous!... qui venons pour vous en
tendre, et ce que vous ditcs-là est peu obligeant pour vos
admirateurs
Du toutmessieursdu touts'écria le banquier
avec un rire protecteur je ne dis pas cela pour vous qui
Par suite de la hausse que viennent de subir en Angle
terre les prix du froment, grand nombre de navires
anglais arrivent Anvers pour charger des grains.
RÉSULTAT DES ÉLECTIONS COMMUNALES.
Menin. Les élections communales Menin se sont
heureusement passées. Les électeurs ont voulu se relever
de l'apathie dans laquelle ils étaient plongés depuis trop
longtemps, en honorant de leurs suffrages des hommes
qui, par leur position, leur probité et leurs talents étaient
dignes de ce témoignage d'estime et de confiance publique.
On était en présence de deux listes, l'une composée par
les notables de la villedans un esprit d'union et d'in
térêt général, abstraction faite d'anciennes rancunes de
partis; l'autre par quelques ultra-eatholiquess'inquié-
tant fort peu des capacités de leurs candidats pourvu
qu'ils fussent dévoués de corps et d'âme leur chef de
file.Comme on devait s'y attendre, c'est la 1" liste qui
a triomphé.
Louvain. Une lutte très-vive était engagée entre l'As
sociation électorale libérale et le parti catholique. Deux
listes étaient présentéeset sur 21 conseillers élireil
n'y avait que 8 noms acceptés par toutes les opinions il
y avait donc dissentiments pour les treize autres.
Le scrutin a donné pour résultat la nomination de tous
les candidats libéraux.
Anvers. Parmi les candidats proclamés il y en a 21
de la liste du Précurseur, 18 de celle du Journal d'Anvers
et 17 de celle du Vaderlander.
Malines. Ont été nommésau premier tour de scrutin,
tous les conseillers sortants. Un scrutin de ballotage a eu
lieu entre MM. Vcrhacghen, avocat, et Cornélius, médecin,
l'un et l'autre candidats nouveaux.
Ath. Tous les candidats libéraux ont été élus au pre
mier tour de scrutin.
Verviers. L'Association libérale a remportéle 22,
un succès marqué.
Des 17 candidats qu'elle présentait, 16 ont été nommés
au premier tour de scrutin.
Namur. A Namur aussi la lutte a été très-vive, mais
ne portait que sur cinq noms des quinze conseillers
élire pour la ville. Dix étaient acceptés des deux côtés.
Quatre des candidats libéraux ont été élus.
Du choléra. Yoici quelques détails qui sont arrivés
de S'-Pétersbourg
Comme en 1831, en somme, le choléra a plus sévi
dans les classes pauvres et parmi les personnes d'une vie
déréglée. Nous n'avons eu que peu de pertes déplorer
parmi les gens de distinction. Cependant il faut joindre
M. Lounine, le général Apraxine et le eélèbre médecin
anglais Arendt. Les localités élevées et saines, épargnées
la fois précédente, l'ont été aussi cette année-ci. La même
observation a été faite Moscou.
La médecine a été déroutée et s'avoue impuissante
contre cette maladie, surtout son début. Néanmoins les
remèdes chauds ont généralement mieux réussi que la
glace. Dans les cas où l'on obtenait la transpiration, le
malade était presque toujours sauvé. Aussi a-t-il été pres
crit chaque propriétaire de maison de tenir la dispo
sition de ses locataires des étuis en fer blanc propres
contenir de l'eau chaude, pour être immédiatement ap
pliqués sur l'estomac des malades.
On s'est parfaitement bien trouvé d'avoir envoyé les
troupes au camp et de les y avoir assujettis un régime
sévère. Les vins, l'exception des vins d'Espagne, ont été
strictement prohibés mais les liqueurs chaudes ont été
recommandées avec succès.
11 paraîtrait que le germe de la maladie ne gît pas dans
l'air, mais dans la 'terre. De là le danger de l'usage des
légumes et des fruits.
Si les excès de tout genre sont pernicieux, il n'est pas
bon non plus de rompre brusquement sa manière habi.
êtes de charmants jeunes gens; je le dis, au contraire,
dans votre intérêt. 11 comprenait seul l'Opéra, le philo
sophe qui s"écriait Allongez les ballets et racourcissez
les jupes. En se temps-là seulement il y avait de piquants
scandales, des beautés célèbres qui attiraient tous les re
gards par l'éclat de leurs conquêtes ou de leurs aventures.
Ce n'est plus ça c'est ennuyeux périr Ces demoiselles
sont comme les pièces, elles ne font jamais parler d'elles
tout le monde est sage, tout le monde est honnête...
L'Opéra s'en va C'est désolant pour nous autres jeunes
gens d'esprit et de plaisir... Nous, la nouvelle régence?
On a une maîtresse, personne ne s'en doute elle vous est
fidèle elle a des vertus domestiques. C'est presque un
ménage autant voudrait rester dans le sien
En ce momentla sonnette du foyer interrompit le
baron au milieu de sa tirade le rideau se levait, et nos
jeunes gens coururent occuper leurs stalles d'orchestre.
La lorgnette de Mauricesans cesse braquée sur le
théâtreétait toujours dirigée vers le corps des ballets
au grand étonnement de son compagnon. Il traitait les
premiers sujets avec une complète indifférence, ou ne les
regardait même pas. En revanche, il lorgnait l'une après
l'autre, avec une attention scrupuleuse et soutenue, qui
ressemblait de l'admiration, toutes ces jeunes bayadères
en sous-ordre que l'on nomme figurantes de la danse.
Mais hélas! celle que Maurice cherchait, la nièce de ma
dame Durouseau, n'apparut point ses yeux; il dut penser
que quelque indisposition réelle ou de commandequel
que diner en villequelque partie de plaisir la retenait
ailleurs et en effet il eût été bien difficile sa belle in-