JOIIltiYAL D'YPRES ET DE L'Ait ROY D ISS EUE NT.
■vraiment.
ATo Î61. 8e Aimée. Jeudi, 31 Août 1848
Maurice.
ABONNEMENTS Y près (franco), par trimestre, 3 francs 30 c. Provinces, 4 francs, j Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
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YPRES, le 30 Aoit.
ÉLECTIONS COMMUNALES OE POPEREVGHE.
Pour la première fois Popcringhe, il y a eu véritable
lutte entre, l'opinion progressiste et le parti rétrogradé,
l'occasion des élections communales. Comme la dispro
portion entre ces deux partis est iei infiniment grande,
il n'était pas douteux que l'opinion qui a toujours dominé
celte ville, eut encore conservé cette fois le monopole du
pouvoir. Néanmoins les abus et l'oppression du grand parti
modéré, se faisant de plus en plus vivement sentir parmi
nos habitants, quelques hommes déterminés, n'envisa
geant que le bien-être de leurs concitoyensont pris l'i
nitiative pour tenter quelques réformes administratives
par l'introduction dans le conseil communal de quelques
nouveaux membres qui pussent imprimer l'administra
tion une direction plus en harmonie avec les besoins de
l'époque. Cet essai, quoique hardi, a été loin de subir
un échec aussi complet que le Propagateur, dans son
avant-dernier n°, a eu l'air de l'insinuer. Au contraire
il peut être envisagé comme un grand pas vers une amé
lioration future. Car, outre que celte tentative a été ap
plaudie par la partie saine et éclairée des habitants de la
ville, elle n'a pas même laissé d'être avantageusement
appréciée par quelques membres impartiaux et bien pen
sants de l'administration actuelle qui, s'ils osaient l'avouer
franchement, doivent éprouver un certain remords pour
ne pas dire une certaine honte de leur succès usurpéet
qui mêmesi les élections étaient encore refaire use
raient, pensons-nous, avec plus de modération de leur
omnipotence sur les électeurs ignorants et sur les nom
breux campagnards auxquels seuls ils doivent exclusive
ment leur triomphe. Il n'y a donc rien d'humiliant dans
l'insuccès que le comité dit des sept a essuyésurtout
lorsqu'on considère les démarches déloyales que le parti
soi-disant modéré a faites, et l'influence dont il dispose sur
ses nombreuses dupes, les ressorts cachés qu'il a mis en
jeu et les calomnies infâmes habilement répandues pour
nuire, dans l'esprit des électeurs, des citoyens honnêtes
et paisibles que leur dévouement seul la chose publique
avait déterminés accepter la candidature.
Pour mettre le comble leur mauvaise foi et irriter
IIILE BANQUIER.
(SUITE.)
En rêvant la campagne d'observation et aux sages
manœuvres qu'il méditait Maurice qui n'avait point
oublié son Tite-Live, se comparait Fabius Cunctator!
Pour commencer, il s'habilla lentement, rien ne le pres
sait..., Aussi, quand il arriva, le bal était déjà commencé
et réunissait en hommes et en femmes l'élite de la société
parisienne. Maurice ne s'était pas trompé dans ses pres-
sentimens; une des premières personnes qu'il aperçut fut
M. d Ilavrecourt, placé une table de whist et appelant
sur lui 1 attention générale par une gaité expensive qui
voulait dire je gagne. M. d'Havrecourt était de fort mau
vaise humeur quand il perdait et supportait alors difficile
ment la plaisanterie mais il se la permettait volontiers
quand la fortune lui était favorableet il avait en ce mo
ment plusieurs rouleaux devant lui. Maurice lui laissa
cuver son or et se dirigea vers la salle du balmoins
éblouissante encore par ses mille flambeaux que par un
triple rang de dames dans tout l'éclat de leur parure et
de leur beauté.
Mais que devint Maurice en apercevant au milieu
d'ellescôté des personnes les plus nobles et les plus
illustres, Fœdora elle-même, qui se penchait en ce mo
ment vers l'oreille d'une dame d'honneur de la reine
avec qui elle paraissait dans la plus grande intimité. Ne
sachant s'il devait s'indigner ou se réjouir, Maurice se
retourna avec embarras vers son ami Alfred, se félicitant
d'autant plus les électeurs contre leurs adversairesles
modérés par excellence, avec lesquels toute transaction a été
impossible, n'ont pas craint d'avancer que le comité des
sept a repoussé tout moyen de conciliation, lui qui a été
jusqu'à sacrifier quatre de ses candidats, en déclarant que
trois seulement se maintiendraient sur les rangs, si le parti
opposé s'engageait faire quelques concessions exigées
par l'opinion publique. Mais non, après que déjà ces
quatre eussent abandonné leur candidature en faveur des
trois autres, tout accord amiable a été refusé, les modérés
plus enragés que jamais, on^voulu maintenir cinq nou
veaux candidats jésuitiques et parce que le parti progres
siste n'a pas voulu accepter humblement les conditions
serviles qu'on voulait forcément lui imposer, c'est lui
qu'ils veulent imputer la cause de la discorde amenée en
cette ville par leur conduite égoïste et arbitraire, qui ne
tend rien moins qu'à maintenir plongée dans les ténè
bres de l'ignorance, une ville que l'obscurantisme n'a déjà
malheureusement que trop exploitée.
Voici du reste le résultat de cette mémorable élection:
Electeurs inscrits 331Votants 301
Majorité absolue 131.
MM. Billiau, Louis, membre sortant233 votes.
Van Renynghe, Charles, idem 229
Weens, Pierre, idem227
Lebbe, Dominique, idem225
Misselyn, Vital, idem220
Van Renynghe, Henri, idem. 208
Berten fils, notaire, (en rempl'deson père). 202
De Bcer, Jacques, membre sortant 201
Coutteel, Louis, idem185
Polley, Pierre, idem170
Pharasyn, Charles, candidat rétrograde. 175
Wulleman, L., fermier, idem 166
Cauwelier, Henri, candidat libéral 163
Allewaert, Henri, candidat libéral 135
De Grendel, Pierre, idem127
Les quatre autresmembres docomité des sept qui avaient
abandonné la candidature ont obtenu tousmalgré cette
renonciation, environ 90 votes.
D'après ce résultat, nous jugeons que les 90 électeurs
qui ont voté pour ces quatre derniers sont de véritables
libéraux. Or, si ceux-ci s'étaient abstenus de voter pour
les modérés, comme les humbles et les conciliants modérés
ont refusé leurs suffrages aux libérauxnous trouvons
de ce que, grâce la révolution de juillet, il n'y avait plus
de préjugés, même dans les salons.
Alfred le regarda avec étonnementet lui demanda ce
qu'il voulait dire.
Regarde toi-même cette jeune dame, la reine de ce
bal la connais-tu?
Ouivraiment.
N'est-clle pas attachée l'Opéra
Elle!.. Allons donc! c'est M™ d'Havrecourt, la
femme du banquier.
Sa femme s'écria Maurice avec un frisson qui
parcourut toutes ses veines.
Eh oui, mon cher, continua Alfred, cette jolie per
sonne sur laquelle sont attachés tous les regards est la
femme de cet original qui pérorait hier au foyer de l'O
péra... Mais comme te voilà changé. Es-tu indisposé?
Un peu... La chaleur de ce salon... Et puis voilà
quelque temps que je me tiens debout,
Voilà un canapé libre asseyons-nous. Veux-tu une
glace ou plutôt une tasse de chocolat?
Je te remerciecela va mieux... Tu disais donc que
Mmo d'Havrecourt...
Est la feînme de Paris la plus remarquable par sa
beauté d'abord, et puis par sa vertu. Elle est adorée dans
les salons et bénie ailleurs; mais elle se cache pour faire
le bien comme d'autres pour faire le malet nul ne se
douterait de ses bienfaits si parfois elle n'était trahie par
la reconnaissance... Ma mère m'a raconté la-dessus des
détails qui m'ont fait venir les larmes aux yeux, moi
qui ne sais pas pleurer. Mais taisons-nous, car elle regarde
de ce côté, et s'aperçoit peut-être que nous parlons d'elle.
qu'aucun d'eux l'exception de M. Billiau, homme gé
néralement estimé) n'aurait obtenu la majorité, et que
la plupart n'auraient pas même atteint le chiffre ob tenu
par les trois candidats progressistes.
Correspondance. Au Progrès.
28 Août.
Monsieur l'éditeur,
Le Propagateur, ce journal aussi consciencieux que
modéré, aussi bien pensant que bien écrit (c'est une jus
tice lui rendre), accueille d'ordinaire, avec une com
plaisance vraiment édifiante, les correspondances qu'on
lui adresse (ou qu'il se fait adresser), celles de son Un
Yprois, en tête.
Malgré cette qualité (j'allai presque dire cette vertu) de
la dévote feuille, je n'ose risquer de lui adresser la pré
sente lettre, ou correspondance: car, franchement, je
désespère de la lui voir insérer dans ses colonnes, et pour
cause.
Je sais, monsieur l'éditeur, qu'au frontispice du catho
lique journal figurent, en guise de devise, les mots sacra
mentels vérité et justice... Mais, je sais aussi, nous savons
tous, je pense, ce que parfois, devient la vérité et la jus-
tice du Propagateur, soit dit sans offense aucune, sans
hostilité quelconque... Du reste, la vérité, la justice
avant tout.
De tout quoi je conclus, assez logiquement, mon avis,
quepuisque d'une part, tout me porte croire que la
dévote feuille n'accueillerait pas la présente correspon
dance (et pour cause, je le répète), ce que j'ai de mieux,
de plus rationnel faire, monsieur l'éditeur, d'autre part,
c'est de recourir votre obligeance, ne fût-ce que sous le
patronage de la devise même du Progrès vires acquirit
eundo.
D'ailleurs, le Progrès, a déjà tant de fois prouvé, toute
évidence, qu'il n'est ni vain, ni mensonger,' que j'au
rais vraiment du malheur, si la lettre que je fais remettre
votre boite, ne parvenait pas sa destinationc'est-à-
dire, l'insertion dans vos colonnes.
Excusez ce préambule, un peu long, j'en conviens
très-volontiers. J'entre en matière.
Deux faits graves viennent de se passer Messines,
très-peu de distance l'un de l'autre. Jusqu'ici, du
moins que je sache, personne ne s'en est occupé moins,
On venait d'inviter Mme d'Havrecourt danseret elle
passa près du divan où étaient assis les deux amis. Sa
robe effleura les genoux de Maurice, qui, pâle et les yeux
baissés, ressemblait un coupable accablé sous le poids
d'un crime qu'il se reproche et ne peut se pardonner.
Et c'est la femme du banquier, reprit Maurice avec
émotion quand elle fut passée
Oui, vraiment ce gaillard-là est trop heureux. Son
crédit et sa fortune étaient, dit-on chancelants, lorsqu'il
a fait ce riche mariage une jeune femme charmante qui
lui a apporté deux ou trois millions de dot... ce qui l'a
placé la tète de la finance.
Et comment ce mariagc-là s'est-il fait
Comme ils se font tous; la jeune fille, qui avait
perdu sa mère, et qui même je croisétait orpheline
est sortie de pension pour se marier.
Et continua Maurice en tremblantest-eUe heu
reuse
Infiniment. Elle est si bonne et si confiante qu'elle
ne croit pas le mal possible. Quoique son mari ait des
intrigues et des rnaitresseselle n'a pas cet égard le
moindre soupçonet pourvu qu'on lui laisse remplir ses
devoirs d'amitiéde charité et de religion elle ne de
mande rien de plus. Tiens, tu peux la voir d'ici regarde
ce front pur que n'a troublé le souille d'aucune passion...
Quelle régularité quelle finesse dans ses traits, et surtout
quel air d'innocence et de suave candeur! Un mauvais
sujet deviendrait honnête homme en la regardant Il n'y
a que son mari Il est vrai qui ne la regarde jamais.
Eh mais, reprit Maurice de plus en plus troublé, il
me semble que tu en parles avec chaleur. Est-ce que tu