JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
ATo 765. 8e Année.
Vues acquint eundo.
INTÉRIEUR.
Maurlce.
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YPRESle 2 Septembre.
L'horizon politique s'éclaircit les hommes noirs sortent
de dessous terre. Le parti clérical, après avoir pour ainsi
dire, disparu au moment de la débâcle, se lance de nou
veau au milieu des luttes politiques, auxquelles il préten
dait avoir renoncé. Après les journées de Février, les
catholiques étaient hors de prix, on aurait donné des
trésors pour pouvoir en examiner un sous l'impression
de la peur, les plus fanatiques s'étaient dépouillés de
l'ancienne livrée. Ces orgueilleux sectaires politiques
pouvaient cette époque, être classés parmi les fossiles.
Mais mesure que les événements marchaient, les
méfaits de nos anciens adversaires s'effaçaient on était
moins prudent et surtout oublieux dans le camp libéral.
Des libéraux du lendemain et des plus ambitieuxs'il
vous plait, des hommes d'un appétit par trop vorace se
faufilèrent dans nos rangspurs jusqu'alors de pareils
aides, car cette espèce aime surtout marcher avec le parti
le plus fort celui-là seul peut satisfaire leur avidité.
C'était un moment donné fournir au parti clérical
la faculté d'amener une scission dans le camp libéral. Il
s'agissait seulement pour les chefs de file de ce parti de
donner le signal ces anciens camarades et sous prétexte
qu'il n'y a plus de lutte de parti, que toute animosité po
litique doit s'éteindre, on essayait de saper le libéralisme
par sa baseet ne pouvant en avoir raison par une lutte
ouverte, c'est par la trahison qu'on a voulu faire brèche
dans ses rangs.
Ce n'est pas seulement ici que cette tactique a été
employée, mais Tournai, Courtrai, Bruges, Anvers,
Liège, Verviersetautres villes,où le parti clérical, sous sa
bannière réelle, avait été battu souvent et n'avait plus
chance de se relever, sans un tour jésuitique quelconque.
Comme nous l'avons dit déjà, Rodin s'est fait indus
triel, commerçant Que ne ferait-il pas pour avoir raison
de ces abominables libéraux, qui ont prouvé qu'eux aussi
étaient dignes de diriger les destinées de la nation et
gouvernent avec-plus de désintéressement et moins
d'égoïsme, que les nuées de bedeaux et de sacristains qui
autrefois se croyaient seuls susceptibles de faire le bon
heur de la catholique Belgique.
Nous voyons encore actuellement, ce qui a eu lieu au
commencement de 1831. Alors aussi il y avait des libé
raux qui se méfiaient du parti catholique poussant
I amour de la liberté l'extrême. Aujourd'hui ce sont des
•ommerçantsdes industriels qui veulent jouer le rôle
de dupe, en s'alliant et en donnant une nouvelle ensei-
III. —le banquier.
(suite.)
Le banquier venait de se rendre adjudicataire d'une
importante entreprise et avait lancé, selon l'usage, ses
prospectus dans les journaux. Sans examiner si l'affaire
était bonne ou mauvaisesans savoir même de quoi il
sagissait, Maurice prit sur les fonds que lui avait laissés
son père une somme assez considérable et se rendit chez
le banquier. Le cœur lui battait en entrant par la grande
porteen franchissant le seuil de l'hôtelen montant cet
escalier qui était sans doute celui d'Amélie; mais ce n'était
pas chez elle qu'il allait, et une porte sur laquelle étaient
écrits ces mots: Bureau et caisse, lui indiqua le chemin
qu'il devait prendre. Le banquier était dans un cabinet
des plus coquetsboudoir de financeoù resplendissaient
l'or et l'acajou. 11 était en robe de chambre ramages,
d'une étoffe de Lyon soie et or, assis au coin d'un bon
feu, les pieds enveloppés dans des pantoufles de cachemire
et posés sur des chenets ciselés par Desnières. Au cahier
qu'il tenait la mainon aurait dit un homme qui tra
vaillait ou qui pensait. La vérité est qu'il dormait, accablé
sous le poids des mirthes qu'il avait cueillis la veille. C'est
gne au parti clérical, dont la véritable bannière est usée
Il est probable que c'est l'intérêt personnel qui les pousse
prendre fait et cause pour les catholiques qui actuel
lement caressent le commerce et l'industrie, tandis qu'au
paravant, ils s'en souciaient très-peu, et au fond ils n'ont
jamais éprouvé de sympathie pour ces deux grandes
branches de richesse du pays. Mais l'industriel, le com
merçant sert d'appeau au parti clérical, choyons-les, ils
sont les bien-venus, tirons-en tout le parti possible après
nous verrons.
Certaines gens sont très-capables de ne voir dans la
résurrection du parti clérical rien qu'un épouvantail des
tiné les effrayer. Eh bien, on disait cela en 1830, et un
règne de dix-sept ans a été la conséquence de l'impré
voyance et du manque de sagacité des libéraux de cette
époque. Examinez la marche de la presse catholique, le
Moniteur clérical a donné le mot d'ordre, les journaux
édités dans les sièges épiscopaux ont fidèlement repro
duit l'élucubration du chef de file. Partout on sème la
discorde et la désunion et les agents de la sacristie ex
ploitent effrontément l'intérêt personnel pour arriver
leurs fins. Rien n'est épargné, les alliances les plus
hétérogènes sont conclues, les pactes les plus impies sont
jurés. Plus de doute, Rodin donne signe de vie, et dans
quelque temps, nous verrons des siennes.
Poperinghe, le 1" septembre 1848.
Monsieur l'éditeur du Progrès
Quelques électeurs libéraux de Poperinghe, croyant
qu'il y aurait quelque utilité donner de la publicité aux
motifs qui les ont déterminés protester contre la validité
des élections, m'ont chargé de vous en adresser une
copie, vous priant de vouloir bien en faire l'insertion dans
votre plus prochain n°, si vous le jugez convenable.
Les motifs sur lesquels ils se sont fondés pour obtenir
cette annulation, sont les suivants
1° La présence au bureau, comme scrutateur, d'un
conseiller sortant, en opposition formelle avec l'art. 24
de la loi communale qui dit: Dans aucun cas les mem-
bres sortants du conseilne pourront faire partie du
bureau quelque titre que ce soit.
2° La présence dans la salle d'un nombre considérable
de personnes non-électeurs qui n'ont cessé d'influencer
les électeurs par tous les moyens en leur pouvoir.
3° Contrairement ce qui doit avoir lieupour empê
cher toute possibilité de fraude ou d'erreuraprès le dé
nombrement des bulletinsceux-ci ont été versés sur la
table au lieu d'être replacés dans l'urne comme cela se
pratique, toujours) qui est restée vide pendant tout le
du moins ce qu'il fit entendre Mauricedont l'entrée
venait de le réveiller, confidence qui redoubla la rage du
jeune homme et faillit lui faire oublier le sujet de sa vi
site. Il se remit cependant, et tout en glissant quelques
mots sur l'opération financière qui l'amenait, il demanda
comment se portait Mme d'Havrecourt.
Ma foije n'en sais rien; il y a tantôt une semaine
que je ne l'ai aperçue elle est comme qui dirait en retraite.
Comment cela?
C'est l'anniversaire de la mort de sa mèreet tous
les ans, pareille époque, elle s'enferme et ne voit per
sonne pendant sept ou huit jours. C'est trop long. La
douleur est une bonne chose, j'en conviens, mais il ne
faut pas en abuser, et je supprimerai cela. Imaginez-vous,
mon cherque pendant ce temps-là il m'est impossible
de recevoir et de traiter mes amis, car j'en ai beaucoup
qui viennent ici tous les jours.
Et Maurice sentit plus que jamais le désir d'être l'ami
de cet homme qu'il détestait.
Eh biencontinua le banquier sans deviner la ré
flexion de Mauriceeh bienil m'a fallu les mener dîner
au cabaret. Hier encore, nous étions une douzaine, la
Maison dorée. Quand je dis une douzainene croyez pas
que nous fussions tous gens de finance il y avait six de
ces demoiselles. J'avais près de moi une petite... un rat
temps du dépouillement, de manière que les bulletins
déjà lus et ceux qui restaient encore lirepouvaient
être facilement confondus ensemble.
4° Le dépouillement du scrutin a été interrompu pen
dant plus d'une heuresans qu'aucun soin ait été pris des
opérations faites jusqu'alors et sans que la moindre sur
veillance ait été exercée pour prévenir la fraudé. Pendant
cet intervalle, les bulletins non lus se trouvaient sur la
table découvert et, pour ainsi dire, pèle-mèle avec ceux
dont la lecture avait déjà été faite. Durant tout ce temps,
le bureau n'a cessé d'être entouré par les électeurs et
même, par une foule de personnes non-électeurs s'empa-
rant des listes des scrutateurs qu'ils faisaient circuler de
main en mainet le frère d'un des candidats s'est permis
même de compter, au moyen d'une plume trempée d'en
cre, les suffrages obtenus jusqu'alors par son frère, le
tout en l'absence du présidentdu secrétaire et des scru
tateurs, hormis un seul, celui précisément qui, comme
membre sortant, ne pouvait pas faire partie du bureau et
ne faisait même aucune attention ce qui se passait autour
de lui.
5° La vérification du nombre des suffrages obtenus par
chaque candidat, n'a été faite que sur la liste du secrétaire
seul. Celle du scrutateur n'a pas même été consultée quoi
que, entre le dernier élu et le candidat suivantla diffé
rence ne fût que de deux voix, et que plusieurs électeurs
qui avaient annoté tous les votes, aient soutenu qu'il y
avait erreur entre les suffrages obtenus par ces deux can
didats.
6° Enfin le procès-verbal des élections n'a pas été signé
séance tenante, et l'un des scrutateurs n'y a apposé sa
signature que le lendemain quatre heures de l'après-
midi.
Agréez, monsieur l'éditeur, etc.
on électeur de poperinghe.
A la suite des dernières élections pour les chambres, le
bourgmestre de Poperinghe a dit: J'ai été porté la
Chambre par les électeurs libéraux de Poperinghe, avec
l'appui de l'Association libérale d'Ypresje me souvien
drai toujours d'eux. Le bourgmestre vient de remplir
sa promesse. Trois d'entr'eux se sont portés candidats
aux élections communales il les a vivement recommandés
ses anciens amis qui les ont poliment accueillis
la façon de Barbari.
Le parti soi-disant modéré de Poperinghe persiste et
s'obstine accuser l'opinion progressiste d'avoir amené
le trouble et la discorde dans la ville en repoussant toute
transaction et tout moyen de conciliation. Or, le comité
que j'avais pris par hasardet que je garderaije crois,
par caprice. C'est bizarre, n'est-ce pas? Mais la fortune
est aveugle, et je suis décidé faire celle de cette enfant.
Il faut vous dire que le souper s'est prolongé très avant
dans la nuit, car on soupe bien la maison dorée, on ne
soupe même que là. Le Champagne, les égards elles salons
particuliers, tout y est admirable Y allez-vous quelque
fois monsieur Maurice
Non, monsieur.
Vous faites-biencar vous ne voudriez plus aller
autre part... Ah ça! vous venez donc me demander des
actions?
Ouimonsieur.
Je n'en donne qu'à mes amis! car c'est une admirable
affaire que j'aurais dû me réserver; mais je n'ai rien
moi... je suis comme cela. Vous dites quatre actions, et
six que j'ai promises la petitecela fait dix... Je les lui
porterai aujourd'hui enrevenantde la Bourse. Et il sonna.
Un de ses commis parut.
Pardon. Je sonnais mon valet de chambre... C'est
égal: monsieur Dumont, voulez-vous dire mon cocher
que je sortirai deux heures; le petit coupé et un seul
cheval... vous comprenez? Ah un mot encore. Tcner,
prenez l'argent de monsieur.
Et le commis sortit.