JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Vires acquint eundo.
INTÉRIEUR.
Maurice.
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces, 4 francs.
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes.Réclames, la ligne 30 centimes.
Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
YPRES, le 18 Octobre.
La reprise de la session législative aura lieuce
qu'il paraît, le 6 novembre. C'est un jour plus tôt que
l'époque ordinaire, mais avec la vérification des pouvoirs
et la discussion d'une adresse de moins. Nous croyons
qu'il eut été désirable de voir recommencer la session
plus tôt, mais il ne suffit pas de rassembler nos législa
teurs, il faut encore que le ministère ait des projets pré
parés soumettre leurs délibérations il faut que les
propositions faites soient bien instruites et par suite des
élections qui se sont succédé si rapidement, il est possible
qu'on n'ait pas trouvé tout le temps nécessaire d'élaborer
plus tôt les projets qui devaient faire l'objets des discus
sions des chambres. Nous croyons que c'est le véritable
motif qui a retardé la réunion de. la législature.
M. Marcel Gcurls, fils du receveur des contributions
directes de cette ville, vient de se voir décerner, par le
jury d'examen pour l'enseignement supérieur, le diplôme
de candidat en philosophie et lettres. M. Geurts a fini ses
études au collège communal de cette ville, et c'est pour
nous un motif de plus d'annoncer son succès avec une
sincère satisfaction.
Certains Baziles ont entrepris une campagne l'cn-
contrc de l'école primaire gratuite. On prétend que les
chefs de la congrégation (autrement dit: la réunion des
espions sacrés, sont ou auteurs ou instigateurs de ces
lettres signées un Yprois que le Journal des Bedeaux in
sère bis-hebdomadairement dans ses colonnes. On soup
çonne même certain vicaire de n'être pas étranger ces
manigances. Qu'ils y fassent attention, la calomnie et la
médisance useront leurs dents dans cette lutte. Ces cha
ritables personnages doivent se ressouvenir de la fable du
serpent et de la lime. Elle sera leur histoire.
Hier a eu lieu Passchendaelc, par la Société agricole
du canton de ce nom, en présence des autorités de diffé
rentes communes et d'un grand concours de monde la
distribution solennelle des médailles décernées aux meil
leurs cultivateursainsi qu'aux meilleurs ouvriers-agri
culteurs de chacune des communes de Passchendaelc,
Moorslede, OostnieuwkerkcWcstrooscbcke et Zonne-
beke.
[Suite et Jin%
X.— le CHANGEMENT a VUE.
Le pauvre Maurice en se jetant par la fenêtre s'était
cassé la jambe mais quoique saisi d'une vive douleur, il
n'avait pas proféré une plainte... Il regarda autour de lui
et vit avec joie que l'endroit où il était tombé donnait
sur la rue Notrc-Dame-de-Lorette. Il n'était donc pas
loin de chez lui. Ce ne fut cependant qu'après d'horribles
souffrances et un temps infini qu'il parvint se traîner
jusqu sa maison et dès que le jour parut, Maurice, le
plus heureux des hommes, se hâta de faire prévenir son
tuteur et son ami, le docteur Jules Cqui, émerveillé
de la gaite et de la joyeuse humeur de son malade, jadis
attaqué du spleen, ne pouvait concevoir qu'une jambe
cassée changeât le moral ce point-là, et méditait,comme
on l'a vu, un travail sur cette matière.
Il était midi, M. d'Havrecourt, qui venait de descendre
pour déjeuner avec sa femme, avait trouvé dans la salle
manger Horace de Nanteuil et tous ses amis de la veille,
qui venaient charitablement s'informer de ses nouvelles
ou plutôt jouir de son embarras. Le banquier comprit
l'instant le difficile de sa situation car il eut beau dire
demi-voix ses amis Tout va bien, je suis arrivé avant
Maurice, il n'y était pas, ma femme était seule, Il vit
aux compliments railleurs qu'on lui adressa et l'air in
crédule qui régnait sur toutes les physionomies, que
personne n'était dupe d'un récit que l'on regardait comme
Après cette belle et intéressante cérémonie, laquelle
assistait l'excellente musique de Moorslede, un déplorable
accidenta culieu, l'estrade où on s'occupait faire monter
un ballon, est écroulé et en s'effondrant, a atteint un gar
çon et une petite fillequi ont été grièvement blessés
deux autres personnes ont eu de légères contusions.
Correspondance.
On nous écrit de Messines, 17 octobre:
La Correspondance, du 28 Août dernier, insérée dans
votre n° du 31relativement certains faits et gestes
électoraux et autres de la mauvaise queue jésuitique-
politique, était bien au courant, et vous avait pertinem
ment renseigné.
Le pot aux roses est enfin découvert, et la mau
vaise queue dont il s'agit, est tout fait démasquée.
L'imprimeur delà pièce curieuse, du fameux Appel
aux électeurs de MessInes, a parlé. Interpellé par M. le
juge d'instruction, le sieur Désiré Lambin-Mortier, édi
teur-propriétaire du dévôt Propagateur, etc., a décliné,
ce magistrat, sinon le nom de l'auteur du factum ar
gué de calomnie, du moins le nom de celui qui le lui avait
remis manuscrit, pour qu'il l'imprimât: ce qui revient
peu près la même chose; car, légalement, voilà
l'auteur présomptif, et tout porte croire, en effet, que
c'est l'auteur réel.
Or, cet auteur-là, qui diffamait ainsi calomnieusemcnt
le bourgmestre et l'un des éclievins de Messines n'est
autre, on se le dit ici, l'oreille, que le sieur Ch. G.,
notre secrétaire communal... On s'en doutait générale
ment, connaissant la mésintelligence déclarée qui existe
entre eux, et, surtout, connaissant l'hoinmc, et sachant
de quoi est capable le partila coterie auxquels il ap
partient.
Si nous sommes bien informés, et nous croyons l'être,
le sieur Ch. G., qui, sans doute, a voulu, par là, se ren
dre intéressantest en aveu formel... Que disons-nous
donc? il est plus qu'en aveu: car il a dénoncé, c'est ainsi
que ces MM. eux-mêmes le disent tous, ses complices,
que le prudent et communiealif secrétaire appelle ses
consortsLe terme est bien choisi, n'est-ce pas, et
l'cnphémismc est heureux?... Aussi, vient-il d'un jésuite
de robe courte, et d'un fin et madré encore.
Quoiqu'il en soit, les consorts compromis ne sont pas
leur aise du tout. Ils sont furieux contre leur chef de
une fable inventée et arrangée par lui. Il entendit même
Horace murmurer demi-voix ses camarades: C'est
juste il ne pouvait pas dire autrement
Le banquier, quoique sur de l'innocence d'Amélie,
avait donc par sa faute compromis jamais son honneur
et celui de sa femme. Blessé dans ce qu'il avait de plus
cher, dans son orgueil et dans sa réputation d'hominc
heureux, il cherchait et ne trouvait aucun moyen de ré
parer un malheur irréparable, lorsque la porte s'ouvrit
et parut Alfred G...., pâle et l'inquiétude sur le front.
Ah mes amis, s'écria-t-il, un grand malheur est
arrivé ce pauvre Maurice, qui m'a écrit d'aller le voir.
Qu'est-ce donc? s'écrièrent tous les assistants avec
un sentiment de curiosité qui les empêcha de voir la pâ
leur d'Amélie.
Je sors de chez lui et il m'a raconté que hier soir,
près de la barrière d'Enfer au moment d'entrer dans
Paris, ce diable de Lord Palmerston, mon cheval anglais,
dont je veux décidément me défaire, s'est cabré, a pris le
mors aux dents et s'est emporté travers champs. Mau
rice, qui, vous le savez tous, avait une affaire très-impor
tante Paris, a voulu sauter bas du tilbury et s'y est
pris si malheureusement qu'il s'est cassé la jainbc.
Chacun poussa un cri, excepté une seule personne,
celle qui probahlement souffrait le plus.
Quel événement! s'écria tout le monde avec un
sentiment de compassion, et le banquier avec un conten
tement intérieur. Tout s'expliquait pour lui et pour les
autres. Maurice, dangereusement blessé, n'avait pu se
rendre rue de la Bruyère, n° 33. L'honneur de sa femme
file, qui, l'ingrat qu'il est! n'a pas eu seulement le bon
esprit, le dévouement, quoi de les couvrir de son corps
ou plutôt, de son silence.
Finalement, les libéraux Messinois et ils sont nom
breux, en font des gorges chaudes et battent des mains,
en attendant que le dramesi maladroitement et mé
chamment élaboré par M. Ch. G. et compagnie, se dé
roule, en police correctionnelle, Ypres, ou aux assises
de Bruges.
Quelle école pour ces malheureux intrigants!....
Puisse-t-clle, au moins, leur servir!... Nous le désirons,
mais nous ne l'espérons guère. Les gens de cette couleur
politique sont incorrigibles.
Poperinghe, 17 octobre 1848.
Monsieur le rédacteur du Progrès
Comme suite notre dernière lettre sur les travaux
publics, en date du Ier de ce mois, il nous reste vous
exposer les différents moyens mis en usage par certain
personnage, pour s'assurer le monopole des fournitures
faire par la ville et pour accaparer les bénéfices qui en
résultent. Nous avons dit qu'aucun expédient ne lui a
paru plus utile que celui de confier la directidn de tous
les travaux un seul et même homme chargé la^fois
l'exclusion de tout concurrent, et de la surveillance et de
l'exécution. Or, cet individu, menuisier de profession, est
architecte de la ville et professeur l'académie de dessin,
double fonction qui le met nécessairement sous la dé
pendance et la subordination immédiate du conseil com
munal. Certes, l'intéressé personnage ne pouvait faire choix
d'un meilleur serviteur pour favoriserpar l'entremise
de celui-ci, son industrie particulière, car il est facile de
prévoir, et jusqu'ici nous en avons déjà eu des preuves
marquantesqu'au lieu d'économiser les deniers de la
villecet hommepour complaire ses supérieurs dont
il n'ignore aucunement les calculs égoïstcs' et intéressés
sera toujours porté dresser les plans les plus dispen
dieux, en vue d'en faire résulter pour eux les plus gros
bénéfices possibles. C'est ainsi que récemmentla ré
construction d'un pont qui, par parenthèse, a coûté la
ville au-delà de deux mille francs, on n'a pris aucun soin
pour conserver les parties dont le maintien aurait peut-
être pu diminuer les frais de moitié, et qu'on a impitoya
blement tout démoli, même jusqu'aux fondations qui, au
jugement d'hommes experts en cette matière, offraient
encore la solidité du grès et pouvaient facilement servir
était sauvé et surtout le sien.
C'est donc John, ton domestique, dit Horace en
s'adressant Alfred, qui lui a porté secours?
Ah bien oui! il m'a raconté qu'à peine s'il avait vu
Maurice se précipiter. Emporté lui-même par son cheval,
il n'a pu s'en rendre maître qu'à deux lieues de là, au
milieu d'un champ où il a été arrêté par une borne
énorme. Aussi ma voiture, qu'on m'a ramenée ce matin,
est-elle brisée en morceaux. Il n'y a pas de mal, mais il
y en avait pour ce pauvre Maurice, laissé blessé, minuit,
sur la grande route. Heureusement encore, il a été ren
contré par un fiacre qui revenait vide et qui l'a ramené
chez lui, où je viens de le voir. Il a été pansé par le doc
teur Jules C..., son ami, qui répond de tout. Vous pouvez
être tranquilles. C'est lui-même qui m'a dit: Va l'hôtel
d'Havrecourt rassurer nos amis.
Alfred avait rempli, sans le savoir, les intentions de
Maurice car alors seulement Amélie, revenue la vie,
avait repris ses couleurs et commençait respirer. Quant
au baron, il disait tout bas Voyez-vous mon étoile tou
jours mon étoile
Les jeunes gens s'écrièrent Allons voir Maurice et ils
coururent chez lui.
Mais déjà Maurice n'était plus le même; une seule
nuit avait opéré en lui un changement soudain et complet.
XI. LE DÉCEMBRE.
11 était aimé II avait repris goût la vie, au travail
tous les sentiments nobles et généreux.
Il était aimé Il voulait se rendre digne de celle qu'il
aimait. C'était là désormais son seul but et sa seule ré-