La Victorieuse.
JV' 782—783. -r 8e Année.
Dimanche, 5 Novembre 1848.
JOIIRIVAL D'YPRES ET DE I/ARROV RISSEHEXT.
Vires acquint eundo.
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INTÉRIEUR.
YPRES, le 4 Novembre:.
LE SYSTÈME D'OCTROI SER LES BIÈRES.
A chaque élection communale soit partielle, soit géné
rale, un seul homme a ameuté des intérêts privés contre
le mode de recouvrement de l'octroi sur les hières. Seul,
il y avait le plus grand intérêt. En 1831, il était conseil
ler communal et rien ne lui a coûté pour changer le règle
ment des taxes communales du 12 mars 1827. En 1857,
mêmes démarches par l'ex-conseillcr communal. En
1842, nouvelles pétitions et instruction de la question
par des fonctionnaires de l'administration des finances
dont l'avis fut défavorable aux demandes des brasseurs.
En 1848, l'occasion du renouvellement des conseils
communauxil ne pouvait manquer de saisir l'occasion
aux cheveux; le moment paraissait favorable de tâter, si
l'approche des électionsles conseillers communaux
n'eussent pas été de meilleure composition. Mais le Con
seil, qui sentait qu'il y avait dans cette démarche une
tentative d'intimidation, a refusé de s'en occuper.
Dans ses deux dernières réunionsle Conseil a exa
miné la pétition des brasseurs et comme toujours,
l'unanimité, l'assemblée a repoussé leur demande. L'au
teur de toute cette levée de boucliersvient de publier
quelques mots sur cette pétition, distribués en supplé
ment an Journal des Baziles. Nous allons examiner cette
oraisonpro domo sud.
Il commence par dire qu'il veut être traité selon le
texte et l'esprit de la loi du 2 août 1822. Rien ne lui est
plus facile, il n'a qu'à renoncer son compte courant chez
le directeur de l'octroi et aux restitutions l'exportation,
alors il fabriquera pleinement sous) l'empire de cette loi.
Mais ce n'est point là le fin mot de la question. La base
de l'impôt est la cuve-matière, et il est prouvé qu'elle est
inexacte et défavorable aux intérêts du trésor. Déjà
plusieurs fois des tentatives ont été faites par le gouver
nement pour modifier la loi, mais chaque essai, des
■meetings des brasseurs tentèrent d'y mettre obstacle.
Les octrois des villes doivent être perçus en centimes
additionnels sur le principal du droit d'accise, et c'est ce
qui se pratique ici. Mais il restait une difficulté résoudre.
Le décret sur les octrois exige que les objets consommés
en dehors du territoire de la ville soient dégrevés du droit
municipal. Pour les bières, il fallait .donc l'exportation
restituer les droits perçus. Mais déjà, avant!850,on s'était
aperçu que la base de la cuve-matière permettait la fabrica-
tion de plus de bière que ne comportait la contenance de ce
vase, et les villes qui ne percevaient qued'après la capacité
des cuves-matières pouvaient,dans des circonstances don
nées, être, forcées de restituer plus qu'elles n'avaient reçu.
C'était une complication laquelle il fallait songer sérieu
sement car il ne s'agissait de rien moins que de la
stérilité d une des branches les plus productives des im
positions communales. Divers moyens furent essayés,
mais quelques-uns ne pouvaient s'accorder avec la loi de
1822, et un arrêté royal du 10 novembre 1826 ordonna
aux villes de s'en tenir la loi de 1822. C'est alors que la
régence de la ville d'Ypres présenta la sanction de Sa
Majesté, le règlement du 12 mars 1827, approuvé par ar
rêté royal du 12 avril suivant. On doit remarquer ici que
1 auteur des quelques mots prétend que ce règlement
n'est pas en harmonie avec l'arrêté du 10 novembre 1826,
tandis que sa date proteste contre cette assertion, et de
puis, toutes les autorités ont pleinement rendu hommage
la parfaite légalité du règlement communal du 12
mars 1827.
II nous reste faire connaître le système de recouvre
ment prescrit par ce règlement. La restitution se fait in
tégralement du droit payé parles brasseurs qui,par leurs
exportations, doivent en jouir, afin de se trouver hors du
territoire de la ville sur la même ligne que leurs concur
rents, mais des conditions auxquelles ils doivent se con
former. Ils demandent l'ouverture d'un compte courant
chez le directeur deroclroi,qUi doittenircomptedcsquan-
tités fabriquées en sus delà contenance de Iacuvc-malière,
en outre de la latitude accordéede 8 pour cent. A ceteffot
ils doivent en faire la déclaration et faire connaître la quo
tité de l'excédant. Ils sont tenus d'y indiquer le moment
de l'entonnemcnt qui doit s'accomplir en six heures de
temps. Mais sipar suite de circonstances imprévues,
cette dernière prescription devenait impossible, ils peu
vent obtenir une remise qui est accordée par le directeur
des'taxcs communales.
Ces excédants ne sont pas frappés de droits supplé
mentaires. Bien que le produit soit plus fort que ne le
suppose la loi, rien de ce chef ne peut être perçu, mais
il y a seulement prise en charge pour mémoire, afin de
déduire les excédants des quantités exportées la fin du
mois, ou d'en tenir note pour le mois suivant, si l'expor
tation ne s'élève pas au chiffre de l'excédant la fin du
mois.
Telles sont les principales dispositions de ce règlement
qui a encouru l'inimitié de quelques brasseurs. Qu'on
(Suite.)
Le lendemain de l'enlèvement si audacieusemcnt exé
cuté dans la propriété même du baron de Ravilliers, le
pavillon de partance flottait au haut du grand mât de la
Victorieuse, et le canon prévenait les retardataires qu'elle
allait mettre sous voiles. On n'attendait plus que le com
mandant qui était resté l'amirauté pour prendre ses
derniers ordres. Le chevalier Desbarres était chargé de
l'appareillage, et l'activité qu'il déployait donnait lieu
plus d'un commentaire parmi les matelotsqui ne com
prenaient rien sa manière brève et précipitée de com
mander. Les voiles étaient larguées, l'ancre était pic,
et l'équipage se tenait aux manœuvres prêt obéir la
première injonction.
Gaston était sombre comme une nuit d'orage. Il se pro
menait silencieusement de la dunette au grand mâtet
ne s'arrêtait par moments que pour jeter un coup d'oeil
d'impatience par-dessus les bastingages, dans la direction
du port. Il avait déjà répété ce manège plusieurs foiset
toujours il avait continué sa promenade avec un redou
blement d'angoisse, quand le pilotin en observation
signala enfin la yole du commandant.
Cette annonce parut produire un effet salutaire sur le
chevalier. Un éclair de satisfaction brilla dans ses yeux
et son front, plissé par la cruelle anxiété laquelle il était
visiblement en proie, se dérida.
Il alla recevoir le commandant et jeta sur lui un regard
interrogateurcomme s'il eût voulu lire sur sa physio
nomie la nature des ordres qu'il avait reçus. Celui qui
était l'objet de cette muette investigation s'en aperçut. Il
se contenta de sourire en passant devant le chevalier pour
se diriger vers le banc de quart d'où il commanda aus
sitôt d'orienter les voiles et de déraper.
Le chevalier Desbarres, debout sur le gaillard d'avant,
l'air morne et abattu, jetait un regard découragé sur l'im
mensité qui se déroulait devant lui, et semblait vouloir
franchir l'espace pour découvrir ce qu'il y avait au-delà
de ce mystérieux horizon qu'il ne pouvait pénétrer.
On était sorti du goulet qui ferme l'entrée de la rade
de Toulon, et le navire, plus libre dans ses allures, gagnait
rapidement le large, toutes voiles dehors.
Fatigué d'explorer ce vide infini qui n'offrait pas le
moindre aliment son ardente curiosité, Gaston détourna
la tête et ses regards se dirigèrent vers la côte où la pro-
priétédu baron, resplendissante de tous les feux du soleil,
s'épanouissait au sommet de cette charmante oasis que
l'on peut appeler juste titre le paradis de la France.
C'était là que naguère, son dernier voyage, il avait vu
se dessiner la forme vague et indécise d'une femme qui
agitait un mouchoir blanc en signe d'adieu, c'était là qu'il
avait passé les plus douces heures de sa vie. Et il avait
suffi d'une heured'une minute pour ruiner toutes ses
l'examine bien et avec impartialité et l'on se convaincra
que rien de plus juste ni de plus équitable n'a été prescrit
en fait d'octrois communaux. La restitution est intégrale,
elle se fait qui elle est due et ne sacrifie pas les intérêts
du petit brasseur qui a ses débitants en ville, aux grands
industriels qui, l'aide des exportations, pourraient écra
ser leurs concurrents plus faibles.
Nous avons fait connaître les dispositions du règlement
et quoiqu'on dise l'auteur de la pétition, ni le texte de la
loi du 22 août 1822ni son esprit ne s'opposent au sys
tème en vigueur ici. Mais la révolution, la loi de 1822
déjà mauvaise, devint détestable par suite de 1 abrogation
de l'art. 3, qui ordonnait une justification des farines em
ployées et que la cuve-matière nepouvaitêtrerempliequ aux
deux tiers. Aujourd'hui on la remplit de malt pleins bords
et comme la capacité des chaudières n'est pas en rapport
avec la contenance des cuves-matières, on renouvelle les
matières quand on veut. 11 est pour ainsi dire impossible
de découvrir cette fraude. En quelques minutes cette
opération est finie et du moment que le malt est mouille,
il est impossible de s'y reconnaître. Si les employés res
tent présents, on cric la vexation, au vol du secret de la
fabrication et en attendant, on paye la ville et l'état
ce qu'on veut bien leur abandonner.
Est-il étonnant que l'auteur du plaidoyer en faveur de
la pétitionse loue avec tant de jubilation, de la discré
tion de la loi, discrétion qui se résume en une perte pour
le trésor de plus de deux millions environ et qui a forcé
onze villes refuser toute décharge du droit l'exporta
tion, parce que sans doute, dit M. Lagrange, directeur
des taxes municipales de Gand, le revenu était compromis.
Trente autres villes n'accordent qu'une restitution réduite
de 10 jusqu'à 65 pour cent de l'impôt nominal.
Pour en finir par un fait constant et qui doit ouvrir
les yeuxaux plus prévenus,labase del'impôtcst tellement
fictive que les RR. Pères Carmes qui brassent pour leur
consommation et qui par conséquent n'ont pas d'intérêt
frauder, tandis que d'un autre côté, ils ne sont pas bras
seurs et qu'ils sont supposés ne pas connaître toutes les
finesses du métier, quand ils font une déclaration de 80
hectolitres, entonnent 134 hectolitres de bière. Ce fait
est vrai et qu'on nous dise où on en arriverait avec le
système desretenucs, si on avait la bonhomie de l'adopter?
Non, il n'est pas déshonorant de faire valoir ses droits,
quand on est lésé mais ici on demande un dégrèvement
d'impôt son profit. Dans l'occurrence, le brasseur ne
fait ici que l'avance de l'impôt, qui lui rentre mesure
espérances de bonheur. A ce souvenir de l'attentat inouï
de la veille, le chevalier sentit tout son sang affluer vers
son cœur, puis remonter son cerveau où une lumière
fulgurante lui fit entrevoir la possibilité de se venger un
jour de l'infâme qui avait arraché Marie son amour.
Mon lieutenant, vint lui dire un pilotin, le comman
dant m'a chargé de vous prévenir qu'il désire vous parler.
Gaston releva la tête de l'air d'un homme qui s'éveille,
et se fit répéter deux fois l'ordre qu'on lui transmettait,
sous forme d'invitation, avant de le comprendre.
Lorsque Gaston fut en présence du commandant, ce
dernier lui fit signe de s'asseoir, et après l'avoir considéré
attentivement pendant quelques secondes, il lui dit avec
une bonté toute paternelle: Vous êtes bien pâle, che
valier, et vous paraissez souffrant. Il ne faut cependant
pas vous laisser abattre et décourager comme cela. Le
malheur que vous déplorez n'est peut-être pas irréparable.
Tout n'est pas encore désespéré... Quoi, commandant,
vous savez?.. Je sais que ce matin le baron deRavilliers,
accompagné par vous, je crois, a porté plainte 1 amiral,
et comme tout fait supposer que la jeune lillc a été con
duite sur un navire, j'ai ordre de poursuivre et de visiter
tous les bâtiments que nous rencontrerons. Vous qui
connaissez ce personnage qui se faisait appeler le capitaine
d'Anglade, et que le baron avait si imprudemment reçu
dans son intérieur, je ne vous demande pas quelle est
i votre opinion personnelle son égard; elle ne peut lui