JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Dimanche, 19 Novembre 1848.
Vires accpiirit eundo.
INTÉRIEUR.
Le capitaine Mandrin.
ABONNEMENTS A pres (franco), par trimestre, 5 francs 50 c. Provinces, 4 francs.
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne 50 centimes.
Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doi1
être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies*
APRES, le 1S Aoirunni:.
S'il fout s'en rapporter aux nouvelles qui arrivent de
Bruxelles, jamais la Chambre n'a déployé une activité
pareille celle qui, cette année, préside ses travaux.
Tous les jours nos législateurs sont au Palais de la nation
depuis 10 '/s heures du matin jusqu'à quatre et cinq heu
res de relevée. Déjà les sections ont presque toutes exa
miné les budgets de la justice, des affaires étrangères et
de la marine, et la section centrale a discuté ces derniers
qui pourront être soumis la Chambre dans le courant
de la semaine prochaine.
D'importantes économies sont proposées par la plupart
des sections. Le gouvernement avait cru qu'elles pou
vaient s'élever un demi-million sur le budget des affai
res étrangères; la section centrale porte ce chiffre plus
de six cent mille francs.
Les sections ont étendu généralement le cercle des
économies proposées par le ministère au budget de la
justice. La plupart ont supprimé les indemnités accordées
aux présidents des assises, proposé la diminution des
traitements des fonctionnaires émoluments, tels que
greffiers et juges-de-paix. La liste civile du clergé subira
des modifications importantes, mais indispensables. Le
cardinal-archevêque, de 30,000 francs, a été réduit, par
quelques sections, Ir. 15,000, mais, généralement, on
paraît d'avis de le traiter en ministre; 21,000 francs se
rait le chiffre de son traitement. Les évêques toucheraient
de 10 12,000 francs, au lieu de 15,700. Les vicaires-
généraux et chanoines seraient proportionnellement ré
duits. On parle d'augmenter le salaire des succursalistes.
Il paraît qu'on le ferait sans nul doute, si le vent n'était
l'économie.
La haute-cour militaire sera supprimée
La cour de cassation mutilée
Les cours d'appels écornées.
Enfin, on taille en plein drap et les sections ne passent
pas le plus petit chiffre sans se faire rendre compte. Il
faut espérer que le zèle de la Chambre ne se ralentira
pas, qu'elle portera une hache impitoyable dans tous les
abus, qu'elle sera intraitable l'endroit des sinécures et
qu'elle parviendra débarrasser les budgets de tous les
parasitesque dix-sept années de régime catholique y
avaient entassés, suçant le plus clair de la substance du
pays. Mais il faut aussi que les Chambres soient prudentes
et que dans leur ardeur d'économiser, elles ne désorga-
I. L'ASSAUT. [Suite.]
Un instant après, la jeune demoiselle était avec sa nour
rice et son domestique dans une calèche qui fuyait de la
ville elle tenait toujours sur ses genoux le cher objet
qu'elle avait arraché aux ilammes.
Madame Blondeau s'était agitée sans rien faire devant
le bâtiment d'où la terreur l'éloignait: mais voyant un
grand coffre qu'Eustache avait placé dans la voiture, elle
pensa que le domestique était parvenu sauver l'argent
et l'argenterie de la maison et lui demanda ce que la
caisse contenait.
Ah dit Eustache, c'est tout notre bon vin d'Espagne
qui est là-dedans
Vilain ivrogne, as-tu bien pu songer cela? s'écria
la vieille dame, plus désolée que jamais.
Dam c'est pour mademoiselle, dit-il si la frayeur
allait la faire défaillir en route, il ne serait pas mal d'avoir
une bouteille de bon vin pour la remettre.
Bientôt la voiture perdit de vue la ville de Saint-Romain
dans laquelle nous allons maintenant entrer.
Les soldats de Mandrin étaient maîtres du champ de
bataille. Depuis la porte principale, qui avait été en
foncée, et brûlée jusqu'à la Maison-de-Ville où étaient les
fonds de la ferme générale, ils occupaient tous les postes,
montaient la garde, et deux rangs des leurs formaient une
nisent pas des services indispensables dans l'état actuel
de la société. Ce seraient des économies détestables au
point de vue de
administratives.
l'intérêt général et des bonnes traditions
Correspondance.
Monsieur le rédacteur du Progrès
Pour compléter notre examen critique des travaux pu
blics Poperinghc (voir les n"' 773 et 778 du Progrès
il nous reste encore jeter un coup-d'œil sur l'état des
bâtiments publics ainsi que des diverses constructions d'u
tilité générale ou pouvant servir d'embellissement la
ville. II nous suffira dédire que depuis l'avènement du
bourgmestre actuel, jamais aucune dépense importante
n'a été faite pour des ouvrages de cette nature. Tout ce
qu'on remarque ici en ce genre, appartient encore l'ad
ministration du ci-devant bourgmestre Mr S. Alors ont
été placées dans nos rues toutes les pompes existantes
(dont l'entretien est passablement négligé aujourd'hui)
en remplacement des puits ouverts comme on en trouve,
encore quelques-uns qui, déjà depuis longtemps, auraient
dû également disparaître. C'est alors qu'a eu lieu l'établis
sement des nouveaux reverbères le plus souvent éclairés
aujourd'hui ou plutôt enfumés par de la mauvaise huile
fournie la ville, sans adjudication préalable, par un
membre du conseil qui en fixe lui-même le prix, le tout
contrairement l'art. G8 de la loi communale qui défend
tout conseillersous des peines graves comminées par
l'art. 175 du code pénal, de prendre part aucune
fourniture pour la commune. C'est également de ce temps
que datent la construction du Marché au poisson, l'ap
propriation de la Petite-Place un Marché aux bestiaux,
ainsi que divers autres ouvrages d'utilité publique dont
les habitants apprécient encore tous les jours les avan
tages, d'autant plus qu'ils n'ont plus rien attendre, en
ce genre, de l'administration actuelle qui paraît plutôt
avoir pris tâche d'enrayer tout ce qui peut tendre au
progrès et au bien-être matériel de la ville. Et cependant,
cette époque malheureusement passée pour nousla
caisse communale était dans une situation prospère, et
chaque année un excédant des recettes sur les dépenses
témoignait de l'état florissant des finances. Ce qui contri
buait encore cet état brillant, c'était la renonciation
volontaire du chef communal tout traitement qu'il des
tinait uniquement aux travaux d'embellissement et d'u
tilité générale. Mais depuishélas! tout est bien changé.
Depuis que le désintéressement a fait place l'égoïsme
depuis que des hommes avides et ambitieux ont su suc-
double haie le long de la grande rue qui aboutissait
l'hôtel municipal.
Ce fut par ce chemin, bardé de fer et illuminé de tor
ches, que le lieutenant de Mandrin et les principaux chefs
de la bande se dirigèrent vers l'entrepôt général.
Si les regards troublés par la terreur prêtaient tous
ces hommes un effrayant aspect, ce n'était pas entière
ment l'effet de l'imagination. Les soldats de Mandrin
recrutés parmi les hommes déshérités de la société et
révoltés contre elleportaient tous sur leurs traits l'ex
pression de la force sauvage, des passions impérieuses
qui conduisent aux partis extrêmes, et qui, par les pro
fonds sillons qu'elles creusent sur le visage, y impriment
le cachet de la puissance barbare.
C'étaient donc en effet des yeux armés d'un feu sata-
nique, de formidables sourcils des bouches brûlées par
l'imprécation et le blasphème, des membres taillés en
massues pour briser tout obstacle, des corps d'une vigueur
menaçante, habillés de cuir, de fer, qu'on voyait passer
la lueur rouge des torches.
Dans la salle du conseil de l'Hôtel-de-Ville étaient
réunis le fermier généralJean de Marillacplusieurs
traitants, le comte de Chavailles, maire de Saint-Romain,
et ses adjoints. Ces autorités, sans aucun espoir d'arrêter
les déprédations qui allaient être commises, témoignaient
au moins par leur présence de leur courage et de leur
résolution de ne céder le dépôt général qu'à la plus im
cessivemcnt éliminer et écarter de l'administration tout
citoyen dont le dévouement et l'abnégation pouvaient
mettre des entraves leur vile cupidité, depuis enfin que
l'exploitation de la chose publique a succédé la sage
administration des intérêts de tous, on ne voit plus que
ruine et décadence quelque part qu'on jette les yeux.
Tour s'en convaincre, voyez dans quel état se trouvent
nos édifices publics. Nous ne croyons pas qu'on puisse
citer encore une ville en Belgique, où les bâtiments com
munaux soient plus négligés et plus délabrés qu ici. Tous
ceux qui appartiennent la ville sans en excepter même
l'Hôtel de la régence, sont dans une telle détérioration
qu'on éprouve un sentiment pénible, quand on les com
pare aux établissements du même genre en d'autres pe
tites villes, même de moindre importance, où ils présentent
en général un aspect agréable etsoigné qui plaît auxycux.
Si de là on laisse tomber ses regards sur le pavage de
nos rueson le trouve partout dans un état si détes
table, qu'on peut les considérer comme de véritables casse-
cou, sauf la grande route dont l'entretien est charge de
la province. Entr'autres négligences relatives l'entretien
de nos chemins pavés, on peut citer particulièrement
celle apportée la fermeture des barrières en temps de
dégel, laquelle ne se fait le plus souvent qu'au gré de cer
taines personnes influentes qui en profitent exclusive
ment. Pour faire connaître ce sujet un fait scandaleux,
nous rappelerons seulement le déplacement d'une bar
rière fait au profit d'un rncûnier-conseiY/er pour faciliter
l'exploitation de son moulinbarrière située ancienne
ment en deçà de son établissement et qu'on a transférée
au-delà au grand détriment de la route pavée qui conduit
la ville.
Non-seulement les réparations du pavage sont entière
ment négligées mais on trouve encore au milieu de la
ville des rues traversières très-fréquentées où il existe
peine un trottoir et d'autres qui en sont même totalement
privées. Si encore dans une commune essentiellement
agricole, les chemins vicinaux qui contribuent tant fa
voriser l'agriculture se trouvaient dans un état satisfaisant,
il n'y aurait que demi-mal mais, quoiqu'il y ait un fonds
spécialement destiné cette partie des travaux publics et
prélevé raison de 12 psur les contributions directes,
ces chemins sont tellement impraticables que leur mau
vaise réputation est devenue proverbiale et nuit
notablement aux approvisionnements de notre marché
qui décline tous les jours, ainsi qu'aux relations agricoles
et commerciales de notre ville.
Voilà donc, Monsieur le rédacteur, un échantillon sufli-
périeuse nécessité. Une partie des fonds avait été cachée
dans les caves du bâtiment, dans l'espérance de soustraire
quelques sommes au pillage.
Les chefs des contrebandiers se présentèrent devant
eux accompagnés d'hommes armés jusqu'aux dentsils
déposèrent dans la salle des ballots de tabac et de mar
chandises étrangères, qu'ils vendaient ordinairement dans
les provinces par fraude ou par violence, et que, dans
un raffinement d'audace, ils prétendaient faire acheter
la ferme générale elle-même.
Ils exigèrent, pour prix de cette livraison, l'argent qui
se trouvait alors dans les caisses centralesles ouvrirent
de vive force, et en vidèrent les espèces dans leurs sacs
de cuir.
Le licutcnantde Mandrin dit aux autorités réunies, que,
pour les mettre l'abri de tout reproche, il allait leur
donner un reçu des sommes qui venaient de passer entre
ses mains: l'écrivit en effet, et le signa effrontément:
Fauster, lieutenant, pour le capitaine Mandrin.
Puis il demanda qu'il lui fût donné également un reçu
des marchandises qu'il avait livrées.
Pendant que ces étranges formalités se remplissaient
dans la salle du conseilles autres parties du bâtiment
étaient envahies par les bandits qui exerçaient de toutes
parts le pillage le plus actif.
Le jeune David de Marillacfils du fermier général
était descendu au rez-de-chaussée, chargé par son père