803. 5e Année. Dimanche, 7 Janvier 184f>.
JOIRWL DÏPRES ET DE LÀRRO\DISSEME\T.
Vires acquirit eundo.
LA BELGIQUE E\ 1848.
!Le capilalsic ASamlrita.
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IMÉHIIIK.
YPRES, le 6 JwYii:n.
L'année 1848 s'est évanouie dans les abîmes du passé.
Assez de feuilles ont fait la revue des événements aussi
imprévus que terribles qui ont marqué son passage sur
l'horloge des temps. L'espace nous manque pour suivre
cet exemple. Bornons-nous jeter un coup-d'œil rétro
spectif sur la situation de la Belgique pendant que la
tourmente révolutionnaire faisait onduler la vieille Europe
comme une mer agitée par une effroyable tempête.
Durement éprouvée par deux époques de crisesla
première alimentaire, suivie par une perturbation finan
cière, la Belgique était cependant parvenue h secouer la
domination qui pesait sur clic depuis dix-huit ans. On
se croyait ou point d'entrer dans une nouvelle ère et de
réparer au plus vite les effets des fautes et des empiéte
ments d'un parti qui ne voulait pas être de son époque.
L'opinion publique satisfaite, se calmait et se montrait
bien disposée pour le nouveau ministère qui était chargé
de diriger les destinées de la Belgique.
On inaugura donc l'année 1848 sous des auspices favo
rables quand une catastrophe imprévue vint jeter une
immense perturbation en Europe. En France, le régime
constitutionnel avait sombré et la république avait été
proclamée. Ce cataclysme vint compliquer la position de
la Belgique et la menacer de dangers les plus sérieux,
certesqu'elle a courras depuis la proclamation de son
indépendance. Sans la révolution de févrieron pouvait
espérer de voir l'industrie et le commerce prendre un
nouvel essor et cicatriser les plaies que les crises des deux
années antérieures avaient faites.
La providence n'a pas voulu qu'il en fut ainsi. Heureu
sement les ministres libéraux furent la hauteur de leur
mission et ce ne sera certes pas un des moindres titres de
gloire pour le ministère Rogier, que d'avoir pu faire tra
verser la Belgique cette époque d'incandescence révo
lutionnaire, sans compromettre son indépendance, et en
la sauvant de l'anarchie.
En Belgique, comme dans les autres pays labourés par
des révolutions, il y avait des hommes qui aspiraient
un changement quelconque. Des libertés politiques, nous
ne pouvions en vouloir davantage. Mais malheureusement
les années que nous venions de traverser, avaient consi
dérablement empiré la position des classes inférieures de
la société. Ces artistes en troubles, ces monomanes de
l'anarchie avaient espéré pouvoir exploiter cette malheu
reuse coïncidence et, sous prétexte d'amélioration sociale,
[Suite.)
VIII* lz val b embruif.
Les deux voleurs qui s'enfuyaient ainsi de l'hôtel de
Chavailles, après leur malheureuse tentative, étaient
Chicner et Marteau, de la bande de Mandrin. Ils se glis
saient dans les rues désertesayant bien soin de raser
les murailles et de prendre le côté le plus sombre. La
nuit finissant, ils avaient grande hâte de sortir de l'en
ceinte des maisons quichaque minute, pouvaient ou
vrir les yeux pour les regarder.
Il ne leur restait qu'un élan prendre pour gagner la
rase campagne, quand, au débouché d'une rue, Chicner
sentit une main se cramponner son épaule et entendit
cette exclamation:
Ah je boirai un verre d'eau-de-vie ce matin
En même temps un piquet de maréchaussée enveloppa
les deux camarades.
Au tumulte causé par la lutte qui s'établit entre les
adversaires, les maisons s'ouvrirent et toutes les têtes
passèrent la fenêtre pour appuyer1 du regard les cava
liers, et opiner du bonnet en faveur de l'ordre public.
ils voulaient jeter les travailleurs sur la place publique,
et ainsi amener une perturbation générale qui devait
nécessairement rendre leur position plus cruelle, comme
l'expérience ailleurs l'a prouvé.
Sans influence sur la classe ouvrière, nos énergumènes
républicains, se sont mis en relation avec les hommes du
mouvement Paris, afin d'aviser au moyen de républi-
caniser quand même la Belgique. L'affaire de Risr/uons-
Tout a été fa conséquence de ces menées. Car accablée de
huées, quand elle a été avortée, cette équipée avait des
ramifications dont on ne se doutait pas au premier mo
ment.Rien n'ya fait,ni les excitations de quelques drôles,
ni les meetings, ni les journaux de l'anarchie, ni l'inva
sion main année n'a pu faire sortir la Belgique de son
calme, et nous croyons qu'elle peut s'en féliciter, quand
elle compare sa situation celle des autres pays qui l'en
tourent, l'exception de la Hollande, qui a montré au
tant de bon sens que nous.
Cependantla Belgique n'a pu suffire elle-même
qu'en s'imposant des rudes sacrifices. Son état financier
n'était pas brillant dix-huit années d'un régime rétro
grade avaient accru les dépenses hors de proportion avec
les ressources du pays. On avait tendu outre mesure les
ressorts de l'impôt, et encore avait-on caché un décou
vert que l'administration libérale a fait connaître, quand
elle a dû exposer sincèrement la situation financière. Au
24 février, il y avait pour trente millions environ de
bons du trésor en circulation, et pour une vingtaine de
millioMs de dettes qui n'étaient pas classées et sans crédit
alloué pour y faire face. M. Jules Malou, le dernier mi
nistre des finances catholique, dans son exposé de la
situation financière, n'avait pas fait connaître la position
réelle du trésor. Le ministère libéral n'a pas hésité, il a
lait un appel la nation et lui a demandé deux emprunts
forcés, qui ont été intégralement payés.
Dans l'ordre politique, des réformes ont été faites
qui ont été bien accueillies, quoiqu'on eusse pû peut-être
les trouver trop radicales. Le cens minimum de la Consti
tution a été introduit partout et l'incompatibilité du man
dat de représentant et de fonctionnaire a été décrétée.
C'étaient les deux modifications politiques qui étaient les
plus vivement désirées et avec raison. Le calme de nos
populations conlrastaitsingulièrcmcnt avec l'agitation des
pays voisins et démontrait ceux qui avaient des yeux
pour voir, que nul grief, nul besoin de modifier notre
régime, n'entrait dans les idées du peuple. Cependant le
ministère crut devoir faire un appel solennel au pays et
quatre élections consécutives divers dégrès, donnèrent,
notre régime constitutionnel, une sanction puissante et
inattaquable. Le peu de républicains qui avaient laissé
La victoire demeura bien vite aux plus forts. Les gen
darmes et les habitants qui les suivaient amenèrent les
deux prisonniers la Maison de Ville.
Làles voleurs furent reconnus pour appartenir la
bande des contrebandiers. On leur attacha les bras et les
jambcsavec des cordes, caria bonne ville de Saint-Romain
possédait peu d'instruments de supplice et n'avait pas de
fers pour les criminels; et on ordonna aux brigadiers de
les conduire immédiatement la prisou de Valence.
Ils cheminèrent toute la matinée, les soldats chexal,
les prisonniers pied; les uns et les autres sifflantju
rant, maugréant, pour faire passer le temps.
La route était longue, le temps triste et pluvieux.
Chicner (celui des deux bandits qui avait imaginé le vol
au rendez-vous d'amour pensait qu'il allait être inter
rogé, jugé, pendu le lendemain, et qu'en attendant il s'en
nuyait. Comme au dernier de ces maux il pouvait y avoir
remède, il essaya de lier conversation avec son conducteur.
Il me semble que je vous connais, mon gendarme?
dit-il.
Possibleje me suis déjà souvent rencontré avec
vous autresparticulièrement au val d'Enfin un où nous
allons passer ce soir.
percer le bout de l'oreille et qui se trouvaient soit la
chambre ou au sénatsoit dans les conseils provinciaux
ou communaux, furent impitoyablement éliminés, telle
ment l'esprit public se prononçait avec énergie, contre la
forme républicaine et ses prôneurs.
Nous devons cependant convenir que la république
française a repoussé la politique de conquêtes laquelle
on aurait dû s'attendre, d'après les antécédents des hom
mes que le 24 février a placés au timon des affaires. A
l'exception de Riscjuons-Tout, favorisé par quelques per
sonnages influents, la Belgique n'a pas été menacée dans
son indépendance.
En nous exprimant hautement en faveur du régime
constitutionnel et en appuyant ouvertement le ministère
libéral qui a guidé la Belgique dans cette traversée dan
gereuse et que nous croyons digne de la confiance de la
nationest-ce dire que nous n'avons pas souffert du
contre-coup des événements politiques? Il faudrait être
d'aussi mauvaise foi que les journaux républicains qui
rivalisent avec les jésuites sous ce rapport, pour dire que
la situation de la Belgique soit brillante. Mais telle qu'elle
est, elle vaut mieux que celle de la France qui a une po
pulation ouvrière sans travail et un découvert de (100
millions dans ses finances, sans compter qu'elle doit subir
la honte d'être gouvernée sous une forme qu'elle repousse,
et d'avoir vu ses intérêts, son honneur, ses richesses la
merci d'hommes incapables, impuissants, mais républi
cains de la veille ou de naissance. Mieux que nous pour
rions le dire, l'affaissement de la France, au point de vue
industriel et commercial, doit raffermir la Belgique dans
ses idées d'ordre, et de calme. C'est l'unique voie suivre
pour revenir un état plus prospère.
Dans le compte-rendu de la séance du conseil com
munal du 4 décembre 1848, nous avons fait mention
d'une lettre écrite par M. Désiré Roffiaen, artiste-peintre
Bruxelles, l'autorité communale, par laquelle il an
nonçait l'intention de reconnaître les sacrifices faits par
sa ville natale pour lui former une carrière, par le don au
Musée de la ville d'Yprcs, de son tableau, la chiite de
l'Aar. C'est avec un sentiment de légitime orgueil que
nous pouvons dire aujourd'hui, que M. Roffiaen a satisfait
sa promesse. Son tableau est arrivé et nous osons le dire
sans crainte d'être taxé d'exagérationee sera une des
belles toiles de notre Muséequi en compte cependant
signées par des maîtres distingués.
Quand l'autorité communale eut appris que le talent de
M. Roffiaen venait d'être récompensé Bruxelles par une
médaille en vermeil, elle prit la résolution de lui faire
parvenir au nom de la ville d'Ypres, une médaille com-
Bel endroit, que le val d'Embrun les coups de fusil
sonnent dans les rochers comme des pièces d'artillerie,
et les eaux du Rhône vous ont bientôt débarrassé des
morts.
Je ne trouve pas cet endroit beau du tout... Ce fi t
cette escarmouche que je perdis mon pauvre fils Benoit,
le pareil ce grand garçon que vous voyez là.
Le brigadier montrait son second fils, jeune soldat qui
servait aussi de garde aux prisonniers.
Et la brigade fut battue, reprit Chicner, quoique
vous fussiez bien dix contre un.
Oui, nous pouvions bien être du double plus nom
breux, mais une pièce d'eau-de-vie nous avait mis presque
tous hors de service. Pour ma partj'avais entièrement
perdu mes moyens; ce qui fait que j'ai vu tomber mon
pauvre fils mes côtés, sans pouvoir le défendre. Aussi
j'ai fait vœu en ce moment-là de ne pas goûter l'eau-
de-vie que je n'eusse arrêté un contrebandier, pour Je
faire pendre en mémoire de mon garçon. C'est pourquoi,
en vous mettant la main dessus tout-à-l'hcure, je me suis
dit: Je boirai un verre d'eau-de-vie ce matin.
Bien flatté de pouvoir vous obliger.
Nous sommes partis si vite de Saint-Romain que je