JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Vires acquirit eundo.
-V 817. 8' Année. Dimanche, 4 Mars 1849.
ABONNEMENTS: Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces, 4 francs. I Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames la ligne 50 centimes. être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
IXTÉKlEtES.
YPRESle 3 Maks.
LE RIDGET DE LA GUERRE.
La Chambre a été occupée pendant cinq sé
ances, du budget de la guerre, et nous sommes
d'avis qu'elle aurait pu mieux employer son
temps. La discussion de l'organisation de l'armée
et des divers systèmes qui la récrutent et la
maintiennentétait parfaitement inopportune
en ce moment. Nousaurions pu concevoir qu'on
eût voulu introduire des modifications dans la
force armée, il y a quelques années. Mais au-
jourd hui que, du jour au lendemain, l'Europe
peut changer de face que la guerre est im
minente et aurait déjà été commencée si tous
les peuples n avaient des finances embarrassées,
nous ne pouvons approuver cet optimisme qui
proclame la guerre impossible, tandis que de
toutes parts, on se met en mesure de la faire.
Aussi. M. Delfosse nous paraît-il bien impru
dent, en disant qu'il votera contre le budget
de la guerreparce qu'il ne croit plus des
conflits entre nations.
Quand la Belgique a proclamé son indépen
dance, elle nepouvaitignorerqu'elle seraittenue
de la défendre. Cependant pour faciliter ce de
voir les traités lui ont garanti la neutralité.
Mais cela veut dire seulement que les puissances
sont convenues de respecter le territoire de la
Belgique et de ne pas le conquérir, ni d'y faire
invasion. Ces traités sont-ils une garantie suffi
sante pour laisser notre territoire, sur la foi des
conventions, sans défense, la merci du premier
venu qui osera ne tenir aucun compte du droit
public international L'histoire nous dit que la
meilleure façon de faire exécuter les traités est
de pouvoi^au besoin se faire respecter et la
violation des territoires de la république de
Venise et de la Suisse démontrent que la neu
tralité n'est qu'un vain motquand le pays
n'est pas en mesure de la faire respecter. D'ail
leurs, la Belgique, en 1030, a voulu être indé
pendante et cela ne laisse pas, avec les puissances
qui nous entourent etquisontarmées jusqu aux
dents, par exiger beaucoup d'argent, car il se
rait ridicule et dangereux pour la Belgique, de
désorganiser son étal militaire, quand les au
tres nations, au lieu de désarmer, agissent
Le capitaine Alamlein.
XVI.— LE BANQUET DES ADIEUX. {Suite.)
Il faut traverser d'immenses corridors, ouvrir une foule
de portes sans connaître d'avance la clé qui doit être ap
pliquée la serruredescendre des escaliers tortueux et
franchir grand nombre de pièces et de vestibules si,
pendant cet espace de temps, un de ces trois hommes
s'éveille il donne l'alarme, tout est perdu et de par la
hache et les bourreaux, les prisonniers paieront cher leur
audace.
Mandrin, le brave chef, le noble cœur, résout sur-le-
champ de proléger la fuite de sa troupeen demeurant
seul avec Bruneau auprès de ces hommes endormis il
épiera leur sommeil, et si leur bouche est près d'exhaler
un soupir; il les fera rentrer l'instant dans la nuit et le
silence.
Il exprime sa volonté ses soldats. Ceux-ci frémissent
de laisser leur capitaine dans cet endroit, où chaque se
conde qu'il passe est un glaive suspendu sur sa tète, où
d'ailleurs les gardes du poste doivent se porter dans le
tumulte qui va suivre. Tout cela est exprimé en quelques
signes plus prompts que des éclairs. Mais Mandrin fait un
geste impératif ses gens et ils s'éloigneut.
Des cet instant on n'entend pas un souille dans la
comme si la guerre pouvait éclater du jour au
lendemain.
Celle discussion sur le budget de la guerre
n'a eu que ce bon résultat seulement, d'avoir
clairement constaté que la loi sur l'organisation
de l'armée est bien combinée pour suffire aux
exigences du pied de paix, comme aux nécessités
du pied de guerre. Il faut bien le croire, puisque
de tous les orateurs qui l'ont blâmée, aucun u'a
seulement indiqué ce qu'il fallait modifier. M.
Delhougne a surtout attaqué cette loi, trouvant
qu'elle maintient un effectif exagéré pour les
ressources de la Belgique. Jusque là cette idée
est très-populaire, mais quand il a dû contenter
les hommes sérieux, en indiquant ce qu'il fal
lait mettre en place, son succès s'est évanoui et
l'on a compris le vide de ses critiques. Si cet
honorable orateur était pendant six semaines
enrégimenté dans la milice citoyenne, il pour
rait se convaincre, que le soldat ne se forme pas
instantanément et qu'une bonne armée bien in
struite, bien disciplinée, est l'œuvre de plusieurs
années d'efforts et de travail. Un autre orateur
voulait remplacer l'armée par du patriotisme.
La Belgique n'en a jamais manqué et. pendant des
siècles, elle a été asservie par d'autres nations.
D'ailleurs, le courage indiscipliné et l'élan révo
lutionnaire ne peuvent rien contre des troupes
bien organisées. Un représentant devrait lâcher
de se défendre d illusions aussi naïves, car
quelle confiance de pareils moyens de défense
peuvent-ils inspirer au pays?
Nous devons louer le ministère de n'avoir
pas fléchi car, si quelques représentants, dans
des bonnes intentions, nous l'admettons, pour
suivent la désorganisation de l'armée, il y a des
agents de désordre qui poussent cette écono
mie pour d'autres motifs. Nous avons grande
confiance dans le bon esprit de nos populations,
mais cependant, personne ne pourra affirmer
que la Belgique ne sera pas frappée de cet esprit
de vertige qui a entraîné dans le tourbillon des
idées révolutionnaires d'autres nations. Nous
le répétons, le ministère a bien mérité du pays,
eu demandant le maintien d'une armée forte
et bien organisée, et les opposants seront bien
tôt peut-être considérés comme des liardeurs
qui, par esprit du système, veulent faire pré
valoir des idées dont ils n'oseraient jamais
poursuivre l'accomplissement.
prison. Les contrebandiers défilent rapidement dans les
sombres couloirs.
Mandrin a refermé la porte clc sur luipour opposer
une plus longue résistance aux assaillants qui peuvent
venir. Le capitaine et son compagnon sont debout de
chaque côté des gardiens, qui demeurent repliés sur eux-
mêmes et la tête penchée sur la poitrine. Bruneau a le
poignard levéet son regard fixe, suivant chaque mou
vement des fibres du visageobserve ces hommes en
dormis. Mandrin a les yeux attachés sur la place où par
le fond de la rue sur laquelle donoe sa fenêtre, il pourra
voir déboucher sa troupe. Lolottecalme et courageuse
regarde le capitaine. Tous trois sont immobiles comme
des statues.
Le sommeil, la mort présente, l'attente muette, for
ment un silence de plomb, dans cette enceinte où la
marche de chaque minute est si puissante et solennelle.
Enfin, c'en est fait Mandrin a vu la tète de sa troupe
apparaître sur la place.
Il attache son échelle de soie au fer de la galerie il
prend Lolotte dans ses braset descend dans la rue avec
la rapidité d'un oiseau qui abat son vol; Bruneau le suit,
et tous trois ont déjà rejoint leurs compagnons.
Les deux soldats qui montaient la garde la grande
porte de la maison, en voyant les contrebandiers sortir
Le Journal des Daziles et ses patrons, l'autre feuille
et ses gratte-papier, ont pris des leçons aux journaux de
la république rouge, pour arriver au moyen le plus efficace
de désunir tous les citoyens et de souiller la discorde
partout. Le parti des honnêtes gens, des enragés modérés,
suit la même marche que les Socialistesles Proudho-
niens et autres energumènes que la révolution du 24
Février a fait monter la surface de la société, des pro
fondeurs dans lesquels ils étaient enterrés. Qu'ont-ils fait
ces estimables républicains depuis que la république de
Tan de grâce 1848 a été proclamée? Ils se sont mis
exciter toutes les classes de la population les unes) contre
les autres, les pauvres contre les riches, les ouvriers contre
les patrons. Qu'en est-il résulté? Que la guerre civile a
éclaté en France et que l'insurrection de Juin a ensanglanté
les rues de Taris.
Que font ces deux estimables carrés de papier de la
localité Ils ont découvert une noblesse qui est en butte
leurs attaques, tandis que dans nulle ville, il y ait moins
de morgue dans les relations de toutes les classes de la
société. C'est au nom de la bourgeoisie qu'ils usent de
cette tactique, de la bourgeoisie qu'ils disent attaquée,
comme autrefois le clergé proclamait la religion violée,
tandis que personne ne songe attaquer ni mépriser
la religion, ni la bourgeoisie. Mais des Rodins ont trouvé
que ce thème pouvait être exploité leur profit et Ton
s'est posé en champion de la bourgeoisie, comme l'illustre
Don Quichotte de la Manche se donnait la mission de
redresser des torts imaginaires.
Disons qu'il peut y avoir des nobles parmi les habi
tants de notre villemais depuis longtemps ils ne se
pavanent plus de titres ni blasons, et ne sont pas les
moins affables de nos concitoyens. Avant l'année 1848,
le Journal des Bazilcs avait une autre tactiquec'était
d'exciter les ouvriers contre les patrons, et personne n'a
oublié les articles qui ont figuré dans ses colonnes contre
le Conseil des Prud'hommes. C'était, comme on dirait
aujourd'hui, aux aristos du négoce qu'il s'attaquait, mais
maintenant il a trouvé un acolyte qui arbore pour dra
peau industrie et commerce, et comme il faut qu'on
souffle la désunion partout, on a ressuscité la noblesse
laquelle on ne songeait plus ici, pour exciter la bour
geoisie contre quelques personnes qui gênent certaines
ambitions.
Cette tactique sera funeste même ceux qui en sont
les promoteurs, car aujourd'hui, c'est aux nobles qu'on
s'en prend, demain ce sera au négoce huppé, après de
main aux industriels, et de fil en aiguille, au lieu d'étouffer
en masse et d'un pas assuré, ont cru d'abord qu'ils avaient
le vertige, qu'un chlouissemcnt passait sous leurs yeux
puis ils ont pensé qu'on était venu chercher les prison
niers pour les conduire au tribunal. Mais tout cela s'est
confondu dans leur esprit étourdi, troublé, pour ne for
mer qn'unc vague stupeur; et les bandits, imposant par
leur nombre et leur fermeté, ont passé entre les deux
postes avant que les sentinelles se soient éveillées de cette
torpeur et aient engagé le combat.
Le capitaine se place au front de sa bande et les voilà
tous bravement en marche.
Alors la joie, l'orgueil du triomphe montent la tète des
brigands; l'ivresse puisée dans les boissons du banquet,
et dont l'effet a été suspendu par l'imminence du danger,
se fait alors sentir ils se croient maîtres et vainqueurs
de la ville. Bruneau secoue son drapeau qu'il a caché sur
sa poitrine, le plante au bout du fusil enlevé la senti
nelle, le brandit la tète des braves, et tous entonnent
en chœur, d'une voix éclatante et formidable, le chaut du
départ.
Mandrin est en avant, ayant d'un côté de lui Bruneau,
qui fait flotter son étendard, de l'autre, Lolotte, qui tient
entre ses deux mains un pli du manteau de son capitaine,
cl marche au pas de charge comme ses frères.
La bande traverse ainsi toute la villeen ehantant