LE
JOURNAL D'ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
.V 852. 9e Aimée. Jeudi, 5 Juillet 1849.
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YPRES, le 4 Juillet.
Nous reproduisons icid'après le Moniteur
belgele discours prononcé par notre honorable
représentant M. Alph. Vanden Peereboom, lors
de la discussion relative la loi du transitsé-
ance du 15 Juin dernier.
marchandises libres, imposées ou prohibées au transit.
SECTION PREMIÈRE. Marchandises libres au transit.
Art. 6. Sont admises au transit en exemption des
droits
1» Par le chemin de fer de l'Etat
Les marchandises detoute.espèce, excepté celles dont
parle le n° 1 de l'art. 9, les ardoises et les charbons de
terre
a. Directement;
6. Par un entrepôt franc ou public relié cette voie
par un embranchement, pourvu que l'arrivée en entrepôt
ait lieu par mer ou par le chemin de fer de l'État.
2° Sans distinction de voies
Les marchandises libres, tant l'entrée qu'à la sortie.
5° Les marchandises de toute espèce importées par
mersous pavillon quelconque, et transbordées Anvers
ou Ostende sur d'autres navires pour être immédiate
ment réexportées par le port même d'importation.
M. A. Vanden Peereboom. Messieurs, le cha
pitre 11 de la loi en discussion indique les marchandises
qui, par exception au principe du libre transit, sont sou
mises un droit ou même prohibées.
L'art. 9 porte que le transit des bestiaux bœufs, va
ches, génisses, etc., est prohibé par toute autre voie que
celle indiquée au n° 1litt. a de l'article Cc'est-à-dire
que les bestiaux sont admis au transit direct, par le che
min de fer de l'Etat, en exemption de tout droit.
Cette disposition, messieurs, je la considère comme
étant de nature porter atteinte aux intérêts de notre
agriculture, et spécialement l'une des branches les plus
importantes de l'industrie agricole de la Flandre occi
dentale.
C'est dans les riches pâturages des arrondissements
d'Ypres, Fûmes et Dixmude que se pratiquent surtout et
dans de larges proportions l'élève et l'engraissement du
bétail.
Indépendamment du marché intérieur, la France avant
que l'Angleterre n'eût ouvert ses ports était le seul mar
ché étranger où nos éleveurs flamands trouvaient un dé
bouché pour les produits de leur industrie. Aujourd'hui
encore, ce marché doit être pour eux d'une grande im
portance il serait nuisible de l'amoindrir brusquement
en donnant aux éleveurs étrangers des facilités de trans
port qui leur permettront de faire avec plus d'avantage
que jamais une concurrence nos éleveurs nationaux.
Loin de moimessieursl'idée de vouloir chercher
rendrepar des mesures douanières, la concurrence des
éleveurs étrangers impossible sur le marché français. Je
crois que de la concurrence naît le progrès et que le pro
grès est la condition essentielle de la prospérité et de
l'existence même d'une industrie-, mais, d'un autre côté,
faut-illorsqu'on change de systèmemodifier brusque
ment toutes les conditions de concurrence? Faut-il que
ces modificationssoientimmëdiatementradicales, et n'est-
il pas prudent, au contraire, de ne diminuer que pro
gressivement la protection dont jouissait autrefois une
industrie?
Aujourd'hui, messieurs, grâce aux mesures sages et
éclairées, prises par M. le ministre de l'intérieur, l'agri
culture belge est en progrès l'introduction dans notre
pays des races perfectionnées de bétail étranger a déjà
amélioré d une manière notable nos races indigènes, et
bientôt, dans quelques années, nos éleveurs pourront
lutter avec avantagesur tous les marchés voisins, avec
les éleveurs étrangers.
Messieursquand nos éleveurs secondent par leurs
efforts laborieux et constants les vues si sages du gou
vernement le moment est-il bien choisi pour jeter le
découragement dans leurs rangs? Faut-il attiédir leur
zèle aujourd'hui qu 'ils sont sur le point d'atteindre le but?
Les expositions publiques, les distributions de récom
penses pécuniaires et de médailles ont produit d'heureux
résultats; elles ont fait naitre une légitime émulation qui
contribuera puissamment au progrès de l'agriculture.
Mais avant tout, l'agriculteur est calculateur, et il doit
l'être, car il a de lourdes charges supporter, surtout
dans nos Flandres, où la misère publique lui impose de
pénibles sacrifices.
Si le bétail bolge est moins demandé par nos voisins
si les prix tombent, quel sentiment éprouveront nos cul
tivateurs? Ils se demanderont quoi ont servi leurs
efforts; quelle est l'utilité des concours, des expositions?
Et les espérances qu'ils avaient conçues feront place de
pénibles sentiments, un découragement profond.
J'ai dit, messieurs, qu'admettre au transit le bétail
étranger par le chemin de fer, et en exemption de tout
droit, c'est porter atteinte aux intérêts de notre agri
culture.
Messieurs, la section centrale pense que des lignes de
chemin de fer existent presque dans le centre des pâtu
rages de la Flandre, je crois devoir dire que c'est là une
erreur, et que malheureusement beaucoup de communes
de la Flandre occidentale, où l'élève du bétail est la prin
cipale industrie agricole, sont situées une grande dis
tance d'une station, et que, par conséquent les éleveurs
de ces localités ne peuvent mener leurs bestiaux sur le
marché de Lille que par la voie de terre souvent même,
ils sont forcés de prendre la route la plus longue, afin de
franchir la frontière par le bureau désigné.
11 est facile de comprendre combien ce mode de trans
port est onéreux par suite des frais de nourriture et
d'étable, ainsi que de la perte résultant souvent des acci
dents qui surviennentsur la route. De plus, il est reconnu
que les fatigues d'un voyage de plusieurs jours, surtout
(jurant les grandes chaleurs, exercent sur le poids et la
qualité même du bétail élevé soit l'étable, soit en prairie,
une influence très-désavantageuse.
Par le chemin de fer, au contraire, aucun de ces incon
vénients n'existe. Le bétail arrive sur le marché étranger
sans fatigue, promptement, surtout peu de frais, puis
que la taxe ne s'élèveen moyennepour le gros bétail
qu'à 24 centimes par lieue, non compris les frais fixes qui
divisés par le nombre des lieues parcourir n'augmen
tent qu'insensiblement la dépense totale du transport.
De plus la taxe est calculée, non sur le parcours réel,
mais sur la distance légale qui est toujours moindre.
Le passé peut servir de leçon pour l'avenir.
Un arrêté royal du 23 septembre 1843 autorisa le
libre transit du bétail. Bientôt des plaintes unanimes
s'élevèrent; les chambres de commerce et les adminis
trations communales adressèrent au gouvernement et
la législature les réclamations les plus vives, je dirai
même les plus justes; et le gouvernementconvaincu
sans doute que ces réclamations étaient fondées, rapporta,
par un arrêté du 7 juin 1844, celui du 23 septembre pré
cédent. Aujourd'hui, messieurs, on vous propose d'écrire
dans la loi la disposition de l'arrêté du 23 septembre
1843 qui excita des plaintes générales.
Quoique la liberté entière de transit soit le principe du
projet de loi en discussion, ce projet consacre des ex
ceptions, soit en établissant un droit pour quelques
marchandises, soit même en prohibant d'une manière
absolue le transit de quelques autres produits.
Je n'examinerai pasmessieurs, les motifs qui ont dé
terminé la section centrale admettre les exceptions pro
posées par le gouvernement la règle générale; mais je
dois faire remarquer que si une industrie mérite, sinon
qu'on la protège, du moins qu'on ne modifie pas brusque
ment les avantages qui contribuent sa prospérité, cette
industrie est sans doute l'industrie agricole, qui occupe
plus de bras qu'aucune autre industrie et qui est la plus
importante de toutes.
Eh bien, messieurs, l'élève du bétail est une condition
essentielle de l'amélioration de notre agriculture, c'est là
un principe élémentaire et incontestable sur lequel il est
inutile d'insister; je pense donc qu'il serait dangereux
de modifier radicalement et sans transition le système qui
a été longtemps en vigueur.
Je ne réclame pas pour nos éleveurs la protection que
l'on accorde d'autres industries je ne demande pas que
le transit du bétail étranger par le chemin de fer soit
prohibé; mais je demande qu'il soit soumis un léger
droit, et j'aurai l'honneur de déposer sur le bureau un
amendement en ce sens.
Je sais, messieurs, que si le libre transit du bétail était
admis, l'augmeutation du mouvement des transports
par le chemin de fer procurerait des bénéfices au trésor
mais ces bénéfices ne seront pas en rapport avee les pertes
que subirait l'industrie? et d'ailleurs ne serait-ce pas
acheter trop cher un avantage minime?
S'il s'agissait, messieurs, d'autoriser, des conditions
favorables, l'introduction du bétail étranger dans notre
pays, la question serait toute autre, car alors les pertes
que nos éleveurs seraient exposés éprouver seraient
compensées par les bénéfices que réaliseraient les con
sommateurs belges; mais ici, en matière de transit, je ne
vois aucune compensation sérieuse. Le libre transit du
bétail étranger par le chemin de fer dont la Belgique en
tière a payé les frais de construction aura pour résultat,
d'un côté, de faire naître chez nos éleveurs belges un
découragement inévitable et de leur causer des pertes
réelles, de modifier profondément les conditions de con
currence sur le marché français de l'autre, d'accorder
des éleveurs étrangers sur les marchés étrangers des
avantages dont profiteront exclusivement des consomma
teurs également étrangers.
Mon amendement n'a d'autre objet que de diminuer
ces inconvénients. J'espère que la chambre voudra bien
l'adopter.
1*1. le ministre des finances. Messieurs, le
projet de loi qui vous est soumis a pour objet de consa
crer un régime fort libéral en matière de transit. A peu
d'exceptions près, c'est le régime de la liberté que nous
vous proposons. Si le projet de loi est sanctionné par la
chambre, ce dont je ne doute point, la Belgique aura le
régime de transit le plus libéral. Notre régime de transit
sera plus favorable en général que celui de la France,
que celui de la Hollande, que celui du Zollverein. On ne
peut pas introduire des restrictions dans le projet de loi
qui vous est soumis, sans une nécessité absolue bien
démontrée, sans qu'il existe des raisons véritables d'in
térêt public qui commandent de maintenir quelques
prohibitions, quelques droits.
Ces raisons existent-elles, quant aux bestiaux qui font
l'objet de l'amendement que l'honorable préopinant vient
de déposer? Je ne le crois pas.
C'est l'enseignement du passé que l'honorable mem
bre a fait appel; eh bien, c'est précisément sur cet en
seignement que je me fonde pour démontrer la chambre
que les craintes qu'on manifeste n'ont aucune espèce de
fondement.
Il est vrai qu'un arrêté du 23 septembre 1843 avait
autorisé le transit des bestiaux par le chemin de fer
que des réclamations très-vives se sont produites et qu'au
mois de juin 1844 l'arrêté a été rapporté.
Mais d'abord notons que, depuis cette époque bien
des changements se sont introduits dans la situation res
pective des éleveurs hollandais et des éleveurs belges
ia Hollande a trouvé depuis lors en Angleterre un dé
bouché fort important qui en 1843 n'existait pas. Et
cependant est-il bien vrai que, sous l'empire de l'arrêté
du 23 septembre 1842, des faits se soient produits, de
nature causer un préjudice considérable nos éleveurs?
En aucune façon.
Pendant le régime établi par l'arrêté du 23 septembre,
il a transité par la Belgique 1,660 tètes de gros bétail et
22,521 moutons. Est-ce que nos exportations de bétail
vers la France en ont été affectées Là est la question.
Eh bien, messieurs, c'est le contraire qui a eu lieu.
Le gros bétail, exporté en destination vers la France,
a été
En 1842 de7,907 têtes.
1843 9,241
1844 12,557
1845 11,486
Ainsi, chose remarquable, pendant que le transit a été
libre,'nos exportations ont considérablement augmenté,
et il y a eu diminution partir de l'époque où la liberté
a été restreinte.
Par ces considérations, je ne pense pas pouvoir me
rallier l'amendement de l'honorable préopinant.
*1. Loos, rapporteur. Mon intention était de pré
senter la plupart des observations que vient de dévelop
per M. le ministre des finances.
Sous le régime de l'arrêté du 23 septembre 1843, les
faits qu'on redoutait ne se sont pas reproduits. Je con
viens avec mon ami, M. A. VandenPeereboom, qu'on a
beaucoup pétitionné et qu'on a fait entrevoir un très-grand
préjudice pour le pays mais, en réalité, le préjudice n'a
pas été causé, et on a eu tort alors de revenir la pro
hibition. En 1843, on n'avait transité que 534 têtes de
gros bétail, et en 1844, 1,099 donc, je le répète, le pré-