pays appréciera l'inébranlable ligne de conduite que je
veux suivre. Elle ne ressemble pas du tout aux calculs
divers que me prêtent mes amis et mes ennemis.
Ce quoi je mets ma gloire et consacre mes
efforts, c'est rassurer les esprits et adoucir les pas
sions.
Concilier, concilier sans cesse, concilier toujours,
voilà mon but! Certes, les intelligences ne manquent pas
au pays, ni les dévouemens, ni les courages, ni même les
talens supérieurs dans tous les genres mais tout cela est
perdu, parce que les haines et les ressentiments politi
ques éparpillent toutes ccsrichesses morales; chaque parti
en accapare une portion, et il n'en reste plus pour le ser
vice de l'état, ni pour la grandeur collective de la patrie.
J'ai fait vœu de défendre cette fâcheuse situation qui
ressemble la disette au milieu de l'abondance.
M. Passy, ministre des finances, ne conservera pas,
dit-on, son portefeuille il n'attendrait même pas le re
tour de l'assemblée pour prendre cette détermination: le
froid accueil qu'on a semblé faire son impôt sur le re
venu, quelques légers désaccords survenus entre lui et
quesques-uns de ses collègues, lui auraient fait dire qu'il
•ne trouvait plus la place tenable.
D'après la même version, trois candidats seraient en
présence pour la possession du portefeuille des finances
MM. d'Audiffrct, Denis Benoit et Achille Fould.
Le général Oudinot est revenu fort désappointé de
■Gaëte. Le pape l'a personnellement bien accueilli et lui a
offert force décorations pour l'armée, mais ainsi que nous
l'avons déjà dit, le saint-père s'est absolument refusé
venir bénir Rome l'armée française. Pie IX se rendra
Albano, où des députntions viendront recevoir, au nom
des diverses armes, la bénédiction pontificale. S. S. n'a
point dissimulé son intention bien arrêtée de visiter Naples,
puis de séjourner Ancône et Boulogne, villes occupées
par les autrichiens. Cela est déjà assez significatif; cepen
dant, malgré la réserve habituelle de la diplomatie cléri
cale, le général Oudinot a pu se convaincre que la volonté
du sacré collège est que le pape, ne rentre pas Rome
tant qu'il y aura un soldat français dans la ville éternelle.
Non que le saint-père n'ait pas beaucoup d'estime pour la
France, mais il ne croit pas de sa dignité de laisser sup
poser qu'il subit des conditions. 11 veut qu'on sache bien
qu'il gouverne les États de l'Église indépendamment de
la volonté ou des injonctions de toutes les nations de la
terre.
M. Pascal, lieutenant-colonel de la 11® légion, arrêté
le 13 juin et rendu la liberté le 5 août, a reclamé pour
qu'on lui rendit le commandement de sa légion, mais on
n'a pas fait droit sa demande, et il a reçu du conseil de
préfecture, citationày comparaître devant lui le mercredi,
22 août, les faits pour lesquels il avait été arrêté le 13
juin pouvant porter atteinte la considération et l'au
torité de son commandement, et motiver la suspension
des fonctions de son grade.
Le choléra, qui a sévi assez rigoureusement Roche-
fort, paraît y avoir été exploité par les partis qui ont
abusé de la crédulité du bas peuple, au point que les mé
decins, les sœurs de charité sont par lui regardés comme
des empoisonneurs, et le choléra comme une maladie po
litique et forcée pour permettre aux riches de se débar
rasser des pauvres.
Des rassemblements tumultueux ont eu lieu le 15
août, et les murs de la ville étaient couverts d'une affiche
ainsi conçue:
Au nom du peuple français,
Les autorités civiles et militaires sont prévenues que,
si dans les vingt-quatre heures le choléra n'a pas dis-
paru, la ville sera mise feu et sang.
Grâce aux mesures énergiques de l'autorité, cette me
nace n'a pas eu de suitemais elle prouve jusqu'à quel
degré d'excitation on peut conduire des masses ignorantes.
Hugues, en s'approchant, lui dit ces mots avec un rire
strident:
Oh! c'est bien moi... le cadavre ressuscité que tu
n'as pas su tuer C'est bien moi vois d'ailleurs toi-
même làau bas de ma joue la morsure de ta hache
Et il montrait la cicatrice que nous avons signalée.
Peu peu Arehambaud reprit la conscience des choses.
sa première stupéfaction succéda une conviction réelle.
Une rougeur subite remplaça la teinte pâle qui cou
vrait son front; l'animation vint après l'épouvante.
Il voulut parler.
Tu in'écouteras d'abord lui dit Clisson, en l'inter
rompant.
Les yeux d'Archambaud lancèrent des jets de flamme.
Un jour, reprit Hugues, le comte du Donjon insulta
grossièrement, en présence de vingt jeunes seigneurs, le
comte de Clisson, son égal. Pendant qu'il l'injuriait,
Clisson souffrait mille tortures; il n'entendait plus, tout
bourdonnait autour de lui enfin... une pensée terrible,
inexorable comme la fatalité, lui brûlait la poitrine! et
Arehambaud continuait ses sarcasmes avec acharnement.
Ce ne. lut qu'après uuc heure de ces défis persistants, que
le eomte Hugues renvoya ses injures au comte Areham
baud
Ii s'arrêta un instant puis il reprit:
-Le lendemainon racontait la cour que le comte
Arehambaud avait eu de la peine faire monter le rouge
au frontdu comte Hugues et toutela cour raillait Hugues
de Clisson, comme un lâche dont on n'oserait plus tou-
ANGLETERRE. Lovdres ,19 Août. Les
nouvelles pièces de 2 sh. ont été mises en circulation
hier, c'est une très-jolie monnaie, mais on craint qu elle
ne soit facilement altérée par la circulation cause de la
délicatesse du travail.
Un grand meeting en faveur de l'indépendance de la
Hongrie a eu lieu hier pour le district de Westminster,
dans la vaste salle d'Hanovre-square. Tous les districts
de Londres auront successivement leur démonstration
en faveur de la cause hongroise.
ITALIE.—.'Le gouvernement romain vient de donner
ses consuls et agens l'étranger l'ordre de refuser des
passeports tous les ministres protestans et tous les
ministres des autres cultes réformésquelque nation
qu'ils appartiennentet qui voudraient se rendre dans
les états de l'église.
Une correspondance particulière de Turin fait con
naître le parti auquel s'est arrêtée la majorité de la
chambre des députés, au sujet des soixante-quinze mil
lions payer l'Autriche. C'est un moyen-terme qui
permettra au cabinet d'exécuter l'article du traité, sans
que la chambre ait paru ni y adhérer ni le rejeter. Elle
s'est bornéeà prendre acte des communications faites par
le ministère et a passé ensuite l'ordre du jour. Puis, le
ministre des finances a présenté une demande de crédit
de 75 millions, sans spécifier pour quel objet. Le projet de
loi a été renvoyé l'examen des bureaux et il est peu
près certain qu'il sera adopté. Mais il a été convenu que
celte adoption ne pourrait être considérée comme un
vote de confiance dans le ministère.
On écrit de Rome, le 12 août: Tout le monde déplore
la triste condition du pays qui va rentrer sous le gouver
nement Clérical. Mais on dit que les trois commissaires
ne sont plus d'accord avec les autorités militaires fran
çaises. Il y a peu de jours, on a empêché les carabi
niers de jouer le célèbre final de la bataille de Leguano,
œuvre de Verdi, parce que le public s'exaltait; il est dit
dans ce chant: Qui meurt pour la patrie ne saurait être
coupable.
La députation de Ravenne, composée du comte Gamba,
du marquis Rendinini et de l'avocat Pagoni, a été bien
reçue par le'pape Gaëte. Elle s'est entretenue pendant
une heure et demie avec Sa Sainteté, de la réorganisation
de l'état. Le pape a franchement exprimé ses idées. Les
députés ont exprimé avec courage les besoins du pays.
Rien n'est encore conclu, quoique Pie IX ait l'idée bien
arrêtée de ne pas dépasser la concession de la consulta
avec voix délibérative, avec une sécularisation très-ample.
Ces propositions ont été repoussées par la France. M. Cor-
celles a reçu l'ordre de ne pas céder. Quoique les choses
semblent désespérées, nous pouvons dire queles ressources
sur lesquelles on compte de la part du cœur de Pie IX ne
sont pas encore épuisées.
Nous lisons dans une correspondance du Constitu
tionnel de Florence:
Venise, 7 Août. Le canon tonne sans interruption.
Les bombes ne dépassent pas le quartier du canal Regia,
qui a été en grande partie abandonné par les habitants.
Sur le grand canal on voit beaucoup de barques cou
vertes de meubles et de matelats, ceux qui les montent
espèrent se soustraire ainsi au péril. Des canons de 80,
faisant l'office de mortiers, portent plus avant dans la
ville des boulets embrasés, quelques-uns sont tombés
jusque près du vapeur des SS. Jean et Paul.
Jusqu'à présent nous n'avons eu aucun blessémais
seulement quelques dégâts aux maisons malgré la vio
lence de l'attaque, la rareté de l'argent et le peu d'abon-
dancedes vivres, lesespritsse maintiennentinébranlables,
et-nulle voix n'ose s'élever pour parler de se rendre.
On dit que Garibaldi est arrivé Venise mais que sa
cher la main. Avant de continuer, il fit encore une courte
pause.
Pendant ce temps, poursuivit-il avec une rage in
cisive, Arehambaud courait chez la maîtresse de Clisson
qui se trouva, lui, assister, témoin mystérieux, leur en
trevue. Vingt-quatre heures après, ce fut un combat sans
merci, dans lequel le comte Arehambaud étendit ses
pieds le comte Hugues!... parce que sans doute le comte
Hugues avait peur... et que la peur diminue de moitié
l'adresse et la force
En s'exprimant ainsi d'un ton sarcastique, Clisson jeta
sur Arehambaud un regard tellement corrodantque
celui-ci n'eut pas le courage de le soutenir.
Oui!., tu m'as fait tout cela, acheva Clisson dans
undélire fiévreux!..tu m'as fait loutcela,et moi, meurtri
de la double plaie que tu m'avais faite l'une au cœur,
l'autre au visage, j'ai eu assez d'empire sur moi pour me
résigner guérir le corps, au milieu des douleurs atroces
qui me venaient de la tète et du cœur!... et quand j'-ai
vu le moment arrivé où je pouvais me tenir debout;
quand j'ai eu compté pendant cinq mois, mes pulsations
une une pour m'assurer que je vivais... alors, Areham
baud... alors, je suis venu.
Après avoir parlé avec une véhémence qui empruntait
ses accens une harmonie sauvage Clisson croisa froide
ment ses deux bras et examina le comte du Donjon avec
une fixité opiniâtre.
Ce dernier comprit qu'il lui fallait, pour l'assouvir,
une lutte acharnée. Il tira son épée.
femme est morte Cbiaggia la suite des souffrances
éprouvées en fuyant les troupes autrichiennes.
Le Lloyd de Vienne rapporte en ces termes le dernier
épisode de la campagne entreprise par Garibaldi pour
atteindre Venise travers les armées croisées
ii Le 4 août, Garibaldi a fait une tentative pour entrer
dans la ville avec sa femme et une partie de sa légion et
il aurait réussi, si la Punta-Maestra, qui forme la frontière
entre le territoire vénitien et romain, n'avait été gardée
par le capitaine Seokenich. Plusieurs barques, dans les
quelles se trouvaient Garibaldi et les hommes de la légion,
s'avancèrent on fit feu sur elles. Après quelques instans,
la flotille arbora des drapeaux blancs et fut cernée par la
goélette Elisabeth et trois chaloupes canonnières. Elle se
rendit; mais, la faveur de l'obscurité, quelques barques
gagnèrent le côte. Garibaldisa femme le père Bassi et
Cicervacchio, et 40 autres individus débarquèrent sous
l'habit de pêcheurs et gagnèrent le rivage. Nous nous
sommes emparés de l'uniforme de Garibaldi, de l'amazone
de sa femme, de sa correspondance, et même de ses or
dres du jour, ainsi que de 16 individus de la première et
de la deuxième légion. Ils seront transférés dans le fort
de Pola.
Parmi onze officiers faits prisonniersse trouvent le
chef de l'état-major générall'anglais Sorhesle père
Bassi, l'aide de camp de Garibaldi, quatre français, deux
génois, dont un est grièvement blessé. Tous ces officiers
paraissent très-inquiets du sort de Garibaldi et de sa
femme qui, étant enceinte, pouvait éprouver un accident.
Ils parlaient avec enthousiasme de Garibaldi. 11 voulait,
disaient-ils, profiter de l'amnistie qu'il attendait de l'Au
triche et se rendre ensuite de Venise en Amérique, où sa
femme possède de grands biens. Après la chute de Rome,
Garibaldi a déclaré que la cause de la liberté était perdue.
Près d'Arezze il licencia ses légions, mais 2,000 hommes
ne voulurent pas l'abandonner. Ils lui renouvelèrent leur
serment de fidélité et le prièrent de leur permettre de
l'accompagner. Cette partie de la légion parvint des Ap-
penins jusqu'à Cesenaticooù elle força les pêcheurs de
cet endroit de la recevoir et de la conduire Venise.
La sortie des Vénitiens près de Brandolo, et la tentative
de la corvette .pour gagner la mer en partant de Chioggia,
s'accorde avec ses projets. Mais les Vénitiens n'ont trouvé
près de Brandolo que seize bœufs au lieu de la légion de
Garibaldi,'et la corvette rencontra près de Chioggia un
bâtiment autrichien qui la força de rebrousser le chemin.
HONGRIE. Le Courrier de Varsovie publie un
bulletin du maréchal Paskiewitch l'empereur, lequel se
termine ainsi
«"La Hongrie est aux pieds de V. M. Le gouvernement
des insurgés s'est démis de son autorité qu'elle a confiée
Gcorgey. Mais celui-ci a déposé les armes sans condi
tions devant l'armée russe, et son exemple sera probable
ment suivi par les autres corps d'insurgés. Les officiers
envoyés par lui pour traiter de la capitulation se mon
traient disposés se rendre avec des commissaires au
trichiens ou russesauprès des autres corps, pour les
engager se rendre aussi.
J'ai le bonheur d'annoncer V. M. que la seule condi
tion demandée par Georgey était de déposer les armes
devant l'armée de V. M. J'ai prisJes arrangemens néces
saires pour que ses troupes fussent entourées de toutes
parts par le corps du général Rudiger, que j'ai chargé de
désarmer. Je m'entendrai avec le général en chef autri
chien au sujet de la livraison des prisonniers et des dis
positions concernant les autres corps d'insurgés. J'ai fait
conduire Georgey mon quartier-général où il restera
jusqu'à nouvel ordre de 'V. M.
On reçoit du théâtre de la guerre dans le Sud des nou
velles également favorables aux impériaux.
Les Hongrois ont complètement évacué la Bacska et se
-sont rendus Orsovasiège du gouvernement madgyare.
Une proclamation de Kossuth annonçait la translation de
son gouvernement dans cette ville. Il donne pour motif
L'épée est trop longue fit Clisson avec un sourire
lugubre, et l'espace trop étroit! d'ailleurs avec une épée,
on n'est pas poitrine contre poitrine, souffle contre souffle
j'aime mieux le poignard.
Et il sortit de dessous son pourpoint deux de ces armes
courtes, appelées miséricorde.
Choisisdit-il Arehambaud, en les lui offrant.
Arehambaud en prit une au hasard.
Alors commença, la lueur d'une lampe, un combat
effrayant.
Le silence de cette retraite ne fut interrompu que par
un tumulte horrible de pas pressés, de piétinements
sourds, de pieds heurtés, embarrassés: l'acier se choque
en jetant des étincelles, comme le fil conducteur d'une
machine électrique. A cette confusion, ce bruit se mê
lait la voix du levrier, qui essayait de se précipiter sur
Arehambaud et hurlait chaque fois, parce qu'il ne pou
vait distinguer dans le désordre de l'agitation, lequel des
deux était son maître.
Pour ajouter l'épouvante, la lampe tomba et s'é
teignit.
Hugues et Arehambaud cette fois sans armure, sans
soleil, sans spectateurs, seulement en pourpoint de soie,
seuls et dans l'ombre, continuèrent se serrer de près,
se tordre, s'enlacer dans des étreintes convulsives. Ce
n'étaient plus deux hommes, deux chevaliers de l'élégante
cour de France; on eut dit deux bêtes s'entretuant.
(La suite et fin au prochain