JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
1° 895. 9* Année.
Dimanche, 2 Décembre 1849
Vires acquirit eundo.
INTÉRIEUR.
Venise et l'Archipel.
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YPRES, le 1" Décembre.
RAPPORT au Conseil communal par le col
lège des Bourgmestre et Échevins, concer
nant l'établi sscinent d'un atelier-modèle
en la ville d'Ypres, lu en sa séance du S
novembre 1849.
Messieurs,
En votre dernière séance, vous avez accueilli avec une
sympathie intelligente des besoins industriels de l'épo
que, l'idée d'établir Ypres des ateliers-modèles ou écoles
d'apprentissage pour enfants et adultes de l'un et de
l'autre sexe.
Nous avons été d'opinionMessieursque cette idée
utile, cette bonne pensée, ne pouvait être trop tôt mise
en-pratique et c'est pour ce motif, que nous avons bâte
de vous soumettre ce rapport, qui a pour abjctde réa
liser la première partie du projet, celle qui concerne les
ateliers pour hommes.
L'utilité de ces institutionsprévue par des hommes
qui voulaient lancer l'industrie dans une voie nouvelle
pour la régénérer contestée au contraire par ceux qui
s'obstinent faire rouler la fabrication dans la vieille
ornière, l'utilité de ces institutions, disons-nous, est au
jourd'hui démontrée par l'expérience, comme un fait
incontestable et qu'il n'est plus permis de contester.
Toutes les villes, toutes les communes qui ont obtenu la
création d'ateliers-modèles, ont pu apprécier déjà les
bienfaisants effets de ces établissements nouveaux et la
dernière exposition ouverte Gand, a prouvé que les
écoles d'apprentissage ont eu pour résultat de perfec
tionner l'industrie, de produire meilleur marché, c'est-
à-dire de faciliter la vente, d'augmenter la production et
par conséquent le travail.
Au point de vue local, l'institution d'un atelier d'ap
prentissage doit être spécialement utile la ville d'Ypres.
En efTet, la fabrication de la dentelle produit du travail
aux femmes, mais il est peu d'industries qui donnent du
travail aux hommes, ainsi, Messieurs, si nous avons peu
d'ouvriers industriels, nous avons un grand nombre de
charpentiers, maçons, maréchaux, tapissiers, coiffeurs,
etc., et ces divers états sont pratiqués par un nombre si
considérable d'ouvriers, que la production ou l'offre ex
cède les besoins de la consommation ou de la demande,
et par conséquent, que le travail manque et que le taux
du salaire est déprécié.
L'introduction d'une industrie nouvelle en notre ville
doit être facile, car Ypres possède les principaux instru
ments généraux de la productionc'est-à-dire le capital
et le travail.
Le taux peu élevé de l'intérêt démontre qu'il existe des
capitaux considérables quisi non inactifs, du moins ne
reproduisent pas tout ce qu'ils pourraient produire. Nous
sommes convaincus qu'une partie de ces capitaux seraient
naturellement consacrés l'industrie, s'il était démontré
leurs possesseurs que l'industrie doit leur donner un
bénéfice sûr et plus élevé que les placements actuels.
(Suite.)
Ne voyez-vous point, Alcesteque. déjà j'ai tout sa
crifié Venise, au besoin de retrouver la patrie de nos
aïeux, les souvenirs du passé: espérances, fortune, ré
putation, j'ai tout jeté au vent pour venir ici, et je ne
m'en repens pas, car je vous y ai trouvée.
Mais dites-moi par quel choix ou quel goût singulier
vous vous attachez une ruine? Pour moi, c'est le sort
qui l'a voulu où je suis née je mourrai mais vous, vous
avez une patrie vivante où la réalité domine, laquelle
vos affections et vos devoirs vous attachent. En Angle
terre, vous pouvez être actif, intelligent, vous pouvez
être un homme; ici, vous ne pouvez que rêver la vie
vénitienne d'autrefois, et vos plus nobles pensées ne se
ront que des visions sans corps.
C'est là précisément ce que j'aime, ce qui m'inté
resse: la réalité n'est rien pour moi; elle m'apporte tous
les souvenirs grossiers, toutes les images sensuelles et
matérielles de la vie. Venise, au contraire, avec sa belle
solitude et les délicieuses visions qui planent sur elle,
nourrit mon imagination de chimères plus douces que la
réalité.
Mais quoi, reprit-elle avec un doux sourire, tout ce
A Ypres, létaux du salaire, rémunération du travail,
est modique, la vie y est un prix peu élevé, l'ouvrier y
est laborieux, intelligent, et l'école communale dévelop
pant 1 intelligence et la moralité de la génération qui est
prête sètancer dans la société, créera bientôt une classe
de travailleurs plus instruite, plus intelligente, plus mo
rale et plus laborieuse encore que celle que nous possé
dons aujourd'hui.
Déjà en 1848, l'administration des Hospices avait pro
posé la création d'un atelier d'apprentissage et avait
promis cette institution l'appui de son bienfaisant et
puissant concours. Nt
La Chambrede commerce consultée sur cet objet, se pro
nonça le 20 février de la même année contre l'institution
projetée et proposa de choisir un ou plusieurs établisse
ments particuliers dans tes quels on dresserait des ouvriers
qutauraient la chance d'y être utilisés.
La délibération de la Chambre indique les motifs de
celte résolution.
Cet avis de la Chambre de commerce amena un ajour
nement, et si aujourd'hui nous reprenons le projet des
ateliers-modèles, contrairement l'opinion de la Chambre,
c'est que nous sommes convaincus, que les motifs sur les
quels elle est basée, ne sont pas fondés; eu effet:
La Chambre repousse le projet, parce qu'elle voit des
inconvénients former annuellement un certain nombre
d'ouvriers pour les abandonner ensuite l'oisiveté ou
dont le travail trop multiplié serait une saperfélation
destinée faire une concurrence au petit commerce déjà
si souffrant dans une ville d'une consommation aussi
restreinte que celle de la ville d'ïpres.
Nous répondons: les travailleurs industriels qui con
naissent leur état, qui cherchent perfectionner constam
ment leur industrie, produire conformément la
demande, au goût et au besoin du consommateur, ne
sont que bien rarement et aux époques de crise seule
ment, abandonnés l'oisiveté, car le fabricant recherche
leur travail et le commerçant leurs produits, or, l'insti-
titution des ateliers-modèles a pour objet d'introduire
constamment dans la fabrication les méthodes et les pro
cédés nouveaux. L'atelier-modèle, loin donc de mener
l'ouvrier l'oisiveté, doit avoir pour résultat de l'en
éloigner; d'ailleurs, l'ouvrier instruit peut travailler
Ypres pour les villes étrangères si la commande locale lui
fait défaut. L'industrie dentellière prouve aussi, Messieurs,
que l'augmentation des ouvrières ne mène pas l'oisiveté.
Car bien que le nombre en soit plus que décuplé depuis
vingt ans, grâces aux perfectionemeijts intelligents intro
duits dans cette industrie, aux progrès qu'elle a faits,
aucun carreau n'est resté inoccupé, en ce moment même,
le> fabricants recherchent constamment de nouvelles ou
vrières.
L'atelier-modèle ne peut faire une concurrence nui
sible au petit commerce. D'abord l'atelier ne débitera
jamais, ensuite il formera des ouvriers qui fabriqueront
des produits non pas destinés la consommation locale,
ce marché serait trop restreint, mais au pays entier et
surtout l'étrangerde plus il sera avantageux au petit
commerce de débit, car si les produits s'y fabriquent
qui est réel et vivant dans le monde est enveloppé dans
votre analhème?
Oh! non, repris-je d'un ton fort sérieux notre en
trevue actuelle est une réalité trop douce pour que je ne
m'en empare pas avec délices.
Je me félicite aussi de cette circonstance, et je ne
croyais pas, je l'avoue, que rien d'heureux pût m'ar-
river.
A vousAlcestevoussi belle et d'un caractère
si heureux.
Voyez, reprit-elle sans me répondre, les salons sont
presque déserts; on m'attend, je vous quitte.
Mais, nous retrouverons-nous?
Je serai ici demain en attendant, les rêves aux
quels vous confiez le bonheur de votre vie vous feront
prendre patience.
Adieu, chère Alceste, vous pouvez penser combien
j'éprouve de regrets en vous quittant.
J'étais amoureux c'est employer une phrase banale et
traînée dans la poudre des romans. Il me semblait que
Venise, la belle Venise, eût pris la forme d'une femme
aimante et aimée, et qu'Alcesle fût à-la-fois le symbole
des rêves heureux de mon enfance et de celte cité glo
rieuse, mère de mes ancêtres: une passion profonde,
indomptable, absorba toute mon existence. De retour chez
meilleur marché, le commerçant nehetera désormais et
sur les lieux un taux moins élevé qu'aujourd'hui
l'étranger; il pourra vendre dès lors plus bas prix et
par conséquent il vendra davantage.
Le projet de la Chambre de commerce de dresser des
ouvriers, par et pour un ou plusieurs établissements
particuliers ne peut être admis, pensons-nous. Ce projet
est trop restreint et n'a pas un but d'utilité assez géné
rale. D'ailleurs, les chefs de cet ou de ces établissements
industriels, trouveront toujours et avant tous autres
dans l'atelier-modèlc, des ouvriers qu'ils pourront oc
cuper pour leur propre compte.
Nous estimons donc, Messieurs, qu'il n'y a pas lieu de
se ranger l'opinion de la Chambre de commerce et qu'il
sera très-utile de créer Ypres un atelier-modèle ou école
d'apprentissage.
11 nous reste nous occuperde l'organisation de l'insti
tution nouvelle et de la marche suivre pour obtenir sa
création.
Il est reconnu en industrie que la diversité de la pro
duction est un élément de succès, l'atelier fonder aurait
donc pour objet la fabrication de toutes espèces d'étoffes
de lin, laine et coton.
Vous n'ignorez pas, Messieurs, que le gouvernement
tout en offrantaux communes un puissant concours pour
la création] d'ateliers-modèlesexige cependant: 1° que
la commune fournisse un local convenable et approprié,
2° intervienne pour une part, dans les frais d'achat de mé
tiers et ustensiles et d'installation, et 5° dans les dépenses
annuelles que l'atelier occasionne.
Quelle ville en Belgique peut offrir un local, nous ne
disons pas plus convenable mais plqs beau que la ville
d'Ypres. L'ancienne salle dite la Loye, vaste, aérée et
saine, sera sans doute l'atelier le plus beau, le plus con
venable de tout le pays. Celte salle a une superficie de
plus de 100 mètres carrés, et puis si quelque jour le succès
dépassait nos espérances, n'avons-nous pas la Halle, qui
pourrait en tout ou en partie être consacrée l'industrie
et ce serait un beau moment, Messieurs, que celui où
nous pourrions rendre l'industrie nouvelle, un noble
monument religieusement restauré et dont nous devons
la construction l'industrie jadis si florissante de nos an
cêtres.
Bien que la situation financière de la ville soit peu
prospère, l'utilité de l'institution doit nous déterminer
faire des sacrifices; d'ailleurs l'administration des Hos
pices nous a promis son concours, et nous sommes
convaincus que ce concours sera très-efficace, lorsque
ultérieurement la ville traitera cette affaire avec l'admi
nistration précitée. Nous estimons donc que la ville pour
rait intervenir: 1° dans les frais d'installation et d'achat
de métiers et ustensiles pour un tiers, 2° dans les dé
penses annuelles pour un tiers, sans toutefois que cette
quotité puisse excéder la somme de 1,500 francs par an.
Le gouvernement serait prié de nous envoyer un chef
d'atelier ou contre-maître, enfin les détails de l'organisa
tion surveillanceetc.seraient ultérieurement réglés
par un règlement spécial soumettre l'approbation de
l'autorité supérieure.
moi, je me jetai sur un sofa, et, pendant des heures, je
restai plongé dans une rêverie indéfinissable. J'étais en
core là quand l'aurore naquit. La clarté du soleil entra
dans ma chambre. Je me lavai. Les bougies avaient brûlé
dans les candélabres et répandaient comme une lueur
funéraire. J'avais la fièvre. Une journée d'agitation suc
céda cette, nuit sans sommeil.
Le soir, je me rendis l'Opéra où je ne tardai pas
trouver la comtesse Albrizzi dans sa loge. La conversa
tion fut froide et presque embarrassée jusqu'au moment
où le nom d'Alceste sortit des lèvres de la comtesse. Alors
je fus tout attention.
Elle n'est pas ici, lui demandai-jc?
Non. La loge du comte Delfini, son oncle, est vide
cet oncle sera bientôt son beau-père.
Ah m'écriai-je en pâlissant.
Le fils du comte Delfini épousera dans peu de temps
Alceste Contarinê: vous l'avez vu tout-à-l'hcure, il a
quitté ma loge quand vous êtes entré.
J'étais debout; je m'assis: je frémissais. Après un mo
ment de silence, je m'aperçus que mon émotion se tra
hissait.
Aimez-vous cet opéra, demandai-je la comtesse?
C'est une imitation assez heureusedu style de Rossini.
Assez heureuse, répondis-je machinalement.