JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
M* 898. 9* Année
Jeudi, 13 Décembre 1849.
Vires acquint eundo.
INTÉRIEUR.
Vcnise et l'Archipel.
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Le Progrés paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
YPRES, le M Décembre.
Le budget de la guerre sera bientôt discuté
la Chambre et, nous devons le dire, afin qu'on
ne se fasse pas illusion, ce sera peut-être la
-discussion la plus importante de la session. Il
ne s'agiten effet, de rien moins que d'orga
niser la force publique sur de nouvelles bases
et de diminuer les dépenses que notre état mi
litaire impose au pays. Certes, nous rendons
justice aux intentions des hommes qui. depuis
deux ans, poorsui venlce but,mais encore faut-
il examiner s'ils sont dans le vrai et si les éco
nomies qu'ils veulent introduire, sont bien
prudentes, si la responsabilité que ces hono
rables représentants assument, non sans témé
rité, dans notre opinion, doit inspirer assez de
confiance au pays, pour l'engager suivre la
voie qui lui est indiquée.
Nous le disons hautement, la question du
fcudget de la guerre doit être, aux yeux de
tout homme non séduit par des utopies falla
cieuses, une question nationale. 11 ne s'agit,
dans les discussions auxquelles «lie donnera
1ie«, ni de parti libéral ou catholique, ni de la
mixture, tous les citoyens qui veulent l'indé
pendance de leur pays, doivent exiger qu'il y
ail une armée bien organisée, prêle la dé
fendre. Noussavons bien qu'on n'avoue pas vou
loir supprimer l'état militaire, on n'ose risquer
Je dernier mol du système des amis de la paix
-qui est de ne oonserver, en faitde troupes, que
ce qu'il faut pour maintenir l'ordie et faire la
police. Mais si l'on n'ose divulguer un but aussi
extravagant, disons-le. caraussi longtemps que
la terre sera peuplée, il y aura guerre et dis
corde, on veut y arriver doucement par des
chemins détournés.
Il est de fait que le système militaire d'un
pays est établi sur de certains principes, dont
depuis longtemps les hommes spéciaux ont
reconnu indispensable nécessité défaire l'appli
cation. Le contingent est fixé d'après le nombre
•d hommes que les paysqui nous entourent appel-
Suite et fin.)
Bientôt Alceste reparut \étue la grecque; qu'elle
«tait belle sous ce costume majestueux Il semblait que
Ja nouveauté des lieux et des vêtements prêtât notre
amour quelque chose de romanesque et de passionné,
une teinte ardente que les soins et les idées du mariage
repoussent habituellement. Notre hôte nous apprit qu'il
était propriétaire d'une petite maison de campagne située
dans une partie fort retirée de l'île, et qu'il nous la loue
rait avec plaisir. Nous allâmes la visiter ensemble. C'était
unedificCbas un seul étage, de forme ohlongue, et
construit l'orientale; il occupait le penchant de la der
nière colline qui rattachait la plaine au mont Ida. Les
oliviers, les orangers et les cyprès l'ensevelissaient, pour
ainsi dire, sous leur feuillage. A près de deux milles de
distance, nous appercevions la mer, dont les brisans mu
gissaient sur les rochers d'une baie sauvage. Une suite de
chambres élégamment ornées la manière du pays, com
posait l'intérieur de l'édifice. Un paysan qui cultivait le
jardin, sa femme, ses deux filles et son jeune fils, de-
vaientétre mes domestiques. Rien ne pouvait mieux nous
convenir. Nous voilà donc arrivés au port et établis dans
une solitude du mont Ida.
Essaierai-je de faire passer dans l'âme du lecteur le
sentiment de paix profonde et de bonheur calme qui
planâ sur ma retraite? s'intéressera-t-on cette félicité
lent tous les ans sous les armes, et nous croyons
que c'est une mesure prudente, car si les gran
des nations incorporent tous les ans un nombre
donné de miliciens, ce n'est pas une petite na
tion vouloir leur faire la leçon, en ne suivant
pas leur exemple elle risquerait de la faire
ses dépens.
D'après le contingent appelé tous les ans
sous les drapeaux, est fixée la subdivision entre
les diverses armes, d'après une proportion don
née. II s'en suit qu'on ne peut diminuer arbi
trairement une partie de l'armée, sans faire
subir ta même opération aux armes savantes et
la cavalerie, dont l'organisation exige le plus
de temps et de difficulté.
On le voit, nous ne voulons pas admettre
que la majoritéde la Chambre ait jamais songé
admettre la suppression totale de l'armée pour
la remplacer par un corps de gendarmerie.
Nous raisonnons dans l'hypolhèse soulevée par-
quelques hommes de bonne foi, qui sont d'avis
que, puisque la Belgique est un petit pays, il
lui faudrait un diminutif d'armée. C'est une
idée malheureuse, car une institution de ce
genre ne souffre pas la médiocrité, et la lésine-
rie ne peut la placer dans des bonnes condi
tions d'existence. Il faut, ai la Belgique veut
avoir une armée, qu'elle soit organisée d'après
les principes que les hommes spéciaux ont jugés
les plus applicables au pays et les mieux ap
propriés la -situation au point de vue mili
taire, Vouloir faire moinsc'est dépenser de
l'argent en pure perte, car il y a beaucoup
parier qu'appelée agir, l'armée se verraitdans
une position d'infériorité qui rendrait son cou
rage et son dévouaient inutiles.
Mais, dit-on, que peut faire une armée de
quatrevingt mille hommes, contre ces armées
des grandes puissances, même contre une
seule qui viendrait envahir la Belgique? Une
armée qui compterait un pareil nombre de
combattants ne serait pas dédaigner, et il est
arrivé rarement que, même dans les plus célè
bres batailles, il y ait eu plus de troupes enga
gées. D'ailleurs, si une puissance nous attaquait,
malgré notre neutralité, certes, il y en aurait
paisible dont le souvenir est aujourd'hui toute ma conso
lation? Comprendra-t-on ce qu'il y a de voluptés dans
cette existence monotone? Mes idées ce sujet diffèrent
entièrement de celles des autres hommes. Loin de croire
la satiété de l'amour et de ses plaisirs, je pense que la
constance dans les mêmes atlachemens est inhérente
la nature humaine; que l'habitude, au lieu de diminuer
la passion, l'augmente, et que tous les maux de ce monde
n'ont pas leur source dans l'amour, comme le prétendent
les poètes, mais bien dans le mépris et la légèreté avec
lesquels on les traite; que ces unions, formées, non par
un attachement mutuel, mais par d'autres intérêts, doi
vent se dissoudre et tomber en ruines: j'en conviens; mais
tout concourt me persuader que si le bonheur des affec
tions peut exister dans quelque endroit du monde, il ap
partient ces pays où l'on se marie jeune et où le divorce
est rare. Voyez les Etats-Unis d'Amérique; beaucoup de
jeunes gens s'y marient dix-huit ans; la plupart des
femmes, jusqu'à la vieillesse la plus avancée, restent
fidèles aux maris de leur choix. La pureté des mœurs, la
simplicité de coutumes qui régnent dans l'Amérique sep
tentrionale étonnent les Européens, qui ne peuvent ni
les comprendre, ni les imiter. Mais, après tout, c'est ce
genre de vie qu'ils seront obligés de revenir pour y trou
ver des chances de bonheur;l'excès de la civilisation les
ramènera au berceau de la civilisation. Les nations mo
dernes seront forcées de se rattacher systématiquement
ces lois de la nature que l'instinct aveugle avait indi-
d'aulres qui auraient intérêt nous défendre et
venir notre secours, si la Belgique peut
réussir ne pas se laisser envahir, sans opposer
une résistance quelconque. Il faut au moins
que nous sachions résister un coup de main,
et en supposant que l'armée ne puisse parvenir
nous mettre l'abri de toutes les éventualités,
serait-ce une meilleure situation que d'être
la merci du premier venu
On se plaint que l'armée coûte des millions.
Eh! nous le savons, mais c'est le prix de l'in
dépendance du pays. Si nous avions été réunis
la France ou la Hollande, croil-on qu'on
payerait moins? Ces peuples ont aussi une ar
mée et la Hollande se trouve cependant dans de
meilleures conditions topographiques que la
Belgique, pour s'en passer. Espère'-l-on qu'en
payant moins, on pourra organiser un système
militaire qui saura suffire aux exigences qui
peuvent survenir? Nous croyons que c'est là
encore une illusion. Les institutions utiles, bien
établies, coûtent toujours beaucoup, et encore
vaul-il mieux dépenser beaucoup pour une
bonne, que payer peu pour une insuffisante.
Pendant 18 ans. le pays a fait d'énormes dépen
ses pour organiser son état militaire. Tout était
pour ainsi dire créer. Aujourd'hui avec beau
coup d'efforts, de travail, de soins et d'argent,
on est parvenu former uoe armée qui mérite
l'attention des hommes du métier, et l'on vou
drait aujourd'hui, sous prétexte d'économie,
désorganiser ce qu'on a créé au prix de tant de
sacrifices
Qu'on y songe bien, le pays aurait peu de
reconnaissance pour ceux qui lui épargneraient
momentanément quelques dépenses peut-être,
au prix de son honneur, de son indépendance,
de son existence comme nation.
On invoque la neutralité de la Belgique pour
prouver l'inutilité de l'armée. Mais aux yeux
d'hommes sérieuxcelte neutralité ne sera
réelle qu'aussi longtemps qu'on saura la dé
fendre et la faire respecter. En 1796, Venise
était neutre, sans troupes, sans défense, ce qui
n'empêcha pas le général Bonaparte de ren
verser cette antique république. En 1813, la
quées aux nations primitives. Entre ces deux points ex
trêmes se trouvent mille gradations, mille degrés de
corruption intermédiaires travers lesquels il nous faut
passer.
J'aurais laissé ma vie s'écouler dans cette solitude avec
Alceste Contarini je n'aurais rien demandé de plus au
Ciel que de jouir de l'existence avec une telle compagne
tous mes senlimcns, toutes mes pensées, je les lui com
muniquais. J'aurais voulu qu'elle comprit toute la poésie
de mon être, toute l'intimité de mon âme. D'autres dési
rent que les soins des affaires, que l'activité de l'ambition,
que le bruit de la gloire, que la fermentation laborieuse
de la société nourrissent la tlainme de leur amour et four
nissent des aliments l'imagination des femmes; c'est,
je crois, uue erreur: les affections s'usent et se détruisent
d'elles-mêmes dans ce tourbillon et dans ce fracas; l'âme
se dessèche au milieu de ces désirs, de ces poésies, de ces
agitations multiples ces jouissances âcres et poignantes
que donne la vie sociale s'anéantissent d'elles-inèmes par
leur vivacité et par leur multitude ce que le bonheur et
le plaisir gagnent en violenceils le perdent en durée.
Nous n avions point de livres, peu de ressources, peu
de moyens d'ainuseinent. Nous nous suffisions l'un l'au
tre, et chaque jour s'écoulait comme une heure. N'avions-
nous pas chaque jour le coucher du soleil contempler?
ce merveilleux spectacle, un coucher du soleil en Grèce
Le ciel chatoie comme le plumage de la colombe; les
rochers et les eaux brillent d'une clarté violette. De mo-