JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
W1 901. 9* Année.
Dimanche, 93 Décembre 1849.
Vires acquirit eundo.
INTÉRIEUR.
souviûrirs
DE L'EXPEDITION D'AFRIQUE.
ABONNEMENTS: YpRes (franco), par trimestre, 3 francs 30 c. Provinces, 4 francs.
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t Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adresse l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
YPRES, le 22 Décembre.
Il est des gens qui sont on ne peut plus pei
nes, quand on ne s'occupe pas de leur mince
individu; tel est un rédacteur connu d'un
journal qui l'est peu. Ce rédacteur ne pouvant
se nommer en toutes lettres dans sa feuille
cherche attirer l'attention du public sur sa
petite personne, par toutes sortes de petits
moyens. C'est ainsi (pie, il y a quelque temps,
il parla de lui en se Aoilant sous le pseudonyme
de: un certain secrétaire. Cette qualification
nous suggère une réflexion que, pour être
agréable au dit personnage, en le mettant en
relief, nous communiquerons aujourd'hui
nos lecteurs.
Le journal dont le certain secrétaire est ré
dacteur, tonne contre l'abus du cumul et con
tre 1rs cumulards qui sont en même temps
conseillers communaux et provinciaux, tenus
plus de dépense que le montant de leurs
émoluments, membres du Rureau de bienfai
sance, de la commission de la Concorde, capi
taines de la garde civique, porte-drapeau de la
société S'-Sébastien, etc., etc., toutes fonctions
gratuites ou onéreuses et l'imprévoyante
feuille oublie que son rédacteur est. lui, cumu-
lari) de plusieurs places rapportant, bon an mal
an, de beaux et bons écus comptants. Ne cu-
mule-l-il pas avec les fonctions de secrélairede
la Chambre de commerce, celles de collecteur
du Marché au poisson? La première place ne
vaut-elle pas 600 ou 700 fr.P La seconde 400
500? Soit environ 100 francs par mois; or,
comme les deux fonctions cumulées ne l'occu
pent pas trois quarts d'heure par jour, notre
pauvre petit cumulard ne gagne que quatre
cinq francs par heure de travail, c'est-à-dire,
11 ou 1,200 francs par an.
Il est vrai qu'on ne peut payer trop cher le
travail d'une belle et généreuse intelligence
niais il est plus vrai encore qu'en lisant ces
lignes, on se dira men is maer zicart gemaekt
van eenen zwarten pot.
Les protecteurs inintelligents de l'agriculture
s'efforcent de créer un antagonisme entre les
intérêts des habiLants des campagnes et des
villes: ainsi ils envient l'ouvrier industriel le
(ALGER.)
A la fin d'avril 1830, je partis de Paris pour m'aller
mettre aux ordresde M. le lieutenant-général Berthézène.
11 commandait la première division de l'armée d'Afrique,
et j'étais nommé son aide-dc-camp.
L'expédition que je n'avais pas laissée populaire
Paris le devint davantage, ce qu'il me sembla, mesure
que j'avançais dans le midi. Celte popularité lui venait
sans doute de l'espérance qu'elle donnait au commerce de
la Méditerranée, d'être enfin affranchi des pertes et des
dangers que la guerre maritime lui faisait éprouver de
puis plusieurs années. Il est probable d'ailleurs que sous
un autre ministère ou dans d'autres circonstances, elle
eût été tout aussi bien accueillie dans le reste de la
France, car enfin il s'agissait d'une réparation au pavil
lon national insulté.
Pour l'armée, cette expédition, qui venait après une
longue paix, qui était de nature promettre du nouveau,
de l'étrange, de l'aventureux, était une vraie bonne for
tune. Parmi les officiers et parmi les soldats, on considéra
pain bon marché qu'ils tiennent des bienfaits
de la Providence et c'est sur sa misère qu'ils
entendent fonder le bien-être de l'ouvrier agri
cole. Elleserail bien mal organisée la société qui
ne pourrait concilier le bien-être de l'ouvrier
industriel et de l'ouvrier agricole et qui ferait
maudire celui-ci comme un malheur faisan ce
relalive de son frère des .villes: ainsi chaque j
fois que la main de Dieu Couvrirait pour faire
tomber sur la terre une abondante moisson le
fisc viendrait s'interposer entre la Providence et
l'ouvrier pour ravir celui-ci le bonheur, peu
commun pour lui, delà vie bon marché. Ainsi
l'agriculture l'éncontre de toutes les industries
ne prospérerait que lorsque la grande fabrique
de la nature produirait peu
Ce sont là de ces hérésies économiques que
l'intérêt privé peut seul soutenir. Ce n'est pas
par le malheur et la misère de l'ouvrier que
l'agriculture doit prospérer, les larmes du pau
vre sont un mauvais engrais pour la terre. Les
réformes suivantes seraient bien plus favorables
l'agriculture que des droits sur les céréales
Amélioration de la voirie vicinale;
Suppression du droit de barrière
Enseignement agricole, théorique et pratique
ses divers degrés;
Encouragements aux propriétaires accor
dant des baux long terme. Journal de Bruges.)
Une question qui menace de prendre de sé
rieuses proportions, est celle de l'inamovibilité
des desservants ayant charge d'âmes. Déjà le
Congrès libéral avait émis un vœu pour de
mander l'affranchissement du clergé inférieur
et le pouvoir sera forcé, dans un temps peu
éloigné, de prendre en sérieuse considération la
position dans laquelle se trouve le bas clergé
et de modifier l'état d'asservissement dans le
quel il végète l'égard de l'autorité épisco-
pale. Nous trouvons dans l'Écho de la Dendre
sur ce sujet, un excellent article que nous nous
empressons de reproduire
AUX CURÉS DE CAMPAGNE.
Au-dessous de la foule orgueilleuse et dure des mau
vais prêtres qui pourrait, sans attendrissement, suivre
dans sa sainte obscurité, la vie de ceux des curés de cam
pagne qui sont dignes de ce nom?
Quelle humilité, quelle abnégation de toutes les heures!
que des veilles, de sollicitudes, de fatigues noblement
supportées! En eux seuls je vois lesministres désintéressés
comme une grande faveur d'être appelé en faire partie.
Au départ des régimens de leurs diverses garnisons pour
se rendre Marseille, Aix ou Toulon, où se rassemblait
l'armée, aucun homme ne leur manqua. Ils ne s'allongè
rent pas en route, comme c'est assez l'usage, d'une longue
queue de traiDards; ils ne laissèrent que peu de ma
lades dans les hôpitaux, et arrivés destination, se pré
sentèrent nos revues préparatoires au grand complet. A
la vérité, je vis sous les armes bon nombre de soldats qui
tremblaient de la fièvre, et se refusaient absolument
entrer l'hôpital dans la crainte qu'un départ précipité
ne les y fit oublier.
C'était là le résultat de cette belle loi du recrutement
que l'armée devait au maréchal Saint-Cyr. On ne saurait
avoir une meilleure espèce de soldats que ceux qu'elle
amène sous les drapeaux. Depuis douze ans, l'avance
ment était donné l'ancienneté, ou le choix était resserré
dans des limites, soumis des conditions qui rendaient
difficile d'en abuser. La paix avait dû amener dans l'or
ganisation, l'administration, l'équipement, grand nom
bre de perfectionnements de détail, et cela s'était fait
tel point, qui: j'ai vu des officiers généraux depuis long
temps éloignés des troupes, admirer la bonne mine de
du Dieu des pauvres et des faiblesles serviteurs de ce
Christ qui naquit dans une étable, vécut de privations et
d'amertumes, donna sur la croix le plus sublime exem
ple de dévouement qui fut jamais, et imposa de la sorte
l'univers touché le culte de son gibet Tout est admi
rable et digne de respect dans la vie des curés de cam.
pagne, quand le souffle de l'Évangile les anime, soit que,
réveillés pendant l'hiver au milieu de la nuit, ils se hâ
tent, sous le vent et la pluie, vers le malheureux qui se
meurt; soit qu'ils répandent autour d'eux des aumônes
qui ne sont pas moins que le sacrifice d'une partie de
leur pain et de leur vêtement, soit enfin qu'ils donnent
aux âmes confiées leur garde les consolations ou les
enseignements d'une parole naïve.
Mais, au-dessus de ce clergé, il en est un autre chez
qui, sauf d'honorables exceptions, tout n'est qu'arrogance,
activité inquiète, ambition et vanité mondaines, faste et
corruption. Ce clergé-là, c'est particulièrement, celui des
grandes villes c'est le haut-clergé. Entraînés dans le
tourbillon des affaires politiques, gâtés par le perpétuer
contact d'un monde pervers, séduits par une civilisation
dans le centre de laquèlle ils vivent, et qu'ils aspirent
bien moins changer qu'à dominercombien de mem
bres du haut-clergé compromettent la Religion dont ils
ont sans cesse le nom la bouche, et qu'ils osent, par je
ne sais quelle sacrilège confusion, identifier leur per
sonne, et rendre solidaire de leurs vices.
Du rapprochement que je viens de faire entre la partie
supérieure et la partie inférieure du clergé, il résulte,
que e'est celle-ci que seraient plutôt dues les sympa
thies des hommes pour qui le sentiment religieux n'est
pas une affaire de calcul ou de vanité. Or, jamais ceux
des curés de campagne qui servent la Religion ne furent
plus cruellement foulés par les membres du haut-clergé
qui la compromettent. Un curé de campagne résiste-t-il
même avec justice, son évêque? il est aussitôt brisé. On
le condamne sanê l'avoir jugé, souvent sans l'avoir en
tendu. Vainement se serait-il fait aimer dans sa paroisse
par dix ou quinze ans de bienfaits et de vertus; vaine
ment y aurait-il fondé l'empire de sa piété... sur une dé
lation fausse, sur un soupçon, le voilà forcé tout-à-coup
de changer de résidence, de perdre le fruit de ses longs
efforts, que dis-jc? Le voilà marqué d'une flétrissure iné
vitable. Heureux encore lorsque, victime de quelque res
sentiment caché, il ne se voit pas précipité dans l'extrême
misere.
Que peut devenir un curé pauvre qu'on révoque? un
mendiant.
C'est seulement du règne de Bonaparte que date l'as
servissement du clergé pastoral cet asservissement ré-
celles-ci. En un mot, je ne pense pas qu'aucune autre
puissance de l'Europe eût pu montrer celte époque une
petite armée mieux équipée, mieux habillée, plus ma-
nœuvrière, plus homogène dans toutes ses parties, mieux
engrenée dans tous ses rouages, animée d'un meilleur
esprit, plus maniable enfin la main d'un chef.
Ce chef, M. de Bourmont, il faut bien en convenir,
était repoussé par les convictious, par les sympathies po
litiques de beaucoup de ses subordonnés. Toutefois
comme l'expédition qu'il commandait, ne remuait pas
vivement les passions de cette nature que, de plus, cha
cun se laisse naturellement aller ne considérer les autres
hommes que par le côté où ils se montrent lui, Je mi
nistre, le personnage politique disparaissait assez facile
ment ici sous l'habit du général en chef. Ajoutez
cela que la politesse exquise de M. de Bourmont, son
obligeance extrême, ses manières parfaites étaient un
charme tout puissant pour adoucir de fâcheux souvenirs.
Aussi, lorsqu'à la mort d'Amédée, les journaux s'arrêtè
rent un instant dans la sanglante fustigation dont ils fla
gellaient en lui depuis quinze ans l'homme du 14 juin,
lorsque je lus dans le Journal des Débatsinterprète d'un
sentiment général en parlant ainsi: M. de Bourmont