EXTÉRIEUR.
H Bruxelles, le 9 août 1850.
Mon cher général,
Nous avons besoin pour le ministère de la guerre
d'un homme éprouvé et qui inspire une confiance entière
au pays et l'armée.
Les membres du cabinet pensent qu'il faut la Bel
gique une armée fortement organisée et suffisante pour
faire face toutes les éventualités. Bien de plus important
leurs yeux que de voir cette institution assise sur des
hases stables et définitives. Ce serait rendre un grand
service que de résoudre, pour n'y plus revenir, les diffi
cultés que soulève chaque année la discussion du budget
de la guerre.
Les hommes les plus considérables de la chambre
qnc nous avons consultés, ont été d'avis qu'au moyen
d'une réduction relativement minime et successive, on
obtiendrait sur cette question une majorité très-unie et
très-immuable. 11 ne s'agirait pour cela que d'arriver au1
chiffre de 25 millions, en réduisant de 450,00(1 francs,
par année le chiffre actuel du budget, soit 1,500,000 en
trois ans.
11 est bien entendu qu'en cas d'événements graves,
soit l'intérieur, soit l'extérieur, le cabinet n'hésiterait
pas faire toutes les dépenses extraordinaires que néces
siteraient les circonstances. Nous raisonnons dans l'hy
pothèse d'une situation normale, et pour une telle situa
tion nous vous posons, mon cher général, les deux
questions suivantes
Est-il possible d'opérer, en 3 ans, une réduction de
1,300,000 francs, sans affecter la force organique de
l'armée? Scricz-vous disposé prendre l'engagement
d'opérer une telle réduction, réserve faite des événements
dont j'ai parlé plus haut
H Je n'ai pas besoin de vous dire, mon cher général,
combien il nous serait agréable, nos collègues et moi,
de vous voir entrer dans des vues dont la réalisation
serait, nos yeux, le plus sûr, le seul moyen peut-être,
de sauvegarder dans l'avenir l'institution de l'armée.
Nous avons eu ce sujet, avec quelques officiers
généraux, des conversations purement officieuses et sans
conclusion. Quoiqu'en aient dit certains journaux, il
n'y a pas eu d'offre directe et officielle de la nôtre.
Recevez, mon cher général, la nouvcfle assurance
de mes sentiments affectueux. Ch. Rogibr.
M. le ministre delà guerre, qui était alors au
camp de Beverloo, répondit, le io août, en ces
ternies
Camp de Beverloo, le 10 août 1850.
M. le ministre,
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de
m'adresser le 9 de ce mois et par laquelle vous voulez
bien, au nom du cabinet, in'exprimer le désir de me voir
accepter les fonctions de ministre Me la guerre.
Vous m'écriviez, M. le ministre, que les membres
du cabinet pensent qu'il faut la Belgique une armée
fortement organisée et suffisante pour faire face tou-
les les éventualités.
h D'un autre côté, vous me faites connaître que, dans
l'opinion du cabinetcertaines réductions sur le chiffre
du budget de la guerre sont indispensables pour que le
sort de l'armée ne soit pas remis en question chaque
année et vous m'indiquez quel devrait être, d'après vos
honorables collègues, le montant de ces réductions au
bout de trois années.
Vouscomprendrcz, M. le ministre, que, pris comme
je le suis, l'improvistc," il ne m'est pas possible de ré
pondre d'une manière catégorique aux deux questions
que vous avez bien voulu me poser cet égard, mais par
dévoùemcnt jiour le roi et pour le pays, je suis disposé
prendre part aux travaux du cabinet, et entrer dans
les vues que vous m'avez exposées, pour autant qu'un
examen plus complet de la situation ne vienne pas me
démontrer l'impossibilité, pour moi, de concourir leur
réalisation.
Veuillez agréer, M. le ministre, la nouvelle assu
rance de ma haute considération.
Le lieutenant-général commandant les troupes
campées Brulmont.
Henri, murmura la comtesse, toujours le même cœur, le
même dévouement Hier, continua le page, on est
venu me chercher pour me présenter la grande reine;
elle m'a pris son service, et j'ai accepté .avec joie, car je
pouvaisespérerde vous servir tous les deux. Délicieux
enfant murmura Margaret. Je ne savais pourquoi mon
cœur battait si lort quand je vous ai vu devant la reine.
J'attribuais cette sensation une rencontre du chevalier
sur la route d'Amboise; mais mon cœur ne m'avait pas
trompé vous étiez notre providence visible; c'est le ciel
qui vous envoie nous. Disjioscz donc de mot, Ma
dame, en tout et pour tout. Croyez qu'en donnant mon
âme mon frère je lui ai donné tout mon corps je suis
prêt verser la dernière goutte de mou sang pour vous,
sans me plaindre, et peut-être sans souffrir. Merci,
merci, mon ami... Mais hélas! liée par un secret, par un
serment terrible, je ne peux, sans perdre Henri et me
perdre moi-même, le recevoir avec quelque préférence.
Oh monsieur de Lamorge, je suis bien malheureuse
Dites-lui, dites-lui de prendre courage. Mais bientôt,
oui, bientôt, ma main, posée sur la sienne, nous fera
tout oublier, tout l recommandez-lui d'affecter devant le
monde, devant ces gentilshommes méchants et jaloux,
une indifférence complète pour sa pauvre Margaret
dites-lui de ne pas chercher dans mes yeux mon amour;
L'assemblée législative (voir les nouvelles de
France) vient d'infliger au ministère un blâme
l'immense majorité de 417 voix contre 27iL
Hier malin, six représentants du département
du Nord, appartenant toutes les nuances de
la majorité, s'étaient rendus chez leur collègue
M. Dumas, pour lui faire une visite de condo
léance. Pressé par eux de dire les véritables
motifs de sa retraite, l'ex-ministre du commerce
leur a déclaré
Qu'il avait donné sa démission parce qu'il
ne voulait pas rester dans un ministère fait par
l'Angleterre... fait par lord Palinerston qui avait
saisi l'occasion de venger l'humiliation imposée
la politique anglaise,{par lajnoble fermeté du
général Lahilte;
Qu'il avait donné sa démission parce qu'il
n'avait pas voulu, comme ministre du com
merce, ratifier un traité en vertu duquel les
houilles de l'Anglelerrejseraient^librement in
troduites en France.
M. Dumas a ajouté qu'il avait exposé,
Normanby lui-même les motifs de son opposi
tion un pareil traité. Les voici en quelques
mots
Les houilles anglaises étant introduites libre
ment ou moyennant un droit très-faible, les
manufactures et usines de nos départements du
Nord, seront forcément transportées autour de
Boulogne, Calais, Dunkerque et des adtres
ports de mer du littoral de la Manche, partout
où elles recevront, moins de frais, la houille
anglaise. Or, quand tous nos grands établisse
ments industriels du Nord seront ainsi livrés
la merci de l'Angleterre, voici ce qui peut
arriver
Ou l'Angleterre sera de mauvaise foi, et par
l'augmentation subite du prix de ses houilles,
elle ruinera nos usines.
Ou la guerre éclatera, et la houille anglaise
nous faisant tout-à-coup défaut, nos travaux
industriels se trouveront suspendus.
Dans l'un et l'autre cas, c'est la ruine d'une
grande partie de notre industrie.
Tels ont été, dit-on, les motifs de la démis
sion de M. Dumas. {Gazette de Mon*.)
FRANCE. Paris, 19 Janvier. Le Journal des
Débats confirme, dans les termes suivants, la nouvelle de
la démission du ministère français
Nous apprenons ce Soir, qu'à l'issue de la séance, le
ministère a remis sa démission entre les mains du prési
dent de la république.
On ne préjuge pas encore quelle sera la résolution de
FÉlysce.
La satisfaction du National n'est pas déguisée mais
ce journal ne veut pas reconnaître qu'il y ait eu coalition.
Le National s'exprime ainsi
Il n'y a pas eu de coalition entre la gauche et la droite,
comme aurait voulu le faire supposer M. Barochc il n'y
a eu que leur rencontre inévitable dans la constatation des
mêmes évidences, dans le blâme des mêmes faits.
Le vote est un, soit 1 Les griefs, les raisons sont dif
férents, contradictoires même sur la plupart des points,
si l'on veut. Les idées, les principes, les volontés, les
dites-lui que ce cœur n'appartient qu'à lui. Parlez-lui de
moi bien longtemps. Qu'il m'écrive, et je passerai mes
nuits le lire, mes jours le rêver. Vous l'aimez donc
autant qu'il vous aime, Madame? Oh! mille fois
davantage. Pourquoi cette question, mon ami Parce
qu'il me pariait de vous comme de lui. Que vous
disait-il répondez vite, tout de suite. Tenez, baisez ma
main pour lui. 11 me vantail tellement votre admirable
beauté, votre âme divine, et tout ce que je ne cesse d'ad
mirer; je le savais si vivement épris, si jirofondémcnl
affligé de votre séparation; j'avais été témoin «le tant de
courage dans sa fuite de Kerven, que quand je vous ai
vus l'un devant l'autre, tous deux beaux, tous deux fiers,
tous deux heureux dans le malheur, je me suis évanoui
sur la place, ne pouvant calmer mon cœur, qui se par
tageait dans la joie des deux vôtres. C'est alors que la
reine m'a remarqué... Vous donneriez donc un trésor
pourqu'ilfùtlà, près de vous, comme je suis maintenant!
Oh! s'écria Margaret, quel rêve! Avcz-vous entendu
chanter sur la Loire, ce soir? J'ai reconnu sa voix
j'en ai failli mourir De peur demanda Ange fine
ment. De plaisir, répondit Margaret avec un sourire
amer et triste. Et que donneriez-vous pour l'entendre
encore Ma vierépliqua la comtesse. Et ses grands
yeux s'ouvrirent pour lancer deux éclairs.
mobiles restent opposés. Cela ne prouve qu'une chose,
cVst que le pouvoir avait mis tout le monde contre lui
c'est que sa politique a été telle que, sans distinction de
partis, en dehors de toute passion personnelle, on ne
pouvait que le blâmer et le condamner.
En uu mot il s'agissait d'opposer le veto souverain de
la L ronce a des tendances funestes pour l'ordre comme
pour la liberté. Le parti républicain ne pouvait refuser
le concours que la droite lui apportait dans ce sens.
On lit dans le Moniteur du soir, journal élyséen
A jicine sortis d'une crise ministérielle dont la pru
dence du chef de l'État avait su éviter les écueils, nous
tombons dans une autre dont les résultats peuvent avoir
une portée incalculable.
Quelle signification faut-il donner l'alliance qui s'est
formée tout-à-coup entre la Montagne et une portion de
la majorité parlementaire
Quelle sera l'attitude du pays devant cette collision
de deux pouvoirs, dont l'harmonie était notre dernière
notre unique sauvegarde contre les résurrections de
l'anarchie
Jamais, depuis 1848, situation ne fut plus compliquée,
plus alarmante.
La fatalité nous entraîne-t-elle vers la tombe des na
tions qui se suicident
Un éclair d'en haut luira-t-il sur ce chaos qui nou9
attire
En jirésencc des nouveaux désastres que recèle peut-
être un prochain avenir, nous ne pouvons qu'attendre et
ne pas encore désespérer.
Mais, était-cc donc pour glisser en un jour au bord
d'un abîme sans fond, que nous avions tant lutté, tant
fait de sacrifices et versé le plus pur de notre sang
Pauvre France
L'assemblée a prononcé; le ministère est frappé au
cœur, après avoir fait des efforts courageux, habiles et
désespérés, peut-être j»eu dignes pour s'être trop prolon
gés; se résigncra-t-il sa chute, le prince président qui
a fait poser la question de sa responsabilité personnelle,
persislera-t-il se croire frappé par le blâme de rassem
blée. Et, s'il persiste, quelle attitude prendra-t-il? Double
question qui piéoccupe vivement l'opinion publique et
dont la solution parait, certaines gens, grosse des plus
redoutables périls.
Si l'on en croyait les insinuations de la presse élysé-
enne, qui, du reste, ne paraît pas avoir reçu encore le
mot d'ordre définitif, Louis-Napoléon conserverait son
cabinet, et avec les 286 voix qui ont volé contre le blâme,
chercherait diriger la majorité. J'ai lieu de croire que
cette pensée, fortement soutenue par les mauvaises têtes
de I epdroit, ne prévaudra pas le président a des habi
tudes de prudence qui le font rétrograder de quelques
pas chaque fois qu'il s'est avancé très-avant; les ministres
ont d'ailleurs donné leur démission au sortir de l'assem
blée; que faire dans cette occurrence Céder aux con
seils de M. de Lamartine qui a passé une partie de la nuit
l'Élysée, et former un cabinet républicain de la nuance
de ce politique. Monter plus haut sur la raoutagne et
..s'avancer jusqu'à M. Victor Hugo, comme il en a été
question aussi Ou enfin s'adresser la nuance que
représente M. Léon Faucher?
Une saisie importante de poudre cl munitions de guerre
vient d'être opérée, par les soins de l'autorité, dans la
commune de Romainville. Le préfet de police, ayant été
informé, ces jours'derniers, que des anarchistes avaient
introduits, dans Paris, clandestinement une certaine
quantité de poudre et de munitions, a fait exercer sur
plusieurs points une surveillance sévère, et, hier soir, le
commissaire de police de la section de la Monnaie, assisté
de plusieurs agents, s'est rendu dans la commune de
Romainville, ou arrivé un endroit dit l'Ile de Monte-
Christo, au rond-point du bois, il a opéré l'arrestation de
deux individus qui traînaient péniblement une malle
paraissant d'une pesanteur extrême. Cette malle contenait
de 60 75 kilogrammes de poudre canon, environ une
Ange de Lamorge ouvrit l'une des croisées, et, posant
un flambeau devant les vitres, il regarda mademoiselle
de Rosières, et lui fit signe d'écouter. La même voix,
qui avait déjà troublé le silence de la nuit, s'éleva pure
et limpide comme pour monter Dieu. La belle Margaret,
tombant genoux côté du page, se pencha avec lui
pour mieux entendre. On les eût pris pour deux fleurs
inclinant leurs calices sous une même rosée.
Quand la voix eut cessé, les deux têtes d'ange, qui
semblaient penchées dans la prière, se relevèrent la
fois, et le page demanda, d'un ton plein de joie
L'aimez-vous, ma sœur
Les lèvres de Margaret tremblaient convulsivement
un frisson parcourait tout son corps les yeux demi-
fermés, elle murmura faiblement
Henri pauvre Henri
Ange de Lamorge se leva, la prit dans ses bras, la posa
dans un fauteuil, et lui dit d'une voix où tout était bon
heur:
Voulez-vous qu'il vienne là, devant vous?...
Quand demanda la comtesse en bondissant comme une
gazelle. A l'instant même. Ici? Ici. Comment?
Parlez, ordonnez. Vite vite qu'il vienne... 0
mon Dieu pitié je me meurs
(La suite au prochain N°.)