JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. JV 1.066. 11e Année. Jeudi, 24 Juillet 1851, Vires acqumt euiido. INTÉRIEUR. LE MOUVEMENT FLAMAND ABONNEMENTS: T'pres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces, 4 francs. INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes. Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit être adressé 1 éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies. yprès, 33 Juillet. AU POINT DE NUE LIBERAL. Suite et fin.) L'année 1834 sembla toutefois, annoncer pour la langue flamande un retour de meil leures destinées. M. Willems, poète agréable, érudit et patient, publia Eecloo son édition populaire du Renard. Malheureusement M. Willems avait étudié l'époque moderne tra vers le prisme des anciens âges. Sous le charme de vieilles mélodies, toujours en face des chefs- d'œuvre du passé, la langue lui parut le grand, le premier intérêt. Artiste et poète plutôt que philosophe, il crut que la langue faisait ou ressuscitait un peuple, tandisque c'est le peuple qui fait ou qui ressuscite une langue. Il avait pris l'eflFet pour la cause. Au lieu de s'épuiser remuer des cendres jamais refroidies, il eût mieux valu s'occuper un peu plus du présent et de l'avénir, et un peu moins du passé. Cependant le mouvement était imprimé. Le Wonderjaer de M. Henri Conscience suscita Anvers, en 1837; une ardeur de renaissance qui dure encore. L'enthousiasme fut au comble, quand parut en 1838, de Leeuw van Vlaende- renroman éminemment national, où l'on exal tait nos triomphes et notre grandeur du 14e siècle. Les contes originaux (Eigenaerdt'ge verhalen de M. Van Ryswyck sont de la même époque. L'élan était donné: les jeunes écrivains se mirent l'œuvre, stimulés par la sympathie du public qui souriait tous les efforts. Ces succès, dont il ne faut pas toutefois s'exagérer la-portée, offrent plus d'un enseignement qui les intre- prcle leur juste valeur. Le secret de cet enthousiasme était dans l'heu reuse association des idées de liberté et de na tionalité, idées quien Belgique ne sauraient plus marcher isolément. LUS Wi 1RS M le secret. (scitc.) Enfant, me dit-il, celui que tu aimes si noblement n'a dû mériter ton ainour que par les efforts d'une àiue digne de la tienne. Je ne le repousserai pas, mais je dois l'éprouver. Je vais vous donc soumettre tous les deux une rude épreuve; si vous en sortez vainqueurs, ma bé nédiction voua unira. Voici ma condition pendant quatre années, et h dater d'aujourd'hui, tu fuiras les occasions de rencontrer le comte, tu refuseras de le voir, de lui parler, oc recevoir ses lettres; enfin, tu lui seras complè tement étrangère, sous peine de rompre notre traité et de ne jamais obtenir mon consentement; ainsi, quand tu entreras dans ta vingtième année, tu seras comtesse de Kcrven, si le comte t'est resté fidèle. Pendant les premiers moisquisuivirenteetentretien, je fus courageuse et forte contre mon chagrin fidèle ma promesse, je refusai de voir le comte, et je m'appli quai l'éviter; je comptais les jours; et les heures qui rac vieillissaient pouvaient seules me consoler. T'exprimerla douleur de mon noble fiancé me serait impossible; les lettres qu'il m'écrivait et que je n'avais paS la force de repousser, faisaient couler mes pleurs, remplissaient mon eœur d'amour et d'orgueilrac rendaient la plus heu reuse des femmes elles étaient si tendres et dictées par une pensée si belle, si pure, si délicate Oh jamais, mon seigneur de Kerven, jamais vous n'avez connu mes angoisses, jamais vous n'avez pu savoir quel trésor vous conservait mon cœur avare Tout-à-coup, mon enfant, je fus assaillie par d'horribles terreurs; il me vint l'esprit Pendant que M Ledpganck poursuivait dans le calmedu home sa pacifique évolution de poète intime, en se tenant presque l'écart de l'agi tation qui se fesail côté de lui, les écrivains flamingants s'étaient multipliés et le vent de la renommée avait porté une certaine hauteur quelques-uns de leurs livres II vint bientôt, surtout aux plus jeunes du parti, d'ambitieuses pensées de couquéte et de suprématie. 1840 fut particulièrement fécond en tentati ves de propagande, en manifestations de jour en jour plus impatientes et plus allières. Des recueils périodiques surgissaient de différents points du pays, et presque la même époque, semblaient destinés concentrer les forces discipliner les efforts. Le mouvement flamand était arrivé son apogée des drapeaux élaient arborés, des principes proclamés on eut même un cri de guerre, qui, pensait-ondeviendrait aisément un cri de ralliement pour les diverses nuances flamingantes. Au fort de la lutte entre constitutionnels et théocrales, ceux qui s'étaient annoncés comme les émancipateurs du peuple flamand, décla raient vouloir se tenir en dehors de ta polit ique. pour tout ce qui ne louchait pas aux droits de la langue maternelle. Dans les questions d'art on était exclusivement préoccupé de l'influence française, et l'on croyait avoir beaucoup fait quand on s'était déchaîné conlre les peintres de Paris. On parlait du joug wallon, de flamands transformés en parias d Europeon n'élait pas éloigné de se comparer aux proscrits de la Po logne, et I on cherchait des arguments triom phants jusque dans le paganisme Scandinave qu'on appliquait saus réserve la Flandre des premiers temps. Pour arriver ce qu'on appelait briser ses chaîneson fesait arme de ttful, on s'inquiétait de tout. On avait bien sur les lèvres le mol: éman cipation mais on ne pouvait ressentir aucun enthousiasme pour 89. iVélait-ce pas la France alors qui s'était dévouée pour le monde; n'est-ce pas depuis lors qu'elle lui servait de phare? Aussi ne se faisait-on faute de ramasser, contre la grande révolution, toutes les calomnies ab solutistes au-delà du Rhio. On proposait parfois des mesures utiles; il arrivait même qu on ne proclamât que les droits incontestables mais tout cela était amoindri, rapetissé par une haine ridicule de tout ce qui émanait du peuple français. On s'en prenait de l'influence française tout le momje,- on ne paraissait pas se douter qu'à une pareille in fluence, il n'y a de barrière que la force des idées. Il faut avoir pénétré dans ces fouilles d'idées étroites, de rancunes ridicules et surannées, d'euthousiasme archaïque et d'emportements factices pour s'expliquer le discrédit dans le quel le mouvement flamand est aujourd hui tombé. On se demandera comment une cause qui devait être si naturellement populaire, qui était rehaussée et ennoblie par le talent, a pu inspi rer de si misérables plaidoyers. La Flandre libérale l'a surabondamment démontré: la cause de la langue flamande est, dans nos provinces, la causesJu peuple. Il y a parmi nous, des citoyens et en grand nombre, qui pourraient entrer en communion avec l'es prit moderne, plus facilement au moyen du flamand, qu au moyen du français. Voila toute la question flamande elle est, comme on le voit, essentiellement démocratique, et n'est qu'une face de la grande question libérale, l'émancipation de tous. Il s agissait donc peu de savoir si en réveil lant la langue flamande, nous nous rapproche rions des Ailemands'ou nous écarterions des Français: il s'agissait avant tout de s'emparer de l'idiome oublié pour en faire un énergique in strument de propagande civilisatrice. En rédui^ saut le mouvement flamand une stérile agita tion de susceptibilités littéraires de prédilec tions pédanlesques et de vanités locales, on que le comte ne pouvant s'expliquer ma conduite, pour rait m'abandonnerme mépriser, m'oublier et pour la première fois de nia vie, j'éprouvai cçtte poignante dou leur qui nous terrasse, qui nous tue... le doute!... Mon existence devenait affreuse je sentis que je ne pourrais la supporter jusqu'au terme fixé par mon père, je résolus d'avertir mon fiancé, afin qu'il m'aidât de son courage au lieu de n'affaiblir par ses louchants désespoirs. Le comte avait un ami intime, un jeune lord de la plus illustre naissance qui avait accès dans ma famille, et qui, dans de nombreuses occasions, s'était signalé aux côtés du sire de Kerven. Ce jeune homme se nommait Rutland, il fallait qu'il fût le frère d'armes de mon cher Henri pour que je le visse avec plaisir; mon antipathie était inexplicable et sans doute injuste; mais le lord m'ayant souvent adressé des compliments et de fades paroles qui me faisaient horreur prononcées par tout autre que mon seigneur et maître, j'éprouvais un grand em barras vis-à-vis de lui; il devint cependant mon unique ressource, et je me fiai bravement sa loyauté. Je lui remis un médaillon qui contenait mon portrait, je lui expliquai le traité consenti avec mon père, je le suppliai d'exhorter le comte, de lui rapporter mes tendres sentiments sou égard, et de recommander une pauvre exilée la constance d'un cœur adoré. Le lord se chargea de sa mission avec courtoisie; mais mon âme, si fortement ébranlée déjà, ne put pas retrouver la paix qu'elle avait perdue, je venais de tromper mon père, j'avais enfreint ses ordres, trahi mon serment. Coupable, je me vis exposée au châtiment de Dieu, et ma vie fut dès-lors un supplice. Je ne revis plus le lord Rutland, et plus tard f en ten dis raconter, la cour, qui avait été tué en combat sin gulier par le comte de Kcrven; cette nouvelle mit la cour en grand émoi et jeta dans mon âme un nouveau trouble. La mort violente du lord Rutland a toujours été pour moi mystérieuse, et cache sans doute le secret de mes infor tunes; mes pressentiments m'ont sans cesse présenté cet homme comme un être fatal, comme le mauvais génie de ma destinée. Trois ans s'étaient écoulés; le comte avait rempli l'Angleterre de son beau nom; le roi, les princes, les plus puissants du royaume recherchaient son amitié et son assistance, chacun de ses lauriers était béni par moiet mon triste amour mêlait son deuil et ses larmes, de secrets applaudissements qui ranimaient mes forces et contenaient mon courage. Quand je le rencontrais la cour, ou dans le monde, je suppliais Dieu de donner ■nés regards le don de la pardle... Hélas! loutm'amanqué dans ma tendresse, chère enfant, pleure sur ta pauvre mère Le cardinal de Bcaufort rassemblait une armée pour aller combattre les Hussites de Bohème, et le comte m'écrivit pour m'annoncer qu'il allait chercher la mort loin de moi. Sa Ici Ire tomba enlrp les mains de mon père, qui m'en fit de vifs réproches, mais il y trouva cependant la preuve de ma fidélité ses désirs, car mon ami se plai gnait de mon silence, de mon ind ffcrençe ingrate. Oh cette lettre est là dans ma mémoire elle pèse sur mon âme prête s'envoler Lord Lincoln m'ordonna de ré pondre soiis ses yeux, et me dicta lui-niême quelques lignes d'une froideur qui glaça mon propre sang; le» soupçons du seigneur de Kcrven envers sa fille l'avaient irrité, et les dernières querelles survenues entre la France

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