INTERIEUR.
UNE CHAMBRE A COUCHER.
1%° i ,072. ir Année. hJeudi, 14 Août 1851.
ABONNEMENTS: Ypres (franco), par trimestre, a francs 50 c. Provinces, 4 francs. I Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes. être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Ypres, 18 Août.
L'expiation du sinistre dramedeBury a fourni
l'occasion, aux journaux soi-disant avancés, de
lancer M. le ministre de la justice des incul
pations et des injures aussi imméritées les unes
queles autres. Les journaux catholiques mêmes
ont pris ce haut fonctionnaire partie, pour
avoir laissé son libre cours la loi. Dans les
feuilles rédigées sous les auspices de l'épiscopat,
nous avons trouvé reproduite une lettre de la
mère du condamné, qui ne méritait pas cet
honneur, car ce n'est qu'une violente diatribe
contre le ministère en général et contre M
Tesch en particulier.
Ge que tout honnête homme doit trouver in
digne dans celte tactique de l'opposition c'est
celle effronterie lâche et impudente d'oser blâ
mer des actes que le parti catholique au pou
voir, eut dû poser et défendre lui-même, tandis
que. par esprit de parti, il les attaque parce que
ses adversaires en sont les auteurs responsables.
11 y a des actes que nul pouvoir régulier,
quelque système politique qu'il appartienne, ne
peut renier. Il faut que la justice ait son' libre
cours et que l égalité devant la loi soit une vé
rité pour tous. L'opinion catholique moins que
tout autre parti, oserait se soustraire cette
exigence, pareeque I esprit public est méfiant
son égard etqu'elle est soupçonnée d'avoir quel
que fuis tâché d'adoucir les terribles rigueurs de
la justice l'endroit de certains coupables pri
vilégiés. Il est inutile de rappeler les discussions
publiques qui ont eu lieu la Chambre,
l'occasion des faveurs qu'avait obtenues un con
cussionnaire, marchand de reliqueset cepen
dant c'est ce même parti qui attaque le minis
tère d'avoir osé hautement remplir sa mission
et accomplir son devoir. Les feuilles catholiques
n'ont pas beaucoup de mémoire et sont payées
pour en avoir fort peu, mais le public ne peut
encore s'accoutumer celte impudence sans
nom, car elles blâment chez autrui ce qu'elles
auraient hautement dû approuver si leurs pa
trons, les évêques. dirigaieot encore les affaires
politiques par personnes interposées.
m
I
(suite.)
Le soir, Frédéric de Marvillers rencontra la Comédie-
Française, c'était un jour de première représentation, un
de ses vieux camarades de philosophie et de cigares; le
jeune marquis de Verviers, qui était très-répandu dans
la haute et moyenne noblesse.
Mon cher, lui dit Frédéric après avoir parlé de la
décadence du théâtre, il n'y a cette heure de beaux
spectacles que ceux de la nature.
Le marquis de Verviers éclata de rire.
La nature, vous avez étudié celle de Messieurs
Cicéri et autres créateurs de cette force.
Vous ne savez pas ce que vous dites, mon cher; j'ai,
l'heure où je vous parle, un appartement Autcuil; je
commençais me fatiguer de voir toujours le même
homme sous différentes faces, j'aime mieux voir des
arbres, des nuages, des ruisseaux qui coulent et des oiseaux
qui chantent.
Céladon murmura le marquis de Verviers.
J'y pense; vous qui connaissez tout le monde, vous
allez sans doute chez le comte de Verneuil
Oui, beaucoup; pourquoi
M"* dé Verneuil est sans doute une vertu austère
Mais oui.
Il nous semble que tout le bruil fait par les
libéraux qui se disent avancés et qui ont beau
coup d'analogie avec des brouillons, a son
origine dans un mécompte qu'ils oui subi. La
condamnation du coupable, devenue définitive
par le rejet du pourvoi en cassation, MM. du
jeune libéralisme ont émis l'opinion que le
gouvernement eut reculé devant i exécution et
que la tête du coupable n'eut pas été tranchée
en place publique. De ce côté on s'attendait
une commutation de peine, d'autant plus qu'on
n'ignorait pas que de puissantes influences
avaient été mises en jeu pour tâcher de l'obte
nir. Mais le cabinet, nous devons lui rendre
celte justice, est resté inébranlable, et quand
la nouvelle de l'exécution du verdict du jury
a été répandue, ces grands citoyens, fâchés
d'avoir trouvé plus de noble courage et de di
gnité chez le ministère qu ils ne lui en suppo
saient, se sont tournés contre lui, blâmant ce
qui a été fait avec amertume, tandis que si la
peine avait été commuée, ils l'auraient criliqué
avec non moins d'aigreur et de mauvaise foi.
Dans celle occurrence, le ministère a été
lout-à-fail la hauteur de la mission que la
société lui avait confiée. Ce n'est pas poser un
acte indifférent que de faite baisser toutes les
tèles, quelque hautes qu elles puissent être
sous le niveau de la loi. Aussi celte décision
a-l-elle été hautement approuvée et, nous le
disons avec regret, les partis et les feuilles qui
se permettant de la critiquer, ne se font tort
qu'à eux-mêmes, car l'opinion publique eut été
révoltée, si un pouvoir quelconque eut osé
s'interposer pour empêcher le glaive de la jus-
lice humaine de punir un crime aussi atroce.
Aujourd'hui a eu lieu la distribution des prix
aux élèves du Collège communal. Une pièce de
théâtre a été représentée et après la lecture de
deux discours les autorités civiles et militaires
ont remis les récompenses aux élèves. INous
reviendrons sur cette solennité dans notre pro
chain numéro.
Dimanche dernier, a eu lieu un tir la per
che donné, par la Société Guillaume Tell, aux
amateurs de la petite arbalète. Quatre vingts
Je n'en doute pas. Je crois bien l'avoir rencontrée
ce matin, si je ne me trompe, Auleuil. Est-ce qu'elle a
une maison de campagne par là
Je ne crois pas, car M. de Verneuil est propriétaire
d'un des plus beaux châteaux de la Normandie.
Comme M"" de Verneuil ressemble prodigieusement
une femme de ma connaissance que je ne puis interroger
ce sujet, faites-moi donc le plaisir de demander la
comtesse si elle se promène quelquefois vers Auteuil.
Rien n'est plus simple, dit M. de Verviers, sans se
soucier de l'intention de Frédéric, et sans réfléchir que,
malgré toutes les réserves qu'il y mettrait, sa demande
aurait toujours quelque chose d indiscret.
Ils se promenaient au foyer; ils rentrèrent bientôt dans
la salle. Frédéric était au balcon, le marquis était dans
une loge des galeries. On connaît assez Frédéric pour
savoir qu'il était bien plus préoccupé de la comédie de la
salle que de celle du théâtre; aussi fut-il le premier
remarquer l'arrivée d'une très-jolie femme, peut-être un
peu pâle, mais d'un attrait plus doux par la pâleur même.
C'était la comtesse de Verneuil. Quoiqu'elle fût sur le
devant de la loge, elle se cachait moitié, jouant de son
éventail avec beaucoup de grâce: elle avait la pudeur de
la beauté qui craint de se laisser voir.
Dans l'cntr'acte, le marquis de Verviers entra dans la
loge de M"" de Verneuil. Frédéricon le pense bien, ne
songea pas faire un tour au foyer. 11 s'aperçut bientôt
arbalétriers ont pris leurs inscription et ont con
couru Voici les noms de ceux qui ont abattu
les oiseaux supérieurs le premier a été tiré par
M. Schodduyn, de la société S4 George, de
Poperinghe; le second par M. De Weerdt, de
la société S4 George de Courtray; le troisième
par M. Debruck, et le quatrième par M. Louis
Becuwetous deux appartenant la Société
Guillaume Tell d'Ypres; et le cinquième par M.
Van Hove, de la société S4 George, de S4 Julien.
On écrit de Bruxelles
On a déposé vendredi, ait ministère des affaires
étrangères, pour être soumis la sanction du
Roi, les statuts de la société royale de Zoologie.
Ainsi que dans tous les projets précédents, il
s'agit d établir le jardin zoologique de Bruxelles
dans la propriété de M. Dubois de Btanco, au
quartier Léopold. Celte foi» on se borne la
seule propriété de M. Bianco, laquelle on ar
rivera du côté de la ville par la rue Montoyer
prolongée sur le terrain de la Société civile M.
Linden serait le directeur scientifique, M Emile
Lebœuf, le directeur administratif ou gérant; le
prix de la propriéléde M. Dubois est de 4.25,000
francs.
La cour d'appel de Bruxelles, deuxième chambre,
a, sur la plaidoirie de M" Impcns, conseil de M. le
comte et de Mm° la comtesse de Hompesch, rendu,
le 9 de ce mois, un arrêt qui annuJle l'adjudication
définitive du domaine de Wisbeck, dont la vente par
expropriation forcée avait été poursuivie la requête
de la société en nom collectif Marc Messel et de la
Société anonyme des chemins de fer belges, parties
intimées pour lesquelles a plaidé M" Barbansou.
Dans cette cause la société dite Caisse des Pro
priétaire/était intervenue, mais la cour par le même
arrêt, et contrairement la plaidoirie de M* Sancke,
a jugé que sou intervention n'était pas recevable.
Dix professeurs du petit séminaire de Roulers
ont été rayés de la liste électorale, où ils figu
raient frauduleusement. La Patrie appelle cela
une affaire très-simple, irès-innocente. Si ce sont
là les principes que les professeurs du petit sé
minaire inculquent leurs élèves, ils doivent ea
faire de très-bonnêtes gens.
que, sur les questions du marquis, la jeune femme se dé
tourna en rougissant et en respirant son bouquet avec
inquiétude.
Sur la fin de l'entr'acte, Frédéric retrouva M. de Ver
viers.
Eh bien lui dit-il, vous avez bien propos ren
contré Mm» de Verneuil; peut-être n'avez-vous pas songé,
lui parler d'Auteuil.
Je n'ai pensé qu'à cela. Mon cher Frédéric, vous avez
touché une corde vibrante, car tout en ayant l'air de no
pas comprendre ce que je voulais dire, au seul mot d'Au
teuil, Mm° de Verneuil s'est troublée; elle na pas ré
pondu, et s'est tournée vers la salle.
Frédéric ne put comprimer un mouvement de joie.
Un vrai roman, se dit-il, en tourmentant sa mous
tache, un roman que je vais lire tout seul, un
roman fait pour moi.
Les deux amis se quittèrent; mais le marquis de Ver
viers fit promettre Frëdérie de le tenir au courant de
celte histoire, qui lui sembla d'un vif intérêt.
Le lendemain, vers midi, Frédéric traversait encore le
bois d s Boulogne dans le vague espoir d'y rencontrer la
voiture de Mm° de Verneuil. Après une promenade rapide,
il revenait vers l'Arc-de-Triomphe, ne comptant plus
guère retrouver la mysterieure comtesse, quand il fut
saisi de cette idée, que M"' de Verneuil avait peut-être
changé de route pour arriver la villa. Aussitôt il dirigea