JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
1.074. 11e Année.
Jeudi, 81 Août 1851.
Vires acquirit eundo.
INTÉRIEUR.
Festival
UNE CHAMBRE A COUCHER.
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Ypres, 20 Août.
D'après des renseignements que nous devons
croire officiels, il ne rentrera en garnison
Ypres. après la levée du camp de Beverloo, que
l'étal-major et un bataillon du 12e régiment.
Il est question aussi du départ du dépôt du
5° régiment, mais jusqu'ici l'ordre officiel n'est
pas encore arrivé. Il nous semble que la ville
d'Ypres n'est guère convenablement traitée
dans la nouvelle répartition des troupes entre
les villes de garnison du royaume. Cependant
il nous a été officieusement rapporté que cette
diminution de notre garnison provient de ce
qu'un régiment la fois sera chargé de tous les
détachements, mais seulement pour un an, et
qu'alors les trois bataillons resteront réunis
jusqu'à ce que le tour de ce corps revienne. S il
en est ainsi, nous ne serons privés de la plus
forte partie de notre garnison, que pour une
époque limitée, et si le fait allégué est positif,
nous aurions après l'année révolue, une com
pensation. Quoiqu'il en soit, il est toujours
déplorable, après les dépenses faites par la ville
pour les établissements militaires, de n'obtenir
qu'une garnison qui se réduira un effectif de
deux cent cinquante trois cents hommes.
OflVrt nux corps de musique de la Garde
civique du royaume, par le corps de Fan
fares des tliasseurs-Eelaireiirs d'Anvers.
Les fanfares de la Garde civique d'Ypres ont
quitté notre ville Dimanche malin et sont arri
vés Anvers, six heures de relevée, beaucoup
de meiubies du corps de musique des Chas
seurs-Eclaireurs attendaient avec impatience
la station leur arrivée. L'accueil qui a été fait
nos concitoyens a été des plus flatteur et aussi
bienveillant que digne de la part des artistes-
amateurs des Chasseurs-Eclaireurs, jeunes gens
qui appartiennent tous aux principales familles
d'Anvers. Cps messieurs ne ies ont pas quittés un
instant et étaient toujours disposés leur rendre
service en toute occasion.
A huit heures du soir, nos fanfares Yprois se
sont rendus la salle du Ihéâtre des variétés,
où la commission directrice de la société de
Dnyeraed. leur a présenté le vin d'honneur aux
cris mille fois répétés de Vive les fanfares de
la Garde civique d'Ypres.
Immédiatement après a commencé la fête,
En descendant les deux escaliers de la salle,
notre musique Yproise a été accueillie par I air
immortel de Grçlry Oùpeut-on être mieux,etc
exécuté par un nombreux orchestre. Nos fan
fares se sont préparés jouer, au milieu de la
magnifique salle des Variétés, éclairée par mille
becs de gaz. En ce moment, la salle ne pouvait
plus contenir la foule. Malgré une chaleur
étouffante et les fatigues de la journée, notre
musique a entamé la belle ouverture de M.
Clément avec beaucoup de précision et d'en
train, elensuitejoué la fantaisie du même chefde
musique. Après l'exécution de ces deux beaux
morceaux, le chef de musique desfanfares
d Anvers. M. ThéodoreGodding, s'est approché
de M. Moerman, chef de la musique dYp. es,
pour le féliciter et le remercierai! nom de tous
les membres du beau corps de musique des
Chasseurs-Eclaireurs.
Jamais, en effet, ces morceaux n'avaient été
mieux exécutés par nos artistes. Mais M. Moer
man surtout a remporté la palme de la journée.
Les chefs de musique de toutes les sociétés
présentes, les principaux artistes étaient là pour
admirer le talent de M. Moerman. Ils ne
croyaient pas possible disaient-ils, de
rendre sur la petite trompette en mi bémol,
instrument si ingrat et si difficile, des sons
aussi purs, aussi limpides, comme M. Moer-
man en a donné la preuve. Pendant toute
la durée du bal qui avait suivi le concert, les
artistes des Chasseurs-Eclaireurs n'ont cessé de
féliciter nos concitoyens, ajoutant qu'ils ne
croyaient pas qu'à Ypres, il y eut une si bonne
musique et si bien dirigée.
Le Lundi, vers les onze heures du matin, les
différents corps de musique se sont rendus la
station du chemin de fer, pour attendre l'arrivée
des corps d harmonie et de fanfare deBiuxelles.
0.BIT1.)
III.
A son entrée dans la chambre coucher, Frédéric avait
vu tourbillonner mille choses confuses. Mais quoique les
volets fussent bien clos comme le soleil y frappait alors
de ses plus vifs rayons, notre philosophe curieux distingua
bientôt tout l'élégant mobilier jusqu'aux détails les plus
pittoresque?. Les murs, tendus en imitation de cuir de
Russie, étaient recouverts d'armes et de pipes de toutes
les formes et de tous les pays, jamais on avait rassemblé
tant de ressources contre la vie et contre l'ennui stylets,
rapières, yatagans, sabres damasquinés, hallebardes, ja
velots, flèches sauvages, carabines, arquebuses, mous
quets, haubert, pistolets albanais, dague de Milan, épée
deux mains, poignards malais; cette panoplie était
complète; une armure montait la garde la porte. Je ne
tenterai pas de décrire la variété de pipes qui formaient
un contraste pacifique. On y trouvait un narguillé qui
répandait encore I odeur du tornbecky, une pipe turque
long tuyau de bois de jasmin enrichi d'anneaux précieux.
Mais les pipes tenaient inçins de place que les armes dans
cette riche galerie.
Oh oh dit Frédéric, voilà un musée qui ne me
donne pas trop l'envie de rencontrer le maître de céans;
st-cc que M"" de Verneuil viendrait ici pour faire des
rmes ou pour fumer dans un ehibouc
A l'arrivée du convoi, les musiques se sont ren
dues, en jouant alternativement des pas redoublés
la Place-Verte, où devait avoir lieu le festival,
sur une estrade dressée en face de la statue de
Bubens.
Voici la liste des musiques des Gardes civi-
quesqui y ont pris part et l'ordre qui a été suivi
dans (exécution.
1" Le corps de Fanfares des Chasseurs-Éclaircur s
d'Anvers. Chef de musique M. Théod. Godding.
2° Le corps d'Harmonie de la légion de Termonde.
Chef de musique M. Isid. De Brandi.
3° Le corps de Fanfares du bataillon d'Ypres.
Chefde musique M. Moerman.
4° Le ccrps d'Harmonie de la 3* légion de Brux
elles. Chef de musique M. Lainbclé.
3" Le corps de Fanfares de la garde cheval de
Bruxelles. Chef de musique M. Henri Faber.
6" Le corps de Fanfares des Chasseurs-Éclaireurs
de Bruxelles. Chefde musique M. Neyts.
7° Le corps d'Harmonie de la légion de Sl-Josse-ten-
Noode. Chefs de musique MM. Blacs et Bernier.
8° Le corps d'Harmonie de la légion d'Anvers.
Malgré un temps lourd, orageux et une tempé
rature exce.ssivementélevée, la musiquede laGar-
de civiqued Ypresa exécuté ses deux morceaux
avec un aplomb et un entrain admirables. Aussi
la foule des assistants n'a pas manqué d applau
dir. Le lendemain devait avoir lieu la distribution
des médaille.scommémoralives et de lin si ru m eut
d'honneur décerné la musique qui se présente
rait du point le pluséloigné d'Anvers. Mais le plus
grand nombre de nos concitoyens n'ont pu rester
aussi longtempsabsenlsdechezeux etavaienldéjà
repris le chemin de fer dès le Lundi soirafin de
pouvoir être de retour le Mardi. Quelques-uns
mêmes étaient déjà revenus ce même jour neuf
heures du matin. Un musicien était resté An
vers pour la réception de la médaille et du
prix d'éloignement.
Pendant tout le séjour Anvers, M. le capi
taine directeur de la musique, Edouard Cardi-
nael, n'a cessé destimuler le zèle des musiciens.
Son obligeance et son désintéressement sont
au-dessus de tout éloge. Aussi M. Cardiuael
peut-il compter sur le dévouement et la recon
naissance du corps de musique de la Garde
civique d'Ypres.
Il avança d'un pas. 11 se trouva devant un lit de fer,
légèrement ornementé, couvert d'une courtine de satin
broché, presque enseveli par d'amples rideaux rouges.
Une magnifique peau de léopard griffes d'argent, accu
sait un luxe recherché. Du lit, Frédéric alla la chemi-
née dont le manteau de velours franges d'or était chargé
de quelques beaux livres, de chinoiseries, de ces mille
jolis riens qui font le charme de la vie intime.
Diable dit Frédéric en pensant autant M"* de
Verneuil qu'au maître du logis, un homme qui vit soli-
j tairement ne songe pas toutes ces fanfreluches du luxe
moderne.
A côté de la glace, dans un petit cadre de velours, entre
un ehibouc et des pantoufles de Persane^, Frédéric remar
qua un pastel du temps de Latour qui lui rappela une
figure sinon connue, du moins une de ces charmantes
images dont on se souvient toujours après les avoir entre
vues peine.
C'est cela, dit-il en s'éloignant du pastel pour le
voir distance; c'est M™' de Verneuil ou plutôt c'est un
portrait fait il y a cent ans, et qui lui ressemble, je n'en
doute pas, beaucoup mieux que tous les portraits qu'on a
pu faire d'après elle-même.
C'est bien curieux, continua-t-il en promenant son
regard autour de cette chambre coucher; on dirait que
ces lieux étaient habités hier encore.
En effet, Frédéric, voyait des pantoufles devant le lit,
on livre ouvert sur la courtine, une plume noircie d'encre
sur la cheminée; il respirait comme une odeur du dernier
cigare fumé. Il remarqua avec une certaine attention sur
le lapis, devant une petite armoire en bois de rose, un
bâton de cire et une bougie qui lui semblèrent avoir brûlé
du même feu pour quelque lettre cacheter.
Peut-être, pensa-t-il, celle que M™' de Verneuil
lisait en pleurant. Mais enfin pourquoi s'est-il en allé
tout juste I heure où sans doute elle venait répondre
sa lettre
A cet instant un rayon de soleil vint comme une douco
auréole caresser le front du pastel.
C'est bien M"™ de Verneuil: du moins elle aurait été
ainsi au XV111" siècle; elle aurait souri de ce doux sou
rire plus séducteur que tendre; la comtesse est peut-être
moins jolie, mais sans doute il y a plus de passion dans
son cœur que dans ses yeux ebarmans. Celui qui habite
cette maison a deux maîtresses pour une. Je voudrais bien
savoir et j'y arriverai l'histoire de celle dont j'ad
mire le portrait.
Dans sa fureur d'apprendre sans relâche, Frédéric
oublia de Verneuil pour interroger le pastel.
Celle-là aussi élait une comtesse, mais au temps où
régnaient si franchement les comtesses. Pour qui se por
trait si doux a-t-il été crayonné? Était-ce pour M. le
comte qu'elle souriait ainsi est-ce pour le chevalier
et ce bouquet de rose sans épines, qui l'avait cueilli
était-ce encore l'espérance? est-ce déjà le souvenir qtl
agite ce jeune coeur