1.08t. lte Année
Dimanche, 14 Septembre 1851,
JOURNAL D'YPRES ET DE E'AIUIOVIUSSEUEM.
Vires acquint eundo.
INTERIEUR.
MADAME DE MIREMONT.
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces,4francs.
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être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Vpbes, 13 Septembre.
Dans notre dernier n° nous avons prouvé
que le vote du Sénat ne pouvait tendre qu'à se
décharger de l'impôt en ligne directe qui attei
gnait directement les riches, sur les locataires,
fermiers et marchands, qui payeraient les cen
times additionnels; c'était dire déjà que noiu
devions refuser notre appui tout candidat qui
se serait associé ce vote. Dans ce cas se trouve
M.Malou, père que nous combattons avec
d'autant plus de confiance que sa première
élection n'est, nos yeux, que le résultat d'un
malentendu ou d'une surprise: jamais, en effet
candidat n'a réuni moins de conditions pour
faire partie d'un corps législatif. Du reste, nous
ne combattrons sa candidature qu'avec des
armes loyales en faisant ab>liaction de tout ce
qui loucherait la vie privée ou de tout ce qui
serait inutile pour l'appréciation de sa valeur
intellectuelle et politique.
M. Malou, comme chacun le sait, appartient
la quinte essence du parti cléricalil est de ces
hommes qui voient du danger dans toute espèce
de progrès et qui, toujours peureux, croient,
par leur obstination, pouvoir opposer une digue
aux grandes idées de 119, comme si ces idées ne
puisaient pas dans celle opposition même un
sui croit d'élan, qui en facilite le développement.
Sous ce rapport M. Malou est donc un de ces
conservateurs révolutionnaires dont la réélec
tion peut compromettre notre organisation po
litique et sociale. A part ces considérations
politiques, M. Malou est un vieillard incapable
de rendre le moindre service l'arrondissement;
empêché par l'âge et les infirmités d assister aux
séances, il ne puise que dans l'ardeur de ses
passions politiques la force nécessaire pour y
voter chaque fois qu il a l'espoir de renverser
un ministère; où d ailleurs aurait-il acquis des
connaissances en législation ou en administra
tion Jamais il ne s est occupé des affaires pu
bliques, jamais il n'a eu d'autres intérêts sau
vegarder que les siens propres; son passé, du
reste, ne répond-ii pas de l'avenir Quelle est
la ville, quelle est la commune, quelle est l'ad
ministration quel est le particulier, qui aient
obtenu de lui un service dans sa carrière par
lementaire Que l'on nous en cite et nous
(lasserons condamnation.
M. Malou d'ailleurs a quitté noire ville, nolrp
arrondissement; dans un moment de dépit
dédaigneux, il a renié ceux dont il mendie
aujourd'hui les suffrages, et loin d'eux, en
dehors de leurs influences, il n'a été pour tous
qu'un mandataire inutile, dangereux et souvent
même nuisible l'arrondissement.
Voilà pourquoi nous repoussons sa candida
ture et pourquoi nous nous adressons au pa
triotisme de tous les éligibles avec la confiance
qu'un homme capable, ferme et sincèrement
libéral, voudra bien répondre notre appel.
Tous les journaux cléricaux, et le Propaga
teur en tête, ont pour thème de déroonlrei
que la loi sur les successions frappe principa
lement les classes inférieures; et comme preuve
ils prétendent que lorsque M Lelièvrc proposa
d'exempter de l'impôt toutes les successions
dont le chiffre ne dépassait pas 5,000 francs.
VI. Frère déclara que l irapôl pourrait ne plus
rapporter que 2 300 000 francs. Ce fait,
comme la plupart des allégations de la feuille
cléricale, est faux; l'amendement de M. Lelièvre
avait pour but d exempter de l'impôt, non pas
les successions de 5,000 francs, mais les parts
héréditaires de 25,000 francs, de sor te qu'une
succession de 149.000 francs, répartir entre
six enfants, donnait chacun d'eux 24.333 fr.
Pour celte par t héréditaire, l'héritier aurait en
une seule fois payer, d après le pr ojet de loi,
fr 182-39. N'est -ce pas que cet impôt est rui
neux et despotique
Le Propagateur voudrait faire accroire que
les 33 sénateurs qui ont volé contre la loi sur
les successions, lotit fait uniquement dans l'in
térêt des classes moyennes et des petites for
tunes; personne ne sera dupe de ce raisonnement,
et la réprobation que rencontre le vote du Sénat
de la par t de toute la bourgeoisie est la meil
leure preuve que dans l'opinion publique nos
très-honorables sénateurs n ont eu qu'en vue de
1.
Le mois d'août tirait sa lin l'clé, tour tour humide
elehaud,u'avaitvudisparaîtrc,eusc prolongeant, aucune
des beautés de la campagne; la verdure avait conservé
tout son éclat; l'herbe des prairies renaissait avec sa fraî
cheur prinlanière; les fleurs se redressaient fièrement
sur leurs tiges; les ruisseaux n'attendaient pas une pluie
d'orage pour ranimer le gazon de leurs rives; en un mot,
l'automne allait bientôt commencer, et l'on pouvait
cependant se croire encore aux plus beaux jours d'un
magnifique printemps.
La journée s'avançait, car il ne devait plus s'écouler
que quelques minutes jusqu'au moment où le soleil dis-
parailrait complètement derrière les montagnes de*** (I),
et déjà ses rayons, qui, peu d'instanls auparavantillu
minaient toute la contréese glissaient plus mystérieux
et plus doux travers le feuillage épaisd'unecbâlaiguerie
séculaire, magnifique couronne des collines situées du côté
du couchant.
En ce moment, une petite cavalcade, composée de trois
personnes et suivie a quelque distance par deux domes
tiques, débouchait au galop d'une longue avenue de peu
pliers, a 1 autre extrémité de laquelle on voyait s'élever
(1; Le fond Je cette histoire et le» principaux événements du récit
étsnt vrais, nous n'indiquerons pas le lieu de 1. scène.
se soustraire des impôts qui leur tombaient
personnellement charge pour aller les pren
dre, comme disait M. le comte De Baillet, dans
la poche de leurs voisins.
Malheureusement, en rejellant celte loi, les
33 sénateurs opposants n'ont proposé aucun
autre moyen d'équilibrer les recettes avec les
dépenses, et ils ont entravé par là les divers
travaux que le pays entier attend avec une si
légitime impatience.
Dans cette situation que feront les électeurs?
Aggraveront-ils encore les charger trop lourdes
du fermier, du marchand, de l'artisan, ou im
poseront-ils au riche un sacrifice nécessaire
pour l'exécution des travaux auxquels se lie si
étroitement la prospérité de notre arrondisse
ment
MM. Vanden Peereboom et Van Renynghe
ont suivi celte dernière voie, et nous avons la
conviction que la conduite qu'ils ont tenue
dans celte circonstance a obtenu l'approbation
de la grande majorité des électeurs.
Nous avons hautement protesté contre le
dernier vole du Sénat, parce que ce vote tendait
imposer au fermier, au marchand et l'artisan
une aggravation de charges qui, dans opinion
du Gouvernement, devait êlre supportée par la
classe aisée; aujourd'hui nous lui donnons notre
réprobation parce qu il prive l'arrondissement
entier d'une foule de travaux que depuis lon
gues années les localités réclament avec tant
d'instances
Ainsi Plus de travaux l Yser;
Plus de travaux la Lys;
Plus de canal de Bossuyt;
Plus de chemin de fer.
Electeurs de l arrondissement laisserez-vous
consacrer tant d injustices
Le Propagateur insinue que nous aurions
besoin des élaies du Gouvernement [jour con
tinuer notre course. Le saint journal croit sans
doute les cordons de la bourse entre les main?
des Malou, Ueschamps et c'°.
Le Propagateur insiuue que le ministère
aurait conçu uu projet qui augmentât les cou-
au-dessus des arbres, un vieux château dont les tourelles
aiguës étaient splendidement éclairées par les derniers
rayons du soleil couchant.
Le groupe principal de la cavalcade était formé par un
homme et deux femmes.
Le premier était un beau et vigoureux vieillard de
soixante et dix ans environ, qui maniait un cheval évi
demment indoeile avec la puissante élégance et la facile
grâce d'un jeune homme il se nommait le marquis de
Branligny.
Les deux femmes étaient la vicomtesse de Miremont et
mademoiselle Valérie d'Avaujour, jeune orpheline que la
vicomtesse avait recueillie chez elle depuis quelques mois.
La vicomtesse veaail d'avoir trente-deux ans; Valérie
n'en avait pas encore seize; la rigueur, l'une eût pu être
la fille de l'autre, cl cependant, les voir sans les con
naître, ou les aurait facilement prises pour les deux soeurs.
Quelle admirable soirée dit Madame de Miremont
en mettant son cheval au pas, et en secouant vivement
la tête pour rejeter en arrière deux touffes de cheveux
châtains que le veut ramena prcsqu'aussiiôlsur son visage.
Comment vous trouvez-vous, Valérie? reprit-elle eu
attachant un affectueux regard sur la jeune fille qui mar
chait ses côtés.
Beaucoup mieux, Madame, répondit mademoiselle
d'Avaujour; chacune de ces promenades je sens mes
forces renaître.
De quel côté dirigerons-nous celle de ce soir de
manda la vicomtesse en se tournant vers le marquis.
Puisque mademoiselle Valérie est en bonne dispo
sition, nous pourrions aller jusqu'à la bruyère des Fan
tômes, répondit M. de Branligny.
Et nous visiterons la clarté de In lune les ruines
de Courcenay ce serait délicieux interrompit vivement
mademoiselle d'Avaujour. Le voudrez-vous, Madame?
coiilinuu-l-elle en s'adressant plus particulièrement
madame de Miremont.
Sans aucun doute, mon enfant, si cela peut vous
çtre agréable; mais alors je crois qu'il sera prudent d'aller
a une allure modérée, parce que, si vous arriviez là-bas
ayant chaud, je ne trouverais pas sage de vous laisser
entrer sous ces voûtes inhabitées où le soleil ne pénètre
jamais.
Galopons pendant une deini-heure, reprit le mar
quis; puis nous ferons le reste du trajet au pas.
Madame de Miremont elfleura de l'extrémité de sa cra
vache la crinière soyeuse de sa jument arabe, qui s'élança
avec la légèreté d'un oiseau; le cheval de Valérie et celui
du marquis en firent autant, sans y être sollicités et par
l'unique impulsion de l'exemple.
Après avoir grav i une petite colline, la cavalcade atteignit
l'entrée de la bruyère des Fantômes, vers laquelle elle se
dirigeait.
C'était un plateau inculte et sablonneux qui pouvait