guerre. Furtoul, instruction publique. Turgot,
affaires étrangères.
M. le ministre de l'intérieur vient d'envoyer tous les
préfets la circulaire suivante, accompagnée de cinq exem
plaires des proclamations publiées ce matin
Monsieur le préfet,
Les partis qui s'agitent dans l'Assemblée menaçaient la
France de compromettre son repos en fomentant contre
le gouvernement des complots dont le but était de le ren
verser. L'Assemblée a été dissoute aux applaudissements
de toute la population de Paris.
A la réception de la présente vous ferez afficher dans
toutes les communes les proclamations du Président de
la République, et vous enverrez aux maires ainsi qu'aux
juges de paix les circulaires que je vous adresse, avec les
modèles du registre des votes.
Vous veillerez la stricte exécution des dispositions
prescrites par ces circulaires. Vous remplacerez immé
diatement les juges de paix, les inaires et les autres fonc
tionnaires dont le concours ne vous serait pas assuré.
Dans ce but, vous demanderez tous les fonctionnaires
publics de vousdonner par écrit leur adhésion la grande
mesure que le gouvernement vient d'adopter.
Vous ferez arrêter immédiatement tout individu qui
tenterait de troubler la tranquillité, et vous ferez sus
pendre tout journal dont la polémique pourrait porter
atteinte.
Je compte, M. le préfet, sur votre dévouement et sur
voire zèle pour prendre toutes les précautions nécessaires
au inainlicn de l'ordre public, et, cet effet, vous vous
eonrcrlerez, tant avec le général commandant le dépar-
parleinenl qu'avec les autorités judiciaires.
Vous m'accuserez réception de celte dépêche par voie
télégraphique et vous me ferez, jusqu'à nouvel ordre, un
rapport quotidien sur l'étal de votre département. Je n'ai
pas besoin de vous recommander de me faire parvenir
par le télégraphe toute nouvelle ayant quelque gravité.
Recevez, M. le préfet, l'assurance de ma considération
distinguée. Le ministre de l'intérieur,
De Mor.ny.
T.a circulaire suivante a été envoyée tous les géné
raux et chefs de corps
Général,
Je vous transmet les proclamations du Président de la
République adressée au peuple français et l'armée.
Vous ferez immédiatement afficher ces proclamations
dans les casernes, et vous donnerez l'ordre chaque chef
de corps de les faire lire haute voix dans chaque com
pagnie.
Je vous envoie aussi le décret de ce jour, en vertu du
quel l'armée est appelée exprimer sa volonté, dans les
quarunte-buit heures de la réception des présents mani
festes.
Vous ferez donc sans retard dresser dans les divers
corps sous vos ordres des registres de votes conformes
aux modèles ci-joints et vous inviterez les officiers et
soldats y consigner ou faire consigner leurs voles dans
le plus bref délai.
Dès que les votes des corps sous vos ordres aurout été
rec ueillis, vous ine les adresserez avec des états certifiés
par les différens chefs de corps ou de détachements, et
par vous-même, en résumant le nombre des votes d'ac
ceptation ou de rejet.
Le Président compte sur l'appui de la nation et de l'ar
mée, et, en ce qui louche la division que vous comman
dez, sur l'énergie de votre attitude, sur la prompte et
sévère répression de la moindre tentative de trouble.
Agréez, général, l'assurance de ma considération dis
tinguée.
Le général de division, ministre de la guerre,
de saint-arnaud.
Et demanda Sirvan.
Et j'ai eu la faiblesse de solliciter quelques jours de
réflexion... mais j'ai appris vous connaître, et main
tenant, si j'achè'e ce titre, ce sera pour le faire valoir.
Ceux qui voulaient vous le vendre ne le possèdent
plus, répondit Sirvan avec un mélancolique sourire, et
celui qui le possède cette heure ne voudra jamaisen faire
usage de son vivant. Après lui, si ses enfants ont dans
l'âme des sentiments dignes du sang qui coule dans leurs
veines, ils reprendront le rang qui leur appartient... et
j'ai eet espoir, ajouta Sirvan avec une douce fierté.
Je ne vous comprends pas, mon ami, répliqua le
vieux gentilhomme. Quel peut être votre but en agissant
ainsi
Demandez l'homme qui vient de s'éloigner quel
était le sien en me donnant les moyens de faire valoir mes
droits il voulait entacher, avilir un grand nom, et moi
je veux qu'il continue être respectable. Marquis de Bran-
tigny, poursuivit Sirvan en élevant la voix, depuis plus
d'un siècle, la noblesse s'en va Elle a d'abord quitté ses
chàteauxetS('saruiuresdefer,pouraIIer, vêtue de velours
et de clinquant, mendier de frivoles honneurs dans le
palais des rois Elle savait être noblement pauvre, et elle
ne sait plus même être convenablement riche elle aimait
le peuple sans le flatter ni le craindre, et aujourd'hui clic
le redoute cil le haïssant Il faut qu'elle se retrempe ou
périsse sans retour Quelle force, quel secours aporte-
rais-jc cette œuvre presque désespérée, nuii rejeton
infirme et presque dégffldé d'une mésalliauce dont on peut
en quelque sorte contester la légitimité Je serais un ri-
A la suite de cette circulaire se trouvent les deux mo
dèles suivants d'acceptation ou de rejet
Acceptation. En vertu du plébicistc du
les officiers, sous-officiers et soldats dont les noms suivent,
ont répondu affirmativement la résolution posée en ces
termes
Le peuple français veut le maintien de l'autorité de
Louis-N.-Conaparte et lui délègue les pouvoirs nécessaires
pour faire une constitution sur les bases proposées dans
sa proclamation du
Rejet. En vertu du plébiciste du
les officiers, sous-officiers et soldats dont les noms suivent
ont répondu négativement la résolution posée en ces
termes
Le peuple français veut le maintien de l'autorité de
Louis-Napoléon-Ronapartc et lui délègue les pouvoirs
nécessaires pour faire une constitution sur les bases pro
posées dans sa proclamation du
C'était hier le jour de réception du Président de la Ré
publique. Jamais il ne s'était présenté autant de inonde
et surtout autant d'officiers l'Elysée. La soirée s'est pro
longée jusqu'après deux heures de la nuit. Le Président
se montrait fort gai et les intimes de l'Elysée ne se dou
taient pas du coup d'Etat qui se préparait. Ou aurait pu
seulement observer un peu de préoccupation sur la figure
de M. Casabianea. Le résultat du scrutin de Paris, qui
donnait 50,000 voles M. Devinekt, parait avoir été la
cause déterminante qui a décidé Louis-Napoléon.
A 2 1/2 h. du matin, il a fait appeler ses principaux
ministres, qui il a déclaré qu'il était décidé d'en finir.
Les proclamations avaient été préparées depuis près de
15 jours et l'ordre a été envoyé immédiatement l'im
primerie de les faire tirer. M. de Thorigny, ministre de
l'intérieur, qui l'on n'avait pas fait connaître l'avance
les pians de coup d'étal, a refusé de s'y associer et il a
été remplacé, séance tenante, par M. de Morny, qui a
signé le décret de dissolution de l'assemblée et de l'état de
siège. Des ordres ont été envoyés en même temps
tous les chefs de l'armée sur lesquels l'Élysée pouvait
compter afin de faire occuper ce matin tous les points
principaux de la capitale.
Nous extrayons d'une lettre particulière les lignes
suivantes
Les ouvriers, les faubouriens, en un mot, les socia
listes, ont d'abord étc satisfaits de voir le suffrage univer
sel rendu, mais bientôt, les sociétés secrètes aidant,
l'agitation a commencé. Le peuple n'est pas content de
la demande du pouvoir de dix uns et de la seconde
chambre. Il voit l'empire au bout et il n'en veut pas. Je
parcours la ville et les boulevards depuis midi et c'est
triste, je vous l'assure. Les rues sont remplies de trou
pes, infanterie, cavalerie, artillerie, avec munitions et
provisions de bouche, comme s'il s!»gissait d'un siège.
Une population immense, inquiète des clubs en plein
vent et des cris de vive la république! A bas l'empire
Le président de la république est sorti cheval et
a été assez bien accueilli. L'armée parait être pour lui,
quoiqu'un régiment ait crié Vive la république Quel
ques représentants de la Montagne, furieux d'être ainsi
chassés, parcourent les boulevards en faisant entendre
des paroles peu rassurantes. Je ne sais où tout cela va
nous conduire et j'en suis effrayé, car jamais moment ne
fut plus mal choisi; décembre, comme vous le savez, est
le dernier et unique espoir des marchands. Jugez ce que
sera le jour de l'an.
Le président de la république, accompagné d'un nom
breux élat-major, est sorti cheval de i'Élysée-National.
Il a été reçu par les acèlamations de la foule et des
troupes stationnées dans le faubourg Saint-Honoré.
Delà le président s'est rendu sur la place de la Concor-
dicule, une honte, un malheur pour cette caste dont je
rêve la réhabilitation Me voyez-vous, marquis de ilran-
tigny, allant quatre pattes, comme le plus hideux reptile,
recueillir votre héritage dans le château de Courcenay
Votre successeur doit pouvoir porter haut la tète, manier
la parole, cette éjiée de nos jours de disputes, et courir
partout où l'appelleront les dangers qui nous menaceront
dans un avenir plus ou moins prochain. Mon père a failli
ce qu'il devait sa caste il en est mort de douleur en
me léguant un exemple qui ne sera perdu ni po.ur moi ni
pour mes enTants. Vous savez tout présent, marquis de
Rrantigny, et il n'eût tenu qu'à vous de le savoir plus tôt.
Oh mon enfant, pardon pardon s'écria le vieil
lard en s'inclinant avec respect devant le pauvre être
accroupi près de lui mon abandon a été bien coupable,
mon orgueil bien imprévoyant Vous étiez un sujet d'ef
froi pour moi, et vous auriez dû être mon espérance...
ma consolation, ajouta-l-il douloureusement en pensant
Raoul. Mais, mon ami, votre généreux sacrifice ne peut
durer plus longtemps; y consentir serait de ma part une
action basse et criminelle. Vous ne pouvez rester indigent
quand je suis riche, entaché d'illégitimité quand vous
avez des droits a ctre reconnu Et vos enfants, il faut
qu'ils reçoivent une éducation qui développe en eux de
nobles penchants...
Confiez-moi ce soin, interrompit Sirvan avec un
doux sourire; et si vous avez des craintes, interrogez ces
jeunes coeurs et vous serez rassuré. Mes chera enfants
si vous saviez comme ils sont fiers, simples intrépides,
dévoués, incapables de transiger sur tout ce qui s'appelle
de, où il a passé en revue les troupes qui y étaient
rangées en bataille et qui l'ont salué des cris de Vive
Napoléon
Ensuite, traversant le jardin des Tuileries pour aller
visiter l'état-major de l'armée de Paris, le président s'est
rendu, par le Pont national, sur la rive gauche de la
Seine.
Dans l'après-midi, Louis-Napoléon a parcouru les
quais, au milieu de la population et de l'armée.
M. le préfet de police, accompagné d'un chef de
bataillon, a parcouru cheval, vers une heure, la ligne
des Boulevards.
A 2 heures et demie, le général Renaud est sorti de
l'Ecole militaire, suivi de son état-major et d'une escorte,
pour visiter tous les postes de la rive gauche.
La salle provisoire où se tenaient les séances de
l'assemblée législative n'existe plus.
Ce matin, un officier de paix, suivi d'un grand nombre
d'ouvriers, s'y est rendu et a fait procédera la démoli
tion de ce qu'on appelait la salle de carton.
Le directeur-général des postes a été invité réser
ver aujourd'hui et demain toutes les places des malles-
postes pour les préfets, sous-préfets et autres fonction
naires qui se rendent leur place.
M. Dilpin est retourné son hôtel, me du Bas, et
a invité les représentants se réunir chez lui. Sou hôtel
est occupé militairement.
Un grand nombre de journaux font un récit détail
lé d'un prétendu duel qui aurait eu lieu hier entre M.
Cariicr et M. Lavocat, ancien directeur des Gobelins.
Nous sommes en mesure d'affirmer que ce duel est
tout fait imaginaire. Patrie
Dans la matinée, une réunion de deux cents repré
sentants environ a eu lieu chez M. Daru après une
discussion très-animée, la déchéance du président de la
république a été résolue l'unanimité. Les représen
tants présents cette réunion sont ensuite partis pour
la mairie du dixième arrondissement, où M. Berrycr a
donné lecture de l'acte de déchéance.
La mairie a été presqu'immédialcincnt envahie par la
troupe. Les représentants ont été mis en état d'arresta
tion et conduits avec une escorte formidable la caserne
du quai d'Orsay, où ils ont été provisoirement détenus.
Une réunion de quelques représentants a eu lieu
également chez M. Odillon Barrol l'appartement a été
envahi par la force armée, et un officier supérieur a
sommé les personnes présentes de se séparer. La réunion
s'est dispersée. MM. Molé, de Broglie cl de Montalembert
ont persisté vouloir rester. M. 0. Barrât a vivement
protesté contre celte violation de domicile et a déclaré
qu'on pouvait l'arrêter qu'il ne chercherait pas fuir.
Un quart d'heure après la maison était également cernée
et occupée militairement.
C'est vers quatre heures du malin qu'on a commencé
afficher les manifestes insurrectionnels de l'cx-chef du
pouvoir exécutif. A fa même heure, on arrêtait M. le gé
néral Cavaignac, qui tous les moyens de.résistance ont
manqué; M. le général Ciiangarniei', qui s'est colleté
avec les sergents de vdle qui ont mis la main sur lui;
M. le général Bedeau, qui a brisé son épée en se défen
dant, et qu'il a fallu garrotter pour se rendre maître de
sa personne; M. le général Loflô, l'un des questeurs de
l'assemblée; M. le colonel Charras, qui a brûlé la cer
velle l'agent qui a voulu s'emparer de lui.
devoir aimez-les, protégez-les seulement, souffrez que
j'achève seul l'oeux rc que seul j'ai osé entreprendre en me
confiant en Dieu Mais je les entends, je crois continua
Sirvan dont le visage rayonna tout coup d'un saint et
sublime orgueil. Accueillez-les par votre bénédiction je
vous jure qu'ils en sont dignes, ou persoune en ce monde
ne le sera jamais...
L'entrée de César et de Roger interrompit Sirvan. Ils
étaient seuls, Marguerite et Yolande étant restées l'église
pour assister une instruction que le curé faisait chaque
jour aux petites filles du village.
Les deux enfants, en apercevant le marquis, se décou
vrirent respectueusement et montrèrent des visages ani
més par uneexpression joyeuse et bienveillante. On voyait
que leurs prétentions n'existaient plus.
Mes amis, dit Sirvan, hier, M. le marquis de Bran-
tigny vous pressait sur son cœur, aujourd'hui il veut vous
bénir; approchez-vous, enfants.
César et Roger se placèrent devant le marquis, qui posa
avec une émotion visible une inain sur chacun de ces
fronts inclinés devant lui.
Sirvan, dit-il d'une voix forte quoique tremblante,
en présence de ces deux beaux et nobles enfantsque je
bénis du fond de mon âme, je vous renouvelle l'offre que
je vous ai faite, et je vous autorise me la rappeler quand
vous voudrez. Adieu, mes amis, mes enfants... continua
le marquis dout les yeux se remplirent subitement de
larmes je vous quitte, mais mon cœur restera avec vous,
et tant qu'il battra vous pourrez compter sur lui.
[La suit* av prochain N°.)