D'abord, un mot encore sur la lutte du président avec l'assemblée, quoique rassemblée soit déjà un point d his toire ancien et rétrospectif. Le célèbre M. Charles Lagrangc, déjà établi la prison du boulevard Mazas, voit arriver M. le général Lellô, qu'on veiwil d'arrêter en grand uniforme. 11 s'avance vers lui en riant'et, en un style qu'on nous permettra de no pas changer, il lui dit ces propres paroles Nous vouions le f...., dedans, il nous ya mis les premiers, ma foi, général, c'est bien joué. Cesmotsrésumentcomplètement la question de la lutte des deux pouvoirs, quant l'assemblée; car il y manque quelque chose en ce qui touche le pays. Si l'on nous permet, pour cette fois seulement, de con server le style de M. Charles Lagrangc, ce n'est pas seu lement le président de la république que l'assemblée vou lait fdedans, elle voulait encore y mettre la France elle-même, et lui imposer, comme le lit l'assemblée conslituaiiteen 1789,comme le lit la convention en 1792, comme le lit la restauration en 1815, comme le fit l'op position victorieuse en 1850, comme le fit la commission de l'hôtel-dc-ville en 1848, un gouvernement bâclé de ses mains, prenant pour elle le pouvoir, les places et l'in fluence, et laissaut aux contribuables l'honorable fonction de payer les frais et de se taire. L'assemblée n'eut pas même réussi dans cette folle usurpation. Elle se serait divisée profondément, après son coup d'État; elle eût tâché de déporter la Montagne, pour n'en être point déportée, la lutte se serait immédiatement engagée dans les rues; la nécessité d'un pouvoir central et fort eût fait créer une dictature; un général orléaniste ou légitimiste fût provisoirement devenu roi de France; personne n'aurait eu la moindre confiance dans un tel expédient; et nous aurions vu, en quinze jours, la guillotine Paris, et les armées européennes la frontière. Donc, comme nous disions, il manque quelque chose au mot de M. Charles Lagrangc, le président a gagné l'assemblée de vitesse, et il l'a mise dedans la première, C'est vrai; mais il n'a pas fait ce qu'eût fait l'assemblée, il n'a rien usurpe sur le pays, et c'est fondamental. L'as semblée nous eût enfoncés encore plus,avant dans le provisoire; le président nous eu tire, en donnant la France l'occasion et les moyens de fonder un gouverne ment sérieux. La situation de la France gagne aussi déjà du côté de l'étranger. Lord Normanby, ambassadeur de la reine Victoria Paris, s'est rendu aujourd'hui au ministère des affaires étrangères, où il a présenté de la part de son gou vernement M. Turgot, les assurances les plus amicales pour le prince Louis-N'apoléon. L'ambassadeur d'Angle terre a déclaré que tous les événements qui venaient d'avoir lieu n'altéraient en rien les bons rapports existant entre les gouvernements de la France et de la Grande- Bretagne. Le ministre des affaires étrangères a reçu des dépêches d'un grand nombre d'agens diplomatiques du gouverne ment; toutes attestent que les événements du 2 décembre ontétéenvisagésau dehors de la manière la plus favorable. Les correspondances que nous recevons de toutes les grandes villes, a proximité des frontières de France, cor roborent ces nouvelle». M. le préfet de police vient d'adresser la circulaire sui vantes MM. les commissaires de police de la ville de Paris: Paris, le 5 décembre 1851. M. le commissaire de police, L'émeute est comprimée. Nos ennemis sont désormais impuissants relever les barricades. Néanmoins, l'excita tion la révolte continue. D'ardents démagogues parcou rent les groupes pour y provoquer l'agitation et y répandre de fausses nouvelles. Les ex-représentants montagnards mettent profit les dernières restes de leur ancien pres tige, pour entraîner le peuple leur suite. Des hôtels garnis, des cafés, des maisons suspectes deviennent le reeeptacle de conspirateurs et d'insurgés. On a caché des ormes, des munitions de guerre, des écrits incendiaires. Toutes ces causes d'agitation, il faut les supprimer en pratiquant sur une vaste échelle un système de perqui sitions et d'arrestations. C'est le moyen de rendre la cité la paix et la tranquillité qu'une poignée de factieux cherchent lui enlever. Vous avez tous, sous mes yeux, fait votre devoir avec tant de dévouement et de courage, que je ne doute pas que pour remplir celte nou velle et importante mission, vous ne trouviez en vous toute la vigilance et l'énergie que les circonstances com mandent. Le préfet de police, De Matins. On lit dans une correspondance de Paris J'ai pu causer seulement aujourd'hui avec quelques représentants mis en liberté la journée du 2 décembre étant une des époques dont l'histoire consignera le sou venir, j'ai pensé que quelques détails rétrospectifs pour raient avoir encore de l'intérêt. Les représentants qui se sont réunis chez M. Daru ont résolu de faire un acte énergique et de là ils ont été sommer la troupe de les laisser passer. M. Daru a été très-digne et M. de Kardrel aussi l'officier a ordonné sur eux une charge la baïonnette où MM. de Talhouct, Etienne et Chagaray ont été atteints légèrement toute fois, comme les représentants s'étaient élancés de côté et d'autre du trottoir, et que les chasseurs de Vincenncs lancés les ont laissés en arrière les premiers ont pu courir jusqu'à la petite porte de la rue de Bourgogne l.i une véritable lutte s'est engagée pour ouvrir cette porte que les soldats tenaient fermée. M. de Kerdrel, en se retournant, a évité peine un coup de baïonnette en pleine puitrine, et l'amiral Lamé qui avait passé sou bras dans la porte l'a meurtri. Sur la place de Bourgogne M. Kerdrel a apostrophé un jeune officier et lui a dit capitaine, regardez-moi bien nous nous retrouverons un jour et nous verrons alors qui de nous deux a forfait l'honneur L'officier était fort éinu. Revenus chez M. Daru et de là la mairie du 10*, ils ont rendu un premier décret de déchéance, que vous avez reproduit, plus un second décret que voici L'assemblée nationale ordonne tous les directeurs de prison, de maison de détention, tous les comman dants de forts, de mettre en liberté sou» peine de forfai ture tous les représentants arrêtés et détenu» en viola- lion de la Constitution. Pour le président consigné, Les vice-présidents, benoît d'azy, vice-président, virsT, vice-président, chapau et griuaut, secrétaires. Ces décrets étaient signés des noms suivants MM. Allert de Luynes, d'Andignc de la Chasse, Antony Thouret, Andren de Kerdrel (Ile-et-Vilaine), Andren.de Kerdrel (Morbihan), de Balzac, Bnrchou de Pcnhoën, Parillon, Odilon-BarrotBarthélémy Saint-Hilairc Beauchart, Gustave de Bcaumont, Béchart, Bchngel, Benoist d'Azy, Bernardi, Beriyer,de Berset, Besse, Bixio, Blavover, de Bois, Béchard, Boehcr, Boissié, de Boit- Miliau, Bouvallicr, de Broglie, de la Broise, de Bryas, Buffet, Gailtct, du Tertre, Callel, Camus de la Guilbour- gèrCj'Canet, de Castillon, le vice-amiral Cécile, Chani- bolle, Chamiot, Champanhct, Châtier, Chapot de Charen- cey, Chassaigne, Chauvin, Chasand, Léon de Chazelles, Cliégarv, de Coislin, Colfavru, Collas de la Mothe, Coquerel, de Corselles, Cordicr, Corne,. Creton, Daguil- hon-Pujol. MM. Dahirel, Dambray, de Dampierre, Dcbrotonne, Defontaine, Defontenay, de Zése, Desmars, de la Devan- saye, Didier, Dieulcvcult, Druet-Desvaux, Amablc Dubois, Dufaure, Dufougcrais, Dufour, Dufournel, Marc Dufraisse, Pascal DupratDuvergier de Hauraune Etienne, de Falloux, de Faultrier, Faure, Favrcau, Ferré dePcrris, Foblant, Fréchon, Gain, Goxselin,Gcrmonière, de Gicqucau, de Gaulard, tic Gouyon, de Goyet-Cubi- gnou, de Grandville, de Grasset, Grelier du Cougeroux, Grévy, Grillon, Grimaiilt, Gros, Guillcr de lu Tousclic. MM. Rarscouet de Saint-Georged'Havrincourt, Hcnncquart, Hcnnequin, d'Hespcl, Honel Hovyn, de rranchère, Huot, Joret, Jouannct, de Keranflech, de Kératry, de Kéridec, de Kermcrée, de Kersuuson- PenneudreffjLéo de Laborde, Lacavc, Oscar Lafayelte, de Lafossc, Lagarde, de Lagrenéc, l'amiral Lamé, Lan- juinais, Larabit, de Larcy, Jules de Lasteyrie, Lalrade, Laurcau, de Lauriston, de Loussat, Lefebvrc-Durosicz, Legrand, Legros-Devot, Lemairc, Emile Leroux, Lespé- cut, de Lespinay, Lcvet, Lherbette, de Limairac, de Luppé. MM. Maréchal, Martin de Villcrs, Mazé-Launay (Finistère), Mège, Armand de Mclun (Ile-et-Vilaine), Anatole de'Melun (Nord), Mérenly, Michaut, Misponlet, Monet, Napoléon de Montebello, de Montigny, Moulin, Murat-Sislrières, Alfred Nettement, d'Olivier," le général Oudinot de Reggio, Paillet, du Pare, PasSy, Émiie Péan, Pécoul, Casimir Péricr, Pidoux, Pigeon, Piscatory, Pou- joulat, Ptna, Prudbomme, Quehuent, Randoing, Randof, Paulin. MM. de Ravenet, de Réinusat, Renaud, Résal, de Res- segnier, Henri de Riancey, Rigal, delà Rochelle, Rodot, dcRoquefeuille, Desrotours, deChaulieu, Rouget-Lafosse, Rouillé, Roux-Ciit'bonncl. MM. Sainte-Beuve, de Saint-Germain, le général de Saint-Priesl, Barthélémy, de Séré, de Sesmaisons, Simo- not, de Staplande, deSurville, Talhonel, Talon, Tamisier, Thuriot, de la Roziére, de Tinguy, Alexis dcTocqueville, de la Tourelle, de Trévcneuc, Vatimesnil, Vaudoré, Viiiijua», Va vin, Vaudœuvre, Amédé Vcrnhette, Maurice VcrnheUe, Vesin, Vites, de Vogué. Les représentants dont les noms suivent ont été arrêtés le 2 décembre, dans d'autres quartiers de Paris et ont rejoint leurs collègues 5 heures du soir, la caserne du quai d'Orsay, MM. le général de Radoult-Lafosse, Arnay, Toupet des Vignes, Eugène Sue, Benouist Paulin, Lurrieu, Trcilbard, Fayollc, Chanay. M. Dufaure ayant obtenu, le 2 décembre au soir, l'au torisation de se rendre auprès de sa femme en couches, est revenu le lendemain matin se constituer prisonnier au Mont-Valérien. 11 y a apporté un exemplaire des Débats où était la lettre de M. Molé laquelle a été fort approuvée. Nous donnons la liste des principaux personnages qui sont allés jeudi, dans la journée, au palais do l'Elysée, présenter leurs hommages au prince Louis-Napoléon GÉNÉRAUX. Exelmans, maréchal de France; Magnan, général en chef de l'armée de Paris; Servatius, Corbin, Picquot, Bourjolly, Saint-Arnaud, Morin, l.amare, Valliti, Ar- mandy, Bougertel, Flahault, Rébillot, de Cotte, de Résigny, Ordeher, Saint-Simon, de Lacoste, Randon Piat, Rollin, Doullé. Moris, de Lawœstinc, Saint-Mars, Schramm, Lapeyre, Parchappe, Renault, Lafonlainc, de Preval, amiral Despointes, Bertrand, capitaine; des Ondes, capitaine; Daru, capitaine; le colonel du 8* lanciers; Gia- comoni, capitaine; Pradié, commandant; Desmarest, lieutenant-colonel; de Vauban, idem; Fiéron, colonel; de Guerbois, capitaine; Tnrdy de Monlravcl, capitaine de frégate; Berthier, lieutenant; Monlauban, colonel; Troler, capitaine. représentants. Lemullier, le général de Groncliy, de Ileeckeren, le général Vast-Vimeux, Bataille, Abbattuccj père, Abat- tucci fils, le général Ornano, le colonel Laborde, Magne, Ducos, Gavini, Fould, le général d'Hautpoul, Fortoul, de Morny, Mimerel, Vaïsse, Lacrosse, Darise, Leverrier, de Ladoucette, le général Baraguay-d'Hilliers, de Salis, Alengry, le général Lebrcton, Clary, Ant. Bonaparte, de Mouchy, de Ségur d'Aguesseau, de Casablanca, Lebœuf, de la Moskowa, le général de Padoue, de Rancé, l.cfévre- Duruflé, Rouher, F. Barrot, d'ilérambault, Lestiboudois, de Canibacét'ès, Briffault, de Coisim, Bayoux, de Beau- mont, le prince Murât, Bérard, Bincau, de Caulincourt Delajus, le général S'-Jean-d'Angeîy, Émile de Girardin, le général Berger. Je ne vous dis pas le coutraire... toutefois, consolez- vous, la trahison de M. Corneillan, si trahison il y a, ne change rien la situation celui auquel vous avez rendu des droits ne veut pas en faire usage, et s'il l'avait voulu, et que les preuves lui eussent manqué, j'aurais cherché lui en fournir Voilà où en sont les choses en ce moment. La honte d'avoir été trompé, le chagrin de penser qu'il payait si cher une mystification, peut-être aussi un légi time sentiment de regret en songeant au désappointement de sa fille, rendirent Malard muet. M. de Brantigny eut pitié de son embarras naturelle ment bon, il ressentait en outre, en cet instant, cette dis position bienveillante que le contentement d'un succès inspire aux natures élevées; il se hâta donc de venir en aide au pauvre Malard. J'espère, voisin, dit-il du ton le pllis affectueux, que tout ceci n'altérera pas nos bons rapports. Nous avons eu tort tous les deux dans cette affaire moi, en considé rant comme une menace une preuve dont j'aurais dû vous remercier comme d'un service; vous en mettant ce ser vice un prix que je ne veux pas qualifier. Et saluant de la main avec une grâce charmante et une politesse exquise, !c marquis se dirigea vers les ruines, laissant le pauvre Malard toujours demi pétrifié sur son quartier de roc. (La suite au prochain y*.) De qui voulez-vous parler, monsieur Malard de manda le vieux gentilhomme avec une gravité hautaine. Vous savez bien, balbutia son interlocuteur; j'ai déjà eu l'honneur de vous voir pour le même objet, chez vous, il y a quelque temps. Ali oui, je me rappelle maintenant le mariage de mon fils avec mademoiselle votre fille. Je vous avais prié de me laisser un peu rélléchir... Eli bien j'ai réfléchi... Et... interoinpit Malard. Et je refuse l'honneur que vous vouliez bien me faire, répondit le marquis avee une froide politesse je n'ai aucune espèce d'ambition pour mon fils. Mais moi j'en ai une très-grande pour ma fille, ri posta Malard, et je suis décidé... A quoi interrompit son tour M. de Brantigny. Vous ne pouvez vaincre une volonté très-arrêtéc, bien que je regrette d'être dans l'obligation de vous 1a mani fester avee aussi peu de ménagements. Vous n'avez pas oublié, je pense, monsieur le mar quis, certain papier qui se trouve entre mes mains. Vous voulez dire dans celles de M. Corncillan; en effet j'ai souvenance de celte affaire. Que ce papier soit dans les mains de Corneillan ou dans les miennes, cela importe peu, repartit Malard stu péfait de ce sang-froid; sa valeur est la même. Je suis tout-à-fait de cet avis mais pourriea-vous m'expliquer pourquoi ce M. Corneillan prend un si vif intérêt un événement qui ne le touche ut directement, ni indirectement? Il a pour moi beaucoup d'amitié'murmura Malard d'une voix aussi étouffée que celle d'un homme dont on serrerait la gorge. Et vous tics bien sûr de sa fidélité, de son désinté ressement Autant qu'on peut l'être de ces sortes de choses. Ce qui veut dire pas du tout. Ah monsieur le marquis, quelle pauvre idc'o vous avez de l'espèce humaine s'écria Malard qui battait tout- à-fail la campagne. Que voulez-vous, monsieur Malard j'ai celle qu'on m'a donnée; mais si vous voulez me prouver que je dois en avoir une autre, je suis tout prêt en changer; voyons, je vous écoute. 11 me semble que nous sortons de la question. Ce papier, monsieur de Brantigny que faut-il que nous en fassions?je suis pour ma part, résolu le remettre celui qu'il intéresse, si. Vous n'aurez pas cette peine, monsieur Malard; car la chose est déjà faite, repondit le marquis en se dres sant de toute sa hauteur. Quoi ce misérable Cornciilan m'aurait trahi ce point, s'écria Malard. Mais c'est infâme

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Le Progrès (1841-1914) | 1851 | | pagina 2