JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Vires acqumteunda.
Dimanche, 15 Janvier 1854.
I* 1,116. M* Année.
Vpuks, 14 Janvier.
UNE HISTOIRE DE CE TEMPS-CI.
ABONNEMENTS: Ypres (franco), par trimestre, o francs 30 c.—Provinces, 4 francs. I Le Progrès parait le Jeudi elle Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes. être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne feçoit que les lettres affranchies.
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Mardi prochain doit avoir lieu la reprise de
la session législative. La Chambre sera saisie de
plusieurs projets de loi importantsdit-on et
èn premier lieu, de la modification la législa
tion sur les distilleries.
Le parti clérical se remue beaucoup et veut
faire croire une crise ministérielle. La Patrie
de Bruges, a publié des soi-disant correspon
dances de Bruxelles, qui annonçaient la disso
lution du ministère et l'avènement probable du
parti clérical aux affaires. Nous savons depuis
longtemps que la droite la Chambre prépare
un plan de campagne, pour faire tomber le mi
nistère, afin de pouvoir le remplacer par des
hommes plus souples, pour que les élections du
mois de Juin se fassent sous son influence et
et que le parti clérical puisse joindre, ses
moyens d'acl ion, une pression gouvernementale.
Nous apprenons avec une vive satisfaction
que l'arrêté ministériel qui autorise l'exploita
tion de la voie ferrée d Ypres Comines est
signé et transmis la direction de la compagnie.
Il y a donc lieu d'espérer que bientôt des com-
Imunications régulières seront établies entre la
.ville d'Y,». es et le grand railway national, de
même qu'avec le chemin de fer de Courlrai
Bruges.
Il était temps, car depuis le 1' Janvier toutes
les relations ont été interrompues ou relardées,
premièrement par suite de la grande quantité
de neige qui empêchait les convois de pouvoir
opérer la traversée dans le délai normal; ensuite
par suite de l'interruption dans la circulation
des locomotives jusqu'à Ypres, voyages qu'en
définitive, elles ne pouvaient continuer de faire
sans frais et pour lesquels une rétribution mi
nime était donnée; enfin par la cessation du ser
vice de toutes les voilures publiques.
Mais c'est en ce moment que l'ouverture du
chemin de fer aura surtout une grande oppor-
I.
En 1838, lorsque le roman-feuilleton bégayait encore;
que le Mouchoir bleu «le Bcquel et Y Enfant maudit de
M. de Balzac se relisaient avec plaisir, que h s romans
en trente-six parties n'étaient point la condition vitale
du succès d'un journal, et qu'enfin le roman-livre, bien
écrit et bien pensé, comme Valentine ou Indiunaétait
recherche; cette époque, disons-nous, quelques jeunes
gens, réunis dans la modeste chambre de l'un d'eux,
située place du Panthéon, hôtel Polluer, discutaient pré
cisément ces questions littéraires, qui étaient alors dans
toute leur ardeur; car il ne faut pas supposer que tous les
étudiants font nécessairement leurs cours de droit, de
médecine ou de littérature la Grande-Chaumière ou
Yestaminet; qu'ils passent nécessairement les beaux jours
de la vie entre les beefleacks des restaurateurs latins et
l'amour des grisettes.
Il en est qui savent encore s'éprendre pour les ques
tions scientifiques, littéraires ou politiques, qui s'agitent
parmi leurs comtcinporainset dont le cœur bat durant
la lutte des grandes choses comme au récit des nobles et
belles actions.
Donc la conversation roulait, ce soir-là, entre Ernest,
Gustave cl Frédéric, sur les dernières nouvelles publiées
dans le Recueil la mode. La nouvelle était alors encore
en faveur.
On va souvent chercher bien loin, dit Ernest, les
sujets de ces contes agréables qui apportent, il faut bien
le reconnaître, quelque diversion aux peines et aux labeurs
de chaque jour moi qui vous parle, si j'étais feuilleto
niste, si je n'étudiais pas la médecine, je pourrais, sans
lunité pour le transport de* marchandises, car
actuellement la navigation se trouve encore
interrompue et par suite de la fermeture des
barrières, le transport par chariot est défendu.
Nous devons faire observer que les feuilles
cléricales ne peuvent se résignera ne pas souffler
le froid et le chaud et ne pas alliser la discorde
avec persévérance et courage. Quand les jour
naux libéraux ne font aucune polémique, on
les injurie, parce qu'ils se taisent défendent-ils
le système libéral, si violemment calomnié par
les pieux carrés de papier, on se plaint d'être
attaqué et on prête charitablement ses adver
saires des intentions absurdes, pour les rendre
suspects ou odieux aux sectaires de la théo
cratie. En tous cas, les organes de la réaction
ne peuventse résoudre quitter le tou hargneux,
et le besoin de mordre belles deuts, est de
venu une manie.
On nous écrit de Poperinghe, la date du
12 Janvier
Les travaux importants qui s'opèrent sur la
ligne du chemin de fer de Cotirlrai notre ville,
ont été marqués de loin en loin par quelques
accidents, mais l'événement le plus malheureux
s'est passé dans notre station.
Depuis plus de deux mois, on y travaille sans
relâche au creusement d'un puits d'une dimen
sion considérable. Arrivé une profondeur
d environ soixante pieds, sans trouver de l'eau,
il fut juge convenable de continuer le travail,
mais en diminuant la circonférence de la ma
çonnerie du poils.
Déjà vingt cinq pieds séparaient la gorge la
plus large du tube rétréci lorsque pendant la
nuit du 10 au II Janvier un bruit effroyable
jette l'épouvante parmi les ouvriers. La maçon
nerie exécutée au fond du puits venait de
s'écrouler et quatre malheureux pères de famille
se trouvaient au fond de cet abîme. Un panier
suspendu une corde se «roulant sur un lour-
trop de peine, commettre mon petit roman je n'aurais
qu'à me souvenir.
Comment lu sais quelque chose, tu as une histoire
ta disposition, et tu la gardes en portefeuille, dit
Gustave; c'est un crime de lèse-feuilleton.
Mon ami, répondit Ernest d'un ton sérieux, les
drames les plus terribles sont bien souvent ceux qui se
passent sous nos yeux: et si l'on voulait scruter l'histoire
de chaque famille, on aurait peine besoin de recourir
l'imagination la réalité suffirait émouvoir le moraliste
et le philosophe, cl remplir les heures de l'homme
qui la fortune laisse trop de loisir. Il y a deux ou trois
ans, je n'aurais jamais osé vous faire le récit que vous
allez entendre; mais puisque tu es littérateur, Gustave,
et que Frédéric est le penseur de la société, je vous ra
conterai avec un douloureux souvenir l'histoire terrible
dont j'ai été le témoin involontaire; mais aujourd'hui que
les choses sont consommées, qu'il ne reste plus de ce
drame domestique que l'homme qui l'a vue en partie se
dérouler sous ses yeux, je commencerai,
Attentifs, cl se serrant autour de leur ami, comme
eussent fait des enfants ou des femmes timides, Frédéric
et Gustave laissèrent parler Ernest après avoir (luxe d'étu
diant jeté deux bûches énormes dans Faire inspirateur.
H.
Avant de partir pour Paris pour m'enrôler parmi les
disciples d'Esculape (l'éditeur de cette nouvelle prie de ne
pas oublier que l'on est en plein quartier latin), j'allai
voir, dit Ernest, un des bons amis de notre famille, M.
Fregevillc, ancien capitaine de cavalerie, qui, comme
beaucoup de vieux militaires, retiré au sein de sa famille,
employait, relire les exploits dont il avait eu sa belle
part, le loisir et le calme qu'il avait conquis par une vie
niquel est saisi par ces infortunés; deux s'y
placent, un troisième s'y cramponne, mais un
quatrième se trouve enveloppé par les décom
bres Leurs cris de détresse, leurs pleurs, leurs
supplications frappent de terreur les ouvriers
qui se trouvaient occupésauxalbords du gouffre,
la peur les fait fuir tous, (exception du ma
nœuvre-maçon Cowet, qui. seul au tourniquet,
parvient par son énergie et avec une force dé
cuplée par le danger, remonter trois de ses
camarades hors du tube le moins large. Encore
un effort et trois maçons sont sauvés. Quelques
ouvriers, revenus de leur stupeur, secondent
Cowet, et un moment après, on voit apparaître
au jour les deux frères Berat ensanglantés et
évanouis dans le panier, le troisième cramponné
au panier mais qui, bout de ses forces, eut dû
bientôt lâcher pris? pour aller rouler auprès de
son malheureux compagnon qui est resté enseve
li sous les décombres. Jusqu'ici malgré le travail
activement exécuté on n'a pu encore parvenir
jusqu'à l'endroit où on le suppose étouffé sous
le poids des briques et de la terre effondrées.
Il est espérer que la belle conduite de Cowet
sera signalée au gouvernement et que son noble
dévouement sera récompensé.
La collecte, faite par les soins du comité
d'assistance, sera assez productive, d'après le*
renseignements qui nous sont fournis. Jusqu'ici
rien ne semble encore arrêté quant au mode de
secours qui doit être organisé; seulement la
confection Je soupes dont nous avons parlé
parait goûtée et a des chances d'être mise en
pratique.
On nous écrit de NVervicq, 12 Janvier
Mardi dernier a eu lieu en celte ville, la dis
tribué où' dès prix aui lauréats du concours
entre quelques écoles primaires des 8e et 9e res
sorts, composés des communes de Wervicq,
Commines, Beveren près de Boulers, Kemmel,
Messines, Neuve-Église, Passchendaele, NVar-
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plus «iclire; je n'oublierai jaraafs ce doux et paisible inté-
rieur de famille dans la vie agitée çt préoccupée que
nous menons, dans ce monde parisien, j'ai encore ce-
gracieux tableau devant les yeux.
C'était par une de ces longues soirées d'hiver qui com
mencent en octobre, la neige topibait la béle des forêts
cherchait en hurlant un abri, et le pauvre criait vers le
ciel. Toutefois, l'été régnait autour du foyer du capitaine
Fregevillc; la table ronde qui faisait face la flamme
pétillante étaient assis, en grande partie d'échecs, le ca
pitaine cl un jeune officier du nom de d'Argonlières, qui
était venu loger dans la petite famille; cl de l'autre côtç,
la blonde madame Fregevillc, de beaucoup plus jeune que
son mari, souriait, pendant qu'elle travaillait une bro
derie, deux jeupes enfants, un garçon de neuf ou dix
ans et une petite fille aux cheveux bouclés qui contait
sou frère dus histoires qu'elle avait imaginées ou lues,
car c'était déjà une grande demoiselle clic avait douze
ans Et il fallait voir avec quel sérieux la petite Einina
faisait son feuilleton, et l'air attentif de Gharlcs au mo
ment où le récit devenait terrible
Ne riez pas, Gustave, dit ici en ^'interrompant le
narrateur Ernest; un tel tableau n'a peut-être rien qui
puisse toucher nos esprits avancés, progressifs, comme
on dit; c'est du Berqum; avec ce mol on vous ferme la
bouche. Mais si l'on entend dire par là que l'on est blasé
sur les tableaux qui peignent la nature, une telle critique
retourne contre ses auteurs. La nature est éternellement
belle, plus on s'en écarte, plus on s'éloigne du beau:
eeci est vrai des arts comme îles lettres. Je pouvais donc
mon aise m'attacher ce tableau d'intérieur; cela était
touchant, parce que c'était simple et vrai. Oui, je vois
eucorc dans le souvenir ce front calme, sérieux, mais