débarqué, il était tombé une grande quantité de
neige. Dana notre ingrat climat du Nord, nous avons
un printemps qui ressemble beaucoup trop l'été.
Sou* le ciel piifilégiéde Coustaiitinople, le prin-
tcmp* est un rude hiver.
Le gouvernement français fait démentir officielle
ment la nouvelle de la mort du colonel Dieu.
De» journaux français, entre autres la Presse, le
Constitutionnel et le Journal de l'Empire, prétendent
que l'empereur de Ruasie cherche fomenter des
révolutions en Espagne et en Portugal, afin d'attirer
de ce côté l'attention de la France. Ils attribuent
aux menées de ses agents l'émeute de Barcelone, et
ils annoncent que des officiers russes sont arrivés en
Portugal pour y nouer des intrigues miguélistes.
Ou voit que les grief* contre l'empereur de Rus
sie s'accumulent. Les feuilles bonapartistes, pour
peu qu'on les laisse faire, finiront par l'accuser d'être
cause de la sécheresse.
La Gazette de Londre* publiedeux proclamations
de la reine d'Angleterre, qui fixent au zt» avril, pour
PAngleterre, l'Irlande et l'Ecosse, les prières et les
supplications par lesquelles les héuédictionsde Dieu
doivent être appelées sur les armes anglaises.
L'état-major de la cavalerie anglaise partira au
jourd'hui jeudi pour l'Orient, par la voie de Paris
et Marseille.
Le gouvernement hollandais, qui avertissait l'au
tre jour les armateurs du danger auquel ils s'expo-
•eraieulen se livrant* la contrebande des munitions
de guerre, se préoccupe aujourd'hui des corsaires et
des armements en course. D'après un avis publié
par le Staatr»Couranl du iS, les co saires ne seront
admis dans les ports de la Hollande, soit seuls, soit
avec leurs captures, que dans les cas de dangers im
minents de mer. Un autre avis des ministres de la
justice et des affaires étrangères invite les sujets
néerlandais ne pas armer en course, parce qu'ils
pourraient être considérés et traités comme pirates
parles puissances belligérantes et qu'ils s'expose
raient des poursuites devant les tribunaux néer
landais, tant pour attentat la sûreté de l'Etal que
pour piraterie main armée.
Les dernières nouvelles d'Espagne nous appren
nent que les difficultés survenues entre le gouver
nement et la Banque de Saint-Ferdinand, sont apla
nies. Le i3, la plupart des membres du conseil d'ad
ministration de la Banque se sont réunis et ont
nommé une commission spéciale qui s'est rendue
auprès du président du conseil des ministres, pour
lui donner l'assurance que la Banque n'était pas
hostile au gouvernement. La Gazette de Madrid a
publié un avis officiel destiné ramener la Banque
la confiance du public.
Un décret du i i, inséré dans la Gazelle du 13, fait
tous les auus-utficiers et soldats de l'ex-régimen t
de Cordoue, qui ont pris part au soulèvement de
Saragosse, remise de la peine laquelle ils avaient
été condamnés par le conseil deguerre; ils continue
ront leur service comme soldats, pendant 8 ans,
dans les possessions d'outre-mer. Ceux qui sont ré
fugiés en France et qui voudront jouir du bénéfice
de ce décret, devront se rendre Port-Vcndres pour
de Ssinl-Eslève. Elle exigeapour lui enlever toute
occasion de repentir, qu'il écrivît sa femme une lettre
d'adieu, et le força de la signer. Après quoi, elle sortit
eominc pour envoyer cette lettre, en promettant de
Longueil de revenir le prendre pour partir.
La première demi-heure qui s'écoula depuis cette
sortie, qu'il croyait devoir être si courte, parut un siècle
ec malheureux, qui avait un remords de plus sur la
poitrine.
Une heure entière une heure inon Dieu et
personne Eulin, impatienté, il sort aussi, et le
premier individu qu'il rencontre, c'est un domestique de
madame de Sainl-Estèvc qui lui remet ce billet
Il est inutile que vous m'attendiez plus longtemps,
s monsieur; je suis partie seule pour passer l'été dans
une ville que vous ne connaîtrez pas, et qu'il est inutile
que vous cherchiez découvrir. Je n'aurais rien fait de
tout cela si je n'avais voulu donner une leçon votre
épouse, dont j'ai eu souffrir un affront mortelet
qui j'ai voulu prouver qu'à moi seule tenait de pour-
suivre sur elle et sur vous une vengeance que mainte-
nant je dédaigne. Retournez près de votre femme; en
prolongeant votre absence, vous pourriez occasionner
quelque disgrâce. Eslimcz-vous heureux que cette
affaire en reste là, et oubliez-moi comme je vous ai
déjà oublié.
Celui qui, après quelques heures d'absence, retrouve
sa maison réduite en cendres par la foudre et tombée en
ruines sur les cadavres de sa famille, ne peut être en proie
un plus violent désespoir que ne le fut M. de Longueil.
Deux mouvements subits, l'un de vengeance, l'autre de
remords, se disputaient son âme le premier l'entraînait
la poursuite de madame de Saint-Estève, le second le
pouisail vers «na épouse désolée. Enfin, le dernier niou-
s'embaïquer sur un bateau de guerre qui y sera en
voyé cet effet.
Les journaux français ne nous apportent aucune
nouvelle politique, part les détails donnés par le
Moniteur sur l'installation des première* troupes du
corps auxiliaire débarqué Gall ipoli.
Une dépêche télégraphique an nonce que Kustendji
aurait été abandonné par les troupes turques qui y
auraient mis le feu. On aurait dit tort, par consé
quent, que ce point, situé l'extrémité du val de
Trajan, était protégé par les flottes. Celles-ci »e tien
nent toujours Kavarna et ne se sont pas avancées
plus loin vers le Danube.
Dans sa lettre du 17 de ce mois, le correspon
dant de Paris parlait d'une mise en demeure de la
Prusse, par la France et l'Angleterre. Une lettre de
Berlin du 18,adressée VIndépendance, porte ce qui
suit
a Vous saurez qu'il est question d'une invitation
que (es puissances occidentales auraient adressée au
gouvernement prtnsien.de s'expliquer définitive
ment sur la politique que ce dernier voudrait suivre
dans la crise actuelle. Un journal du soir croit pou
voir assurer que des dépêches dans ce 6ens seraient
dès présent arrivées Berlin. Je ne saurais me
porter garant du fait.
Il ne s'agit plus du rappel de M. de Buusen. Le
Nouvelliste de Herlin dit que les menées contre ce
diplomate ont échoué au dernier moment, et qu'il
restera Londres.
Nous disions que certains journaux français accu
mulaient les griets contre l'empereur de Russie. Lef
journaux russes prennent très-largement leur re
vanche. Ils traitent l'Angleterre et la France avec
une hauteur et un mépris que rien n'égale. \.n Jour
nal de la Courpar exemple, publie un dithyrambe
ci'uu M. Nicolas Ogarew, où il est dit
Ce n'est pas pour la paix et le repos de l'Europe
que votre malignité répand sa bave sur nous, c'est
l'immaculée virginité de la Huitie gui cou* est
insupportablec'est sa puissance qui provoque vos
blasphèmes Vous sembler, avoir oublié nos soldats,
nos excellentes baïonnettes.
Dieu vous a frappés d'aveuglement Sans per
dre temps ni paroles, nous effacerons de la terre la
trace de nos téméraires ennemis. Qui tire la bonne
épée ne connaît pas d'obstacles. Les glapissements
mensongers des journaux seront étouffés par le
tonnerre de nos victoires.
Un autre journaliste orthodoxe exprime ainsi
Que l'Europe ne se fasse pas illusion sur le colos
se aux pieds d'argile. Elle s'expoae d'amers repen
tirs si elle s'obstine ne pas concéder k la Russie des
prétentions justifiées par la nature, la situation, les
circonstances et le développement de notre puissan
ce depuis vingt -cinq ans...
Un jour terrible dissipera les illusions de l'Eu
rope, quand la poignée d'auxiliaires anglo-français
disparaîtra sous nos baïonnettes st dans les flammes
de l'insurrection slaoe. Le châtiment ne sera pas
alors limité la Turquie. Il faut que les causes du
mal soient arrachées, et que toute révolte contre
Dieu et son gouvernement soit anéantie.
vement prévalut il se précipita vers sa demeure, il
courut avec la promptitude de l'éclair vers la chambre de
sa femme; mais, terreur elle était vide. Deux lettres
décachetées étaient sur la table l'une des deux était de
Louise; il fut obligé de la relire par trois fois avant de
croire que c'était elle qui avait pu l'écrire.
Alors le crime qu'il avait commis lui apparut dans
tout son jour.
L'autre lettre venait d'Amérique; clic était de ce
frère aîné de Louise de Longueil auprès de qui elle avait
envoyé jadis Paul de Foresta, son second frère. O11 y
donnait la nouvelle de la mort de co jeune homme,
arrivée la suite d'un chagrin longtemps concentré.
M. de Longueil visita toute lu maison, il ne trouva
que son fils qui pleurait et appelait sa mère.
k Alors une idée effrayante illumina son cerveau il
se rappela qu'il y avait un puits dans ses jardins. Il ne se
trompait pas en effet, on en retira bientôt le cadavre
d'une femme, le cadavre de Louise.
Longueil ne la reconnut point; cette heure, il avait
latétc égarée; sa raison s'était enfuie, enfuie pour jamais.
Celte aventure fit grand bruit; et quelque haute que
put être l'influence de la beauté de madame de Saint-
Eslève sur l'opinion publique, le résidtat ne tourna pas
en son honneur. Elle jugea convenable de ne pas revenir
dans Aix, eteile abandonna l'administration de sa fortune
un banquier, nommé Grélry, qui habitait Marseille.
Plusieurs personnes, avec lesquelles elle était de
meurée en correspondance, l'avertirent que ce banquier
s'exposait perdre au jeu des sommes considérables;
mais ihadame de Saint-Estève, confiante dans la probité
et principalement dans la grande richesse de Grélry, ne
tint pas compte de ces avertissements.
Quelque temps après, arriva dans une terre avoisi-
Enfiti, M. Gretsch, cet écrivain qui fut chargé
dans le temps de réfuter le livre de \l. do Custinea
sur la Russie, dit daas un article consacré la ques
tion financière, que les capitaux de la Russie ne sont
pasdansdta coflres-forts, maisdaua les coeurs des rus
ses. Il traite en même temps les Anglais et les Fran
çais de banqueroutiers et de coquins.
Une chose, nous ne dirons pas plus sérieuse, car
elle ne l'est guère, uiais qui prouve qu'on a recours
tous les arguments pour appuyer les tendances
ambitieuses de la Russie, c'est un article de l'Abeille
du Nordétablissant les droits du Tzar au trône do
Coustaniinople:
Les droits de notre Empereur, dit ce journal
dans son numéro du 7 avril, remontent plusieurs
siècles. A la chute de Byzarice sous le joug des Ma-
hométaus, quand la dynastie régnante de l'empire
d'Orient a été éteinte, toutes les autorités grecques
ont continué la charité solennelle du patriarche dé
Constatilinuple, Josapltal, qui appelait au trône Jean
IV, grand-duc de Russie, et l'ont reconnu pour leur
souverain légitime et héréditaire. L'original de
ladite charte, jédigé et écrit en langue grecque, et
signé par le patriarche Josaphat, 34 métropolitains,
évoques et x archevêques, est précieusement gardé
Moscou dans les archives du ministère des affaires
étrangères, et cet acte solennel a eu lieu en i5G|. s
L'empereur Nicolas a oublié d'invoquer ce titre,
dans ses conversations intimes avec sir Hamilton
Seymour. Du reste, l'Abeille du Notd ajoute qu'il
n'en a pas besoin et que la qualité de gardien da
l'orthodoxie suffirait pour l'investir de tous les
droits dont il a besoin pour poursuivre en toute
sécurité de conscience sa mission sainte et sacrée.
Celte mission d'ailleurs a on double but aller h
Coustantiuople et rétablir l'ordre et la tranquillité
en Europe. Il a levé la lance de Saitit-George-le-
Victorieux, dit l'Abeille du Nord, et c'est pour
terrasser le monstre qui se nourrit des forces vitales
de l'organisme européen.
Voilà où en sont les journaux russes. Ils pour
raient, nous ne l'aurions pas cru possible, reudre
des points MM. de La Guéronnière et Granier da
Cassagnac.
D'après un journal anglais, l'Express, les navires
russes capturés dans la Baltique n'auraient pas été
chargés de sel, mais de soufru et d'autres articles de
contrebande de guerre.
Le Times dit que le* Grecs de Manchester ont
souscrit une somme de 10,000 liv. st. au profit do
l'insurrection grecque contre la Turquie. Ceux de
Londres et de Lirerpooi ont aussi assure-t-on
donné des londs.
L'histoire de corsaires américains auxquels la
Russie délivrerait des lettres de marque se renou
velle. Cette fois, c'est une lettre de Hambourg qui
annonce que vingt bâtiments vont être équipés aux
Etats-Unis pour croiser dans les mers des Antilles,
sous pavillon russe, contre les Anglais et les Fran
çais. Nous nous bornons a mentionner le fait sans y
croire.
Aux Etats-Unis, quelques personnes songent sé
rieusement l'annexion du Canada. Dans la Cliam-
nant la maison de campagne où elle vivait retirée un
Provençal d'origine, qui un jour se fit annoncer chez elle
sous le nom de comte de Macnétnnra. C'était un homme
au teint olivâtre, la physionomie étrangère, mais qui
avait des manières élégantes et françaises. 11 portait dan9
ses traits quelque chose qui ne semblait pas totalement
inconnu nudninc de Saint-Estève, et cependant ils
étaient certains l'un et l'autre de ne s'être jamais ren
contrés eu aucun autre lieu.
Le comte était récemment venu de pays éloignes, et
tout annonçait en lui qu'il devait être possesseur d'uno
grande fortune.
Il sembla frappé de la beauté de madame de Saint-
Estève; mais elle, constante dans ses habitudes, parut
inaccessible aux attentions du comte. Et pourtant jamais
ou n'avait vu amant plus soumis, plus attentif en appa
rence. Le comte ne put garder en sou âme l'aveu de
l'amour dont il semblait atteint. II écrivit une lettre
madame de Sainl-Estèvc, et, dans celte lettre palpitante
d'expressions énergiques et sentimentales, il allait jus
qu'à demander sa main.
A la réception de la lettre, ce fut d'abord un long
éclat de rire que poussa la jeune femme; puis elle jeta
rapidement, et dans un style piquant, sur le papier,
l'aveu de son refus en réponse cet aveu d'amour. Elle
se disposait envoyer le tout son adresse en forme de
billet galant, pour plus d'ironie encore, lorsqu'un vaguo
sentiment, un souvenir de ce dont lui avait plusieurs fois
parlé le comte dans leurs causeries intimes, la tint tout
coup en suspens. Elle déchira son sarcasme avec sa lettre,
et, la léte appuyée sur sa main, elle s'assit et médita
profondément.
(la suite au prochain n