JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Dimanche, O Juillet 1654. Vires acquint eundo. I 1,376. 14e Année. ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 5 francs 50c. Provinces,4francs. INSERTIONS: Annonces, la ligne A5 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes. Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanehe. Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies. Ypres, 8 Juillet. En rendant compte de la dernière séance du Conseil communal, nous avons indiqué les prin cipales fêles qui auront lieu l'occasion de notre prochaine kermesse. Depuis longtemps notre Tuyndag n'aura été célébrée avec autant d'éclat. Letir l'arc sera, saus contredit, un des plus beaux dont les archers conservent le souvenir. Les prix d'honneur ont une valeur de près de 1,700 francset l'ensemble des commandes d'argenterie s'élèvera près de 7,000 fr. Tous les prix seront des couverts en argent filets ils porteront en relief les armoiries de la ville d'Ypres et de la Société de S* Sébastien; la loyauté ou plutôt la générosité habituelle de cette antique confrérie sont un sûr garant que les prix offerts seront magnifiques et auront la valeur indiquée au programme les sentiments de fraternité cordiale qui unissent les membres de la Société royale de S1 Sébastien d'Ypres, aux principales sociétés d'archers du pays donneront ce tir ce caractère tout particulier qui distinguait jadis les concours de ce genre offerts par les anciens archers flamands. Le Festival de musique, fixé au 13 Août, s'an nonce aussi sous les plus heureux auspices déjàdiverses musiqueset parmi elles des musiques de premier ordre ont fait connaî tre leur intention de prendre part cette fête musicale. Un kiosque, style mauresque, et que l'on dit charmant, remplacera l'antique et peu conve nable échafaudage qui, depuis longues années, servait ces solennités et beaucoup d'autres. Ce kiosque serait construit sur les dessins et sous la direction d'un jeune fonctionnaire public qui, par la nature de ses fonctions, est tenu de vivre terre terre dans la voie assez bourbeuse où se traine le commun de nos populations ru rales, mais quiartiste au fond de l'âme pro fesse, pour l'art et le beau, les sentiments les plus purs et sait mettre, avec un goût parfait, en pratique ce que conçoit son intelligence d'ar tiste. L'HOTEL PIMODAIV. première partie. Le Passeux de Vile aux Vaches. (suite). L'inconnu se drapa silencieusement dans son manteau et rejetant son corps en arrière avec fierté, il se mit toiser dédaigneusement ces épais railleurs. C'était un homme d'une quarantaine d'années, aussi brun qu'un cafre, au premier coup d'oeil, mais dont la physionomie rusée, le regard élincelant et la désinvolture élégante trahissaient bien vite le pays, il était Italien. Une che velure noire, abondante, s'échappait en boucles entre mêlées sous son feutre, il avait le rive aigu, éclatant il n'eut pas de peine remettre leur place les mauvais plaisants qui l'obsédaient. Arrière, manants leur cria-t-il, je crois avoir affaire ici des boulines et non des pierres Le ter rain que je foule m'appartient autant qu'à vous U se fit un silence forcé dans la foule, elle s'écarta pour mieux lui faire passage. La maison de maître Gérard demnnda-t-il. Ces hommes se regardèrent, maître Gérard était le passeux de l'île aux Vaches, mais ils n'avaient guère souvenance qu'à cette heure avancée et dans pareille saison, un gentilhomme put avoir fantaisie de lui faire détacher sa barque pour cotoycr les îlots de la Seine. Peu de seigneurs frappaient en hiver sa cabane isolée. Eh bienne m avez-vons pas entendu poursuivit 1 Italien, je vous prie de me dire où reste maître Gérard? Le tir aux pigeons jeu neuf pour nous est un jeu fort la mode un jeu tout-à-fait gent lemen. Dans nos grandes villes il existe une foule de sociétés de tir de ce genre. Les prix offerts parla ville seront fort beaux. Nous avons vu en outre un fusildeux coups digne d'un chasseur jouissant de 40,000 livres de rentes. Ce fusil est, dit-on, excellent et ne manque jamais le gibier... quand on vise juste. Les Nemrods qui prendront part ce concours, et ils seront très-nombreux peuvent donc être certains qu'ils ne seront pas ce que sont les victimes des adroits tireurs aux... pigeons. Les jeux aquatiques du canal ont le privilège d'attirer au Quaijtoule la population Yproise; cette année le programme sera plus varié, plus pittoresque, et la foule plus grande, plus com pacte que jamais. Mais il est une fête dont nous pensons ne pouvoir parler encore et qui sera, sans contredit, le nec plus ultra de toutes nos fêtes c'est l'inauguration solennelle des statues des Halles, fête vraiment communale, réellement Yproise D'immenses préparatifs se font pour le cortège ou procession pour la décoration des rues... On parle de 800 1,000 enfants qui représen teront des groupes religieux ou historiques, de cavalcades, de chars de triomphe, de costumes magnifiques destinés aux personnes qui figure ront les ducs de Bourgogne, leurs compagnons et leurs milices, en un mot d'une foule de choses quisi elles peuveut s'exécuter, consti tueront un ensemble dont on conservera, Ypres et dans le pays, un long souvenir. Et pourquoi donc ne s'exécuteraient-elles pas Ne peut-on pas faire Ypres ce qu'on a fait Bruges, Gand MalinesLille et ailleurs; on l'a dit souvent, pouvoir c'est vouloir, et nous pouvons le dire la population d'Ypres veut con courir celte fête; déjà un grand nombre de parents appartenant la classe riche ou aisée se chargent de faire confectionner les costu mes que porteront leurs enfants. Le clergé organise avec le plus grand zèle les diverses processions des paroisses, des commissions pour Mais... cette hutte sur la Seine, répondit l'un d'eux en indiquant du doigt l'Italien une sorte de cabane revêtue de mauvais ciment, et au pied de laquelle une barque était amarée. Cette habitation chétive faisait face l'Arsenal. Il se racontait sur ce lieu de sombres et tra giques histoires. Une fatalité étrange, mystérieuse, vou lait que vers celte pointe de l'île nombre d'imprudents ou de malheureux eussent trouvé la mort, les uns en se noyant, d'autres en s'étant battus en duel malgré les édils; car pour les duels ce terrain écarté était commode. L'Italien prit peine le temps de remercier son homme, et il se dirigea d'un air résolu vers la cahutte. Six heures sonnaient alors l'église des Célestins; le froid était vif, notre personnage doubla le pas. La demeure du passeux de l'île aux Vaches laissait peine échapper un jet de lumière... L'abord en était silencieux comme l'abord d'une tombe. Maître Gérard cria l'inconnu d'une voix ferme. En appelant ainsi, il se trouvait deux pas de la cahuttc; l'unique porte de ce gîte noirâtre s'ouvrit. Que me veut-on demanda d'une voix félée un petit vieillard qui tenait en main une lanterne. Tu vas le savoir, mais d'abord prends. Maître Gérard recula d'un pas, en sentant le poids de quelques écus tomber dans sa main. Entrez, mon gentilhomme, entrez, dit-il au nou veau venu. L'Italien descendit dans la cahutte du passeux en s'y laissant couler le long de la corde qui formait sa rampe. Il ne tarda pas se voir dans une pièce lambrissée de la décoration des rues se forment par quartiers et se réunissent; tous les Yprois voudront con tribuer la fête, car tous comprennent que cette fête est réellement Yproise et qu'elle peut faire quelque bien la bourgeoisie si rudement éprouvée par la cherté des denrées alimentaires et les mesures rigoureuses prises par le dé partement de la guerre. Tout permet donc d'espérer un succès com plétât la facilité des communications par notre nouveau chemin de fer décuplera sans doute le nombre prodigieux d'étrangers qu'Ypres re çoit d'ordinaire sa Tuyndag. Nous avons rapporté dans notre dernier n* que la cour de cassation venait de rejeter le pourvoi des R. P. Jésuites Boone et Francke- ville, contre l'arrêt de la cour d'appel de Brux elles, déclarant que le legs du château de Grambois, fait ces deux révérends par M. Sebelle d'Amprez, était nul, comme fait l'or dre de Loyola par des personnes interposées. Cet arrêt excite, comme l'on devait s'y at tendre, la colère des feuilles cléricales, il dé truit en effetles rêves de pouvoir et de richesses que nourrit notre clergé, et vient con firmer une jurisprudence que l'on a mille fois vouée la haine et l'exécration publique. La cour suprême a d'ailleurs interprêté notre constitution comme nous l'avons fait mille fois nous-même elle a décidé que les corporations religieuses peuvent exister en Belgique en com plète liberté, mais qu'elles ne peuvent acquérir des biens par succession ou donation c'est-à- dire qu'elles ne peuvent posséder. Avons-nous dit jamais autre chose Du reste, nous sommes curieux de savoir, si enfin les cléricaux se soumettront celle interprétation de la cour suprême, ou s'ils se regemberont contre notre magistrature comme ils ont l'ha bitude de le faire contre tous les pouvoirs qui gênent leur soif d'or et de domination. Le Commissaire de l'arrondissement d'Ypres, informe les intéressés qu'il a reçu du départe- méchantes planches, ayant son plafond quelques misé rables filets de pêche pour tout ornement. Sur une table boiteuse, le souper de maître Gérard était servi; dans un coin de la cahutte, on entrevoyait une sorte de créature humaine roulée près du feu. C'était un chien. A l'appro che de l'étranger, le chien se dressa sur ses jarrets vigou reux, et flaira la cape de l'Italien. Peu satisfait de son examen, il revient ensuite sa place devant le foyer d'un air de mépris taciturne. Je suis vos ordres, Monsieur, dit le vieillard en courbant sa maigre échine; permettez-moi seulement de m'étonner... De ce que je vienne chez vous si tard par un semblable froid, mou brave homme? Dame, je n'avais pas le choix de l'heure et de la saison, reprit l'inconnu. Que voulez-vous de moi demanda maître Gérard avec une crainte secrète. En même temps il regardait le chian, unique gardien de sa solitude, et la bourse qu'il venait de reeevoir. Une chose bien simple, répondit l'Italien; je veux votre barque. Y songez-vous, Mon seigneur la promenade en Seine est peu praticable par le temps présent, et moins qu'il ne vous prenne envie d'aller par eau l'Arsenal. Je n'ai rien faire l'Ar senal, objecta l'Italien, c'est une promenade que je veux faire, rien de plus. Maître Gérard se prit considérer l'inconnu avec une attention défiante. Peu de peintres eussent pu trouver un plus curieux sujet d'études; le visage de cet homme défiait l'analyse et la réflexion. Quelques rides légères sillonnaient son front habituellement pâle et méditatif, mais ces rides indiquaient aussi bien les fatigues de

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Le Progrès (1841-1914) | 1854 | | pagina 1