JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT;
Vires acquirit rondo.
UNE FATALITE.
M' 1,351. 15e Année.
Jeudi, 13 Mars 1336.
S
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 5 francs 50 c. —Provinces,4francs.
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Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doK
être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Ypbe», 19 Mars.
On se rappelle l'effet produit sur l'opinion
publique par la requête adressée par lepiscopal
la législature Belge, dans le but de restaurer
la main-morte au profil de l'université de Lou-
vain. A celle époque, on recula devant le cri de
réprobation unanime qui s'éleva de toutes part*
contre celte fameuse proposition. Mai» les gens
avisés se doutaient, que ce n'était que partie
remise, car la caste cléricale n'abandonne ja
mais les projets qui doivent lui donner richesse
et puissance au dépens des populations qui
l'entretiennent. Le moment n'était pas oppor
tun, on remit le projet en poche et dater de
ce moment, les hauts-bonnets résolurent d'ar
river leurs fins, en donnant au rétablissement
de la main-morte un parfum de charité. M.
Jules Malou reprochait au ministre de Haussy,
d'avoir intronisé, en matière de bienfaisance,
un système traquenards, et il s'y connaît, le
madré M. Jules Malou. Mais jamais un projet de
loi n'a été aussi parsemé de pièges loups et
de traquenards, que celui qui a été élaboré par
épiscopal et les légistes de l'université de Lou-
vaio et déposé sous la firme De Decker-Vilain.
Nous disions qu'on voulait arriver la res
tauration de la main-morte par l'exploitation
dune des plus belles vertus de l'homme, la
charité. Et effectivement, l'époque de la pré—
sentation de la proposition Brabant-Dubus, une
brochure anonyme parut Louvain, sous le
patronage de l'université catholique et, en la
relisant aujourd'hui, on y trouve en germe le[
projet qui n'a pu être enfanté qu'après une
laborieuse gestation de plus de quatorze ans,
pendant l'ère de despotisme qui plane sur
'Europe. Eh bien si l'on veut une preuve que
a loi sur la charité n'est que je l'établissement
'e la main-morte, sous une fausse enseigne,
I suffit de remarquer que l'auteur de la bro-
hureen faveur de cetanachronisme du moyea-
ge, siège la section centrale M. Jules Malou
XII.
(suite.)
En cc moment, la cloche de la villa sonna l'heure du
festin de noces. Ëmile tressaillit.
Piranese Piranese dit-il, on appelle les mariés au
festin on ne danse plus... calme-toi... montre ta figure
de tous les jours... Mais tu partiras après le repas,
Émile... dis...Mon ami, reviens toi... Ne prends
pas autant de souci de mon bonheur... C'est une rail
lerie !0h lu plaisantes dans ce terrible momctil, Émile
Eh mon Dieu je-ne suis pas d'humeur de railler...
mais jé hc cfois pas le moment aussi horrible que tu le
penses. Épouvantable! épouvantable! s'écria Piranese,
les bras levés au ciel,et levisagecollésurlevisagede son
ami c'est un moment comme ce fleuve n'en reverra plus
Émile, appelle Dieu A ton secours; la foudre va l'écraser...
j'aime Cécilia
Emile poussa un de ces cris surhumains que nous trou
vons dans nos rêves, et qui nous réveillent en sursaut, et
sa tête tomba sur sa poitrine, comme si le bloc détaché
de la montagne l'eut frappé au front. Piranese laissa
tomber ses bras rudement, croisa ses mains, et, le visage
incliné, il regardait Émile avec des yeux qui semblaient
attachés sur la terre, et qui mentaient leur direction.
Il y eut un silence de quelques instants. La cloche appe
lait toujours les convives avec une obstination joyeuse.
Il faut donc, dit Émile d'une voix sanglotante, il
y est l'avocat de la main-morte, sous prétexte
de bienfaisance. L'idée qui est indiquée dis
crètement dans sa brochure de 1842, a pris
corps et a été formulé dans les conciliabules
cléricaux et l'auteur est la section centrale
pour défendre son œuvre, la restauration de la
main-morte et du régime monacal. Si l'on y
réussit, dans cinquante ans, chaque village sera
rongé par un chancre sous forme de couvent
et la Belgique entière sera aussi gangrenée que
les Étals du Pape, de bienheureuse et prospère
mémoire i
A aucune époque nous n'avons vu faire des
nominations aussi arbitraires, aussi scandaleu
ses. Non-Seulement le gouvernement ne tient
aucun compte du mérite et de l'abciennelé des
candidats, mais I on dirait vraiment que la ca
pacité et la moralité sont devenues ses yeux
des litres d exclusion. M. Nolhomb surtout a la
main malheureuse pas une place de notaire
ne s'ouvre sans que son choix ne vienne froisser
l'opinion publique. Ainsi, nous le demandons
sincèrement, plus de dix notaires postulaient la
place vacante Fumes et Ion y nomme, qui?
M. Plaulefeue, notaire ALveriugbem? N'est-ce
pas au moins ridicule
On nous a rendu compte d'une entrevue qui
a eu lieu Bruxelles entre un des chefs du parti
clérical et représentant et un notaire très hon
nêtetrès-capable, très-probe, mais soup
çonné de professer une opinion politique peu
en harmonie avec les doctrines cléricales. Ce
notaire avait appris que le député en question
se démenait pour faire nommer un rivai qui ne
le valait pas beaucoup près et croyant que
celte protection n etaîl due qu l'ignorance en
laquelle pouvait se trouver çel homme influent,
de ce que d'autres candidats plus méritants et
entre autres lui-même soilicilaient la place, il
jugea donc propos de se rendre Bruxelles
et se rendit chez le représentantnon pour lui
faut que je me précipite dans ce fleuve, tête premier?
cette cloche sonne le glas de mon agonie
Émile avait dans son organe une telle expression de
douleur que Piranese fut bouleversé d'une émotion de
tendre amitié il contemplait cet excellent jeune hoinme,
que le désespoir venait saisir dans les' apprêts de ses
noces, et qui accueillait par une plainte déchirante ce
coup de sort immérité. Un intérêt touchant environnait
ce gracieux étourdi dans sa toilette de bal, et tout bril
lant encore de cette élégance incomparable qui distingue
la jeune noblesse parisienne. De poignants remords tom
bèrent dans l'àme de Piranese il lui sembla qu'il venait
de commettre un crime, d'assassiner le meilleur des amis.
Par une de ces révolutions subites qui arrivent dans ces
heures solennelles, Piranese passa de l'agitation extrême
au calme réfléchi la bonté du cœur, ce sentiment divin,
l'emporta sur la violence de l'amour; il tendit les bras au
malheureux Émile, comme pour le préparer par un geste
amical une parole conciliante et réparatrice.
Viens, Emile, lui dit-il avec une voix douce et mé
lancolique, viens je l'ai blessé, le sang m'est monté au
cerveau, ton cri d'agouie m'a rendu la raison, viens, je
veux te guérir; pardonne-moi... dans une heure, j'aurai
quitté seul ma ville; seul, entends-tu?... Aime Cécilia, et
sois heureux.
Émile regarda quelque temps Piranese.
t— Oui, dit-il, cent fois «ette horrible idée m'a traversé
le cerveau, lorsque je ne pouvais me rendre compte de
ton égarement; mais j'étais honteux de cette idée; j'en
rougissais dans mon cœur... et puis,.. Oh! Piranese!
demander son appui, mais simplement pour lui
farre connaître que d'autres candidats que son
protégé étaient sur les rangs pour obtenir la
place. Le député, d'un air fort délibéré, répon
dit ce notaire qu'il savait bien qu'il sollicitait
un changement de résidence, mais que lui ne
convenait pas au parti la tête des affaires,
que son protégé lui était un fonctionnaire
comme, il leur en fallait et qu'il serait l'heureux
titulaire de la place pourvoir. Ce député, qui
avouait aussi carrément le mobile du parti clé
rical dans la collation des fonctions, ajouta que
les autres (parlant des ministres libéraux) agis
saient ainsi, et qu'à leur tour, les nominations
ne seraient faites que parmi les hommes du
parti catholique. Le dépulé, en alléguant ce
motif pour justifier l'injustice et l'arbitraire,
mentait impudemment, car si un reproche peut
être adressé aux ministres libéraux, c'est d'avoir
poussé 1 impartialité trop loiu au détriment de
leurs co-religionuaires politiques. Trop souvent
des candidats notoirement connus pour appar
tenir au parti clérical, ont été préférés des
libérauxet cette conduite l,rpp généreuse a
même été une des causes qui a hâté la chute
du ministère libéral. 1
Ainsi qu'on se le tienne pour Ait, le minis
tère, sans vergogne et sans remords, ne fera
plus que des nominations de parti. Candidats
de tout genre, qu'importent vos titres, votre
mérite, votre probité, faites voua armer cheva
lier de S1 Vincent-de-Paule, prenez pour ban
nière un billet de confession, et vous aurez des
titres la bienveillance du ministère de la mo
dération et de la conciliation!
*3 j
Samedi dernier a eu lieu une Confêrenpe.gé-
nérale entre lés chefs de S4 Vincent-de-Pauie
de notre arrondissement. La réunion a eu lieu
chez M. le juge Sartel, président de la Confé
rence d'Ypres. Plusieurs dignitaires de Cand et
de Bruges y assistaient, entre autres MM. TBe-
thune et Vande Poêlé. La ville de "VVervicq y
comme tu m'as trompé!... que de rqscs de laqgagç tu as
tournées contre moi Eli mon ami, que pouvaîs-je
faire?... Mais les mbmèhts sbht précièux; viens; il faut
nous montrer notre société dans une heure tu seras
seul avec Cécilia.—Et demain... -^Demain, seul encore
avec elle... et toujours Et4'armée? et Joachim Mu-
rat?..»Tout cela n'était qu'une ru&c. Tu vois que je
suis franc. Je voulais t'entrainer avec moi, et gagner du
temps. Le roi ignore même ton arrivée Rome. Oublie
tout ce que je t'ai dit; tout est faux. Oh que de men
songes contre un ami! Emile lu me pardonneras...
Viens, et eomposons-nous des visages de féte... Tti ne
saurais croire combien l'aveu que je t'ai fail,.daps mon
délire, m'a soulagé le cœur! Maintenant, je respire
l'aise... viens. Piranese, donne-moi un peu dé ton
«aime; j'en <ai besoin... Toutes nos scèpçs antérieures me
reviennent l'esprit... Oh! que tu as clc habile me
tromper, moi si cbbflant
La cloche sonna pour la troisième fois.
Allons, dit Émile arecun soupir; oublions... s'il
est possible d'oublier 1
Les deux jeunes gens remontèrent en silence la grande
allée. Le couvert était mis sur la terrasse; les invités
avaient quitté le bal et la promenade, et se formaient en
groupes inquiets devant le château. La comtesse Piranese,
en apercevant son mari et Émile, fit distribuer les places,
et invita la compagnie s'asseoir. Tous les visages se
firent riants, et la table fat couronnée de convives.
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