JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
H» 1,598. 16" Année. Dimanche, 24 Août 1956.
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Ypres, 23 Août.
Bien souvent les feuilles épiscopales ont relevé
avec jubilation les petites divisions qui existaient
dans le sein du parti libéral. Quand il n'en surgis
sait pas, ces journaux tâchaient de les faire naître,
et en présence de ce mouvement de désagréga
tion qu'ils provoquaient, ils mettaient en regard
l'union compacte et la discipline du parti clé
rical. Celui-ci triomphait de voir ce travail de
Pénélope et le reqdail plus ingrat par des ma
nœuvres astucieuses. Les rôles sont changés.
L'opinion libérale menacée par la réaction de
viendra compacte et ce sont ses adversaires qui,
ayant le vent en poupe, sont travaillés par des
divisions intestines. Le cléricalisme, favorisé
par des événements qui ont amené en certains
pays le retour du despotisme, s'apprêtait as
seoir sa domination de commun accord avec
l'autocratie, quand une lutte a éclaté entre deux
fractions du parti, lutte dont les péripéties in
téressent surtout le parti libéral. Quand les
absolutistes se chamaillent entre eux, la liberté
y gagne toujours.
En France, la lutte se trouve établie entre le
journal Y Univers, flagorneur de tous les régi
mes qui se sont succédé en France depuis ta
création de celle feuille. Le signal du combat a
été la publication d'un relevé de toutes les er
reurs, de toutes les palinodies de cette feuille
aussi iosolentu que versatile et qui est dirigée
par uo ancien viveur, dont les jésuites ont fait
un saint.
De l'autre côté, ou trouve Y Ami de la reli
gion, qui est d'avis que les libertés politiques
ne sont pas incompatibles avec la prospérité de
l'église catholique. C'est l'école de M. de Mon-
talembert, de Falloux, de Broglie et d'autres,
soutenue par plusieurs évèques des plus in
struits et des plus dignes de France.
La division qui s'est établie en France dans
le parti catholique, tend de jour en jour pren-
I.
Par une de ces froides et pluvieuses soirées qui signa
lent Paris la fin du mois de Novembre s'ouvrait un des
plus brillants salons du faubourg S'-Germaiu. M. de Sa
laberry, dont le nom fut mêlé avec un bruyant éclat aux
luîtes politiques de la Restauration, inaugurait la saison
par une fête splendidc. Là se trouvaient les représentants
contemporains de ces grandes familles nobiliaires qui ont
illustré notre histoire nationale et côté d'eux M. de
Salaberry avait convié la noblesse moderne de la littéra
ture et des ai'ts. A tout instant, rayonnantes de joie,
éblouissantes de parure, arrivaient ces charmantes fem
mes qui font la gloire et l'ornement des réunions Pari
siennes.
La foule se pressait déjà dans les salons; les danses
avaient commencé, la joie et l'enivrement de la fête illu
minaient tous les visages; le maître de la maison, beau
vieillard couronné de cheveux blancs, causait dans un
coin avec un jeune homme, sou compatriote, qui était de
retour, depuis quelques jours peine d'un long et péril
leux voyage accompli dans nos possessions d'Afrique,
lorsque l'huissier de service annonça Mm* de Thoiry.
A ce nom, malgré lui, le vieillard tressaillit. Il jeta
le dérobée un coup-d'oeil sur le jeune homme; mais
n'ayant remarqué sur sou visage aucune émotion, il se
porta plus calme au devant de M"® de Thoiry, qui, ce
soir-là, quittait ses robes de veuvage et faisait sa rentrée
officielle dans Ie monde.
Toute son deuil domestique, elle n'avait paru nulle
p»rt depuis trois saisons. Reine par la beauté, la grâce,
dre de plus vastes proportion*. Actuellement
les évêques prennent parti, qui pour Y Univers,
qui pour Y Ami de la religion; mais toutefois
ces derniers en cachette, car Y Univers est puis
samment patroné Rome et plusieurs hauts
dignitaires ecclésiastiques ont dû baisser pavil
lon devant le pape laïque, car c'est ainsi qu'on
nomme le rédacteur de YUnivers.
En Belgique, la même lutte va s'établir. D'uo
côlé, le Bien public de Gand et la Patrie de
Bruges, journaux de l'évêché, prennent parti
pour YUnivers, tandis que le Journal histo
rique de NI. Kersten, a donné une analyse de
l'œuvre qui a constaté les étranges variations
de YUnivers. En somme, il résulte de ces faits
que le parti clérical est menacé de ce qu il fai
sait remarquer autrefois avec tant de plaisir
dans le camp du libéralisme. Mais dans celui-ci,
il n'y avait que des divergences qui ne frap
paient que sur des questions pratiques, tandis
que dans le parti dit catholique, les dissensions
pourraient aller plus loin. Toutefois, constatons
en passant que les partisans de Y Ami de la re
ligion ne sont disposés accorder que les li
bertés essentiellement catholiques d après la
définition de l'ancien président du Cougrès na
tional M. de Gerlache, et diffèrent essentielle
ment des libéraux qui, plus larges, veulent la
liberté aussi bien pour les autres que pour eux.
Jeudi dernier, 21 Août, a commencé la vente
publique des terrains provenant des ouvrages
de la place d'Ypres. II y avait environ 140 bec-
tares vendre et hier Vendredi, on u'avait
encore adjugé que le 72" lot. On était déjà
arrivé vendre pour plus de 400,000 fr. En
général ces terrains sont achetés des prix
très-favorables, l'hectare ne s'adjuge qu des
prix qui varient de 3,000 4.000 francs pour
des parties oonsidérables. Quant aux petits
morceaux ils étaient hors de prix. Les deux
la suprême distinction de son élégance et de son esprit,
au commencement de l'hiver de 1846, madame de Thoiry
comptait vingt-six ans peine et portait en elle toutes les
enivrantes séductions de la femme. Son entrée chez M.
de Salaberry fut un triomphe. Ses anciennes connais
sances se pressèrent autour d'elle, pendant que ceux qui
la voyaient pour la première fois ne pouvaient s'empêcher
d'admirer les lignes pures et délicates du visage, la
finesse du sourire, la profondeur et la limpidité du re
gard, l'opulence de la chevelure, dans laquelle des perles
et des fleurs s'entrelaçaient avec grâce, la sveltesse de la
taille et le goût parfait qui avait présidé la toilette.
M. le comte Henry de Bossange, le jeune compatriote
de M. de Salaberry n'avait jamais rencontré dans le
monde madame de Thoiry. Retiré dans un angle obscur
du salon, il ne quittait pas des yeux cette ravissante ap
parition. Jamais plus exquise beauté ne lui avait été
révélée, et si, se dérobant la fascination dont il subis
sait le charme, il avait pu sonder son cœur, il aurait déjà
senti la blessure profonde de l'amour, cette passion
subite, qui s'empare de l'homme toute heure, prend
pour le saisir toutes les formes, et le maîtrise au moment
où il pense le moins sa puissance invincible.
Comme toutes les fêtes, celle de M. de Salaberry eut
une fin mais elle recommença le lendemain dans un
autre salon et ainsi durant tout l'hiver. Partout aimée, j
partout recherchée, madame de Thoiry fut de tous les
plaisirs de la saison. Aussi, les feuilles venues, était-elle I
lasse de ces nuits brûlantes, et, des premières, aile fut
prête aller prendre ses quartiers d'été loin de la ville j
et du bruit.
C'est l'heure où Paris se dépeuple, le beau monde dé
lots qui composent l'inondation de la porte de
Messines, ont été adjugés la même personne
la somme de 125.900 fr. pour 31 hectares 34
ares 53 centiares. L'ouvrage corne qui doit
être démoli et aplani, a été adjugé, pour 9 hec
tares 32 ares 48 centiares 30,100 fr La lunette
située l'ouest du chemin de fer a été vendue
pour la somme de 12,100 fr. les 5 hectares 64
centiares. Les petits ouvrages en terrassements
le long de l'inondation de la porte de Bailleul,
ont été acquis des prix qui font croire, qu'on
n'a pas tenu compte des frais faire pour les
niveler. On croit que le domaine retirera préa
de six cents mille francs de la vente des terrains
militaires de la place d'Ypres.
M. Comyn. bourgmestre de Langhemarcq, a
célébré, au commencement de la semaine, le
25e anniversaire de son entrée l'administration
communale. 11 y a 25 ans que M. Comyn est
échevin et bourgmestre. Celte fête laquelle
tous les membres de l'administration commu
nale ont assisté, sauf un seul, a été très-animée
et tous ont fait des vœux de voir M. Comyn les
présider encore longtemps.
Il y a eu fête musicale. Mardi dernier,
Wervicq, et elle promettait d'être agréable,
quand un trouble-féte s'est avisé de tenter d'y
jeter le désordre. Une estrade était élevée sur la
place S'-Marliu et les sociétés de musique et de
chœurs de Wervicq et de Warnêlon y exécu
taient alternativement des morceaux, quand une
porte-cochère s'est ouverte en face de l'estrade
et on a vu un certain nombre de gamins met
tre le feu des pétards et autres pièces d'artifices,
afin d'annihiler, par le bruit des explosions, les
voix des chœurs et les sons de la musique. C'est
une nouvelle façon de faire de l'opposition aux
fêtes publiques qui sont données sous la pro
tection de personnes honorées de l'antipathie
de cet amateur d'exhibitions pyrotechniques.
serte en foule les salons et court s'ébattre aux champs,
partout où il espère trouver un peu d'ombre et de fraî
cheur, un peu de retraite et de silence. De toutes parts
on s'exile aux châteaux, ou va chercher les joies calmes
de la villégiature et demander l'air pur de la campagne
ces arômes bienfaisants qui réparent les désastres de
l'hiver, et rafraîchissent un sang brûlé par les émotions
des fêtes et les insomnies. Seuls les plus intrépides, les
plus curieux ou les plus malades profilent de ce laps de
repos Parisien pour entreprendre les uns en quête de
plaisirs, les autres de santé, un voyage aux montagnes,
aux bords des fleures célèbres ou même l'étranger.
Madame de Thoiry a subi la mode; comme tout le
monde, aux premiers jours de soleil, elle a fait ses pré
paratifs de voyage, elle part pour les Pyrénées, son pays
natal. Depuis son mariage, elle n'a pas revu le manoir de
ses pères. Il est vrai que le château d'Aranza n'avait rien
de ce qui, dans une habitation, peut plaire une jeufte
et élégante femme, habituée par son éducation parisienne
tous les raffinements, toutes les délicatesses des mai
sons luxueuses. Cependant, avant d'épouser M. de Thoiry,
elle ne passait jamais une année sans venir visiter son
frère, unique héritier de son nom, et se retremper durant
quelques mois dans les souvenirs de famille.
Fidèle aux habitudes de l'aneienne province, le noble
marquis d'Aranza détestait le séjour des grandes villes.
A toute habitation il préférait son antique château, débris
superbe de cette architecture féodale qui a couvert tout
le sol de l'Europe occidentale de ses constructions mas
sives et guerrières. Semblable un soldat sous les armes
avec ses tourelles, et ses ponts-levis, le manoir d'Aranza
est fièrement posé sur une des crêtes qui dominent les