JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 1,607. 16e Année. Jeudi, «5 Septembre 1056.
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Ypres, 24 Septembre.
Protestation du Conseil communal de la
ville de Gand, contre la lettre pastorale
de révéqne.
La diatribe lancée par l'évêque COMTE Dele-
becque, l'adresse de l'enseignement de l'Etal
et des sociétés de la ville de Gand, ne pouvait
rester sans réponse. Un honorable conseiller
communal, M. De Leu, a proposé, en séance du
Conseil, de prolester contre les allégations de
l'évêque et de calmer les alarmes des pères de
famille. L'initiative prise par cet bonorable
membre de l'administration communale paraît
avoir vivement ému l'organe du chef diocésain,
qui a senti le besoin de se livrer l'encontre de
M. De Leu, des excentricités de mauvais lieux.
On croirait, lire les journaux catholiques,
une exception près, que le fanatisme les a ren
dus fous, car ils en sont arrivés froisser pres
que l'universalité de la population. Pour peu
que leurs chefs continuent ce jeu dangereux,
ils finiront par se trouver isolés, et c'est ce qu'il
peut leur arriver de moins mauvais.
Voici le compte-rendu de celle partie de la
6éance du Conseil communal de Gand
Séance publique du 20 septembre 1856.
La séance est ouverte h 4 heures et demie, sous la pré
sidence de M. Delehayc, bourgmestre, et en présence de
MM. Van Pottelsbcrghe, Dubois, deS'-Genois et Kervyn,
échcvins, MM. Lcbegue, Blommaert, Velieman, Bove,
Lutens, Antheunis, De Leu,Neyt, De Cock; Duchêne,Van
Malcote, Van Mosseveldc, Claeys, De Muynck, DeBaets
et Van den Glieyn, conseillers.
Nous remarquons dans l'enceinte réservée au public
une aflluence très-nômbreuseattirée sans doute par
l'annonce d'une protestation contre les calomnies du
mandement de l'évêque.
M. le secrétaire donne lecture du procès-verbal de la
dernière séance. La rédaction en est approuvée.
M. De Leu. Messieurs, dans sa lettre pastorale du 8
septembre dernier, Mgr. l'évêque de Gand, parlant des
écoles moyennes de la ville, déclare que la religion en
est bannie, que l'instruction qu'on y donne est sans ga
rantie et l'éducation sans base, que les sciences qu'on y
enseigne ne sont propres qu'à enfler l'esprit, qu'à semer
le malheur dans les maisons, le trouble dans les familles,
la désolation dans la Patrie.
Il y insinue enfin que les enfants élevés dans nos éco
les ne croient en rien, se flattent de n'avoir rien craindre
après la mort, et de là deviennent capables des plus gran
des monstruosités.
(suite.)
VII. les représailles.
Le lendemain fut un jour de deuil pour le château
d'Aranza. En entrant l'heure accoutumée dans la cham
bre de sa maîtresse, Aglaé fut élonnée de trouver absente
madame de Thoiry. Mais vainement s'informa-t-clle au
près des autres serviteurs; nul n'avait vu la belle veuve,
et tous partagèrent les inquiétudes de la jeune fille. Selon
son habitude le marquis d'Aranza était sorti dans les
champs avec le jour. Quand il revint de ses courses ma
tinales, Aglaé se porta au-devant de lui et lui fit n^t. de
la tristesse et des anxiétés qui régnaient au cjMjau.
Aussitôt M. d'Aranza devina l'affreuse vérité; pTt la
main qui avait porté le coup, et, comme la pilote eût
été inutile, il no songea qu'à la vengeance.
Seul il paraissait n'être pas frappé de cette circon
stance qui était le texte principal des commentaires de
ses serviteurs un enlèvement nocturne opéré sans bruit
et ne laissant pas de traces. C'est qu'il était seul se rap
peler qu'autrefois dans le château d'Aranza on ne s'en
dormait que sous la garde de deux serviteurs passant
toute la nuit en sentinelle. Un pareil rapt n'était pas le
L'école moyenne et l'athénée auxquels ce langage
s'applique, se trouvent sous le patronage et l'administra
tion immédiate de l'autorité communale.
Ces imputations dirigées par Mgr. l'évêque contre nos
établissements n'ayant aucune espèce de fondement ni de
vérité, et comme ils sont de nature porter atteinte la
considération des membres du corps enseignant, du bu
reau administratif, par conséquent nos institutions, et
jeter en outre l'alarme dans les familles;
Couvaincu que les professeurs de l'athénée, de l'école
moyenne saisissent toutes les occasions pour inculquer
leurs élèves, en même temps que la science qu'ils ensei
gnent, les règles de la morale la plus sévère; que l'in
struction religieuse y est du reste donnée d'après le
catéchisme de Malines, et que les magistrats communaux
veillent avec une constante' sollicitude sur ces établisse
ments qui sont confiés leurs soins
Je viens vous proposer, Messieurs, de repousser éner-
giquement les reproches dirigés contre les écoles moyen
nes de la ville, qui jouissent de la confiance bien méritée
de tous nos pères de famille, cl d'inviter les parents se
rassurer et avoir toute confiance dans la morale, le zèle
et la science de ceux qui sont préposés notre enseigne
ment moyen.
(De vifs applaudissements cl des bravos énergiques écla
tent dans l'auditoire.)
M. le bourgmestre. Je dois faire observer au public
que le conseil saura toujours remplir ses devoirs; mais il
veut garder sa liberté; aussi si ces manifestations se re-
Îiroduisent encore, je serais dans la triste nécessité de
aire exécuter le règlement.
M. Van Malcote. D'après les argumentsque M. De Leu
vient d'émettre, d'après non-seulement mon appréciation
personnelle, mais l'appréciation générale de la ville,
nous «AeVons faire une protestation contre le mandement
de l'évêque. Nous devons la faire surtout pour qu'on ne
nous suspecte pas, nous, membres du conseil communal,
de ne pas avoir pris toutes les mesures pour sauvegarder
la morale dans nos écoles. Une protestation respectueuse
doit donc être faite, la dignité du conseil communal
l'exige.
M. le bourgmestre. Au nom du collège je dois déclarer
que celui-ci ne négligera aucun moyen afin d'introduire
dans nos établissements d'enseignement moyen l'instruc
tion religieuse; nous continuerons les négociations et
nous ne désespérons pas de réussir un jour.
Personne ne demandant plus la parole, la proposition
de M. De Leu est adoptée l'unanimité.
Presque loua les organes du libéralisme s'at
tachent démontrer que le blâme de l'évêque
de Gand ne s'adresse pas seulement l'ensei
gnement de l'état, mais que sa lettre dite
pastorale s'attaque aux institutions du pays. Ils
sont bien bons de signaier ce plan maintenant.
premier qu'on eut déplorer dans cette famille. Celui-ci
rouvrait brutalement une ère de scènes terribles close
depuis longtemps. La guerre héréditaire était recom
mencée, il fallait la soutenir. Avant toute chose, il im
portait au marquis d'Aranza d'être fixé sur le sort de
madame de Thoiry. L'intrépide chasseur ne voulut con
fier personne le soin de prendre ses informations.
Appelant son aide cette prudence consommée et ce
flair particulier qui lui avaient si souvent fait déjouer les
ruses les mieux ourdies des bétes fauves, il se mit aussi
tôt en campagne.
Nul ne connaissait le pays mieux que M. d'Aranza. Il
savait les moindres accidents de terrain et n'ignorait
aucune des grottes qui s'ouvraient aux flancs des mon
tagnes. Dans sa jeunesse quand on racontait encore
durant les longues veillées d'hiver les incidents de la
vengeance séculaire des Vianc et des Aranza, il avait
souvent entendu parler de la caverne mystérieuse dont
les Vianc connaissaient seuls l'entrée. Il pensa donc que
sa sœur avait été entraînée dans quelque retraite souter
raine, naturellement cachée aux regards et d'un accès
difficile, et il courut sur l'un et l'autre versants visiter
toutes celles qu'il connaissait. Mais durant tout le jour
ses recherches furent vaincs. Il rentra le corps brisé et
l'âme navrée de douleur sans avoir rien découvert.
L'épiscopat, depuis plus de viogl ans, cinq ans
après la promulgation de la Constitution, a com
mencé en faire le siège en règle. Bornons-nous
mentionner que nos évêques, comme le disait
un journal français, se sont bornés k\subir\celte
forma de gouvernement selon l'esprit de l église,
mais avec l'intention de le renverser, quand ils
croiront pouvoir le faire. Nous l'avons toujours
dit, les catholiques sont des révolutionnaires au
même titre que les socialistes les uns et les au
tres ne veulent que la liberté leur usage ex
clusif, et en somme, ces deux espèces de soi-
disant bienfaiteurs de l'humanité, ne peuvent
laisser la société en repos, pareeque tous deux
veulent vivre ses dépens, sous prétexte de la
rendre heureuse. En 1848, nous avions crain
dre les révolutionnaires rouges; aujourd'hui,
huit ans nous séparent peine de celte époque,
la nation est en lutte avec les révolutionnaires
noirs, tout aussi détestables que les premiers.
Nous en tirons la conséquence que le libéra
lisme, tant décrié par les uns et les autres, en
maintenant les institutions que les évêques blâ
ment et veulent détruire, est le seul parti qui
peut donner le bonheur et le repos la Bel
gique.
VILLE D'TPRES. Conseil commutai..
Séance publique fixée au Jeudi, 25 Septembre 1856,
<i neuf heures du matin.
ORDRE DU JOUR
1* Communication de pièces.
a*Prêt parles Hospices d'une sommede4o,ooo
fr., sur hypothèque située en France.
3° Révision du règlement pour la tenue des
régistres de population.
4* Payement de la part d'intervention dans les
frais de construction de la route d'Ypres vers
Bailleul.
3* Demande du Bureau de Bienfaisance afin
d'elre autorisé placer une somme de i3,ooo fr.,
hypothéqués sur des propriétés immobilières, si
tuées sur le territoire de la ville.
Plantations effectuer sur les chemins de
ronde extérieur et intérieur.
7° Examen d'un plan de constructions élever
sur les terrains militaires vendus, l'intérieur de la
ville.
8" Règlement du compte communal de l'exer
cice i855.
De son côté, Aglaé doué d'un esprit vif et hardi s'ap
pliquait trouver l'explication de cette disparition noc
turne. Vainement inlerrogeait-t-elle l'un après l'autre
tous les serviteurs de la maison. Aucun n'avait remarqué
trace d'effraction aux portes, il n'y en avait point aux
fenêtres. L'ennemi avait donc pénétré par quelqu'issuo
mystérieuse, et c'était cette issue que cherchait Aglaé.
Elle fouillait le château des fondements aux combles,
sondait les murailles, mais en nul endroit, elle ne pou
vait trouver les premiers vestiges de cette énigme qui
effrayait son imagination ardente.
Pendant ce temps, Catisli la bohémienne chantait sa
vieille chanson dans le souterrain de la montagne. Mal
gré ses efforts pour rester calme et intrépide dans ce
danger, madame de Thoiry sentait un frisson de terreur
parcourir tout son corps. Dans un coin obscur, der
rière une roche blanche comme l'albatre, M. de Bossange,
que nul œil n'aurait pu distinguer dans l'ombre noire,
dévorait du regard sa captive, et la vue de cette femme
adorée agitait son cœur de mille pensées diverses.
L'amour et la vengeance, la passion et ce que les canta-
bres considèrent comme un devoir filial, s'y livraient un
combat acharné, une de ces luttes qui sont l'éternel et
universel apanage de la nature humaine. La passion de
M. de Bo-sange pour la jeune femme, cette passion qui