JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 1,019. 16" Année.
Dimanche, 19 Octobre 1050
Vires acquirit eundo.
LE MARKGRAVE DES CLAIRES.
ABONNEMENTS: Ypkes (franco), par trimestre, 5 francs 50c. —Provinces,4francs.
INSERTIONS: Annonces, la ligne 45 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes.
Le Fboorés parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Rue au Bourre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
Ypres, 11 Octobre.
LA CIRCULAIRE DE M. DE DECKER.
Enfin le gouvernement a dit son mot au sujet
de la querelle suscitée par l'épiscopat l'enseigne
ment laïc. S'il s'est fait attendre, il n'en est pas
devenu pour cela plus net, ni. plus concluant.
Il nous semble mêmeque M. De Decker a perdu,
en écrivant. Sa réponse aux interpellations de
M. Dumortier, sur la dénonciation de l'enseigne
ment de M. Brasseur, professeur l'Université
de Gùnd, était plus correcte.
Enfant soumis de l'égliseM. De Decker a
voulu donner une certaine satisfaction l'épis
copat, sans se contredire. Ce qui le prouve,
c'est le langage tenu par les feuilles épiscopales.
Leurs patrons ont eu connaissance des termes
de la circulaire, probablement avant qu'elle ne
parut au Moniteur. Aussi affectent-elles une
satisfaction qui nous semble peu justifiée, car si
M., De Decker est revenu quelque peu sur sa
doctrine constitutionnelle en matière d'ensei
gnement, il est resté bien en-deça des préten
tions épi'scopâlès.'
Du résté, C'est un avantage que possède la
presse épiscopale elle a des revirements qui
s'opèrent comme soùs le coup de la baguette
du prestidigitateur. Elle vous exécute des volte-
faces avec un sans gênequi]n'appartieut qu'aux
serviteurs de l'église, gens confits d humilité
et; d'abnégation, comme personne ne l'ignore.
En tenant compte de la position de M. De
Decker, qui s'est confessé enfant soumis, de
l'églisebous trouvons sa circulaire un hom
mage rendu lâ puissance du régime cônstitu-
tionnel, car ce ministre, quoiqu'en/anf soumis
de l'église, n'a pas osé répudier le principe du
libre examen, si carrément condamné par des
prélats plus militants que prudents.
De la part d'un ministre libéral et qui affir
me eu fait de gouvernement, que tous les
pouvoirs émanent de la nation, nous eussions
exigé que le drapeau sur lequel se trouve in
scrit le principe fondamental de la société mo
derne, celui du libre examen, fut arboré d'une
façon plus énergique en présence des attaques
cléricales, car dans l'esprit et la pratique de nos
I.
les bois d'iJBIA.
Il y a dans le nord de la France, et particulièrement
vers les marches de l'ancienne Flandre, des sites d'un
caractère sauvage et primitif. Ces lieux n'offrent point
l'austère majesté des montagnes, mais on y trpuve toute
la poésie brumeuse des climats froids. Du sommet des
collines mollement inclinées qui bordent les vallées, l'œil
peut dérouvrir de grands bois et d'immenses marécages
dont rien ne rompt le vaste ensemble, et où le soleil et
la lune déploient l'aise leurs lumineuses splendeurs. Ces
marais, d'une profondeur insondable, jettent au loin
d'étincelantes clartés, et c'est sans doute cause de cela
que les paysans, dans leur langage pittoresque, les ont
surnommés des claires. Il m'est arrivé bien des fois de
m'égarer dans les routes perdues de ces forêts comme un
enfant avantureux et sans souci que j'étais, m'abandon-
nant l'amble de mon cheval, tirant des corneilles au
passage et sifflant mon chien dans l'unique but de faire
résonner l'éeho.
L'époque des événements qui ont servi ce récit ne
remonte pas une date très-ancienne, et les sources où
j'ai puisé s'accordent généralement la placer vers le
règue de Louis XV. A l'époque où commence ce récit,
institutions, la liberté est la règle et elle n'est
limitée que par la liberté d'autrui. Le principe
contraire est professé par le clergé catholique,
qui ne veut que la liberté pour lui et le servage
pour les autres.
A la rigueur cependant, il De nous coûte rien
d'avouer que M. De Decker, dans sa circulaire,
l'exception toutefois du paragraphe qui tou
che aux écrits des professeurs, n'a pasjdonné
d'entorse aux vrais principes constitutionnels.
Toutefois en présence de la fureur de dénon
cer qui a saisi certains fanatiques, la position
du professeur deviendra un martyre continu par
la mise au jour de la circulaire ministérielle.
Exposé d'un côté voir ses paroles dénaturées,
d'un autre côté obligé de conformer son ensei
gnement aux exigences gouvernementales, le
professeur se trouvera gêné dans ses allures et
son enseignement, la vérité, sera compassé,
mais sans feu et sans autorité. Du reste, c'est
le but que l'épiscopat veut atteindre. Ne pou
vant détruire le haut enseignement universi
taire laïc, et l'université de» évêques devant
mettre son enseignement l'unisson des doc
trines ihëocraliques, c'est déjà, quelque chose
de gagnée que d'avoir enfermé le professeur
laïc dans un cercle de fer, où ôn étouffera, en
restreignant la liberté de ses allures, te feu
Sacré dont il pourrait être doué.
Bruxelles, le 7 octobre 1856.
A MM. les administrateurs-inspecteurs des Uni
versités de Gand et de Liège.
La prospérité des Universités de l'État est
l'objet de mes constantes préoccupations. J'attendais
l'ouverture de l'année académique i856-iB57 pour
éveiller, dans l'intérêt de leur avenir, votre plus
pressante sollicitude.
L'enseignement supérieur est placé en Belgique
sur un terrain tout nouveau, et que n'a connu jus-
qu'iciaucun des siècles qui nous ont précédés, aucun
des pays qui nous entourent.
Deux principes inscrits dans notre Constitution
créent cette situation nouvelle la liberté des cultes
et la liberté d'enseignement.
Des difficultés sont inséparables de cette situa-
lion, quant (a direction de l'enseignement supé
rieur donné aux frais de l'État; mais elles ne s'étaient
siècle de philosophie ctdc folie épicurienne,le nord delà
France était devenu tout aussi fou que le reste. Chaque vil
lage possédait son magnifique seigneur, qui venait vers
l'été courre le cerf, suivi de femmes élégantes, de chiens,
de ekevaux et de laquais. Les paysans s'humanisaient
devant les pièces d'or ou les coups de fouet, et eeux
d'entre les comtes des Marches qui n'avaient point quitté
leurs domaines obéissaient l'impulsion générale, et ou
bliaient la inorgue boudeuse et les conseils haineux de
leurs anGétres. On citait encore cependant un seigneur
qui avait résisté l'entraînement universel. Les vastes
domaines dont il n'avait jamais franchi les limites occu
paient presque toute l'étendue d'une immense valée qui
serpente sur les frontières de l'Artois et du Cambrcsis.
Elle commence au pied d'un village nommé le Bac-Aub-
en-Cheul, relai de poste entre Douai et Cambrai, et va
mourir en se bifurquant l'infini dans plusieurs points
obscurs de l'Artois. Partout le fond de cette vallée est
occupé par des claires considérables qui ont, dit-on, plus
de trente-cinq lieues de tour. Les rives sont bordées
de bois et de pâturages; de temps en temps l'œil distin
gue les huttes d'un hameau accroupies au milieu des'ro
seaux. Le seigneur de ces lieux n'avait jamais pris le litre
français de marquis, et il était resté pour les autres,
comme pour ses vasseaux, le markgrave des Claires.
Cette dénomination appartenait sa famille depuis un
pas encore révélées jusqu'ici dans toute leur gravité.
Jusque dans ces derniers temps, aucun fait n'était
venu démontrer la nécessité de tracer, en matière
religieuse surtout, une ligne de conduite MM. les
professeurs.
Quelque délicate que soit une pareille tâche,
j'ai jugé opportun de vous adresser quelques consi
dérations que m'inspire le seul intérêt des Univer
sités dont la direction et la surveillance me sont
confiées.
L'enseignement religieux, aux termes de nos
lois organiques, fait partie intégrantede l'instruction
primaire et moyenne; mais jamais personne n'a ré
clamé qu'il figurât aq programme des Universités
de l'Etal. 11 n'y est .donc pas donné. L'Etat, d'ail
leurs, seraitconstitulionnellement incompétent pour
donner par lui-même cet enseignement. Toutefois,
il arrive que, dans le cours de leurs leçons, MM. les
professeurs soient amenés examiner l'un ou l'autre
point de doctrine qui touche la religion. Cet exa
men présente des difficultés qui tiennent nos in
stitutions mêmes.
Le gouvernement n'en|end pas imposer aux
professeurs chargés de l'enseignement supérieur
l'obligation de traiter les questions religieuses dans
le sens exclusif d'une religion positive, mais, par-
respect pour la liberté des cuites, le gouvernement
peut et doit ordonuer U ces professeurs de s'absteuir
de toute attaque directe contre les principes essen
tiels des cultes pratiqués en Belgique.
Quelles sont les conséquences de ces prémisses
constitutionnelles
Le soin de MM. les professeurs sera d'éviter
l'examen de questions controversées et irritantes
qu'il n'est pas absolument indispensable d'appro
fondir. Si cependant ils sont obligés, par les néces
sités de leur enseignement, traiter ces matières
délicates, il faut qu'ils le fassent avec cette réserve,
ce respect que commandent l'importance de leur
mission sociale et le sentiment de leur responsabi
lité.
En effet, le gouvernement, dont les professeurs
ne sont que les mandataires, est le délégué des pères
de famille. L'enseignement qu'il est chargé de don
ner doit offrir aux familles les garanties morales et
religieuses qu'elles ont le droit de réclamer et que le
gouvernement est le premier intéressé leur accor
der. Les Ûniversités de l'Etat, entretenues avec les
deniers de tous, doivent être accessibles tous. Ces
établissements doivent rester des centres d'études
calmes et régulières, sans devenir un lieu d'initia-
temps immémorial, et existait longtemps avant le règne
de Cliai'Jemagnc. Son humeur sombre et hostile venait
àa ce que Louis XIV avait restreint les domaines de sort
père pour en taire don au comte d'Oisy, qui s'était mon
tré empressé favoriser les vues du roi sur cette partie
daCambrésis. Le terrain concédé au comte d'Oisy était
cependant peu considérable; mais il consistait en bois
favorables la chasse au cerf et voisins du manoir du
markgrave. Le jour où eiit lieu cette inique spoliation,
le vieux chasseur tomba dans un tel accès de fureur,
qu'il en prit une fièvre violente dont il mourut peu de
temps après, en léguant son fils sa haine contre le gou
vernement français et les comtes d'Oisy, successivement
et perpétuité. Le jeune markgrave jura sur l'Évangile
que son père ne serait pas mort sans vengeance, et dés
ce moment il devint d'une humeur farouche et taciturne
qui ne fit que s'accroître avec les années. Affranchi des
lois paternelles, loin d'en profiter comme tant d'antres
pour prendre les habitudes modernes, il s'était, au con
traire, renfermé plus que jamais dans son manoir inac
cessible, ne chassant plus que rarement; car le cerf
devenait rare dans ce qu'il lui restait de bois, et les bêtes
poil fréquentaient surtout les hautes futaies du comte
d'Oisy. Mille bruits absurdes couraient sourdement sur
le compte du markgrave on le disait possédé d'un démon
de mauvaise espèce, engendrant la mélancolie, les colères