JOIIRYAL D'YPRES ET DE L'ARROYDISSEHEIVT.
LE MARKGRAVE DES GLAIRES.
W 1,61». 16e Année.
Jeudi, 6 i^Yembrc 1856.
i
Tires aiâjuirit eundo
ABONNEMENTS: Yprm (franco), par trimestre, 5 francs 50c. —Provinces,4francs.
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes.'— Réclames, la ligne: 30 centimes.
Le PnoGRÈs paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal dù't
être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres .affranchie».
Tracs, 5 Novembre.
Dimanche dernierla Patriejournal de
l'évêque de Bruges, a publié une lettre de son
patron, adressée au Conseil communal de la
ville d'Ypres, en réponse aux explications qui
ont été fournies l'occasion des négociations
ouvertes avec le chef diocésain, pour obtenir le
concours du clergé en faveur du Collège com
munal et de l'École moyenne de notre ville.
Nous ne reproduirons pas la prose épiscopale,
nous laissons cette charge la feuille éditée
sous le patronage du clergé et nous nous ab-
stièndrons de tout commentaire sur cette pièce,
quant présent, laissant au Conseil communal
juger ce qu'il a faire dans l'occurrence.
Mais il est un passage de la lettre épiscopale
qui nous louche et que nous allons examiner.
L'évêque feint de croire que la déclaration insé
rée au journal le Progrès du 2 Octobre, n'était
pas officielle et il ajoute quiil aurait cru faire
injureaux membres du Conseil communal, en
pensant que celte feuille parlait en leur nom
ou leur servait d'organe. Nous prisons fort la
délicatesse du prélat et bien souvent nous nous
sommes demandé, comment il se faisait que la
Patriejournal injurieux et diffamatoire par
excellence, pouvait être l'organe de l'évêque de
Bruges, et cependant, c'est cette feuille qui est
favorisée des élucubrationsépistolaires el autres
du chef du diocèse. II est vrai que la Patrie est
un journal religieux et ce titre peut impuné
ment se livrer des déportements, qui sont
sévèrement reprochés une feuille libérale.
Dans le numéro du Progrès qui contenait la
déclaration en question, on avait reproduit un
article du Messager de Gand qui doit avoir
offusqué le prince de l'église, puisqu'il le dé
clare si injurieux et si insultant pour luiqu'il
n'a jamais pu croire qu'il était envoyé par te
Conseil communal.
Voilà donc un fait grave et une accusation
terrible qui nous pulvériserait, si l'on s'alarmait
pour si peu de chose. Cet article du Messager
de Gand appréciait le mandement de l'évéque
de Bruges comme beaucoup de pères de famille
l'ont apprécié, c'est-à-dire une réclame eh fa
veur de l'université de Louvain et des écoles du
(suite.)
II. lucy-maï a la flaque-bahu.
Si le lecteur a encore présente la mémoire l'esquisse
topographique qui ouvre ce récit, il doit se rappeler que
l'abbaye du Verger était située non loin du haut Brork-
landt, entre le village de Brunemont et celui d'Oisy.
D'immenses prairies nommées les Prés de ch'Diu, ou
Prés de Dieu, s'étendaient entre l'abbaye et les bois
d'Obia. Chaque soir toutes les religieuses sortaient du
couvent peu près l'heure du soleil couchant et s'en
allaient la chapelle du Dieu-de-Pitié. Elles traversaient
lentement les Prés de Dieu en chantant dds cantiques.
Vers la fin de la journée où commence ce récit, c'est-à-
dire peu près l'heure où le markgrave, emporté par
son cheval, bondissait dans les taillis la poursuite du
cor de chasse, les religieuses sortiréht comme de coutume
de l'abhaye du Verger et se dirigèrent vers la chapelle
du Dieu-dc-Pitié. Presque toutes ces jeunes filles étaient
de haute lignée, et expiaient au couvent le crime d'avoir
frère. Au reste, la règle n'était pas très-austère, et
l'abbesse, bonne et pieuse femme qui les douleurs (le
1 âme avaient donné une douce tolérance, s'efforçait de
faire oublier ce* pauvres rceluses un monde qu'elles
clergé. N'en déplaise l'évêque, mais pour une
personne qui se livre quelquefois des appré-
cjations plus ou moins violentes des hommes et
des choses, elle a l'épiderrae bien sensible, el
c'est d'autant plus singulier, que les joprnaux
épiscopaux ne brillent pas par l'aménité du
style, ni la modération du langage.
M. l'évêque peut donc se consoler, ce qu'il
prend pour des injures el des insultes, ne serait
de la part d'un publiciste religieux pas même
considéré comme pouvant froisser la suscepti
bilité la plus chatouilleuse d un laïc, mais il en
est de la presse comme de l'enseignement, MM
du clergé veulent bien de la liberté de tout
dire, mais condition que la bouche soit stric
tement fermée ceux qui ne partagent pas leur
manière de voir. De là cette manie de trouver
toute objection injurieuse et toute appréciation
même la plus juste, insultante. Il ne resterait
aux laïcs qu'une faculté, celle de se courber
sous le joug épiscopal el de bénir la main qui
les ebatie. Nous ne sommes pas eacore arrivé
ce degré d'abjection.
Lundi, vers quatre heures de relevée, un ac
cident est arrivé près de Vlamerfinghe, sur la
voie du chemin de fer. Un individu se trouvant
sur la voie, a été saisi par la locomotive et jeté
une certaine distance, sur l'accotement. Bien
que le train n'ait pas passé sur lui, il était abîmé
par le coup que lui a porté la macbioe au dé-
j faut de l'épaule. Il vivait encore quand on l'a
j ramassé, mais depuis on nous a assuré, sans
[que nous puissions le garantir, qu'il est décédé.
Liste des personnes appelées A faire partie du
jury pour la quatrième session qui s'ouvrira
le 24 Novembre 1856, et domiciliées dans
larrondissement judiciaire d'Y près.
i* Bavckeroot, François, conseiller communal,
Foperinghe.
a* Goubau, Charles, secrétaire communal,
Messines.
3* Lapiere, Louis, négociant, Ypres.
4° Nations, Louis, conseiller communal, Hoog-
lede.
5* Godtschalck, Charles, propriétaire, Zil-
lebeke.
ne devaient pas connaître. Parmi toutes ces jeunes reli
gieuses il n'y en avait peut-être qu'une dont l'imagina
tion ne franchît pas 1rs limites (je ce coin de vallée où
dormait le vieux couvent. Qn la nommait Lucy-Maï,
mais elle avait dans ie monde un autre nom, nom de
haute race, qu'elle avait laissé sur le seuil de l'ahbave le
jour où on l'y avait amenée toute enfant. Elle était or
pheline; son uniquefrère dépensait l'armée une énorme
fortune patrimoniale. Lucy-Maï était une de ces blondes
filles comme on en rencontre tant daps la rêveuse Alle
magne. Sa peau offrait ces teintes blanches et roses si
douces au regard, ft ses yeux, d'un bleu clair, réfle-
taient fidèlement la pureté de sou àmc. C'était un lac
limpide reflétant un ciej d'été sans le inoindre nuage.
Lorsque les nonnes arrivèrent la chapelle du Dieu-dè-
Pitié, le jour avait fait plaçc au crépuscule, et les rayons
de la lune commençaient répandre sur les objets leurs
teintes argentéçs. Les nonnç* s'agenouillèrent pieuse
ment et chaulèrent un cantique dont la douce mélodie
s'harmonjsait bien avec le çalnic de la nuit. Lorsque les
npnnes eurent achevé leur cantique du soir, elles se
dispersèrent uiA ift^lant par groupes de deux ou trois.
C'était l'heure mystérieuse des plus secrètes confidences.
Les unes s'assirent sur la mousse au pied des chênes, les
autres entrèrent dans les bois, sans trop s'écarter du
6* Van Daele, Désiré? propriétaire, i Ypres.
7* Brouckaert, Philippe,conseiller communal,
J Staden.
3* VanEIslande, Auguste, négociant,Comfdes.
l'"li
Louvain et ses bourses.
On se rappelle toutes les ffimentgtions des
orateurs et des journaux cléricaux lorsque en
1849 le gouvernement fit décider que le» bour
ses de l'Elqt seraient conférées exclusivement
aux élèves fréquentant.ses propres Université*.
Retirer 15, bourses Louvain, c'était un atten
tat sans égal la liberté d'enseignement, un
acte inique et qui criait vengeance au CieL
On sait aussi que Mgr Malou semblait diry,
dan» sa réclame en faveur de Louvain, que sans
les bourses doflj elle dispose l'Université de
Gaod serait peu près déserte.
Eb bien, dans les pièces annexées au rapport
de M. De Tbeux sur la loi des jurys d'examen,
se trouve l'indication des bourses de fondations
conférées aux jeunes gens qui suivent les éludes
supérieures; seulement M- De Theux s'est bien
gardé de faire l'addition de ce qui est; attribué
chaque Université-
Nous avons voulu combler celte, lacune qt
oous sommes arrivé un résultat jnouï, fabu
leux, incroyable,.
Ce n'est ni çoixapte, ni cent, doux cents
bourses, que reçoit Louvain, c'est beaucoup
plus encore, c'est deux cent cinquante-deux.
El comme quelques-unes^de cçs bourses sçnt
divisées et que Louvain compte un" peu plu* de
cinq cents élèves, il en résul,le ce ffiit euriçux
que plus de la moitié jes élèves de i Université
de Louvain sont boursiers.
En regard de cela, combien croyez-vou* que
les trots autres Universités réunies possèdent
de bourses d'éducçtion Ou vous |e donnerait
deviner en cent, en mille, que vous n yarriverez
pas. Eh bien, les trpis Universités de Liège, de
Gand et lie Bruxelles disposent en tout de soix
ante-onze boursesc'est-à-dire qu'elles oiiT un
peu plus du quart de ce qui est attribué Lou
vain. 7., c,,_, j
Voilà le fait dans toute sa çrudi(é, dans toute
son énormilé. Louvain parvient accaparer,
par un ensemble de moyens qu'il sera curieux
point de reunion, et se promenèrent lentement dans les
allées voisines. L'ombre et le clair de lune sont deux
grands complices d epanehements; aussi l'on entendit
bientôt sou* la feuillée ce chuchottement féminin dont le
doux bruit ressemble celui d'une ruche d'abeilles.
Lucy-Maï n'ayant jamais connu le monde, n'avait rien
djrc ou confier, du moins de ces choses qui se disent
tout bas, au tuyau de l'oreille. Elle se dirigea dono ve*s
le Fond-des-Louvetières, et peine s'était-clle engagée
dans l'étroit sentier qui y conduisait, qu'elle entendit la
détonnation d'une arme feu. Ce bruit 11e l'effraya poini,
et cependant i| lui parut étrange qu'un chasseur fut
encore dans les bois pareille heure. 3
C'est sans doute, se dit-elle, quelque garde forestier
qui vient de tuer un daim eu cachette, afin de faire
manger un morceau de venaison sa famille.
Elle poursuivit sa route lentement et avec une tristesse
qui ne lui était pas habituelle. Sans trouver de motif
cette mélancolie insolite, elle ne pouvait te dissimuler
qu'il se passait en elle quelque chose d'extraordinaire.
C'était un vague effroi, une secrète appréhension, et en
même temps un invincible élancement de l'éme vers ce
lieu qu'elle redoutait pour la première fois. Lorsqu'au
bout d'un quart d'heure elle arriva dans le Fond-des-
Louvetières, tout y était calme et silencieux. La lune