JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
16e Année,
Jeudi, 18 Décembre 1856
Vires ac^uiriteundo.
LE MARKGRAVE DES CLAIRES.
Aux administrations communàlesde l'ar-
rondissement.
'"M'
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 5 francs 50c. —Provinces,4francs.
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne: 50 centimes.
Le Progrès paraît le Jetidi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journaltioit
être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
- Vpiies, 17 Décembre.
A la Chambye' des représentants, une nou
velle passe d'armes doit être engagée mainte
nant, l'occasion de la loi sur les denrées
alimentaires, entre les partisans du libre-échange
et les champions de la protection. C'est en trois
ans, pour la troisième fois qu'elle se répète et
nous devons avouer que malgré la discussion,
les préjugés populaires n'ont rien perdu de leur
aberration. La question de l'alimentation publi
que est complexe et ceux qui la traitent, persis
tent ne vouloir l'examiner que sous un seul
point de vue. Elle est d'ailleurs peu connue et
quand il arrive d'essayer de la raisonner, la pas
sion s'en mêle et l'on répond brutalement que
l'on veut affamer les populations au profit dp la
spéculation! Que répondre des arguments
aussi peu sensés, sinon qu'en haussant les épaules
et en abandonnant ces défenseurs de la prohi
bition leurs aveugles insliocts.
On fournit les relevés statistiques des quan
tités considérables de céréales introduites en
Belgique et on y ajoute le prix comparé avec
celui d'Angleterre et de la Hollande, où l'ex-r
portatjon est toujours restée libre. Ce tableau
démontre qu'en Belgique, la prohibition 1 ex
portation au lieu d'avoir fait baisser lé prix des
céréales, l'a fait croître. Vaine démonstra
tion! répond-t-on, cela ne prouve rien. C'est
de la statistique, et on l'arrange comme on la
désire. D'ailleurs, nous savons, nous, qu'il faut
ne pas se fier ces tableaux, et nous sommes
mieux instruits que le gouvernement!
C'est ainsi qu'on réfute les arguments basés
sur des données officielles et l'on comprend
qu'il est fort difficile de convaincre des gens
qui refusent d'admettre les faits les mieux jus
tifiés. Ensuite il y a un parti qui flatte les pré
jugés populaires, pareeque, dans un autre genre,
elle en nourrit qui le font vivre. Le cléricalisme
surtout veut delà prohibition en toute matière.
S'il pouvait faire de la Belgique un petit do
maine théocratique, bien clo?, bien muré, sans
contact avec les autres peuples, il croirait avoir
atteint la perfection gouvernementale. Malheu
reusement ce suprême bonheur ne sourit pas
tout le monde et il y a encore des personnes
qui croient que la prohibition l'exportation
est une fausse mesure qui fera plus de mal que
de bien. En premier lieu, elle ne peut être effi
cace que pour autant que .nos voisins ne jugent
pas convenable d'en faire autant. En second
lieu les natioas où les céréales sont bon
marché, pourraient, suivant notre exemple,
trouver convenable de conserver chez elle* le
pain bon marché, en défendant l'exportatiQD,
puisque c'est pour ce motif qu en Belgique, on
prône la mesure.: Ainsi donc) la panacée indi
quée n'est efficace que pour autant que lés
autres ne nous imitent pas, sans cela la Belgi
que ne trouverait pas acheter ailleurs ce qui
lui manque en denrées alimentaires.
Nous devons ajouter que le gouvernement,
en concédant une première fois la prohibition
la sortie, n'a pas osé heurter de front: cette
erreur économique, espérant, que les faits eu
auraient démontré le danger. Les chiffres ont
effectivement prouvé quon avait fait' fausse
route, mais la passion nie des donuées ausbi
évidentes que la lumière du soleil, et réclame
avec obstiaalion une mesure inefficace sirton
dangereuse. Si l'on examinait froidement la
situation, on serait bientôt convaincu que dans
l'intérêt du consommateur surtout, i| faut la
libre eulrée et la librç sortie de toutes les deu*,
rées alimentaires, et l'on y arrivera bientôt, si
aujourd hui on n'ose la décréter définitivement.
.»nnr-1
Dans la séance de Lundi, M. Vanden Peere-
boom a fortement insisté la Chambre des
représentants, pour obtenir la taxe postale
uniforme de dix centimes. H croit que le pro
duit net prévu par la loi qui a introduit la
réforme postale, est atteint et que le gouverne
ment ne peut se soustraire appliquer la taxe
unique et uniforme de dix centimes.
M. le ministre des travaux publics a contesté
l'allégation que le produit net de l'administra
tion des postes dépassât les deux millions et a
dit qu'on était encore bien loin de ce chiffre
toutefois ce haut fonctionnaire paraît avoir ad
mis des frais et dépenses quLpq;doivent pas
être mis charge de ce service public. Quoi
qu'il en soit, il y aura lieu d'examiner la situa
tion et M. le ministre a été invité donner les
éléments nécessaires pour l'étudier.
Hier, après le Te Deumil y a eu revue-
parade des troupes de la garnison.
V. le mauvais-oeil.
(suite.)
Le valet des chiens saisit alors te vase qui bouillait près
du feii et fcmporla dans'le chenil. Le calme, un instant
interrompu par cette sccne terrible qui s'était terminée par
un dénoûment grotesque, se rétablit bientôt. La foule, qui
encombrait la salled'ni mes, reprit son attitude grave, mé
lancolique et imposante. On n'entendit bientôt plus que la
respiration pénible du blessé et les paroles inintelligibles
qu'il articulait dans le délire de la fièvre. Robin se mit alors
en devoir d'administrer les secours de son artà sottmaîlre.
11 tira de son bissac des simples fraîchement cueillies au
bord des claires, en fit une espèce do pâte qu'il étendit
sur un linge en murmurant des mots incompréhensibles
qu'il prononçait avec une exaltation étrange. La figure du
vieux sorcier avait pris une expression inspirée et solen
nelle. Parfois, lorsque les folles lueurs du foyer éclairaient
son front sauvage de leurs rayons rougeâlrcs et vacillants,
sa tête semblait couronnée d'une auréole magique. Le ciel
était sombre, et le demi-jour qui traversait faiblement
les vitreaux coloriés, emplissait la salle d armes d'une at
mosphère mystérieuse qui ajoutait un degré de tristesse
de plds ce Sombre tableau. La lampe de cuivre laissait
toujoùrt tomber sa fnuvc clarté sur la eouche du mark-
grave et sur Lucy-Maï, assise près du chevet, couverte de j
son voile blanc et la tête inclinée comme l'ange des tom
beaux. Les faisceaux d'armes lançaient tour tour des
reflets mornes ou sanglants scion les ondulations du feuj
et tes faces rigides des markgraves ressemblaient des
sentinelles immobilcsnutour du lit de mort d'un guerrier.
Ce spectacle produisait une forte impression sur cette as
semblée d'hommes rudes et simples, dont l'imagination
peu mobile subissait longtemps le joug d'une influence
extérieure. Ils restèrent donc tous plongés dans un muet
recueillement, tandis que Robin, après avoir posé le vul
néraire sur la plaie et fait boire une infusion au malade,
conjurait,, par ses prières et ses gestes, le malin démon
de la fièvre. Mais loin do diminuer, la fièvre augmenta,
et, soit queJesexorcismcs du sorcier eussent aigri et agité
le blessé, soit que le mal s'accrût naturellement.par l'effet
de l'inflammation, le raarkgrave tomba dans un délire
effrayant. 11 se dressa sur son séant, les yéux hagards et
flamboyants, les cheveux hérissés; puis portant La main
sa boucheyil imita durant quelques instants les sons
d'un fanfare de cor de chasse. Puis ^'interrompant sou
dains, il.s'écria d'une voix pleine et éclatante
En chasse, ThalaB! sonne Que va-t-il se passer
murmura le sorcier en fixant .son regard étrange sur le
markgrave. Monseigneur, ne sefitez-vous pas quelque
génie malfaisant qui parle en vous Il n'y a point de
mauvdis génies, dit brusquement le carme déchaussé, et
tee5t offenser Dieu que de croire aux malignes influencés.
Quoique le convoi du soir qui arrive Ypres,
soit en correspondance avec le convoi parlant
db Bruxelles trois heures, nous ne recevons
patf le courrier par' Ce train, qui-Cependant em
porte la malle pour l'AngleterreOstende
Bruges et Garni. Il est croire qu'il y a un
rouage qui fait défaut, car nous pouvons rece
voir Tes lettres et journaux par la concordance
avec l'expiess-train
Nous trouvons dans le Bulletin administratif
de l'arrondissement if Ypresune circulaire que
nous recommandons l'attention des personnes
qui s'intéressent au sort de la classe ouvrière
il est certain que l'érection des sociétés <Te se
cours mutuel», dans nos campagnes, pourrait y
prévenir bien .des misères; aujourd hui, les ou
vriers et les domestiques n'y rencontrent ni
hôpitaux ni asiles, et lorsqu'ils tombent malade,
ils sont souvent impitoyablement renvoyés sans
ressources et dans le dénûment le plus com
plet les sociétés de secours mutuels ont pour
but de leur venir en aide dans ces situations
extrêmes, non au moyen de l'aumône, mais au
moyen de leurs propres cotisations, qui sont le
produit de leurs travaux et de lëurs économies!
Nous cfoyons donc que ces institutions mé
riteraient d'être encouragés» et nous les recom-
mà'ndons la sollicitude de l'autorité. 1
SOCIÉTÉS DE SECOURS MÛTUELS. - PUBLICATION DES
STATUTS DE LA SOCIÉTÉ DE COM1NÉ9.
Ypres, le 4 Décenibl'é 1856.
Il L) ft A H £j Oéî i i. - i
Messieurs,
Je crois utile de vous.cqramuniquer les statuts dq
Les hommes qui parlent dans le délire de la fièvre profè*
rent des paroles folies et irteolrérentes.
Un sourire d'incréduli.té effleura les lèvres des assis
tants, çt^presque tous hochèrent la tôte en.silence. On
voyait régner sur le front de ces hommes superstitieux
cette sombre expression qui précède l'attente d'une scène
lugubre et mystérieuse. Le markgrave se tut un instant,
puis il agita violemment les bras, comme si une foule de
pensées oppressaient sa poitrine sans pouvoir s'en éehap-
per.
Seigneur, fit alors Lucy-Maï de sa plus douce voix,
seigneur, pensez Dieu, résignez-vous a la souffrance
soyez calme comme ddit l'être l'homme fort et croyant.
Je suis calme! s'écria le markgrave, Me prenez-vous pour
de la Vengeance a
battre mdn cœiié
ma manche', vous
dis-je^et j'irai l'attendre Oh-lcs-hommek-ont-été-lufis
Mon père m'a dit tfûé la haine faisait partie d'un héritage,
et j'ai juré sur l'Évangile.dans ce tempêta j'y éroyais
encore... J'ai juré qu'il y aurait du sang de répandu sur la
terre... n'ai-je pas tenu parole? voyez, j'en suis encore
tout couvert....Holà, mes vassaux, mes braves corbeau*
des Claires, ètes-vous contents maintenant, et vous ètes-
vous assez repus sur le cadavre de l'ennemi?... Allons,
qu'on remplisse mon vel-re, et hous boirons la mort des
lâches!... Pourquoi ne répondez-vous pas? n'êtes-vous