I
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
1,850. 18' Année.
Jeudi. 24 Février 1850.
LE PROCHES
Vires acquinteundo
ABONNEMENT S A pue» (iranco), par trimestre, 3 franes 50 c. Provinces,4francs. I Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
INSERTIONS Annonces, la ligne i 5 centimes. Réclames, la ligne 30 centimes, j être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres aiTranchics.
Ypbes, 23 février.
Depuis quelques jours, les feuilles épisco-
pales, sous le commandement de la Patrie
signalent l'Europe la conduite des élèves de
l'Athénée de Bruges, coupables, d'après eux,
d'avoir attaqué, insulté, maltraité les élèves
du collège Saint-Louis.
L'évêque de Bruges adresse au bourgmestre,
pour signaler le scandale, une lettre où i'ou
voit que
Les jeunes élèves de l'Athénée de Bruges se sont
rendus par groupes, avec préméditation et concert de
vant notre collège, pour insulter les élèves et les pro
fesseurs de cette maison qu'ils s'y sont abandonnés
des cris, qu'il nous répugne de répéter, tellement ils
sont affreux, surtout dans la bouche de jeunes enfants.
Plein de sollicitude pour son troupeau, M.
l'évêque ajoutait
Je vous conjure surtout, monsieur le bourgmestre,
de rechercher quelles sont les causes ou les iufiucnces
qui ont dû développer chez les jeunes élèves de l'A
thénée, des sentiments si peu naturels leur âge, un
ciprit d'impiété, d'insubordination et de désordre aussi
précoce et aussi général. A»
Une enquête fut ordonnée et suivie avec le
plus grand soin, et M. le bourgmestre en a
rendu compte en séance publique du conseil
communal.
Nous empruntons au Journal de Bruges
quelques extraits du rapport.
Voici une des principales phrases, relative
l'usage que, d'après Nl. Minne et la Patrieles
élèves de l'Athénée auraient fait des poignards,
de bâtons
M. le principal, interrogé par M. le commissaire s'il
avait vu des poignards ou bâtons, Al. Minne a ré
pondu qu'il l'avait entendu dire par M. l'apothicaire
Duclos; celui-ci l'a entendu dire dans sa boutique par
une femme qui l'a entendu dire par le garçon du restau
rant Âmelie, qui, de son côté, l'a entendu dire d'un frère
d'un élève, qui l'a entendu dire par une autre personne.
Ce passage a été accueilli par une explosion
de rires.
M. le bourgmestre, vivement ému, dit que
cela est, en effet, bien ridicule; mais, dit-il,
c'est cependant sur de pareilles allégations que
l'on a lancé contre ce que nous avons de plus
cher au monde, contre nos enfants, des accu-
LH ©MUT?®.
Le peintre Hubert Robert, pensionnaire libre de l'A
cadémie de France Rome, occupait avec son ami l'abbé
de Saint-Non, en 1760, une petite maison isolée, h côté
de celles qu'avaient habitées Poussin, Salvator Rosa et
Claude Lorrain, sur le mont Pincio, où s'élève encore la
gracieuse église de la Trinité du Mont, et qu'embellit
maintenant une ravissante promenade publique, créée
par le pape Pic VII. Cette maison admirablement située
pour la vue, puisqu'elle dominait le magnifique pano
rama de Rome, se trouvait, cette époque, dans la partie
la plus déserte et la plus malsaine de la ville. Le mont
Pincio, qui fut autrefois couvert des jardins de Lucullus,
de Sallustc et de Dominitien, n'offrait alors que des ter
rains en friche, des broussailles, des décombres et des
masures habitées par do pauvres gens, au teint hâve et
livide, consumés par la fièvre ou la mal'aria, mauvais
air qui s'est emparé de certains quartiers de Rome la
place d'Espagne était tracée et nommée, mais non bâtie,
et ce gigantesque escalier double rampe et balustrcs
de marbre, qui se déroule au pied du couvent de la Tri
nité et qui forme un merveilleux amphithéâtre, voyait
peine quelques moines, quelques pèlerins et quelques
salions que si elles étaient vraies, tomberaient
sous l'application du Code pénal.
Et voici la fin de la lettre que le conseil
d'administration a adressée M. l'évêque en
réponse la plaiole déposée par lui
Comme nous l'avons dit en commençant on a donné
des proportions ridicules et exagérées une simple dis
pute d'écoliers, dispute surgie entre les élèves de deux
établissements qui ne devraient jamais se mesurer que
sur le terrain de la science.
Si, au lieu de s'endormir dans sa quiétude, M. Minne
s était, dès les premiers actes dont il croyait avoir se
plaindre, adressé la police, ou, ce qui aurait ençore
mieux valu, s'il s'était concerté avec M. le préfet des
études, on aurait pu facilement remonter la cause du
mal et prévenir tout l'esclandre que l'on a assez mala
droitement donnée cette affaire.
Vous me conjurez, Monseigneur, de vouloir recher
cher les causes oules influences qui ont pu développer
chez les jeunes élèves de l'Athénée des sentiments si peu
naturels leur Age, jn esprit d'impiété, d'insubordi
nation et de désordre ÀimSi précoce et avssi^énéral.
Au nom de la dignité de l'Athénée, au nom des
honorables professeurs dont la conduite et le caractère
défient tout examen, au nom surtout des parents qui nous
confient leurs enfants, je dois, comme président du bureau
administratif et comme père de famille, protester, Mon
seigneur, contre les qualifications que vous donnez aux
élèves de nos établissements. Non, Monseigneur, nosélè-
ves, nos enfants ne sont pas des impies non, l'insubordi
nation et le desordre ne régnent pas l'Athénée, et il
nous semble que le nom seul et la qualité des parents qui
y envoient leurs enfants, auraient dû les garantir contre
ces injustes accusations.
Les élèves de l'Athénée et de l'École moyenne ne mé
ritent pas plus d'être traites d'impies et d'insubordonnés
parce que quelques-uns d'entre eux auraient proféré des
cris répréhensihles, que les élèves de S'-Louis ne mérite
raient une qualification tout aussi injurieuse, pour avoir,
en plein jour, hué et sifflé dans la rue un homme des
plus respectables de la ville, nous voulons parler de l'ho
norable M. Brans, directeur de l'École moyenne.
L'émotion qui a existé entre les élèves des deux éta
blissements parait avoir pris sa source dans quelques
disputes isolées. Malgré toutes nos investigations, il nous
a été impossible de découvrir quels ont été les premiers
agresseurs. Des deux côtés, on prétend avoir été attaqué
et battu. L'enquête a constaté que l'élève II.... de Saint-
Louis a été molesté par un élève de l'Athénée il est
également avéré qu'un élève de l'Athénée a frappé le
jeune B..., qui demeure rue de la Bouverie.
Mais ce qui est non moins prouvé, c'est que le de
ce mois, un élève de l'Athénée a été attaqué et battu par
plusieurs élèves de Saint-Louis dans la rue des Pierres,
et qu'il a été poursuivi par eux jusqu'au pont de Saint-
Jean Népomticène le plus jeune frère de ce même élève
a été attaqué, le 10 de ce mors, par quatre collégiens de
Saint-Louis, dont l'un s'est servi d'une corde nouée avec
laquelle il lui a porté plusieurs coups. Les auteurs sont
en aveu. Nous sommes également parvenus établir que,
le 2 du courant, un autre collégien de Saint-Louis s'est
vanté, par forfanterie auprès de ces camarades, d'avoir
roué de coups deux élèves de nos établissements.
Au résumé, Monseigneur, nous avons acquis, par
l'enquête, la conviction la plus intime, qu'il y a eu des
torts réciproques: aux qualifications d'apostats et d'hé
rétiques, il a été répondu par les mots de calotins cl de
papistes, et, l'occasion, on a échangé quelques coups.
Pour dire toute notre pensée nous croyons," Mon
seigneur que si. l'on voulait sincèrement s'attacher
rechercher l'origine de cette espèce d'émotion qui divise
les jeunes gens, on devrait reconnaître que les attaques
violentes et passionnées dont les établissements de l'État,
ainsi que leur personnel, sont tout moment l'objet de la
part de certains organes de la presse, ne sont («s com
plètement étrangères aux causes d'irritation qui se sont
manifestées et qui ont fini par se traduire en faits plus ou
moins regrettables. Un peu plus de charité et de modé
ration contribueraient sans aucun doute calmer les
esprits de jeunes gens trop facilement impressionnables.
Cette lettre vous est adressée, Monseigneur, au nom
du bureau administratif, qui, après avoir pris connais
sance de toutes les pièces de l'enquête, a déclaré l'una
nimité, y donner son approbation.
La publicité que les faits ont déjà reçue et qui est due
l'initiative du journal la Patrie, et notamment l'inter
vention officielle et publique dans le débat de M. l'abbé
Minne, ont déterminé le bureau donner son tour là
plus grande publicité aux divers documents du dossier.—
De cette manière l'opinion publique ne sera pas égarée
et elle pourra, en connaissance de cause, juger de quel
côté est la vérité et de quel côté est l'exagération.
Nous rappelons nos lecteurs que Nl. Mortier
reprendra son cours de taille et de êulture
d'arbres fruitiers. La première leçon aura lieu
Samedi prochain, dix heures du malin, au
local de l'École communale.
artistes monter ou descendre les cinq cents degrés qu'il
faut franchir pour aller de la place au couvent. Mais
Robert et son ami ne se plaignaient pas de la sollitude
de. leur retraite consacrée aux arts. Tous deux jeunes,
forts et confiants, ils se croyaient l'abri de l'influence
de ce mauvais air qui rendait presque inhabitable la
charmante villa Mcdicis, aux portes de laquelle ils avaient
choisi leur demeure, sans se soucier de la fièvre, des
voleurs et des minimes français, leurs voisins. Hubert
Robert n'avait pas plus de vingt-sept ans fils de pa
rents dévots qui le destinèrent de bonne heure l'état
ecclésiastique, il fut d'abord en butte une contrainte
sévère que sa vocation tenace finit par décourager. On
l'avait mis au séminaire, où il ne faisait que dessiner,
malgré les ordres rigoureux qui lui défendaient de se
livrer ce goût prononcé et dominant. Un de ses des
sins tomba dans les mains de Michcl-Angc Sloodtz, qui,
étonné des dispositions précoces du jeune homme que
l'instinct et la nature avaient fait artiste, lui donna des
leçons et des conseils, lui prédit qu'il serait un peintre
distingué, et obtint de sa famille qu'on ne contrarierait
plus son avenir. Robert sortit du séminaire avec joie et
partit pour l'Italie, ce vaste musée où sont entassés tant
de chefs-d'œuvre de l'art, cette terre classique des pein
tres et des poètes, cet éclatant foyer des inspirations et
Nous donnerons daus notre prochain n°, le
compte-rendu de la séance du Conseil qui a eu
lieu Samedi dernier.
Les questions qui ont été l'objet des délibé
rations de celte assemblée, n'offrent pas grande
importance.
du génie. Ce fut Rome qu'il se fixa, et durant plusieurs
années, il n'eut pas d'autres maîtres que l'étude des mo
numents, des sites et-des perspectives, qui parlent
l'âme autant qu'aux yeux dans celte ville et ses environs.
Il avait une ardeur infatigable pour le travail, et les
journées ne lui semblaient point assez longues, il prenait
sur ses nuits et peignait la lumière, après avoir peint
sans interruption tant que le soleil était l'horizon. Il
acheva ainsi une multitude de paysages, avant qu'un de
ses tableaux, envoyés en France ses parents, arrivât
par hasard sous les yeux de M. de Marigny, directeur
général des bâtiments du roi. M. de Marigny fut telle
ment frappé du talent réel de ce jeune artiste, qu'il s'en
déclara dès lors le protecteur, et qu'il fit comprendre
Robert au nombre des élèves de Rome, quoique celui-ci
n'eût jamais concouru pour le grand prix de peinture.
Robert ne logeait donc pas l'Académie, mais il était en
commerce journalier d'intimité et d'études avec les élèves
qui appréciaient en lui ses qualités de cœur, si nobles, si
douces, si simples et si vraies. Entre tous, il avait dis
tingué Nicolas Fragonard, qui ne lui ressemblait sous
aucun rapport et qui pourtant lui inspira tout d'abord
une vive et profonde sympathie. Fragonard, élève de
François Bouclier, avait remporté le grand prix de pein
ture, mais le voyage de Rome ne devait produire aucune