JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
IV 1,804. 18e Année.
Dimanche, 13 Mars 1850.
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LE PROGRES
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Tpres, tî Mars.
A l'occasion du Carême, le ehef diocésain de
Bruges a gratifié ses ouailles d'un mandement
assez singulier. L'Evêque de Bruges, croyons-
nous, se trompe d'époque, et dans ce document
il s'exprime comme s'il se trouvait au milieu
de la Thébaïde aux premiers siècles de l'église.
L'Echo du Parlement s'est occupé de l'œuvre
de M. J.-B. Malou, et voici ce qu'il en pense:
Le Mandement de Carême de l'évêque de Bruges traite
trois sujets, qui se rapportent trois pièges que. Satan, le
princedu'monde, s'efforccde tendre aux fidèles du diocèse
afin de leur faire perdre les fruits du Jubilé de l'année
dernière. Ces pièges sont les mauvais discours, la fré
quentation des personnes des deux sexes, et les danses
mondaines.
Nous n'avons pas bien compris ce que Mgr Malou a
voulu entendre par mauvais discours. Peut-être est-ce
une allusion aux discours prononcés dans deux séances
récentes du conseil communal de Bruges, au sujet des
calomnies dirigées par monseigneur contre les établisse
ments d'instruction moyenne de l'Etat. S'il en est ainsi,
nous plaignons fort les honorables conseillers commu
naux; car l'évêque déclare que les auteurs de mauvais
discours sont des assassins des âmes, et qu'ils méritent,
cause de leurs affreux scandales d'être précipités au
fond de In mer, avec une meule au cou.
Gardons-nous de suivre le chef du diocèse de Bruges
dans l'exposé du deuxième piège tendu aux fidèles par
le démon. Quant au troisième, nous sommes convaincus
que si Mgr Malou était archevêque de Malines, et si la
capitale faisait partie de sa juridiction diocésaine, il
n'aurait eu garde de s'exprimcrcommc il l'a fait. Ce n'est
pas dans une ville telle que Bruxelles qu'on pourrait,
sans exposer au ridicule, tenir un langage digne des
temps où les anachorètes allaient vivre d'herbes et de
racines au fond de la Thébaïde. Le troisième moyen
%quc le démon met en œuvre, dit l'évêque de Bruges,
pour détacher les âmes de Jésus-Christ et leur faire
perdre les fruits de la grâce et les bienfaits du dernier
Jubilé, est l'usage des danses mondaines.» Mgr Malou
ajoute: Pourquoi faut-il donc quel'ou s'abandonne ces
danses indécentes, lubriquesqui sont aujourd'hui
presque les seules usitées Puis il exprime l'espoir
que les magistrats chrétiens, c'cst-à-dire les bourg
mestres soumis k la domination cléricale refuseront
d'autoriser les danses, ces réjouissances païennes, qui,
organisées sous le patronage des autorités, semblent rc-
\êi\r une appurence d'honnêteté et de convenance, qu'en
pratique elles n'ont jamais, etdeviennent ainsi un véri-
(Suite.)
III.
Robert est là dit l'abbé de Sain-Non qui fit un
pas vers la chambre d'où était parti le bruit. Ce n'est
pas lui, répliqua Fragonard, qui s'empressa de devancer
son ami et qui se repentit de ce mouvement. Eh qui
donc est-ce, si ce n'est pas Robert? Je ne sais, et si je
le savois... Au fait, ce n'est personne, moins que ce ne
soient des gens qui me cherchent..Rassure-toi, j'ai
découvert la cause de ce bruit c'est la robe du P.
Alexandre, c'est ce grand sac de cuir qu'il a posé devant
lui de peur que nous n'y mettions la main pour voir s'il
ne contient pas des médailles... Quelques-unes, des
paules et des écus romains avec une belle collection de
bnïoques, dit le capucin avec un sourire aimable c'est
une journée de quête pour mon pauvre couvent de Tivoli.
Ahi poveros'écria Fragonard en prenant un air de
commisération comique. Nous ne nous plaignons pas,
dit le moine avec franchise la charité ne nous fait ja
mais faute, et nous sommes assez riches pour acheter
des tableaux d'église, outre ceux que l'on nous donne.
Celui-ci, par exemple, révérend? répliqua Fragonard
en désignant la figure nue qu'il avait ébauchée. C'est
vous que Robert a représenté dans cet honnête vieillard
qui rougit, qui baisse les yeux et qui cache ses mains.
table piège tendu l'inexpérience de la jeunesse, une
invitation au désordre.
Nous sommes persuadés que si l'évêque de Bruges y
avait réfléchi un instant, il se serait abstenu de ces ba
nales déclamations qui ne servent qu'à mettre son into
lérance en relief, et qui ne peuvent qu'être mal accueillies
par les catholiques éclairés. Le prélat ne songe pas qu'on
danse la cour, que les familles les plus catholiques j
prennent part ces réjouissances païennes, et qu'au
dernier bal de M. le bourgmestre de Bruxelles on re
marquait le nonce apostolique. Si les danses mondaines
inspirent tant d'horreur Mgr Malou, pourquoi autorise-
t-il le Journal de Bruxelles non-seulement assister en
personne aux exercices chorégraphiques du théâtre de la
Monnaie, mais même publier des feuilletons où il re
commande ce plaisir des yeux ses pieux abonnés?
Notre foire aux chevaux était assez bien four
nie et fort animée; il n'y avait pas, il est vrai,
beaucoup de chevaux au marché, mais en re
vanche toutes les écuries étaient remplies de
bon matin, un grand nombre de marchands an
glais et français s'étaient postés aux porte» de
la ville et avaient enlevé des prix fort élevés
tout ce qu ils avaient trouvé acheter. Cette
circonstance a exercé une influence sur le con
cours, car la moitié des chevaux qui étaient
amenés, dans l'intention de les présenter au
concours, étaient vendus et n'ont pas pris part
la lutte.
Le concours a cependant été aussi brillant
que l'année dernière, et nous avons remarqué
des chevaux d'une rare beauté, ce qui prouve
bien que comme chevaux de trait, notre race
ne doit la céder aucune race du monde. Nous
avons surtout remarqué le cheval hongre de M
Ricquier de Warnêton et les juments de MM.
De Backer de Zuydschote et Borry de Lange-
marck. Ces animaux sont de véritables types
de notre ancienne race flamande.
Nous publierons, dans un prochain n" le
compte-rendu de la séance de l'Association
agricole qui a été tenue Mercredi dernier. Plus
de 160 membres assistaient la réunion qui a
été consacrée plusieurs objets du plus haut
intérêt.
J'ai posé pour la tête, répondit le religieux rougissant
plus encore que le personnage du tableau. Avez-vous
vu poser cette belle personne pour la tête également
reprit Fragonard qui jouissait de l'embarras qu'il cnusait
au capucin par ces questions délicates. Je crois l'avoir
entrevue... je ne la connais pas... Robert la dit très-
estimable, et cependant elle fait un métier bien dan
gereux pour sa vertu belle comme elle est. Tous les
peintres n'ont pas la retenue de Robert. Dieu merci!...
Mais enfin, père Alcxan Ire, anriez-vous la cruauté de
prétendre nous enlever nos modèles? Oh non pas,
puisque l'on prétend que la peinture ne peut s'en passer;
mais je voudrais certaines précautions... Bon les
quelles? dit plaisamment Fragonard, avec un triomphant
éclat de rire. Je voudrais que ces femmes fussent
toujours survejllées ou gardées par quelqu'un dans les
ateliers. Ce serait très-édifiant; mais ce n'est pas pos
sible. Les malhèureyfes femmes qui prêtent ainsi leur
eorps et leur figure aux études des artistes sont exposées
de terribles dangers de séduction. Je fais appel vos
sentiments, qui sont nobles et élevés, M. Fragonard
souffririez-vous que votre fille, votre sœur, votre mère,
fût livrée la merci du premier venu?... Le mot est
dur, très-cher père un peintre, un élève de l'Académie
de France n'est pas un premier venu. Répondez, vous
êtes plus que personne en position d'apprécier ce que de
vient l'innocence d'un de vos modèles? Est-ce qu'un
modèle besoin d'innocence? Est-ce que l'on pose seule-
Après le concours aux chevaux, les membres
de l'Association agricole au nombredequarante,
se sont réunis en un banquet qui était préparé
l'Hôtel de l'Èpèesuivant toutes les prescrip
tions de la plus rigoureuse orthodoxie. Ce qui
donnait une animation extraordinaire celte
fête de famille, c'était la présence de M le
Bourgmestre d'Ypres qui, en réponse un toast
chaleureux qui lui avait été porté par M. le
Président de l'Association agricole, a trouvé
l'occasion d'exprimer les sympathies qu'il por
tait celle société et le zèle et le dévouement
qu'il apportera toujours défendre la plus im
portante de toutes nos industries.
Théâtre d'Ypres.
La troupe, sous la direction de M. Fouge-
roux, donnera demain Dimanche, une repré
sentation extraordinaire composée de Marie-
Jeanne ou la Femme du peupledrame en cinq
actes et en six tableaux, et les deux Divorces
comédie-vaudeville.
Mardi prochain, aura lieu la quatrième re
présentation de l'abonnement dont le choix des
pièces ne laisse rien désirer. Le spectacle sera
composé de Ce qus femme veut Dieu le vent
et le Lait d dnesse, deux comédies-vaudevilles,
et le Dîner de Madelon, charmante comédie.
Lundi, 21 Mars, riébut des artistes pantomi
miques. Ou donnera la Laitière suisse, ballet-
pantomime, et des exercices acrobatiques auront
lieu
Décidément, M. Fougeroux lient bien sa pro
messe, et l'exécution des jolies pièces que ses
excellents artistes représentent, fait le plus
grand plaisir nos amateurs de spectacle.
Le folliculaire de la Patrie de Bruges, le patriote
romain, l'iusulteur du libéralisme, applaudit des
deux mains, et nos Petites Affiches se joignent lui,
au sermon bonapartiste dirigé contre notre pays par
M. Dufêtre, évêque de Nevers, dans la cathédrale de
Namur, scandale dont nous avons entretenu nos lec»
teurs dans notre numéro d'avant-hier.
ment pour gagner des indulgences?... Trêve ce
libertinage, monsieur, ou je me retire dit sévèrement
le moine, qui se radoucit aussitôt et redevient souriant.
Mon cher monsieur Fragonard, vous n'aurez pas toujours
vingt-quatre ans. Malheureusement non, mon père, et
alors je pourrai bien parler raison comme vous... Mais
parlons de ce tableau, puisque vous l'avez vu faire, puis
qu'il est destiné votre couvent. Je ne le crois pas, et,
si Robert avait la généreuse pensée de nous l'offrir, je le
prierais d'y modifier quelque chose qui nous empêche
rait de l'accepter d'abord le costume de Susaunc, une
draperie est bientôt taillée coups de pinceau; ensuite la
tête du second vieillard, qui est trop ressemblante...
A monsignore Badolfo le grand inquisiteur s'écria
Fragonard que celte ressemblance n'avait pas encore
frappé; c'est d'une vérité étonnante, effroyable Je ne
sais pourquoi Robert, qui est doux comme un agneau, a
pu prendre en haine le grand inquisiteur? dit Saint-Non,
qui constata aussi la ressemblance, qu'il était impossible
d'attribuer au hasard. Monsignore Badolfo n'a pas
d'autre défaut que son excès de zèle pour le saint office,
reprit le P. Alexandre, ou plutôt son acharnement conlro
les juifs. Robert n'est pourtant pas juif, que je sache ob
jecta Fragonard, qui peignait avec ardeur, comme s'il eût
travaillé un de ses tableaux. Il est constant que Monsi
gnore et Robert ne s'aiment pas. J'en ai déjà fait des
reproches Robert, dit le capucin; il m'a répondu que le
grand inquisiteur l'avait acculé de judaïsme, parce qu'oa