27e ahnéeJ
6 FRANCS P
R AN.
JOURNAL D'YPRES ET DE IÂRRONDISSEMENT,
DN DEJEUNER DE GRANDS HOMMES
M* Jeudi,
PARAISSANT LE JEUDI E1f.E DIMANCHE.
Chronique politique.
9 Janvier 1999
UJ- I
LE PROGRÈS
ABONNEMENT PAR AN Pour l'arrond' administratif et judiciaire d'Ypres. fr. 6-00
Jdem Pour le restant du pays7-00
Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rne au Beurre, 83.
ONS: Annonces: la ligne ordinairefr. 0,15
Réclames idem.
Certains journaux s'étonnent du prétexte de
maladie mis en avant par M. de Goltz pour mo-
iver son voyage Berlin au milieu de la saison si
igoureuse que nous traversons. Il en est même
ui supposent que M. de Goltz est atteint surtout
'une maladie politique et qu'il est allé consulter
e docteur Bismark.
Hâtons-nous d'ajouter que M. Paulin Limayrac
loindepartagercescraintes.il publie en tête
u Constitutionnel un articledanslequel il cherche
mettre le public en garde contre lescommen-
aires mal fondés et parfois perfides auxquelles
ouoent lieu les discours prononcés dans ces der-
tiers temps aux Tuileries et ailleurs.
Par malheur, M. Limayrac n'a pas l'air bien
convaincu de l'efficacité de son sermon; lui-même
-avoue qu'il n'espère pas désabuser le public tant
l'esprit de parti e6t habile capter sa confiance et
exploiter sa crédulité.
Faut-il mettre sur lecompte de l'esprit de parti
la nouvelle suivante donnée par le Journal det
Juillet et det Campagnequi nous en laissous
la responsabilité.
Des lettres particulières de Lyon prétendent
.qu'un certain émoi a été produit dans celte ville
par le langage que le commandant de l'armée de
Lyon, le général comte de Palikao, a tenu ses
■oBiciers pendant la réception du i* Janvier. Ce
langage aurait fait pressentir une guerre pro-
-cliaine et le général aurait fait appel au dévoue
ment bien connu de l'armée pour l'Empereur, a
Nous devons dire que les journaux de Lyon
n'ont rien rapporté relativement aux réceptious
■du i* Janvier qui confirme les renseignements
parvenus au Journal det Villes et des Campagnes.
On a prétendu qu'en recevant les félicitations
<lu Corps Législatif. L'Empereur aurait signalé la
nécessité de presser l'organisation de l'armée,
qu'exigerait la sécurité de la France. Ces paroles,
d'après le Constitutionnel, n'ont pas été pronon
cées par l'Empereur, et, il faut s'en féliciter, car
elles auraient en un effet déplorable en ce moment.
nouvelle historique
PAR TDRPIN DE SANSAY.
I.
En l'an 1665, vers le milieu du mois des roses, nous
trouvons Laforest, servante de Molière, se taquinant
avec Antoine, jardinier de Boileau.
La scène se passe Auteuii.
Antoine, quoique valet d'un grand poète, est amou
reux, comme un simple clerc de procureur, de la gen
tille Madelon, fille de Matliurin, le vieux jardinier de
Molière et, comme son amour lui trotte sans cesse
dans la tête, il en rabat les oreilles de Laforest qui,
tout occupée des soins du ménage, un houssoir la
main, lui répond avec impatienee
Laisse-moi tranquille, ou je t'envoie cultiver (es
melons.
Comme on le voit, nos deux personnages se tutoient,
scion l'habitude d'alors, entre gens de condition.
Mes melons... c'est bel et bien, répondit le jar
dinier mais je tiens savoir si le père Malhurin me
donnera sa fille en légitime mariage...
Laforest garda le silence.
ypres, 1« Janvier.
Pendant longtemps les feuilles
poussé des clameurs contre les no
ciaires faites par M. le Ministre de
VIRES ACQCIRIT ÉCNDO.
piscopales ont
inations jodi—
a justice, la
suite de la mise en vigueur de la losur la retraite
des magistrats un âge fixé. On se ippelle encore
les belles figures de M. Dumortier, ur la virginité
de la magistrature maculée, sur l'hrmioe magis
trale ternie et autres phrases arpoulées. Mais
dans tout ce bruit, il y avait du tcul. Dans les
conciliabules catholiques le mou d'ordre était
donoé de faire beaucoup de tapage;afio de tenter
une pression sur la Couronne,eu sedmuant l'air de
subir une persécution abominable, ussi un éreio-
teraent en règle était organisé dfna les feuilles
autorisées par l'Eglise l'endroit <fe M. Bara, ce
monstre altéré de sang, selon le Bi\n Publiecet
exclusiviste(néologisme catholiqie), selon le
Journal de Bruxellesce ministre partial et en
nemi de la religion, selon toutes Ifs fanfares de
l'Eglise. A la législature, une autre tactique avait
été essayée. Pour aggraver tous les méfaits de
M. Bara, son prédécesseur M. TescH était devenu
presque un petit saint, uoe o«»-—-de l'Eslise- Il
est vrai qui ce petit jeu a eu un succès d'hilarité.
Pour ceux qui se rappellent de quelle façon
M. Tesch était iojurié quand il était ministre et
cela l'occasion de la plus mince nomination dans
l'ordre judiciaire, cette tentative de lai dresser des
autels maiatenant, pour amoindrir son succes
seur, démontre l'inanité des grands crimes qu'on
reproche ce dernier. Mais de tout temps les clé
ricaux se sont bien trouvés de gémir constam
ment, et pendant qu'ils occupaient l'opinion de
leurs feintes terreurs, ils commettaeot l'une ou
l'autre usurpation la sourdine et riaient entre
eux du bon tour qu'ils avaient joué fe ces braves
libéraux, qui avaient la naïveté de les prendre au
sérieux.
Nous devons cependant faire une exception au
coup de massue que le clérical sénateur de Bruges,
l'illustre et clairvoyant Van Caloen s voulu porter
M. Bara. Il a gravement appris par cœur quel
ques phrases et les a débitées pour expliquer son
Antoine était têtu il réitéra jusqu'à trois fois sa
question.
Si je n'étais pas si pressée pour le déjeuuer que
donne aujourd'hui M. de Molière, dit Laforest de
guerre lasse, je le laisserais morfondre dans ton amour;
mais je suis bonne fille, et je veux bien t'apprendre
que ton mariage se fera, que mon meître, généreux
comme toujours, a promis une dot Madelon, et que
le père Mathurin consent.
Une dot une dot s'écria Antoine dans
l'excès de la joie.
Ce simple mut dot, avait produit sur notre pauvre
diable l'effet d'une pile électrique. Car, qu'espérer de
l'avenir, quand on n'apporte en ménage qu'un cœur
ardent, beaucoup de vigueur, et qu'on est dépourvu de
cette clef magique qui ouvre la porte de tous les plai
sirs, de toutes les jouissances, l'argent.
Eh bien, es-tu content demanda Laforest.
Pour toute réponse, l'humble jardinier d'Autcuil
sauta au cou de la vieille servante, et l'eût embrassée...
si elle eût été embrassable.
Laforest avouait n'avoir jamais été bécotée qu'une
seule fois dans sa vie, et encore était-ce par surprise
on ignore si elle fut agréable la surprise.
Épouser le jardinier de M. Boileaupeste quel
vote négatif an budget de la justice. Le Sénat a
été émerveillé de la manière dont ce serin estho-
lique s'est acquitté de sa lâche. Mais hélas! cette
prouesse du Sire de Lophem n'a pas eu tout
l'éclat qu'on en espérait,car le ministre de la jus-
lice a cru qu'il pouvait se coosoler de l'opposition
de cet instrument clérical retombé dans le mu
tisme et, disons-le, confit dans le crétinisme ca
tholique, apanage des illustres champions de la
morale et de la religioB.
Un antre sénateur, M. de Ribeaucourt, nulle
ment rebuté du succès d'estime de son collègue,
a avant le vote du budget, fait entendre une pro
testation contre la partialité des nomioalione
faites par le ministre de la justice. Sommé par
lui, de citer des actes, M. de Ribeaucourt a man
qué de courage et a déclaré qu'il ne voulait pas se
livrer des personnalités. On lui a fait remarquer
qu'il venait d'entrer dans cette voie, l'égard de
M. Bara aana justifier aes allégations et puis il a
été pasaé au vole du budget de la jualice, sans
autres parades cléricales. Les nominations faites
par M. Bara ont été en somme beaucoup plus im
partiales que ..elles par M. Raiketti, en i83i,
par M. D'Anetliau et M. Noihomb miniaires
catholiques. A l'époque du passage de ces MM.
au ministère de la justice, aucun candidat n'avait
chance de succès, moins qu'il put obtenir de
son curé une attestation de bonne vie et moeurs.
Comme des ministres libéraux n'ont pas une hié-
narchie de l'espèce pour fournir des renseigne
ments aussi sûrs, il arrive assez souvent que des
candidats cléricaux sont nommés au détriment
des libéraux, qui attendraient longtemps de l'im
partialité des instruments de l'église, une nomi
nation ou une promotion quelconque.
L'avènement du Ministère libéral remanié jua-
qu'ici ne semble plaire ni aux journaux de l'épis-
copat, ni aux feuilles radicales. Dana cette ques
tion comme sur bien d'autres, l'entente serait-elle
établie
Cependant nous trouvons ces dernière» plus
dépitées, sans toutefois qu'elles exhalerai libre-
honneur pour M"° Madelon continua Laforest,
d'un air ironique.
Pourquoi pas reprit Antoine, un jardinier en
vaut bien un autre.
Oh tous les hommes se valent.
A preuve, répliqua Antoine c'est que mon
maître écrit en vers et que moi j'écris en prose, voilà
toute la différence entre nous deux...
Vertubleu lu ne t'égratignes pas dit, Laforest.
Oh oh il est vrai que M. Boileau est tout bon
nement le premier homme du monde, fit Antoine avec
fatuité.
Après M. de Molière, reprit Laforest, piquée au
vif.
Le rouge monta la figure d'Antoine.
Nous avons fait Y Art poétique s'écria-t-il avec
emphase.
Et nous, nous avons écrit le Misanthrope et
V Avare
Et nous le Lutrin
Et nous le Tartufe!... exclama Laforest, bran
dissant son houssoir.
Oui, mais nous soqimes plus fios... plus mor
dants... nous avons fait la Satire contre les femmes
Joli thif-d'œu\re, digne du feu Oser se com-