La réforme électorale.
Voici le texte de l'adresse acclamée par l'assem
blée des libéraux anversois
Nous apprenons que l'Association Libérale sera
convoquée prochainement, afin de délibérer sur
les mesures prendre vis-à-vis du projet de loi sur
le secret du vole et sur les fraudes électorales.
D'après les journaux deGand. une manifeslalion
des plus significatives a eu lieu Dimanche au
théâtre de celte ville. On jouait La Muette de
Portici et arrivé l'air de Amour sacré de la
Patrie, après avoir longuement applaudi, la salle
entière s'est levée en criant A bas Malou! A bas
les lois réactionnaires
On se rappelle.qu'en 1830 ce fût l'occasion du
même chant qu'éclala la révolution et qu'on cria
A bas Van Manen
M. Malou a intitulé son fameux projet de loi
projet de loi sur les fraudes électorales et sur le
secret du vote. Il eut pu l'intituler avec beaucoup
plus de raison: projet de loi pour favoriser les frau
des électorales et la violation du secret du vole.
On nous écrit de Gand que les représentants
cléricaux de cet arrondissement ont formellement
déclaré aux chefs de leur parti que l'art 78 du
projet de réforme électorale ne serait pas maintenu
par le gouvernement.
En effet, cet article aurait pour résultat d'enlever
tous droits électoraux un nombre considérable de
palentés qui ont été inscrits par l'Association con
servatrice.
On sait qu'il (Toit y avoir des élections Gand en
1878. (Echo du Parlement).
Nos journaux cléricaux viennent de com
mettre une infamie qui indigne tout ce qu'il y
a d'honnête en ville.
Non contents de calomnier leurs adversaires
dans leur vie privée, ils en sont arrivés les
frapper lâchement dans leurs intérêts.
On se demande de tous côtés si pareille
chose est permise, et si la Justice n'a pas
dire son mot sur des faits aussi odieux et aussi
préjudiciables
M. le ministre des travaux publics vient de dis
tribuer un boisseau de décorations aux fonction
naires grands et petits de son département. Avec
cela que les services qui dépendent de son dépar
tement sont si bien faits.
Le Gouvernement vient d'interdire et avec rai
son. l'entrée et le transit du bétail de diverses
provenances. Celte mesure est justifiée par la
raison que la peste bovine ou typhus contagieux
vient de se déclarer dans plusieurs pays de
l'Europe et notamment en Allemagne voici
l'arrêté royal qui figure au Moniteur de lundi
Le projet de Réforme électorale que la Flandre
Libérale a si justement appelé un leurre et une
loi de parti continue soulever dans le pays les
plus ardentes polémiques.
Dès dimanche dernier nous avons signalé les dis
positions iniques et scandaleuses de cette loi, aussi
n'y reviendrons-nous plus.
Parlons aujourd'hui de la situation révolution
naire qu'elle crée dans le pays tout entier.
Celte loi si elle était adoptée aurait pour consé
quence fatale d'assurer la domination définitive du
parti clérical, car au lieu de garantir le secret du
vole, elle autorise la plus infaillible des pressions,
elle sanctionnele contrôle certaine de tous les bul
letins, elle livre l'électeur pieds et poings liés ses
plus mortels ennemis.
Une loi qui couvre de son aile protectrice un régi
me aussi déshonorant, doit fatalement si elle était
bénévolement acceptée conduire le pays une
profonde décadence morale, puisqu'elle fait litière
de la dignité humaine et réduit la partie la plus
intelligente de la nation au plus odieux des serva
ges.
der l'indépendance de l'électeur et le secret du vote. Une
adresse conçue dans ce seos sera la première mesure du libé
ralisme. Tous, dit l'orateur, nous avons lé pressentiment
du dénoûmenl prochain d'une crise violente. Faisons le ser
ment de défendre nos droits politiques, les libertés que nos
pères ont conquises et que nous entendons léguer immacu
lées nos enfants.
Cette énergique péroraison est couverte d'acclamations
frénétiques. Quand le silence se rétablit, M. Pecber donne
lecture d'une adresse des trois Associations politiques la
gauche parlementaire et la Fédération libérale. Cette adresse,
conçue dans des termes dignes et énergiques, est chaleureuse
ment applaudie.
M. Delvaux est le second orateur de la séance. Il fait
appel au patriotisme de tous les Belges pour s'opposer par
tous les moyens légaux l'exécution du projet téméraire du
cabinet. Il évoque le souvenir des dernières luttes électorales
et des protestations qu'ont fait éclater les nombreux faits de
fraude rl de corruption dénoncés par les associations libéra
les et par M. Bara (longues acclamations), l'honorable prési
dent de la Fédération libérale.
M. Malou reconnut le fondement de ces griefs, il promit
une réforme et il convia les deux partis s'unir pour la
réaliser, ajoutant qu'il ne fallait pas que cette loi fût une lui
conçue de malices, comme l'avaient insinué certains jour
naux. On sait comment M. Malou a tenu ses engagements.
Son projet ne mérite qu'un nom, c'est un crime de lèse-patrie.
Jésuitique dans sa première partie, il est violent et brutal
dans sa seconde.
(M. Malou est en ce moment l'objet d'une ovation plus
bruyante que flatteuse).
L'oratrur déclare que ce projet, qui a surpris la confiance
du Roi, ne peut être, ne sera pas voté, et il passe en revue
les dispositions arbitraires, anticonstitutionnelles qu'il ren
ferme. Il approuve le bulletin officiel, mais ce bienfait,
emprunté ia législation anglaise, est détruit par l'innova
tion du bulletin de parti. Le vote par commune aggrave
encore celte mesure hostile l'indépendance de l'électeur
qu'elle assujettit a la plus dégradante surveillance.
Après avoir fait le tableau de l'asservissement des élec
teurs ruraux, tenus dans les ténèbres et sevrés de toute vie
intellectuelle et politique, l'orateur examine la srconde partie
de la loi qui n'a d'autre but que de supprimer les électeurs
gênants. Le titre H est un canon braqué contre Anvers. Il
met en suspicion l'électeur qui n'est pas propriétaire il
détruit l'égalité des citoyens devant la loi, en créant des
catégories de contribuables, et il confisque le droit électoral
de 2,122 électeurs communaux Anvers.
Une pareille monstruosité ne saurait entrer dans notre
législation. L'énergie des députés libéraux, soutenue par
l'énergie du pays entier, en fera justice. El, chose curieuse,
moins de se donner lui-même un démenti, M. Victor
Jacobs, ancien ministre des finances, devra se faire leur allié,
car il a combattu, en 1871, la disposition que nous combat
tons aujourd'hui il a protesté contre le payement de l'impôt
pendant quatre années, disant qu'on ne pouvait toucher aux
droits acquis, et que la révision annuelle des listes détruisait
tout danger de fraude.
M. Delvaux termine en critiquant le système inquisitorial
introduit dans le projet pour contrôler les déclarations des
négociants les plus honorables et en citant ce trait piquant
que, dès le mois dernier, les prêtres recherchaient des pa
tentes en prévision des élections de 1890. Le clergé connais
sait déjà les vues du cabinet
Si, contre toute prévision, le projet de loi était voté,
nous aurions, s'écrie l'orateur, faire appel l'énergie la
plus virile des Belges. Pas plus que nos aïeux, nous ne
supporterons aucun despotisme.
Cette conclusion, qui électrise l'assemblée, est reprise et
développée en termes chaleureux par M. Florus. L'orateur
flamand prend ensuite la défense des droits des officiers de
l'armée, dont le cabinet a fait si bon marché. Il proteste de
toutes ses forces contre le coup d'Etat du ministère et compte
sur la résistance patriotique de tous les citoyens.
M. Vandertaelen a partagé l'illusion de beaucoup de ses
amis quant aux dispositions du cabinet il partage actuelle
ment leur confiance dans le rejet du projet. Le gant qu'on
nous jette la face nous le relevons. Fidèle au serment qu'il
a juré en acceptant les fonctions d'écbevin, l'honorable ora-y
leur attend la même fidélité de ceux qui sont les dépositaires
du pouvoir (Bruyantes acclamations). Agissons légalement,
conservons le calme du droit aussi longtemps qu'on ne nous
forcera pas d'en sortir. (Acclamations nouvelles). Réunissons-
nous et discutons pour faire entrer notre conviction dans
l'esprit de tous. Organisons des meetings et ne nous reposons
qu'après avoir obtenu justice.
Une chaleureuse ovation est faite au sympathique ora
teur. La séance est levée au milieu d'un grand enthousiasme.»
A MM. tes membres de ta gauche parlementaire.
A MM. les président et membres de la Fédération
libérale.
Le projet de réforme électorale présenté par le ministère
clérical n'est pas seulement une loi de parti, c'est un véritable
coup d'Etat tenté par un pouvoir qui, se sentant abandonné
par le pays, espère gouverner encore en écrasant le parti
libéral.
Celte tentative révolutionnaire n'a rien qui nous surpren
ne elle est dans les traditions du parti clérical, mais elle
crée la patrie une situation périlleuse qui nous alarme
vivement.
Le ministère accentue brutalement une situation déjà
pénible.
Il divise les Belges en deux cainps ennemis. C'est donc
vers vous, messieurs, que nous prenons notre recours. Vous
êtes nos seuls représentants, nos seuls défenseurs, et nous
venons vous demander de conjurer le danger qui menace la
Belgique.
Nous vous adjurons de réunir tons vos courages, tous vos
dénouements pour nous éviter la honte et le désespoir de voir
nos droit politiques les plus précieux vendus et livrés aux
irréconciliables ennemis de nos libertés constitutionnelles.
Sans la réalité de son gouvernement représentatif la Belgi
que libre n'existe pas.
Le projet de loi Malou lui porte un coup de mort.
Le retrait pur et simple de cet infâme projet de loi, tissu
inextricable de fourberies tous les jours encore découvertes,
pourra seul apaiser nos patriotiques angoisses.
Dans les graves circonstances du moment, ce résultat ne
saurait être au-dessus de la puissance de l'opinion libérale
mais, messieurs, si vos efforts devaient échouer dans cette
patiiotique entreprise, les libéraux d'Anvers prennent l'en
gagement de combattre sous votre bannière, celle du droit
et de la liberté, jusqu'à ce qu'avec vous ils aient obtenu le
redressement d'un grief national que le ministère lui-même
a reconnu légitime.
Nous ne nous adressons pas la majorité parlementaire
issue d'élections frauduleuses, elle a cessé de représenter
l'opinion du pays. Elle n'exiite plus pour nous.
Nos revendications nous les avons clairement indiquées et
nous les maintenons v
Nous voulons dans les élections tindépendance de l'élec
teur et le secret du vote.
C'est la réalisation de celte réforme que l'opinion publique
attend de votre sagesse, de votre patriotisme.
Comme nous, les conseils communaux dis grandes villes
estiment que la paix publique est ce prix.
C'est pour en assurer le maintien avec le concours de tous
les patriotes que nous vous demandons de vous opposer avec
une indomptable éuergie aux aggressions aussi audacieuses
que coupables dirigées par le ministère contre nos droits et
nos libertés.
Nous vous prions, messieurs les membres de la gauche
parlementaire et messieurs les président et membres de la
Fédération libérale, d'agréer l'assurance de notre haute con
sidération.
les libéraux unis d'anvers
Le président et membres du comité central de
l'Association libérale et constitutionnelle,
Le président et membres du comité central du
Libérale vlaamsche Bond.
Le président et membres du comité central de
la Ligue des Gueux.
MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR.
Typhus contagieux. Interdiction de t'entrée et du
transit du bétail, etc.de diverses provenances.
LÉOPOLD II, Roi des Belges,
A tous présents et venir, Salut.
Vu la loi du 7 février I8CG, relative au typhus contagieux
Revu Notre arrêté du 2i de ce mois
Considérant que cette épizootie s'est déclarée en Angleterre
et qu'elle règne dans d'autres pays d'Europe
Sur la proposition de Notre Ministre de l'intérieur,
Nous avons arrêté et arrêtons
Art. 1". Sont interdits par la frontière de terre et de nier,
l'entrée et le transit des bêtes bovines et ovines et de tous les
autres animaux de l'ordre des ruminants ainsi que de la vi
ande, des peaux et autres débris l'état frais de ces animaux,
de la paille, du foin et des autres fourrages du fumier, des
ustensiles d'étables ayant servi des poils, des cornes des
bouts de cornes, des os, des vieux habits et des chiffons, le
tout provenant de l'impire allemand, de la Grande-Bretagne et
de l'Irlande, de la Russie, de l'Autriche-Hongrie, des princi
pautés Danubiennes et ue la Turquie.
Art.'2. L'importation et le transit des animaux marchan
dises et objets indiqués l'article précédent et provenant d'au
tres pays pourront être soumis des justifications de prove
nance, la satisfaction de l'administration de la douane.
Art. 3. Notre Ministre de l'intérieur est chargé de l'exécu
tion du présent arrêté, qui sera exécutoire dater du 31
janvier courant.
Donné Bruxelles, le 27 janvier 1877.
LÉOPOLD.
Par le Roi
Le Ministre de l'intérieur,
Delcour.